CA VERSAILLES (3e ch. civ.), 30 janvier 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 3032
CA VERSAILLES (3e ch. civ.), 30 janvier 2004 : RG n° 02/00415
Publication : Legifrance
Extrait : « Considérant que le Conseil d’Etat, statuant le 29 décembre 2000 sur la légalité de l’arrêté susvisé et de ses annexes définissant les clauses type du contrat d’assurance devant être conclu par les établissements de transfusion sanguine, après avoir visé les dispositions de l’article 1131 du code civil et de l’article L. 124-1 du code des assurances, a déclaré illégal ledit arrêté en ce que l’article 4 de son annexe comportait une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine ; Considérant que toute déclaration d’illégalité d’un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; Qu’il convient, sans qu’il y ait lieu, ni de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation, ni de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes, d’écarter l’application de l’arrêté ministériel du 27 juin 1980 pris pour l’application de l’article L 667 du code de la santé publique et de ses annexes définissant les clauses type du contrat d’assurance devant être conclu par les établissements de transfusion sanguine ;
Que, par voie de conséquence, il convient d’écarter l’application de la clause de garantie subséquente telle qu’elle figure au contrat souscrit par le CDTS DES YVELINES-NORD ;
Considérant encore que la société AXA FRANCE ne démontre aucunement que la clause litigieuse serait indissociable des autres dispositions du contrat d’assurance et que sa disparition entraînerait une rupture de l’équilibre contractuel ; qu’elle ne prouve donc pas le défaut de cause allégué ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/00415. RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 octobre 2001 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (3ème chambre) : R.G. n° : 1999/6979.
LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE :
Compagnie AXA FRANCE IARD anciennement dénommée AXA ASSURANCES IARD et venant aux droits et obligations de la compagnie AXA COURTAGE IARD
[adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège représenté par la SCP KEIME & GUTTIN, avoués, plaidant par Maître LABI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
1/ Madame X. épouse Y. agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, A. Y.
[adresse], représentée par la SCP GAS, avoués, plaidant par Maître POULIQUEN-GOURMELON de la SCP LEGRAND PONGE FLECHELLES, avocat au barreau de VERSAILLES (case 120)
ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :
2/ SCP LAUREAU-JEANNEROT pris ès qualités de commissaire à l’exécution du plan et ès qualités d’administrateur ad hoc du CENTRE DE TRANSFUSION SANGUINE YVELINES NORD (CDTS)
[adresse], représenté par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués, ayant pour avocat Maître DE FREMONT au barreau de VERSAILLES INTIMEE DEFAILLANTE
3/ CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
[adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
4/ ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS),
représenté par son président, monsieur B. dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège, ci-devant [adresse], et actuellement [adresse], représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués, plaidant par le cabinet HOUDART, avocats au barreau de PARIS substituant Maître FOURE, avocat au barreau de PARIS (A.294)
5/ Mademoiselle V. Y. devenue majeure,
reprenant à son compte l’instance précédemment introduite par sa mère en son nom personnel, [adresse], représentée par la SCP GAS, avoués, plaidant par Maître POULIQUEN-GOURMELON de la SCP LEGRAND PONGE FLECHELLES, avocat au barreau de VERSAILLES (case 120)
Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du nouveau code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 décembre 2003 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François GRANDPIERRE, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Dominique GUIRIMAND, Président, Monsieur François GRANDPIERRE, Conseiller, Monsieur Jean-Michel SOMMER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claire THEODOSE,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Statuant sur l’appel interjeté par la société AXA COURTAGE, assureur du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE (CDTS) DES YVELINES-NORD, contre le jugement rendu le 16 octobre 2001 par le tribunal de grande instance de VERSAILLES qui a :
- donné acte à l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG de son intervention volontaire et l’y a déclaré recevable,
- l’a mis purement et simplement hors de cause,
- déclaré maître JEANNEROT, commissaire à l’exécution du plan de cession du CDTS DES YVELINES-NORD, irrecevable en son intervention volontaire,
- constaté que la SCP LAUREAU-JEANNEROT n’avait plus qualité pour représenter le CDTS DES YVELINES-NORD en tant qu’administrateur judiciaire de l’association et déclaré irrecevable la demande fondée contre elle,
- dit que Mme X., épouse Y., n’était pas tenue de déclarer ses créances au passif du redressement judiciaire du CDTS DES YVELINES-NORD, ni, compte tenu de la disparition juridique de cette personne morale, de l’attraire à l’instance qui est dirigée directement contre l’assureur,
