CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 15 janv. 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3139
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 15 janv. 2008 : RG n° 05/04294
Publication : Jurica
Extrait : « Mais attendu que si l'article L. 121-26 du Code de la consommation, qui interdit d'exiger ou d'obtenir du client démarché toute contrepartie ou engagement avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, ne fait pas obstacle à l'acceptation d'une offre de crédit assortissant le contrat principal dans les conditions fixées par l'article L. 121-23-6 du même code, en revanche la remise par le client le jour de la signature des deux contrats, d'une autorisation irrévocable adressée à un notaire non encore désigné qui serait chargé de la rédaction de l'acte de vente, de lui remettre la somme prêtée par CREATIS, constitue une violation des dispositions d'ordre public sus-visées et entraîne la nullité du contrat de crédit ;
Qu'en outre, il apparaît qu'aux termes de « la convention de partenariat » passée entre les deux sociétés et fixant un engagement « d'exclusivité réciproque », PANORIMMO s'était engagée à promouvoir les produits CREATIS et à les commercialiser par le biais de prêts personnels in fine avec affectation au financement de la prestation PANORIMMO à sa clientèle ; Que d'ailleurs cette convention précise que dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de financement, PANORIMMO aura accès en qualité de « sous traitant de CREATIS au fichier d'incidents ... » ;
Or attendu qu'en acceptant eu égard aux relations privilégiées unissant les deux sociétés, de confier au représentant de PANORIMMO la conclusion du contrat de crédit, la SA CREATIS a cautionné les activités de cette société qui sont contraires aux dispositions d'ordre public de la loi N° 70-9 du 2 janvier 1970 et notamment de son article 2 ; Qu'en effet la SARL PANORIMMO qui n'était titulaire ni d'une carte professionnelle ni d'une garantie financière ni d'une assurance de responsabilité civile professionnelle se livrait et prêtait son concours même à titre accessoire, aux opérations réglementées par la loi sus-visées portant sur les biens d'autrui et relatives notamment à l'achat la vente d'immeuble bâtis ; Que la SA CREATIS professionnel du crédit qui se présente comme le partenaire financier de PANORIMMO pour les missions que celle-ci développe avec son concours, a ainsi commis une faute qui l'empêche par conséquent de prétendre au remboursement de la somme prêtée ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 JANVIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/04294. Appel d'un Jugement (N° R.G. 11-04-0578) rendu par le Tribunal d'Instance de BOURGOIN-JALLIEU en date du 12 avril 2005 suivant déclaration d'appel du 4 mai 2005.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse],
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville] [minute Jurica page 2] [adresse],
représentés par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour, et DEMANDEURS en réinscription au rôle en date du 12 octobre 2005 après radiation du 13 septembre 2005
INTIMÉE :
SA CREATIS
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, et DEFENDERESSE en réinscription au rôle en date du 12 octobre 2005 après radiation du 13 septembre 2005
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Hélène LAGIER, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 4 décembre 2007, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport. Les avoués ont été entendus en leurs conclusions. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 11 juin 2002, les époux X. ont simultanément signé d'une part un contrat principal dit « ordre de mission » avec la société PANORIMMO et d'autre part l'offre préalable de prêt accessoire proposée par la société CREATIS.
[minute Jurica page 3] Le paiement de la prestation principale commandée auprès de PANORIMMO, d'un montant de 6.578 € était assuré en leurs lieu et place au moyen du prêt consenti par la société CREATIS, laquelle a procédé au virement des fonds correspondant directement auprès de la société PANORIMMO.
Le prêt a été consenti par la Société CREATIS à taux zéro, sans intérêts, les époux X. s'engageant à rembourser le seul capital égal au montant précité au moyen d'un prêt de type crédit in fine remboursable en une seule échéance à 24 mois.
N'ayant pas remboursé CREATIS malgré la vente de leur maison, les époux X. ont été assignés par celle-ci devant le tribunal d'instance de Bourgoin Jallieu en paiement de sa créance.
Les époux X. sont appelants du jugement rendu le 12 avril 2005, les ayant condamnés solidairement à verser à la concluante la somme de 7.104,24 € outre intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2004, la somme de 250 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile le les dépens.
Ils demandent par voie d'infirmation à la cour de :
« Vu les articles L. 121-20 et suivants L. 121-26, L. 132-1 du Code de la Consommation et les articles 1108 et suivants du Code Civil.
- Prononcer la nullité du contrat de crédit souscrit le 11 juin 2002 auprès de la Sté CREATIS.
Vu les articles L. 311-20 et L. 311-21 du Code de la consommation et 1184 du Code Civil.
- Prononcer la résolution du contrat de crédit subséquemment à la résolution du contrat de prestation principale souscrit auprès de la SARL PANORIMMO.
- Renvoyer la SA CREATIS à justifier de sa déclaration de créance au passif de la Sté PANORIMMO.
