CA PARIS, 23 octobre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3430
CA PARIS, 23 octobre 2008 : RG n° 06/19221
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la décision de procéder à un remboursement par anticipation entraîne contractuellement la perception par le prêteur d'une indemnité à ce titre ;
Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS est fondé à rejeter l'application de l'article L. 321-21 du Code de la Consommation dont se prévaut l'appelante, ce texte excluant formellement son application à des opérations destinés à financer une activité professionnelle, ce qui était le cas du prêt discuté qui avait pour objet l'acquisition des locaux « à usage professionnel » selon les propres termes de la SCI ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/19221. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2006 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 05/14251.
APPELANTE :
SCI OGM ÉTOILE PARIS 16ème (Société civile)
prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse] - représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour ayant déposé son dossier.
INTIMÉES :
SA CRÉDIT LYONNAIS
pris en la personne de son représentant légal, ayant son siège [adresse] - représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour, assistée de Maître André CUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 159
SA INTERFIMO
pris en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse] - représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour, assistée de Maître Denis LAURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : R041
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller, Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, qui en ont délibéré.
[minute page 2] Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Michèle SAGUI Men
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Claire DAVID, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Angélique VINCENT-VIRY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 20 mai 1999, le CRÉDIT LYONNAIS a consenti à la SCI OGM ETOILE-PARIS 16e - ci-après la SCI - un prêt de 1.341.170,23 € destiné à financer l'acquisition d'un immeuble à usage professionnel et des travaux d'aménagement.
Ce prêt était d'une durée de 15 ans, et garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers à hauteur de 1.341.170,22 € au profit du CRÉDIT LYONNAIS en concours avec la Caisse d'Épargne, laquelle prêtait une somme équivalente, et par le cautionnement de la société INTERFIMO.
Estimant avoir remboursé de manière anticipée au delà de ce qu'elle devait, la SCI a, par actes du 23 septembre 2003, assigné le CRÉDIT LYONNAIS et la société INTERFIMO devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en mainlevée du privilège de prêteur de deniers, en remboursement de la somme de 31.426,68 € à titre de trop perçu, en réduction de l'indemnité de remboursement anticipée, celle de la commission de caution d'un montant de 17.277,55 €, en remboursement de la retenue de garantie, et en paiement d'une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 13 septembre 2006, le tribunal a débouté la SCI de ses demandes, la société INTERFIMO de sa demande de dommages et intérêts, et condamné la SCI à payer au CRÉDIT LYONNAIS et à la société INTERFIMO chacun la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 6 novembre 2006 la SCI a interjeté appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées le :
- 12 juin 2008 pour la SCI,
- 29 juin 2007 pour le CRÉDIT LYONNAIS,
- 11 avril 2007 pour la société INTERFIMO.
La SCI demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner le CRÉDIT LYONNAIS à rembourser la somme de 31.426,68 € à titre de trop perçu,
- condamner le CRÉDIT LYONNAIS et la société INTERFIMO à rembourser les sommes de :
* 20.665,41 € au titre de l'indemnité de remboursement anticipée, le cas échéant en réduire le montant,
* [minute page 3] 17.277,55 € au titre de la commission de caution,
* 19.437,24 € au titre de la retenue de garantie,
et celle de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Ordonner l'exécution provisoire.
