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CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 octobre 2011

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 octobre 2011
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 11/03102
Date : 10/10/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/05/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3474

CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 octobre 2011 : RG n° 11/03102

Publication : Jurica

 

Extrait : « La facture, dont il n'est pas établi qu'elle ait été communiquée aux acquéreurs, porte l'indication « véhicule vendu en l'état ou il se trouve ». Cependant, dans la mesure où M. Z., vendeur professionnel, est présumé connaître les vices de la chose cédée, il ne peut se prévaloir de cette indication pour échapper à son obligation légale de garantir les vices cachés qui pourraient affecter la voiture acquise par les époux X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 

R.G. n° 11/03102. Ordonnance de référé (N° 11/00090) rendue le 26 avril 2011 par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

Demeurant ensemble [adresse], représentés par la SELARL Eric LAFORCE, avoué à la Cour, ayant pour conseil Maître Jean-Pierre LEMAIRE, avocat au barreau de VALENCIENNES (bénéficient d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

 

INTIMÉ :

Monsieur Z. exerçant sous l'enseigne DLD AUTO

Demeurant [adresse], représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour, ayant pour conseil Maître Franz HISBERGUES, avocat au barreau de VALENCIENNES

 

DÉBATS à l'audience publique du 8 septembre 2011, tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er septembre 2011

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ordonnance de référé rendue le 26 avril 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valenciennes :

- a déclaré non fondée la demande présentée par M. X. et Mme X.,

- les en a déboutés,

- les a condamnés au paiement d'une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les a condamnés aux dépens.

M. X. et Mme Y. épouse X. ont interjeté appel de cette décision le 4 mai 2011.

 

RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :

Le 16 septembre 2010, M. Z. exerçant sous l'enseigne commerciale DLD AUTOS a vendu à M. et Mme X. un véhicule Citroën C4 Picasso moyennant un prix de 10.000 euros.

Invoquant de graves désordres mettant en cause les organes essentiels de la voiture, M. et Mme X. ont confié ce véhicule à la société commerciale Citroën. Un devis de réparation a été établi le 17 décembre 2010 pour une somme de 2.374,04 euros.

Par courrier recommandé du 23 décembre 2010, M et Mme X. ont mis M. Z. en demeure de procéder à la remise en état du véhicule.

Faute de réponse, ils ont, par acte d'huissier du 16 mars 2011, fait assigner ce dernier devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Valenciennes aux fins de voir désigner un expert chargé d'examiner le véhicule litigieux, de décrire son état, de dire s'il présente des défauts cachés le rendant impropre à son usage, dans l'affirmative de lister les désordres, d'en déterminer les causes et de chiffrer le coût des travaux nécessaires à la remise en état du véhicule.

La décision déférée, retenant que l'estimation des travaux faite par un garagiste ne contenait pas d'indication que le véhicule pourrait être affecté de défauts cachés lors de la vente (les pièces listées comme devant être changées étant soumises à un remplacement périodique), a été rendue dans ces conditions.

 

M. X. et Mme Y. épouse X. demandent à la cour de :

Vu les articles 1604 et 1641 du code civil, L. 211-1 et suivants du code de la consommation, L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation :

- infirmer l'ordonnance,

- désigner un expert aux fins d'examiner le véhicule litigieux Citroën C4 Picasso,

- leur donner acte de leur sommation en communication de pièces à l'encontre de M. Z.,

- condamner M. Z. à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Ils estiment que le juge des référés ne pouvait les débouter de leur demande d'expertise au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de l'existence d'un vice caché du véhicule alors que la mesure d'instruction sollicitée a précisément pour objet d'établir l'existence d'un tel défaut. Ils précisent que la société Citroën, à laquelle le véhicule a été confié, ne dispose d'aucune compétence pour qualifier juridiquement un vice caché et qu'elle a, sous cette réserve, détaillé l'ensemble des désordres auxquels il devait être remédié.

Ils relèvent que la liste des réparations à faire porte sur des organes essentiels de la voiture, que les défauts sont multiples et graves et qu'ils rendent le véhicule impropre à la circulation compte tenu de son état de dangerosité. Ils font valoir qu'une telle situation est anormale alors qu'ils ont acheté la voiture auprès d'un professionnel de la vente de véhicules d'occasion. Ils indiquent que M. Z. a produit, le jour de l'audience, une facture d'un montant de 10.000 euros correspondant au véhicule acheté et portant la mention « vendu en l'état ». Ils affirment que cette facture ne leur avait jamais été remise et qu'ils ont fait sommation à leur vendeur de produire l'original. En tout état de cause, ils soulignent que M. Z., vendeur professionnel, ne peut s'exonérer de sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

 

M. Z. sollicite la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions et la condamnation des époux X. à lui payer la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens.

Il estime que l'objet du litige est une demande d'expertise in futurum de sorte qu'il est inexact de soutenir que l'ordonnance de référé est dépourvue de base légale. Il rappelle que l'appréciation de la légitimité du motif relève du pouvoir souverain du juge du fond et estime que le premier juge a parfaitement motivé sa décision.

En effet, il constate que la seule preuve des désordres affectant le véhicule produite, est un simple devis d'un concessionnaire Citroën alors que la facture établie au profit des époux X. précise que le véhicule est vendu « en l'état ». Il explique que le prix initial avait été fixé à 10.550 euros mais qu'il a été négocié à la baisse compte tenu du kilométrage affiché. Il affirme que la facture versée aux débats est un original et que les époux X. sont d'une particulière mauvaise foi dans la mesure où ils ont tout d'abord prétendu qu'ils avaient payé 10.550 euros pour leur voiture avant de venir aujourd'hui indiquer que leur précédent véhicule a été repris 2.500 euros, montant qui aurait été déduit d'un prix de base de 12.000 euros (soit un solde qui aurait été payé de 9.500 euros). Il constate toutefois qu'aucune preuve de ces allégations n'est rapportée.

