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CA PARIS (pôle 5, ch. 10), 2 novembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5, ch. 10), 2 novembre 2011
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 10/07208
Date : 2/11/2011
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/03/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3283

CA PARIS (pôle 5, ch. 10), 2 novembre 2011 : RG n° 10/07208 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que l'ordre d’insertion ne précisait ni le nombre de protège annuaire comportant la publicité prévue, ni les modalités de diffusion et notamment sa périodicité, aucune indication n'étant fournie sur ces deux points, que contrairement à ce que prétend la SARL MCE il ne résulte pas de cet ordre que la diffusion se faisait par tranche de mille exemplaires ;

Considérant que, de plus, le secteur précis de distribution n'était pas déterminé, cet ordre se bornant à évoquer « 78 » ce qui identifiait la totalité du département dans lequel cette cliente exerçait son activité de fleuriste, en sorte que la diffusion pouvait s'exercer dans des localités très éloignées de celle où ce commerce était installé, alors que pour un tel commerce la proximité de la clientèle est essentielle ;

Considérant qu’il s'ensuit que cet ordre de publicité n'était déterminé ni déterminable dans sa quotité, ni dans ses modalités de distributions, que Mme X. ne pouvait mesurer la portée de l'engagement qu’elle contractait, en sorte que le contrat conclu encourt la nullité ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 - CHAMBRE 10

ARRÊT DU 2 NOVEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/07208. Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009/001136.

 

APPELANTE :

SARL MEDIA COMMUNICATION EUROPE

représenté (e) par son gérant, représentée par Maître Lionel MELUN, avoué à la Cour, assistée de Maître BENSIMON Stéphanie avocat, toque A947

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y. exerçant sous l'enseigne « LES FLEURS Y. »

représentée par Maître Frédéric BURET, avoué à la Cour, assistée de Maître ANGOT Véronique avocat, toque A888

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur JACOMET conseiller faisant fonction de Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R. 312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre, Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La cour est saisie de l'appel, déclaré le 31 mars 2010, d’un jugement rendu, le 21 janvier 2010, par le tribunal de commerce de Paris.

Mme X. épouse Y. s'est installée le 15 septembre 2008 comme fleuriste à [ville E.] dans les Yvelines.

Le 26 septembre 2008 un représentant de la SARL MCE lui a fait signer :

- un bon de commande portant sur un encart publicitaire sur un protège cahier portant notamment les mentions suivantes :

CARRE préférentiel

Texte en notre possession

à l’intention de Mme Y.

zone de distribution 78

Prix 1.200 euros HT soit 1.435,10 euros TTC

Frais de cliché offert

facilité de paiement en quatre fois mais 435,20 euros immédiat

lu et approuvé

- quatre chèques d'un montant respectif de 435, 20, 300, 300, 400 euros

Le 29 septembre 2008, Mme X. a déclaré renoncer, par application de l'article L. 121-21 du code de la consommation à la commande en sollicitant la restitution des chèques et a sollicité la nullité de la vente,

Par lettres des 29 septembre et 2 octobre 2008 la SARL MCE indiquait s'affairer à réaliser le bon à tirer.

Le 9 octobre 2008 la SARL MCE adressait le bon à tirer et débitait le premier chèque ainsi rédigé « LES FLEURS d’E. P., H., M., D., H., A., O. »

Par lettre du 17 octobre 2008 Madame X. réitérait sa demande de rétractation.

Sur une assignation du 12 décembre 2008 de Mme X., le tribunal, par le jugement déféré a prononcé la résiliation du contrat, condamné la SARL MCE à payer à Madame X. la somme de 1.435,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2008, celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens, l'exécution provisoire étant ordonnée, et le surplus des demandes rejeté.

Ne parvenant pas à faire exécuter le jugement, Mme X. a assigné le 18 novembre 2010 en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris et sur justification du paiement partiel de la condamnation selon encaissement en compte CARPA des 16 décembre 2010 et 10 janvier 2011 s'est désistée de sa demande en liquidation judiciaire.