Accueillir leur demande reconventionnelle.
Vu l'art. 1134 du CODE CIVIL
- La condamner à leur verser la somme de 7.104,24 €, cette somme venant en compensation des sommes qui pourraient éventuellement être mises à leur charge.
Condamner en outre la SA CREATIS à leur verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que 1.500 € pour procédure abusive et injustifiée, et à leur rembourser la somme de 262 € indûment versée.
Subsidiairement, accorder les plus larges délais de paiement et faire application de l'article 1244-1 du Code civil, et supprimer la clause pénale.
Ordonner la levée de l'inscription aux fichiers de la BANQUE DE FRANCE des époux X.
Condamner la SA CREATIS à leur verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans un journal d'annonces légales. »
[minute Jurica page 4] Au soutien de leur recours ils font valoir en substance que :
- la SA PANORIMMO n'est pas une agence immobilière et ne pouvait donc prétendre à une quelconque commission sur vente,
- ils ont été manifestement été induits en erreur, comme de nombreuses personnes en FRANCE,
- le démarcheur de la SA PANORIMMO a fait signer, le jour même de la signature du contrat, un formulaire pré-imprimé d'engagement de remboursement du prêt in fine ainsi que le formulaire pré-imprimé d'opposition à paiement,
- la SA CREATIS a réglé, sans attendre l'extinction du délai de réflexion, les sommes à la SARL PANORIMMO,
- Il existe dans le contrat signé par les époux X. de nombreuses clauses que l'on peut considérer comme des clauses abusives,
- ils sont bien fondés à solliciter la résolution du contrat principal dans la mesure où la SA PANORIMMO n'a pas exécuté ses obligations,
- ils sont fichés à la BANQUE DE FRANCE et sont dans l'impossibilité actuelle de contracter un autre crédit en vue de la construction ou de l'achat d'une maison,
La SA CREATIS sollicite la confirmation du jugement déféré et ne s'oppose pas à la demande de délais de paiement.
Subsidiairement elle demande :
Vu l'article L. 311 -21 du code de la consommation,
- D'ordonner la remise en état antérieur des parties en raison de l'effet rétroactif de la résolution ou de la nullité,
- De condamner solidairement les époux X. à lui rembourser la somme perçue dans le cadre des relations contractuelles soit 6.578 € et à lui payer la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.'
Elle conclut pour l'essentiel que :
- il résulte de l'offre préalable de crédit que celle-ci est rédigée en des termes clairs et précis et que le consentement des époux X. ne pouvait pas être altéré,
- les époux X. n'ont émis aucune réserve ni protestation suite au courrier qu'elle a adressé le 12 juin 2002, soit après l'expiration du délai de 7 Jours, courrier les avisant du virement des fonds correspondant à leur financement et de l'octroi du crédit par la Société CREATIS,
- les époux X. ont régulièrement renouvelé le contrat principal en renvoyant à la Société PANORIMMO les coupons de renouvellement,
- le contrat principal est régi par les articles L. 121-21 à L. 121-33 du Code de la consommation,
- [minute Jurica page 5] les règles gouvernant le contrat de prêt en tant que tel sont reprises aux articles L. 311-1 à L. 311-37 du Code de la consommation et définissent le statut protecteur du consommateur,
- les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation ne sont pas applicables au contrat de crédit,
- même en supposant à tort que l'article L. 121-26 s'applique aux établissements de crédit, la lettre d'opposition ne pourrait être fondamentalement qualifiée de contrepartie, mais seulement de garantie attachée au contrat de prêt,
- le contrat de crédit contracté par les époux X. est un contrat de crédit « affecté », et non pas indivisible,
- le contrat de crédit ne contient pas de clause abusive,
- le contrat principal ne peut être résilié car la société PANORIMMO n'a pas été attraite à la procédure par les époux X.,
- les époux X. n'ont pas remboursé l'emprunt ce qui constitue un incident de paiement caractérisé au sens des dispositions de l'article L. 333-4 du Code de la consommation,
- elle ne peut faire jouer la garantie « satisfait ou remboursé » dont elle ne bénéficie pas, puisque celle ci est prévue au seul bénéfice des clients.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Sur la validité du contrat de crédit affecté :
Attendu qu'aux termes du contrat signé le 11 juin 2002, la SARL PANORIMMO dont la prestation est définie comme étant : « toute activité relative aux transactions sur immeuble de toute nature et fonds de commerce... » s'engageait à :
- la diffusion internationale du bien des époux X. sur internet,
- l'élaboration du dossier confidentiel du bien à vendre,
- la diffusion nationale du bien sur minitel,
- la traduction du dossier à la demande d'acheteurs potentiels,
- la présence sur les magazines PANORIMMO édition nationale et internationale de photographies du bien à vendre diffusées périodiquement,
- le suivi administratif de l'ordre de mission,
- la communication et la diffusion de l'offre à chaque demande d'acheteurs,