- déclaré le CDTS DES YVELINES-NORD, aujourd’hui disparu, responsable, en vertu des dispositions de l’article 1147 du code civil, des conséquences dommageables, pour Mme Y., de sa contamination due au virus de l’hépatite C en raison de la fourniture de produits sanguins qui n’étaient pas exempts de vices au mois d’avril 1985,
- donné acte à Mme Y. de son action directe engagée contre la société AXA COURTAGE, assureur du CDTS DES YVELINES-NORD,
- condamné la société AXA COURTAGE à payer à Mme Y. la somme de 7.622,45 euros (50.000,00 francs) à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice personnel,
- avant dire droit sur l’indemnisation du préjudice personnel de Mme Y. et sur le préjudice moral de V. Y. et A. X., ordonné une mesure d’expertise médicale,
- sursis à statuer sur toutes les autres demandes ;
Considérant, sur l’action principale engagée par Mme Y., que la société AXA FRANCE, anciennement dénommée AXA ASSURANCES, venant aux droits de la société AXA COURTAGE, qui sollicite l’infirmation du jugement, demande que la susnommée soit déboutée de toutes ses réclamations ;
Qu’à cette fin et après avoir exposé que Mme Y., atteinte d’une hépatite C chronique, rattache cette maladie à des transfusions sanguines reçues entre le 18 avril et le 2 mai 1985 à l’hôpital Ambroise PARE où elle a été hospitalisée pour une agranulocytose, la société AXA FRANCE fait d’abord valoir que le CDTS DES YVELINES-NORD n’est pas valablement représenté et que, partant, il n’est pas possible de statuer sur une éventuelle responsabilité dans la contamination de Mme Y. par le virus de l’hépatite C qui aurait eu lieu à l’occasion de la transfusion de produits sanguins prétendument fournis par cet établissement ;
Que la société AXA FRANCE soutient encore qu’il ne résulte pas des faits de la cause un faisceau de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes au sens de l’article 1353 du code civil, auquel l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne déroge aucunement, permettant de présumer que les produits sanguins transfusés à Mme Y. au mois d’avril 1985 proviendraient du CDTS DES YVELINES-NORD et seraient à l’origine de la contamination due au virus de l’hépatite C ; que, partant, la responsabilité du CDTS DES YVELINES-NORD ne saurait être retenue ;
Que, sur l’action dirigée contre elle, la société AXA FRANCE conclut au rejet des prétentions adverses en déclinant sa garantie ;
Que la société AXA FRANCE demande, à titre principal, qu’il soit sursis à statuer sur la demande jusqu’à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 26 avril 2001 par la Cour d’appel de PARIS ; qu’à cette fin, elle fait observer que la Cour de cassation doit se prononcer sur les conséquences de l’arrêt rendu le 29 décembre 2000 par le Conseil d’Etat et relatif à l’annexe 4 de l’arrêté interministériel du 27 juin 1980 concernant les contrats d’assurance souscrits par les centres de transfusion sanguine pour satisfaire à l’obligation imposée par l’article L. 667 du code de la santé publique ;
Qu’à titre subsidiaire, l’intimée demande qu’il soit décidé que la déclaration d’illégalité de l’article 4 de l’arrêté interministériel du 27 juin 1980, prononcée par le Conseil d’Etat en son arrêt du 29 décembre 2000, n’a pas d’effet rétroactif et qu’elle n’a pas pour conséquence de remettre en cause rétroactivement le contrat d’assurance et, plus particulièrement, la clause de garantie subséquente stipulée conformément à l’autorisation donnée par ce texte et ce, alors que le contrat a été régulièrement conclu, exécuté puis résilié dans le strict respect de la norme ultérieurement déclarée illégale ; que la clause de garantie subséquente figurant à l’article 5 du contrat d’assurance numéro 20000 650 XX D doit recevoir application dès lors qu’elle était rigoureusement conforme à la réglementation édictant les conditions minimales de garantie de l’assurance obligatoire des centres de transfusion sanguine ; que la garantie, venue à expiration le 31 décembre 1989, a vocation à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 1994 en vertu de la « garantie subséquente » et que la réclamation de la victime a été portée à sa connaissance plus de cinq ans après la résiliation du contrat ; que la garantie n’est donc pas due ;
Que, plus subsidiairement, la société AXA FRANCE demande, sur le fondement de l’article 177 du Traité de Rome en date du 25 mars 1957 et de la directive n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, que soient portées devant la Cour de Justice des Communautés Européennes les cinq questions préjudicielles suivantes et qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la réponse de cette juridiction :
1) - les articles 49,81 et 82 du traité et l’article 8 de la Directive CEE 93/13 du 5 avril 1993 permettent-ils aux autorités d’un état membre -en l’espèce l’autorité judiciaire- de supprimer dans les contrats conclus entre professionnels des clauses librement négociées tout en laissant à l’une des parties la charge d’exécuter la convention ainsi modifiée, alors même que l’économie du contrat se trouve bouleversée ?