Le CRÉDIT LYONNAIS demande à la Cour de :
- débouter la SCI de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la SCI à payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société INTERFIMO demande à la Cour de :
- débouter la SCI de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à payer la somme de 5.000 e au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Considérant que la SCI soutient que l'emprunt souscrit auprès du CRÉDIT LYONNAIS a été intégralement remboursé par anticipation auprès des deux banques prêteuses, ce qu'a admis la Caisse d'Épargne, qui a en conséquence donné mainlevée auprès de Maître C., notaire, de son privilège et abandonné son droit à l'indemnité de remboursement anticipée, mais ce qu'a, au contraire, refusé le CRÉDIT LYONNAIS nonobstant la perception d'une somme totale de 1.340.303,09 € issue de paiements en décembre 2003, janvier et mars 2004 et février 2005- supérieure au capital restant du ; qu'il en a été de même pour les intérêts et les échéances impayées ; que le trop versé résultant de ces sommes s'élève ainsi à 31.426,68 €, et qu'il incombe en conséquence au CRÉDIT LYONNAIS de rembourser cette créance ;
Considérant que la SCI argue, en outre que, la banque n'est pas fondée à revendiquer l'indemnité de remboursement anticipée qu'elle a prélevée, malgré la volonté exprimée par le preneur, et connue de la banque, d'exercer le droit que lui conférait l'article L. 321-21 du Code de la Consommation ; qu'en effet le CRÉDIT LYONNAIS ne saurait écarter les pièces attestant ces faits, soit le tableau d'amortissement dressé par lui le 5 janvier 2004 à la suite de remboursements anticipés, et réduisant en conséquence la durée du crédit au profit de l'augmentation du montant des échéances, et son courrier du 20 janvier 2005 faisant état de la transmission du dossier à la société INTERFIMO afin que celle-ci communique à son tour le montant du solde du prêt ; qu'il en découle que la banque, qui s'est abstenue ensuite de fournir un nouveau tableau d'amortissement, n'a pas respecté ses obligations découlant de l'article 4 du contrat ;
Considérant que la SCI soutient également que cette indemnité doit être réduite en application de l'article 1152 du Code Civil ;
Considérant qu'il est établi par les écritures et les pièces de la société INTERFIMO, que la SCI a, en cours de procédure d'appel, soldé sa dette envers l'organisme de cautionnement, lequel a, en conséquence, donné mainlevée de son privilège de prêteur de deniers, ce qui rend sans objet la demande de l'appelante sur ce point ;
Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS soutient qu'il est en conséquence fondé à se prévaloir de ce que la subrogation opérée au profit de la société INTERFIMO rend inopposable à son encontre le débat initié par la SCI quant aux comptes entre les [minute page 4] parties, exception faite de celui afférent à l'indemnité de remboursement anticipée ; Considérant néanmoins que la justification de la somme prélevée à ce titre implique que le CRÉDIT LYONNAIS réponde, au même titre que la société INTERFIMO, des fautes qui lui sont imputées dans la reconnaissance d'une résiliation anticipée et, partant, justifie au même titre que la société INTERFIMO des comptes établis sur cette base, lesquels incluent l'indemnité retenue par le CRÉDIT LYONNAIS ;
Considérant en revanche que c'est à tort que l'appelante procède à une addition globale des sommes qu'elle a versées, en les confondant dans une même entité au titre d'une résiliation anticipée, sans tenir compte de l'existence des impayés précédents et, dès lors des principes contractuels d'affectation des sommes concernées ;
Considérant en effet qu'il résulte des pièces produites par les intimés que du 18 octobre 2000 au 18 novembre 2002, la SCI a accumulé 17 échéances impayées d'un montant de 10.503,52 € chacune ; qu'il est d'ailleurs fait état par cette dernière d'un total de 22 mensualités non réglées ; que les versements postérieurement effectués par le SCI ne sauraient dès lors être revendiqués par elle comme aboutissant à la constitution d'un capital unique destiné à la mise en œuvre d'une résiliation anticipée ; qu'à juste titre ces sommes ont été ventilées par le CRÉDIT LYONNAIS par affectation prioritaire au remboursement de celles versées par la société INTERFIMO, puis ensuite, selon les dispositions de l'article 4 du contrat, prioritairement sur le capital, les intérêts ensuite, et enfin au titre d'un remboursement anticipé dont le principe est reconnu par les intimés sur cette base ;
Considérant que sur ce principe, le règlement de 1.080.000 € du 4 décembre 2003 revendiqué par la SCI a été affecté au remboursement des échéances impayées assumées par la société INTERFIMO, puis à celui du capital et des indemnités de remboursement anticipé ; qu'il a été procédé de même pour la somme de 83.064,02 € du 29 décembre suivant, pour celle de 100.458,85 € réglée le 20 janvier 2004, et les versements suivants de 56.780,22 € et 20.000 € des 9 avril 2004 et 21 février 2005 ;