Par dernières conclusions du 12 août 2011, MCE, appelante, demande à la cour d’infirmer le jugement, de dire valable le contrat, de condamner Madame X. à lui payer la somme de 1.435,20 euros au titre du prix de la prestation, celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de régler les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 1er septembre 2011, Mme X., demande à la cour de :

- dire l'appel irrecevable faute d'exécution provisoire totale et de moyens d'appel,

- de confirmer le jugement et de débouter la SARL MCE de toutes ses demandes,

- en cas d'annulation du jugement, prononcer la nullité du contrat et débouter la SARL MCE de toutes ses demandes,

- subsidiairement dire la rétractation valide et nul et de nul effet l'acte du 26 septembre 2008,

- en tout état de cause, dire qu'elle conservera la somme de 2.226,76 euros déposée en compte CARPA, condamner la SARL MCE à lui payer la somme de 1.741,08 euros correspondant aux frais d'exécution, de procédure et dépens et aux intérêts au taux légal applicables sur la condamnation principale, la somme de 10.372 euros à titre de dommages et intérêts, le coût de l'exécution de l'arrêt à venir, les dépens et les frais de son avoué, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que, pour critiquer le jugement, sur les condamnations prononcées contre elle, la SARL MCE prétend que :

- elle s'est acquittée de l’intégralité de la condamnation prononcée par le tribunal en ayant réglé une somme supplémentaire de 500 euros outre les sommes visées par la décision de la cour du 15 février 2011, en sorte que son appel est recevable,

- les motifs du jugement sont en complète contradiction avec son dispositif, les motifs caractérisant la nullité du contrat tandis que le dispositif en prononce la résiliation,

- le consentement de Mme X. n'a pas été vicié,

- la vente est parfaite tandis qu'elle a pleinement rempli ses obligations contractuelles ;

Considérant que Mme X. réplique que :

- la SARL MCE n'a pas exécuté totalement le jugement, étant encore redevable de la somme de 724,48 euros en sorte que l'appel est irrecevable,

- la SARL MCE n'a développé aucune argumentation juridique utile, étant en outre observé, en sorte que les écritures de la SARL MCE sont irrecevables par application de 954 du CPC,

- à raison de l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu, de prononcer non la résiliation du contrat mais la nullité du contrat,

- la chose vendue est indéterminée dans sa quotité et ses modalités de livraison,

- le nombre de protège annuaire n'est pas déterminé,

- les modalités d'exécution de l’obligation de délivrance sont imprécises,

- la zone géographique de distribution n'est pas précisée,

- le bon à tirer n’a pas été adressé le 27 septembre mais le 9 octobre 2008,

- le vendeur est tenu d’une obligation de renseignement tandis que le bon de souscription omet des mentions obligatoires, certaines étant en outre illisibles ou indéterminées,

- les conditions générales s'apparentent à des clauses abusives au regard de l'exonération totale de responsabilité stipulée en faveur de la SARL MCE,

- il s'ensuit que la nullité de la vente est établie,

- ses demandes indemnitaires sont fondées

- à titre reconventionnel elle est fondée à se prévaloir de la nullité du contrat de vente tant à raison des vices qui entachent sa validité, que par application des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation, étant observé, d'une part, que Mme X. ne peut être considérée que comme une non professionnelle exerçant une activité sans rapport direct avec l'activité de publicitaire, exercée par une société bénéficiant d’une possibilité commerciale dominante, ce qui a pour effet de créer un déséquilibre entre les deux contractants, d'autre part, que Mme X. est une consommatrice ayant fait l’objet d’un démarchage relevant des dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation ;

* * *

Considérant que vainement, sur l'appel formé par la SARL MCE, Mme X. excipe de l’irrecevabilité de cet appel pour défaut d'exécution intégrale du jugement assorti de l'exécution provisoire, puisque le conseiller de la mise en état qui a une compétence exclusive à cet égard, a rejeté par une ordonnance du 15 février 2011 la demande de radiation par application de l'article 526 du code de procédure civile ;

Considérant qu'est tout autant dénuée de portée l'argumentation de Mme X. tendant à dire irrecevable par application de l'article 954 du code de procédure civile les écritures de la SARL MCE, dès lors qu'il s'évince de ces dernières qu'elle excipe de la validité du contrat et de l'exécution de ses obligations contractuelles sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1108,1129, 1583, 1603 du code civil.