2) - le principe, posé par la Directive CEE 93/13 du 5 avril 1993, selon lequel les dispositions réglementaires qui fixent les clauses des contrats sont censées ne pas contenir de clauses abusives permet-il au juge national de réputer non écrite la clause de limitation de la garantie dans le temps, laquelle n’était que la reprise d’une clause type figurant dans un arrêté ministériel applicable au moment de la conclusion du contrat ?
3) - les principes généraux de sécurité juridique, de confiance légitime et la Directive CEE 93/13 du 5 avril 1993 permettent-ils au juge national de faire une application rétroactive de la déclaration d’illégalité du Conseil d’Etat à des contrats d’assurance conclus il y a près de 20 ans, cela en application d’une jurisprudence datant de 1990 et, partant, de réputer non écrite la clause de limitation de garantie dans le temps prévue par l’annexe de l’arrêté du 27 juin 1980 fixant les termes de la police type devant être souscrite par les centres de transfusion sanguine ?
4) - la Directive CEE 93/13 du 5 avril 1993 qui - conformément au principe selon lequel seules peuvent être portées des atteintes nécessaires et proportionnées à la liberté du commerce et de la concurrence- exclut du contrôle des clauses abusives l’appréciation de l’adéquation du prix du service rendu par les professionnels, laisse-t-elle au juge national la faculté de réputer non écrite une clause limitant la convention aux risques déclarés dans un délai de cinq ans après l’expiration de la police dès lors qu’une telle clause a, conformément au droit positif en vigueur à l’époque de la conclusion du contrat et d’accord des parties, servi de base au calcul du montant de la prime ?
5) - les articles 3.1 et 6.1 de la Directive CEE 93/13 du 5 avril 1993 permettent-ils au juge national de réputer non écrite la clause de limitation de la garantie dans le temps et d’imposer ainsi à l’une des parties une extension illimitée de sa garantie alors que le montant de la prime avait été négocié individuellement et calculé sur le fondement de la réalisation du risque qui devait, aux termes des dispositions réglementaires en vigueur, être limité à 5 ans après l’expiration du contrat ?
Qu’encore plus subsidiairement, la société AXA FRANCE demande que Mme Y. soit déboutée de ses réclamations et condamnée à restituer la provision qui lui a été payée en vertu du jugement qui est assorti de l’exécution provisoire ; qu’à ces fins, elle fait valoir que le contrat souscrit le 26 mai 1981 par le CDTS DES YVELINES-NORD est nul et de nul effet dès lors que la nullité de la clause limitant l’assurance dans le temps, qui est un élément essentiel de la convention, doit emporter l’annulation du contrat en son entier ;
Qu’à titre infiniment subsidiaire, la société AXA FRANCE soutient que sa garantie ne saurait excéder le montant subsistant du plafond de garantie au titre de l’année des transfusions ; qu’à cette fin, elle expose que le contrat d’assurance numéro 20000 650 XX D prévoit que la garantie est plafonnée à 1.524.490,17 euros (10.000.000,00 francs) par année d’assurance, outre une limitation de 762.245,08 euros (5.000.000,00 francs) par sinistre, « le montant par année se réduisant et finalement s’épuisant par tout règlement amiable ou judiciaire d’indemnités, quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent » ; Considérant que Mme Y., agissant tant en son nom personnel, qu’en tant que représentante légale d’A. X., sa fille mineure, et V. Y., qui, devenue majeure en cours de procédure, a repris l’instance à son compte, concluent à la confirmation du jugement ;
Qu’en réponse à l’argumentation de l’appelante, les intimées font observer qu’à leur demande, le Président du tribunal de grande instance de VERSAILLES a désigné la SCP LAUREAU-JEANNEROT en qualité d’administrateur ad hoc du CDTS DES YVELINES-NORD et qu’elles l’ont fait assigner en intervention forcée ;
Qu’au fond, les consorts Y.-X. soutiennent qu’au mois d’avril 1985, Mme Y. a reçu six flacons de produits sanguins fournis par le CDTS DES YVELINES-NORD à l’hôpital Ambroise PARE et que, comme le souligne l’expert désigné en référé, aucune des autres causes de contamination actuellement connues n’avait été mise en évidence ; qu’en réalité, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les transfusions constituent des présomptions graves, précises et concordantes permettant de conclure à un lien de causalité entre ces transfusions et la contamination ;