Considérant qu'un tableau d'amortissement conforme au paiement des trois premières sommes imputées pour un montant total de 961.182 € sur le capital et de 20.665,41 au titre des indemnités de remboursement anticipé a été établi par le CRÉDIT LYONNAIS, sur la base d'un maintien des mensualités initiales avec diminution de la durée du crédit dont le terme était ramené au 18 octobre 2004 ; que la banque produit en effet sur ce point un courrier du 16 décembre 2003 adressé à Maître C., dans lequel il était demandé à ce dernier de préciser les modalités retenues par sa cliente pour procéder au remboursement du prêt, en modifiant sa durée ou le montant des échéances ; qu'il n'est pas justifié d'une réponse à ce courrier ;
Considérant qu'il en résulte que la SCI n' est pas fondée à reprocher au CRÉDIT LYONNAIS de n'avoir pas établi un nouveau tableau, dans la mesure où celui du 15 mars 2004 répondait aux opérations en cours ;
Considérant que la SCI ne saurait pas plus remettre en cause les décomptes ainsi effectués et à revendiquer le bénéfice d'un remboursement portant sur la totalité de l'emprunt, et en conséquence l'existence d'un trop perçu à son détriment ; que les fautes imputées tant au CRÉDIT LYONNAIS qu'a la société INTERFIMO dans l'établissement de ces comptes ne sont pas établies, les dispositions contractuelles afférentes ayant été régulièrement appliquées par ces deux sociétés
Considérant que la décision de procéder à un remboursement par anticipation entraîne contractuellement la perception par le prêteur d'une indemnité à ce titre ;
Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS est fondé à rejeter l'application de l'article L. 321-21 du Code de la Consommation dont se prévaut l'appelante, ce texte excluant formellement son application à des opérations destinés à financer une activité professionnelle, ce qui était le cas du prêt discuté qui avait pour objet l'acquisition des locaux « à usage professionnel » selon les propres termes de la SCI ;
[minute page 5] Considérant également que vainement est-il réclamé par cette dernière le bénéfice des dispositions de l'article 1152 du Code Civil afin de réduire le montant des sommes dues au titre d'une clause qui ne peut être considérée comme une clause pénale, le remboursement par anticipation, soumis à la seule volonté de l'emprunteur, ne relevant pas d'une inexécution du contrat mais de l'exercice d'une faculté convenue entre les parties ;
Considérant que, s'agissant de la société INTERFIMO, la SCI argue de ce que cette dernière est tenue de lui rembourser, au prorata, la commission de caution, fixée à l'origine en fonction d'un prêt de 15 ans, lequel a été soldé au bout de 5 années, soit le 9 avril 2004 ; que, pour les mêmes raisons, la retenue de garantie est exigible par la SCI, les clauses du contrat signé entre cette dernière et la société INTERFIMO étant sans effet au regard des conditions particulières de l'acte de prêt conclu avec le CRÉDIT LYONNAIS, et qui prévalent sur les premières, selon lesquelles cette somme serait remboursable dans l'année suivant le remboursement du prêt ;
Considérant cependant que le montant de la commission de caution ne s'apprécie pas au prorata temporis du prêt - ce qu'aucune disposition contractuelle ne prévoie - mais constitue la rémunération de la société INTERFIMO au titre de l'ensemble de l'opération garantie, en ce compris les divers frais de dossier exposés à cette occasion ; que le contrat mentionne qu'elle « fait partie des recettes normales d'exploitation de la société INTERFIMO et lui est définitivement acquise » ;
Considérant dès lors que la demande de réduction n'est pas fondée ;
Considérant que les stipulations afférentes à la retenue de garantie, figurant dans les conditions particulières auxquelles se réfère l'appelante mentionnent :
« La participation au fonds de garantie est remboursable à l'emprunteur dans l'année, suivant le paiement de la dernière mensualité ou trimestrialité, sauf réduction à titre de pénalité en cas d'incident au cours du remboursement du prêt » ; que cet acte renvoie aux autres actes en cause, et en conséquence ceux afférents à la garantie donnée par la société INTERFIMO ; qu'ainsi le principe de pénalité contenu dans les dispositions précédentes ne peut être discuté par la SCI, puisqu'il figure dans les conditions particulières ; qu'en revanche, il ne peut être dissocié des modalités d'application précisées dans la Notification d'Autorisation de Crédit du 17 mai 1999, laquelle mentionne en son paragraphe « Charges Mutuelles » que la retenue de garantie « pourra être conservée par la société INTERFIMO à titre d'indemnité pour ses peines et soins, au cas où plusieurs incidents de paiement (six échéances mensuelles ou deux échéances trimestrielle...) seront survenus dans le cours du financement, et auront donc amené la société INTERFIMO à régler le PRÊTEUR ou le BAILLEUR aux lieu et place du bénéficiaire » ;
Considérant que tel a été le cas en l'espèce comme en attestent les quittances subrogatives délivrées par le CRÉDIT LYONNAIS les 28 juillet 2003 et 25 janvier 2005 ;
Considérant en conséquence que le moyen n'est pas fondé ;
Considérant que le jugement est confirmé ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner la SCI à payer à chacun des intimés la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la SCI OGM ETOILE-PARIS 16e à payer au CRÉDIT LYONNAIS et à la société INTERFIMO chacune la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article [minute page 6] 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la SCI aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT