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TI AUXERRE, 26 août 1999

Nature : Décision
Titre : TI AUXERRE, 26 août 1999
Pays : France
Juridiction : Auxerre (TI)
Demande : 99/20
Décision : Sans
Date : 26/08/1999
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 15/01/1999
Numéro de la décision : 0
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 29

TI AUXERRE, 26 août 1999 : RG n° 99/20

Publication : Site CCAB

 

Extrait « Aux termes de l'article 14-1 des conditions générales du contrat d'abonnement, lorsque l'abonné résilie avant la fin de la période initiale de 12 mois, les redevances d'abonnement restant à courir, jusqu'à l'expiration de cette période deviennent immédiatement exigibles » ; « La clause prévue à l'article 14-1 du contrat d'abonnement instaure donc un déséquilibre significatif entre les droits de SFR et les obligations de l'abonné, lorsque comme en l'espèce, l'abonné se trouve dans l'impossibilité, pour des raisons indépendantes de sa volonté, de faire usage d'un téléphone portable aux conditions initiales du contrat (achat téléphone + abonnement au prix de 690,00 Francs). »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’AUXERRE (Yonne)

JUGEMENT DU 26 AOÛT 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/20 (IS).

DEMANDERESSE :

Madame X.

Comparant en personne.

 

DÉFENDEUR :

Société Française de Radiotéléphone (SFR)

[adresse] Représentée par Maître Claude Rychter, Avocat au Barreau de Paris

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL

JUGE : Nelly CARLIER

GREFFIER : Annick CHARLIER

 

DÉBATS

Audience de conciliation : 18 février 1999 - Audience de plaidoirie : 18 mars 1999

Mis en délibéré au : 6 mai 1999, prorogé à ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSE DU LITIGE

Mme X. a acheté auprès de la SARL DIRCOM à [ville] un Pack SFR contenant un téléphone portable de marque Sony CMDX-2000 et une demande d'abonnement auprès de la Société Française du Radiotéléphone pour le prix de 690,00 Francs T.T.C., suivant facture du 17 juillet 1998.

Par déclaration au greffe enregistrée le 15 janvier 1999. Mme X. a demandé la convocation de SFR afin d'obtenir :

* la résiliation du contrat d'abonnement la liant à SFR à compter du 17 août 1998,

* sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- 495,00 Francs et 331,71 Francs (par conclusions postérieures) au titre des mensualités d'abonnement déjà payées à SFR,

- 300,00 Francs à titre de remboursement des frais de téléphone, photocopies, recommandées, etc.

- 190,00 Francs à titre de remboursement du câble-batterie,

- 500,00 Francs de dommages-intérêts, portés à 5.000,00 Francs par conclusions additionnelles pour privation de l'usage d'un téléphone portable.

A l'appui de sa demande, elle fait valoir que le 24 juillet 1998, soit 7 jours après son achat, le téléphone portable Sony acheté dans le cadre du Pack SFR a reçu un peu d'eau à la suite d'une vague provoquée par le passage d'un bateau à moteur, alors que le portable se trouvait posé à l'intérieur d'un voilier dans une équipée du bateau prévue à cet effet, qu'elle n'a commis aucune faute à cet égard, la présence des portables à bord d'un tel bateau n'étant pas interdite et la mer étant calme, que la compagnie d'assurance, la MURACEF a accepté de lui rembourser le portable pour le prix du Pack de 690,00 Francs dans le cadre de la garantie achat en estimant que le portable avait été détruit par un événement naturel imprévisible et qu'il s'agit donc d'un cas de force majeure, entrant dans le cadre de l'article 13 du contrat d'abonnement qui prévoit que dans ce cas le service SFR doit être interrompu.