Que, sur la garantie, les consorts Y.-X. font valoir que, même si la clause de garantie subséquente dont la société AXA FRANCE invoque la validité est valide et opposable à Mme Y., ladite la société AXA FRANCE ne prouve pas que les conditions d’application de cette clause soient réunies ; qu’en particulier, elle ne démontre pas que la police d’assurance soit venue à expiration le 31 décembre 1989 dès lors qu’elle n’apporte pas la preuve de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; que, pareillement, elle ne démontre pas si le CDTS DES YVELINES-NORD n’a pas continué à bénéficier d’une assurance après le 31 décembre 1989 alors qu’une telle assurance était obligatoire ;
Considérant que l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG conclut à la confirmation du jugement en ce que les premiers juges l’ont mis hors de cause ; qu’à cette fin, il fait valoir qu’il n’a pas repris les droits et obligations du CDTS DES YVELINES-NORD, fonctionnant sous forme d’association soumise à la loi du 1er juillet 1901 ; Considérant que la SCP LAUREAU-JEANNEROT, administrateur ad hoc du CDTS DES YVELINES-NORD, assignée en intervention forcée, s’en rapporte à justice sur les mérites de l’appel ;
Considérant que Maître JEANNEROT, commissaire à l’exécution du plan de cession du CDTS DES YVELINES-NORD, conclut à l’irrecevabilité de toutes demandes qui seraient présentées contre lui et en cette qualité, dès lors qu’en vertu de l’article 1844-7 du code civil, la personne morale cédée est dissoute de plein droit et que, partant, la SCP LAUREAU-JEANNEROT n’a plus qualité pour représenter le CDTS DES YVELINES-NORD ; Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES, assignée à une personne habilitée à recevoir l’acte, n’a pas constitué avoué ; que, par application des dispositions de l’article 474 du nouveau code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EN FAIT :
Considérant qu’il n’est pas contesté qu’entre le 18 avril et le 2 mai 1985, Mme Y. a été admise à l’hôpital Ambroise PARE à PARIS en raison d’une agranulocytose apparue à la suite d’un traitement anti-dépresseur ; qu’elle y a subi un traitement qui a nécessité six transfusions de globules blancs destinés à reconstituer son système immunitaire ; qu’elle a repris son activité professionnelle le 31 mai 1985 sans traitement, ni surveillance médicale particulière ;
Qu’en 1990 et 1991, Mme Y. a effectué plusieurs dons de sang et que, par lettre du 17 septembre 1992, le CENTRE NATIONAL DE TRANSFUSION SANGUINE DES ULIS lui a fait connaître que, lors du dernier don, ont été découverts des anti-corps anti-HVC dirigés contre le virus de l’hépatite C ; qu’un examen de contrôle effectué le 1er octobre 1992 a confirmé le premier résultat ; que, lors d’un nouvel examen de contrôle, intervenu le 19 octobre 1994, un taux anormalement élevé de transaminases a été constaté et qu’une ponction-biopsie hépatique pratiquée le 24 octobre 1994 dont le compte-rendu histologique est ainsi libellé : « Lésions histologiques d’hépatite chronique sans signe d’activité - Score d’activité histologique Knodell inférieur ou égal à 5 » ;
Que Mme Y. a suivi un traitement par interféron sous la forme de deux cures, l’une en 1995, l’autre en 1997 ; qu’au terme du deuxième traitement, les transaminases et les gamma GT étaient normaux ; que les résultats d’un examen biologique de contrôle en date du 23 février 1998 se sont révélés normaux ;
Considérant qu’interrogé sur l’origine des produits sanguins, l’hôpital Ambroise PARE, qui a pratiqué les transfusions, a fait connaître qu’ils provenaient du CDTS DES YVELINES-NORD qui a cessé ses activités au mois de mars 1992 ; que, par lettre du 13 février 1993, l’ETABLISSEMENT DE TRANSFUSION SANGUINE DE L’OUEST FRANCILIEN lui a précisé que parmi les fichiers d’unités collectées que le CENTRE DE TRANSFUSION DES YVELINES-NORD lui avait laissées à sa cessation d’activité, ne figuraient pas les collectes du 1er semestre 1985 et qu’il lui était donc impossible d’effectuer la moindre recherche sur une éventuelle contamination transfusionnelle HCV chez une patiente ayant reçu, au mois d’avril 1985, des concentrés de globules blancs délivrés par ce centre ;