Il ajoute que le devis de la société Citroën mentionne la nécessité de remplacer les amortisseurs, les ressorts de suspension et le filtre à air, pièces d'usage qu'il est normal de devoir remplacer sur une voiture possédant 142.000 km.

Il en conclut que les demandeurs, qui ne démontrent pas que le véhicule ne circule plus, ne justifient pas plus qu'il serait rendu dangereux à l'utilisation.

Il s'oppose donc à la mesure d'expertise sollicitée, M. et Mme X. ne justifiant aucun motif légitime pour une telle mesure.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourraient dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

M et Mme X. ont acheté le 16 septembre 2010 auprès de M. Z. exerçant sous l'enseigne DLD AUTO un véhicule Citroën Grand C4 Picasso moyennant un prix de 10.000 euros. La facture éditée le 21 septembre 2010 par le vendeur indique qu'aucune garantie n'est souscrite par les acquéreurs et que leur Espace 3 « non roulant » fait l'objet d'une reprise (pour un montant non chiffré).

La facture, dont il n'est pas établi qu'elle ait été communiquée aux acquéreurs, porte l'indication « véhicule vendu en l'état ou il se trouve ». Cependant, dans la mesure où M. Z., vendeur professionnel, est présumé connaître les vices de la chose cédée, il ne peut se prévaloir de cette indication pour échapper à son obligation légale de garantir les vices cachés qui pourraient affecter la voiture acquise par les époux X.

Ces derniers versent aux débats un devis daté du 17 décembre 2010 (soit trois mois après la vente) relevant divers travaux à effectuer sur le véhicule litigieux dont notamment le remplacement des amortisseurs, du support compresseur, du filtre à air, de l'embrayage et la réfection de l'étanchéité du carter inférieur pour un prix de plus de 2.000 euros.

S'il est évident que certaines pièces doivent être périodiquement changées sur ce type de véhicule et que les réparations peuvent découler d'une usure normale compte tenu du kilométrage affiché au compteur (142.000 km), il n'en demeure pas moins que les acquéreurs, au vu du montant des réparations à effectuer, sont légitimes à solliciter une mesure d'expertise aux fins de disposer d'éléments techniques pour apprécier l'état de leur véhicule et déterminer s'il était ou non affecté de vices cachés (outre l'usure normale) au moment de la vente.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de M et Mme X. et de réformer l'ordonnance déférée.

Compte tenu de la nature de l'affaire, chaque partie conservera provisoirement la charge de ses dépens de première instance. M. Z. succombant en cause d'appel, il sera condamné aux dépens afférents à ce recours.

Il n'est par ailleurs par inéquitable de laisser à M. Z. d'une part et M et Mme X. d'autre part la charge de frais exposés et non compris dans les dépens. Les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

ORDONNE une mesure d'expertise ;

COMMET pour y procéder Monsieur A. Tel : XX.

avec mission, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles, et après avoir entendu les parties ainsi que tous sachants de :

- procéder à l'examen du véhicule Citroën Grand C4 Picasso, vendu à M. X. et Mme Y. épouse X. par M. David Z. ;

- décrire son état et vérifier l'existence des désordres allégués ;

- en rechercher les causes, dire si les désordres sont de nature à rendre le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné ou s'ils en diminuent l'usage et si le véhicule est apte à la circulation ;

- préciser le cas échéant si les désordres sont la conséquence normale de la vétusté du véhicule ;

- rechercher la date d'apparition des désordres et préciser notamment s'ils sont antérieurs ou non à la vente ;

- indiquer si des travaux de réparation sont de nature à remédier aux désordres, en évaluer le coût, l'importance et la durée ;

- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie, le cas échéant, de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis ;

Dit que M et Mme X. bénéficiant de l'aide juridictionnelle n'auront pas à verser une consignation à valoir sur la rémunération du technicien conformément à l'article 119 du décret du 19 décembre 1991 ;

DIT que l'expert commis, saisi par le greffe de la cour, devra :

- accomplir les opérations d'expertise au contradictoire des parties, celles-ci et les conseils étant présents ou dûment appelés,

- prendre en considération leurs observations et réclamations faites dans les délais qu'il aura impartis et, si elles sont écrites, les joindre à son avis, si cela est demandé,

- mentionner dans cet avis la suite qu'il aura donnée à toutes les observations et réclamations, au sens de l'article 276 3ème et 4ème alinéa du code de procédure civile,

- impartir un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtraient nécessaires,

- procéder personnellement à ses opérations, en pouvant, toutefois, se faire assister, dans l'accomplissement de sa mission, par une personne de son choix, sous son contrôle et sa responsabilité, personne dont il mentionnera les noms et qualités,

DIT que l'expert déposera son rapport au greffe dans les trois mois à compter de sa saisine, sauf prorogation du délai dûment sollicitée en temps utile auprès du magistrat chargé du contrôle de la mesure d'instruction ;

DESIGNE le président de la première chambre, section 1, de la cour d'appel de Douai, pour suivre les opérations d'expertise et en cas d'empêchement de l'expert, procéder à son remplacement ;

LAISSE provisoirement à chaque partie la charge de ses dépens de première instance ;

CONDAMNE M. Z. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,               Le Président,

D. VERHAEGHE     E. MERFELD