Elle expose que SFR refuse pourtant de résilier son abonnement, alors que l'achat du téléphone portable est bien indissociable du contrat d'abonnement et qu'il ne lui a pas été possible de racheter le même modèle de portable pour assurer la continuité de l'abonnement, le portable en question n'étant plus fabriqué depuis le mois de juin 1998 et n'étant pas vendu séparément de l'achat d'un Pack SFR

Elle ajoute que l'achat d'un autre modèle de portable lui coûterait un prix supérieur à celui de 690,00 Francs et qu'elle devait impérativement racheter le même [minute page 3] modèle, d'une part pour pouvoir réutiliser la batterie du premier et le câble spécifique permettant la recharge sur batterie, câble acheté au prix de 190,00 francs et d'autre part pour pouvoir justifier auprès de la compagnie d'assurance, qui acceptait de prendre en charge le sinistre, de l'achat du même appareil.

Elle invoque les dispositions de l'article L. 132-2 du Code de la consommation aux motifs que le contrat d'abonnement SFR ne satisfait pas à l'exigence de clarté préconisée par ce texte, les conditions générales imprimées au verso de la demande d'abonnement rendant leur connaissance pratiquement impossible avant la signature du contrat.

Elle considère que la clause qui prévoit que la force majeure doit s'appliquer à tous les éléments permettant le service SFR de base doit s'appliquer au portable, élément indispensable à l'utilisation du service, comme les autres équipements de radiotéléphonie et qu'à défaut de réciprocité de cette clause, elle doit être déclarée abusive.

 

La Société Française de Radiotéléphonie conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et demande à titre reconventionnel la condamnation de Mme X. à lui payer les sommes suivantes :

- 330,00 Francs au titre des mensualités d'abonnement impayées,

- 165,00 Francs par mois au titre des mensualités d'abonnement à venir jusqu'au 17 juillet 1999, date d'expiration de l'abonnement,

- 5.000,00 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle expose que le contrat de vente et le contrat d'abonnement constituent des obligations réciproques totalement distinctes, que l'engagement de la compagnie d'assurance à l'égard de Mme X. ne lie pas SFR, tiers aux relations contractuelles existant entre Mme X. et sa compagnie d'assurance, et que c'est ainsi qu'il appartient à Mme X., qui a perdu l'usage de son téléphone portable et qui a été remboursée d'en acquérir un autre.

Elle précise que le contrat d'abonnement ayant été souscrit pour une durée d'un an, l'abonné reste tenu de payer le montant du prix du forfait jusqu'à l'expiration de cette période et ce, même si l'abonné en demande la résiliation.

Elle fait valoir que Mme X. ne rapporte pas la preuve que l'incident ayant occasionné la perte de son portable résulte d'un cas de force majeure, la destruction d'un portable sur un voilier par une vague d'eau marine n'étant pas imprévisible et ce d'autant plus que le hublot du bateau était ouvert.

Elle indique qu'en tout état de cause, la lettre du contrat d'abonnement laisse apparaître que la force majeure visée dans les conditions générales d'abonnement concerne celle qui peut interrompre le service de SFR de base, c'est-à-dire le fonctionnement des équipements de radiotéléphonie et non les événements indiqués par Mme X.

[minute page 4] Elle ajoute également que Mme X. ne rapporte ni la preuve de l'achat du câble batterie, ni la preuve de l'existence d'un préjudice, d'une faute commise par SFR et d'un lien de causalité entre préjudice et faute.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

* Sur la résiliation du contrat d'abonnement :

Il ressort des articles 4 et 14-1 des conditions générales du contrat d'abonnement souscrit auprès de SFR que ce contrat est conclu pour une durée indéterminée avec une période initiale de 12 mois et que ce contrat peut être résilié par l'une ou l'autre des parties par lettres recommandées avec accusé de réception.

Il ne résulte pas de l'examen des autres dispositions du contrat que cette résiliation par l'abonné doive être subordonnée à l'existence d'un motif particulier, l'abonné étant libre de résilier le contrat quelles qu'en soient les raisons, et ce même au cours de la période initiale de 12 mois.

Aussi, les considérations développées par les parties et tenant à la force majeure sont-elles complètement indifférentes, puisque le contrat autoriser l'abonné à résilier le contrat sans motif particulier.

En l'espèce, il convient de considérer que Mme X. a résilié le contrat d'abonnement la liant à SFR par lettre du 4 septembre 1998, dont le service client SFR Abonnés accuse réception le 12 septembre 1998, le courrier de Mme X. en date du 17 août 1998, qui menace SFR d'une suspension des paiements de redevances, ne pouvant être assimilé à une résiliation de contrat.