Considérant qu’estimant engagée la responsabilité de CDTS DES YVELINES-NORD, Mme Y. a saisi le Président du Tribunal de grande instance de VERSAILLES qui, par ordonnance de référé en date du 5 mars 1998, a chargé le docteur F... de rechercher l’origine de la contamination ; qu’après le dépôt du rapport d’expertise, les consorts Y.-X. ont saisi les juges du fond qui ont statué comme il est dit en tête du présent arrêt ;
- SUR LA MISE HORS DE CAUSE DE l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG :
Considérant qu’en cause d’appel, aucune partie ne sollicite la condamnation de l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG ;
Que, comme l’ont exposé les premiers juges en de plus amples motifs qu’il y a lieu d’adopter, l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG vient aux droits et obligations de l’ETABLISSEMENT DE TRANSFUSION SANGUINE DE L’OUEST FRANCILIEN qui, en 1995, s’est substitué au CENTRE HOSPITALIER de VERSAILLES ; que, par jugement du 24 février 1992, le tribunal de grande instance de VERSAILLES a notamment ordonné que de l’activité de transfusion du CDTS DES YVELINES-NORD soit cédée au CENTRE HOSPITALIER de VERSAILLES et que l’acte de cession prévoit que ne sont pas transférées à l’acquéreur « les dettes propres au vendeur pour des causes antérieures à la date d’effet de la présente cession, soit le 24 février 1992 » ;
Que les premiers juges ont donc, à juste titre, mis l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG hors de cause ;
- SUR LA MISE EN CAUSE DE LA SCP LAUREAU-JEANNEROT :
Considérant que la SCP LAUREAU-JEANNEROT ne saurait être appelée en la cause en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession du CDTS DES YVELINES-NORD dès lors qu’en vertu de l’article 1844-7-7 du code civil, la personne morale cédée est dissoute par l’effet de la cession totale de ses actifs ;
Qu’en revanche, en vertu d’une ordonnance rendue le 12 septembre 2003 par le président du tribunal de grande instance de VERSAILLES, la SCP LAUREAU-JEANNEROT a la qualité d’administrateur ad hoc du CDTS DES YVELINES-NORD qui conserve la personnalité morale pour les besoins de sa liquidation ;
Que le CDTS DES YVELINES-NORD est donc valablement représenté et que, conformément à la demande des consorts Y.-X., le présent arrêt sera déclaré opposable à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, son administrateur ad hoc ;
- SUR LA RESPONSABILITE DE LA CONTAMINATION :
Considérant qu’aux termes de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002, publiée au Journal Officiel le 5 mars suivant, qu’en cas de contestation relative à l’imputabilité d’une contamination par le virus de l’hépatite C antérieure à la date d’entrée en vigueur de ladite loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu’au vu des ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n’est pas à l’origine de la contamination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et que le doute profite au demandeur ;
Considérant, en l’espèce, qu’il ressort du rapport dressé par le docteur F., qu’au début de l’année 1985, Mme Y. a été traitée par une association de Tercian et d’Anafranil qui, justifiée, a été prescrite et surveillée selon les règles de l’art, ladite association n’étant pas connue comme pouvant induire une agranulocytose ;
Que l’expert estime encore que Mme Y. est atteinte d’une hépatite C dont le diagnostic a été confirmé biologiquement en 1992 ; que cette affection, qui a été traitée par deux cures successives d’Interféron « semble actuellement stabilisée » et qu’ « on ne peut pas écarter une reprise évolutive avec survenue de complications » ;
Que, selon le docteur F., qui souligne que les transfusions de globules blancs ont eu lieu entre le 20 et le 27 avril 1985 dans des conditions médicalement justifiées, les produits transfusés provenaient du CDTS DES YVELINES-NORD ; que, toutefois, aucune étude de traçabilité n’est possible puisqu’il n’existe ni échantillons du sang transfusé, ni traces des donneurs ;