- la communication entre acheteurs et vendeurs,
- la transmission et la mise en relation en direct,
- l'étude de toutes les demandes d'acheteurs qui lui parviendront ou qui figurent dans son fichier,
- [minute Jurica page 6] la visite virtuelle du bien ;
Attendu tout d'abord, qu'il n'est pas contesté par la SA CREATIS, que les deux contrats de vente et de crédit ont été signés dans le cadre d'un démarchage à domicile par une seule et même personne, la société CREATIS professionnel du crédit intervenant régulièrement comme partenaire financier de PANORIMMO ;
Que la prestation de services proposée par PANORIMMO était financée par un crédit in fine de 6.578 € payable en une mensualité à la vente du bien ou dans un délai ne pouvant excéder 24 mois ;
Attendu sur l'agrément de l'emprunteur par CREATIS, qu'aux termes de l’offre préalable de crédit, CREATIS s'était réservé le droit d'accorder ou de refuser le crédit dans un délai de 7 jours à compter de l'acceptation qui est datée du 11 juin 2002 ;
Qu'en l'espèce la SA CREATIS a avisé le 12 juin 2002 les époux X. que leur dossier remplissait les critères d'acceptation, et a débloqué les fonds directement à la SARL PANORIMMO le 25 juin 2002 ;
Qu'en application de l'article L. 311-16 du Code de la consommation, cet agrément est valable dans la mesure où les emprunteurs n'ont pas annulé leur commande dans le délai de rétractation de 7 jours ;
Mais attendu que si l'article L. 121-26 du Code de la consommation, qui interdit d'exiger ou d'obtenir du client démarché toute contrepartie ou engagement avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, ne fait pas obstacle à l'acceptation d'une offre de crédit assortissant le contrat principal dans les conditions fixées par l'article L. 121-23-6 du même code, en revanche la remise par le client le jour de la signature des deux contrats, d'une autorisation irrévocable adressée à un notaire non encore désigné qui serait chargé de la rédaction de l'acte de vente, de lui remettre la somme prêtée par CREATIS, constitue une violation des dispositions d'ordre public sus-visées et entraîne la nullité du contrat de crédit ;
Qu'en outre, il apparaît qu'aux termes de « la convention de partenariat » passée entre les deux sociétés et fixant un engagement « d'exclusivité réciproque », PANORIMMO s'était engagée à promouvoir les produits CREATIS et à les commercialiser par le biais de prêts personnels in fine avec affectation au financement de la prestation PANORIMMO à sa clientèle ;
Que d'ailleurs cette convention précise que dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de financement, PANORIMMO aura accès en qualité de « sous traitant de CREATIS au fichier d'incidents ... » ;
Or attendu qu'en acceptant eu égard aux relations privilégiées unissant les deux sociétés, de confier au représentant de PANORIMMO la conclusion du contrat de crédit, la SA CREATIS a cautionné les activités de cette société qui sont contraires aux dispositions d'ordre public de la loi N° 70-9 du 2 janvier 1970 et notamment de son article 2 ;
Qu'en effet la SARL PANORIMMO qui n'était titulaire ni d'une carte professionnelle ni d'une garantie financière ni d'une assurance de responsabilité civile professionnelle se livrait et prêtait son concours même à titre accessoire, aux opérations réglementées par la loi sus-visées portant sur les biens d'autrui et relatives notamment à l'achat la vente d'immeuble bâtis ;
Que la SA CREATIS professionnel du crédit qui se présente comme le partenaire financier de PANORIMMO pour les missions que celle-ci développe avec son concours, a ainsi [minute Jurica page 7] commis une faute qui l'empêche par conséquent de prétendre au remboursement de la somme prêtée ;
Attendu en conséquence, que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et que la SA CREATIS devra rembourser aux époux X. la somme de 262 € qu'ils justifient avoir payée en exécution du contrat de crédit ;
Qu'il convient par ailleurs d'ordonner en tant que de besoin, la levée de l'inscription aux fichiers de la Banque de France des époux X. ;
Sur les demandes de dommages et intérêts :
Attendu que les époux X. qui ne font pas la preuve ni d'un préjudice distinct de celui qui est réparé par la présente décision ni d'un abus du droit d'agir en justice de la part de la SA CREATIS seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de crédit passé le 11 juin 2002 entre les époux X. et la SA CREATIS,
Déboute la SA CREATIS de toutes ses demandes,
Condamne la SA CREATIS à payer aux époux X. la somme de 262 €,
Ordonne en tant que de besoin la levée de l'inscription aux fichiers de la Banque de France des époux X.,
Déboute les époux X. de leurs demandes de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à publication de la présente décision,
Déboute les époux X. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la SA CREATIS aux dépens des procédures de première instance et d'appel avec application de l'article 699 au profit de la SCP GRIMAUD qui en a demandé le bénéfice.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame LAGIER, Greffier.