Il convient donc simplement de constater que la résiliation du contrat d'abonnement liant Mme X. à SFR est intervenue le 12 septembre 1998.

 

* Sur le paiement des redevances d'abonnement :

Aux termes de l'article 14-1 des conditions générales du contrat d'abonnement, lorsque l'abonné résilie avant la fin de la période initiale de 12 mois, les redevances d'abonnement restant à courir, jusqu'à l'expiration de cette période deviennent immédiatement exigibles.

En l'espèce, en vertu de cette clause, et malgré la résiliation du contrat intervenue le 12 septembre 1998, les redevances d'abonnement restent dues par Mme X. jusqu'au 17 juillet 1999, date d'expiration de la période initiale de 12 mois.

Or, l'article L. 132-1 du Code de la consommation prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs sont abusives, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les [minute page 5] obligations des parties au contrat, que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat et qu'il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

En l'espèce, il convient de relever, contrairement à l'argumentation de la SFR que l'achat d'un « Pack SFR » constitue pour l'acheteur un groupe de deux contrats indissociables :

- un contrat de vente d'un téléphone portable,

- un contrat d'abonnement téléphonique.

Même si les parties contractantes sont différentes (le contrat de vente ayant été conclu en l'espèce avec la SARL DIRCOM et le contrat d'abonnement avec SFR), il n'est pas contestable que l'achat d'un Pack SFR oblige l'acheteur en acquérant le téléphone portable à souscrire un contrat d'abonnement auprès de la SFR et qu'en contrepartie, le vendeur offre à l'acheteur un téléphone portable à un prix intéressant, bien inférieur au prix d'achat d'un téléphone portable indépendant de tout abonnement.

Cette indivisibilité des deux contrats est confirmée d'une part par la dénomination attribuée à cette opération d'ensemble « Pack SFR » et d'autre part par les mentions figurant sur l'emballage de ce pack qui précisent :

- « le portable contenu dans ce Pack est utilisable exclusivement sur le réseau GSM de SFR avec la carte SIM incluse » ;

- « Votre Pack SFR comprend un téléphone portable Sony CMDX 2000 avec sa batterie et son chargeur, un livret SFR comprenant un guide d'information, une carte SIM d'accès au réseau SFR et une demande d'abonnement au forfait national SFR à retourner à SFR ».

Il est constant que le téléphone portable acheté par Mme X. dans le cadre de ce Pack ne fonctionnait déjà plus 7 jours après son achat à la suite d'un accident survenu sur un bateau, que Mme X. a obtenu le remboursement de ce portable au prix du Pack, par la compagnie d'assurance de sa carte bleue dans le cadre de la garantie achat et qu'elle a été dans l'impossibilité de faire usage de ce téléphone depuis le 24 juillet 1998.

Mme X. justifie, par ailleurs, être dans l'impossibilité de se procurer un téléphone portable de même marque et de même modèle en raison de son arrêt de fabrication par le fournisseur, le téléphone en question n'étant plus que commercialisé sous forme de pack, assorti d'un contrat d'abonnement, ainsi qu'il résulte d'une attestation du directeur du magasin DARTY à Auxerre.

Dans ces conditions, et conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 [minute page 6] du Code de la consommation, la clause qui permet à SFR de continuer à percevoir les redevances d'abonnement jusqu'à la date d'expiration de la période initiale de 12 mois, doit être considérée comme abusive dans la mesure où elle confère à SFR le droit de percevoir des redevances sans contrepartie pour l'abonné qui se trouve du fait de la déficience définitive de son portable, dans l'impossibilité de bénéficier des services offerts par SFR

SFR fait valoir, à cet égard, que Mme X. pouvait continuer à bénéficier des services du contrat d'abonnement en achetant un téléphone portable d'une marque ou d'un modèle différent de celui compris dans le pack ou en achetant un nouveau pack.