Que l’expert ajoute que « le mode de contamination par le virus de l’hépatite C le plus fréquent est la voie sanguine (transfusion ou administration d’un dérivé du sang), étant précisé qu’aujourd’hui, le risque est moindre après transfusion sanguine en raison des contrôles obligatoires sur les produits sanguins » ; qu’en l’occurrence, Mme Y. a reçu les produits les globules blancs en 1985 alors qu’à cette époque, les produits sanguins n’étaient ni analysés, ni traités ; qu’en outre, la susnommée, qui n’exerçait aucune activité à risques, ne présentait aucun antécédent susceptible d’expliquer la contamination dont il s’agit ;
Qu’en conclusion, l’expert est d’avis que « l’éventualité d’une contamination de madame Y. par le virus de l’hépatite C à la suite des transfusions n’est pas dénuée de fondement » mais qu’ « on ne peut l’affirmer de façon certaine » ;
Considérant que, contrairement aux exigences de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002, applicable aux instances en cours, la société AXA COURTAGE ne démontre pas que les produits sanguins reçus par Mme Y. ne sont pas à l’origine de la contamination ;
Qu’en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté le lien de causalité entre les transfusions pratiquées avec des produits provenant du CDTS DES YVELINES-NORD et la contamination dont Mme Y. est victime et en conséquence, retenu la responsabilité de ce centre ;
- SUR L’ACTION DIRIGEE CONTRE LA SOCIETE AXA France :
Considérant que le contrat conclu par le CDTS DES YVELINES-NORD conformément à l’arrêté ministériel du 27 juin 1980 pris pour l’application de l’article L. 667 du code de la santé publique prévoyait que la responsabilité civile après livraison des produits s’appliquerait aux conséquences pécuniaires de la responsabilité pouvant s’appliquer au Centre, à raison des dommages corporels, matériels, immatériels causés par le sang et ses dérivés faisant l’objet d’une livraison, lorsque ces dommages avaient pour fait générateur un vice propre, ou une erreur dans la conception, la préparation, la fabrication, la transformation, le stockage, le conditionnement, les instructions d’emploi et qu’ils survenaient après la livraison ;
Que cette garantie s’appliquait, aux termes du contrat, aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant sa durée et portées à la connaissance de l’assuré dans un délai maximum de cinq ans après la date d’expiration dudit contrat ;
Que ce contrat a été résilié le 31 décembre 1989 ;
Que la société AXA FRANCE, qui soutient que ce contrat a été résilié le 31 décembre 1989, ne s’estime pas tenue à garantie, puisque Mme Y. a présenté sa réclamation le 2 février 1998, et donc postérieurement au délai de cinq ans prévu par le contrat ;
Considérant que le Conseil d’Etat, statuant le 29 décembre 2000 sur la légalité de l’arrêté susvisé et de ses annexes définissant les clauses type du contrat d’assurance devant être conclu par les établissements de transfusion sanguine, après avoir visé les dispositions de l’article 1131 du code civil et de l’article L. 124-1 du code des assurances, a déclaré illégal ledit arrêté en ce que l’article 4 de son annexe comportait une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine ;
Considérant que toute déclaration d’illégalité d’un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ;
Qu’il convient, sans qu’il y ait lieu, ni de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation, ni de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes, d’écarter l’application de l’arrêté ministériel du 27 juin 1980 pris pour l’application de l’article L. 667 du code de la santé publique et de ses annexes définissant les clauses type du contrat d’assurance devant être conclu par les établissements de transfusion sanguine ;
Que, par voie de conséquence, il convient d’écarter l’application de la clause de garantie subséquente telle qu’elle figure au contrat souscrit par le CDTS DES YVELINES-NORD ;
Considérant encore que la société AXA FRANCE ne démontre aucunement que la clause litigieuse serait indissociable des autres dispositions du contrat d’assurance et que sa disparition entraînerait une rupture de l’équilibre contractuel ; qu’elle ne prouve donc pas le défaut de cause allégué ;