Considérant qu’il importe peu que le tribunal ait caractérisé dans ses motifs la nullité de l'ordre de publicité pour en définitive prononcer la résiliation du contrat dans le dispositif, dès lors qu’il était saisi de la nullité du contrat, que la SARL MCE ne s'est pas prévalue de la nullité du jugement mais a sollicité son infirmation, et que par l'effet de l'appel la cour est saisie de l'entier litige ;

Considérant que la SARL MCE ne discute pas que s'agissant d'achat d'espaces publicitaires, outre les dispositions relatives aux vices du consentement les dispositions des articles 1120, 1583 et 1603 du code civil sont applicables ;

Considérant que l'ordre d’insertion ne précisait ni le nombre de protège annuaire comportant la publicité prévue, ni les modalités de diffusion et notamment sa périodicité, aucune indication n'étant fournie sur ces deux points, que contrairement à ce que prétend la SARL MCE il ne résulte pas de cet ordre que la diffusion se faisait par tranche de mille exemplaires ;

Considérant que, de plus, le secteur précis de distribution n'était pas déterminé, cet ordre se bornant à évoquer « 78 » ce qui identifiait la totalité du département dans lequel cette cliente exerçait son activité de fleuriste, en sorte que la diffusion pouvait s'exercer dans des localités très éloignées de celle où ce commerce était installé, alors que pour un tel commerce la proximité de la clientèle est essentielle ;

Considérant qu’il s'ensuit que cet ordre de publicité n'était déterminé ni déterminable dans sa quotité, ni dans ses modalités de distributions, que Mme X. ne pouvait mesurer la portée de l'engagement qu’elle contractait, en sorte que le contrat conclu encourt la nullité ;

Considérant que par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus de l'argumentation des parties, il convient d'annuler le contrat ;

Considérant que lorsque la vente est annulée les parties doivent être remis en l'état comme si le contrat n'avait jamais eu lieu, qu’il s'en suit que la SARL MCE est redevable de la somme de 1.435,20 euros correspondant au prix de la prestation, au titre des restitutions avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2008, sans qu’il ait lieu de condamner Mme X. à payer cette prestation qui a cependant été exécutée, puisque cette exécution a été réalisée postérieurement à la décision que lui avait notifiée Mme X. de demander la nullité de la vente et donc de manière fautive ;

Considérant que Mme X. est fondée à réclamer non la somme de 1.741,08 euros mais celle de 645,55 euros TTC correspondant aux frais d’huissier justifiés de l'exécution du jugement, le surplus de cette somme correspondant aux intérêts pour partie précédemment alloués et à ses propres frais qui relèvent des dépens ;

Considérant que Mme X. réclame une somme de 10.372 euros au titre de son préjudice personnel, moral et patrimonial, soit 2.000 euros pour le préjudice personnel et moral et 8.372 euros TTC au titre de ses frais d'avocat devant les deux instances qui se sont déroulées devant le tribunal de commerce de Paris (2.000 euros HT x 2) et devant la cour d'appel de Paris (3.000 euros HT) ;

Considérant que la demande de Mme X. est fondée en ce qui concerne son préjudice personnel et moral, à raison de l'exécution en toute connaissance de cause par la SARL MCE après que sa cliente lui ait dénoncé le refus de toute exécution  ;

Considérant que pour le surplus sa demande ne peut qu'être rejetée, la cour n'ayant pas à se prononcer sur la somme relevant de l'article 700 du code de procédure civile se rapportant à un jugement dont elle n'est pas saisie, et les deux derniers montants relevant des indemnités de l'article 700 du code de procédure civile sur lesquels se prononcera la cour par le présent arrêt ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SARL MCE à payer à Mme X. une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, le jugement étant donc réformé de ce chef, et une somme de 3.000 euros devant la cour étant observé que Madame au regard de son argumentation a demandé de ce chef, outre une somme de 1.000 euros celle de 3.000 euros ;

Considérant que, au regard de l'exécution provisoire du jugement qui a été ordonnée, les condamnations qui s’y rapportent seront prononcées en deniers et quittances ;

Considérant que la SARL MCE est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Réforme le jugement en ce qu’il a ordonné la résiliation du contrat, et sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Prononce la nullité du contrat,

Condamne la SARL MCE à payer à Mme X. la somme de 695,45 euros TTC au titre des frais d’huissier se rapportant à l'exécution du jugement, celle de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Porte à la somme de 1.500 euros l’indemnité que la SARL MCE est condamnée à, payer à Mme X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant le tribunal,

Dit que les condamnations se rapportant au jugement sont prononcées en deniers ou quittances,

Condamne la SARL MCE à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour,

Admet Maître Frédéric BURET au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE,      LE PRÉSIDENT,