Il n'est cependant pas démontré que l'achat d'un nouveau pack SFR par Mme X. permettrait de substituer le contrat d'abonnement résultant de l'ancien pack par le contrat d'abonnement résultant du nouveau pack et lui éviterait le paiement des redevances d'abonnement afférent au premier pack. Il ne ressort d'ailleurs d'aucune des pièces versées aux débats que SFR ait proposé à Mme X. ce type de résolution du litige, en l'occurrence, rachat d'un pack SFR et suspension de paiement des redevances d'abonnement afférent à l'ancien pack.

Par ailleurs, si Mme X. peut effectivement acheter un nouveau portable d'une marque ou d'un modèle différent, indépendamment de tout abonnement, il est constant que cet achat s'effectuera à un prix bien supérieur à celui du Pack SFR, dont le prix est pour le consommateur un des éléments déterminants du contrat de vente et par voie de conséquence, de contrat d'abonnement auprès de SFR

La clause prévue à l'article 14-1 du contrat d'abonnement instaure donc un déséquilibre significatif entre les droits de SFR et les obligations de l'abonné, lorsque comme en l'espèce, l'abonné se trouve dans l'impossibilité, pour des raisons indépendantes de sa volonté, de faire usage d'un téléphone portable aux conditions initiales du contrat (achat téléphone + abonnement au prix de 690,00 Francs).

Cette clause doit donc être déclarée réputée non écrite conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation et Mme X. est fondée à obtenir le remboursement des sommes versées à SFR au titre des redevances d'abonnement à compter de la date de résiliation du contrat d'abonnement, soit à compter du 12 septembre 1998. Mme X. ne sollicitant le remboursement des redevances d'abonnement que jusqu'au mois de décembre 1998, SFR sera donc condamné à lui payer le montant forfaitaire des redevances d'abonnement perçues de septembre à décembre 1998, soit la somme totale de 660,00 Francs (4 x 165,00 Francs), ainsi que celle de 1,71 Francs au titre des intérêts perçus par SFR, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Parallèlement et compte tenu de l'ensemble de ses explications, SFR doit être déboutée de sa demande en paiement des mensualités d'abonnement jusqu'au 17 juillet 1999.

[minute page 7]

* Sur le remboursement du câble-batterie :

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par Mme X. aux fins de remboursement d'un câble-batterie, cet achat ayant été effectué indépendamment de l'achat du Pack SFR et ne présentant pas un lien direct avec les conditions du contrat d'abonnement auprès de SFR

Mme X. sera donc déboutée de cette demande.

 

* Sur la demande de dommages et intérêts :

Mme X. ne démontre pas avoir subi un préjudice indépendant du règlement des redevances d'abonnement et imputable à SFR

En effet, la privation de l'usage du téléphone portable ne saurait être imputable à SFR, puisque la privation de cet usage a pour origine un incident survenu sur un bateau, dans lequel le portable litigieux se trouvait.

Mme X. sera donc également déboutée de ce chef de demande.

 

* Sur le remboursement des frais :

Cette demande doit être analysée en une demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à Mme X. les frais qu'elle a exposés dans le cadre du présent litige et non compris dans les dépens.

SFR sera donc condamné à lui payer la somme de 300,00 Francs à ce titre.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire bénéficier à SFR des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

- Constate que la résiliation du contrat d'abonnement liant Mme X. à la Société... en date du 17 juillet 1998 est intervenue le 12 septembre 1998 ;

- Déclare la clause prévue par l'article 14-1 alinéa 2 des conditions générales de ce contrat d'abonnement comme étant abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

- Dit en conséquence, que cette clause est réputée non écrite ;

- [minute page 8] Condamne la SFR à rembourser à Mme X. la somme de 660,00 Francs au titre des redevances d'abonnement perçues de septembre à décembre 1998, ainsi que celle de 1,71 Francs au titre des intérêts perçus, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- Rejette les demandes formées par Mme X. aux fins de remboursement du câble-batterie et de dommages et intérêts ;

- Rejette la demande reconventionnelle formée par SFR aux fins de paiement des redevances d'abonnement jusqu'au 17 juillet 1999 ;

- Condamne la SFR à payer à Mme X. la somme de 300,00 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- Déboute la SFR de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- Condamne la SFR aux dépens.