Que, de plus, la société AXA FRANCE IARD n’est pas fondée à prétendre que la société AXA COURTAGE aurait donné son consentement par erreur sur les caractéristiques substantielles du contrat conclu le 26 mai 1981 dès lors que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat et que la clause dont il s’agit a été déclarée illégale par arrêt du 29 décembre 2000 ;
Qu’il y a donc lieu de débouter la société AXA FRANCE de sa demande d’annulation du contrat ; Considérant que la contamination dont Mme Y. a été victime a eu lieu en 1985, c’est-à-dire avant le 31 décembre 1989, date de résiliation du contrat invoquée par la société AXA FRANCE ; que, partant, cette société doit sa garantie dans les limites du plafond qui, prévu par l’article 6 du contrat, est de 1.524.490,17 euros (10.000.000,00 francs) par année d’assurance, outre une limitation de 762.245,08 euros (5.000.000,00 francs) par sinistre, étant précisé que « le montant par année se réduisant et finalement s’épuise par tout règlement amiable ou judiciaire d’indemnités, quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent » ;
Qu’il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré les consorts Y.-X. fondés en leur action dirigée contre la société AXA FRANCE ;
- SUR LA DEMANDE D’EXPERTISE ET LES AUTRES RÉCLAMATIONS :
Considérant que, comme l’ont énoncé les premiers juges en des motifs pertinents qu’il convient d’adopter, le rapport dressé au mois de juin 1998 par le docteur F. ne fournit pas les éléments nécessaires pour apprécier l’indemnisation des divers chefs de préjudice subis par Mme Y. et le préjudice moral invoqué par chacune de ses deux filles ;
Qu’une nouvelle mesure d’expertise est donc nécessaire ;
Considérant que, compte tenu de la fatigabilité persistante dont souffre Mme Y. et des soins qu’elle a suivis, les premiers juges ont exactement arrêté à 7.622,45 euros (50.000,00 francs) le montant de l’indemnité provisionnelle que la société AXA FRANCE doit lui verser ;
Considérant que le présent arrêt sera déclaré commun à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES ;
Et considérant que chacune des parties ayant constitué avoué, à l’exception de la société AXA FRANCE, sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; que l’équité ne commande qu’il soit donné satisfaction à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, administrateur ad hoc du CDTS DES YVELINES-NORD, et à maître JEANNEROT, commissaire à l’exécution du plan de cession dudit centre ; qu’en revanche, la société AXA FRANCE sera condamnée à verser à l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et aux consorts Y.-X. les frais qui, non compris dans les dépens d’appel, seront fixés, en équité, à la somme de 700,00 euros pour l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et à la somme de 1.500,00 euros pour les consorts Y.-X. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 octobre 2001 par le tribunal de grande instance de VERSAILLES au profit de Mme Y., agissant tant en son nom personnel, qu’en tant que représentante légale de V. Y., alors mineure, et d’A.X., ses deux filles,
Y ajoutant :
Donne acte à V. Y., devenue majeure le 22 juillet 1999, de sa reprise d’instance,
Déclare le présent arrêt opposable à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, ès qualités d’administrateur ad hoc du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE DES YVELINES-NORD,
Déclare le présent arrêt commun à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES YVELINES,
Déboute la société AXA FRANCE, la SCP LAUREAU-JEANNEROT, administrateur ad hoc du CENTRE DEPARTEMENTAL DE TRANSFUSION SANGUINE DES YVELINES-NORD, et maître JEANNEROT, commissaire à l’exécution du plan de cession dudit centre de leurs demandes d’indemnité fondées sur les dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne, par application de ce texte, la société AXA FRANCE à verser à l’ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG la somme de 700,00 euros et aux consorts Y.-X. la somme de 1.500,00 euros,
Condamne la société AXA FRANCE aux dépens d’appel qui seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par monsieur GRANDPIERRE, conseiller,
Assisté de madame THEODOSE, greffier,
Et ont signé le présent arrêt,
Madame GUIRIMAND, président, Madame THEODOSE, greffier.