TGI SENLIS (1re sect.), 28 octobre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3802
TGI SENLIS (1re sect.), 28 octobre 2008 : RG n° 07/02558 ; jugt n° 226
(sur appel CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010 : RG n° 08/05297)
Extrait : « Selon les conditions générales du contrat d'assurance conclu entre les parties, le vol garanti par l'assureur est défini comme « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule, ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule ». Dans son arrêt en date du 10 mars 2004 la Cour de Cassation a jugé que les circonstances du vol envisagées par la police d'assurance sont du domaine du fait juridique dont la preuve est libre de sorte qu'elle ne peut être limitée par le contrat d'assurance.
En l'espèce, l'effraction du véhicule a été constatée par les deux experts commis par l'assureur et par l'assuré. […]. Dans la mesure où l'assuré établit le vol dont il a été victime et qui a donné lieu au versement de l'indemnité conformément au contrat, la demande de restitution de cette indemnité prétendument indue formée par l'assureur n'est pas fondée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS
PREMIÈRE SECTION
JUGEMENT DU 28 OCTOBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02558. Jugement n° 226.
Demandeur :
La Compagnie MAAF
dont le siège social est [adresse], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Comparant, concluant et plaidant par la SCP DRYE & Associés, avocats au barreau de SENLIS.
Défendeur :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville] de nationalité française, responsable de maintenance dans le bâtiment, demeurant [adresse], Comparant, concluant et plaidant par Maître LE GAC, avocat au barreau de SENLIS.
COMPOSITION : Madame KAPELLA, Président, Madame PIET, Vice-Président, Monsieur de la CHAPELLE Juge, assistés de Monsieur FARFART Greffier,
DÉBATS : Le 2 septembre 2008, en audience publique devant Madame PIET, magistrat rapporteur, siégeant seul avec l'accord des parties.
PRONONCÉ le 28 octobre 2008 par mise à disposition au greffe dans les délais indiqués aux parties.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Le 30 novembre 2005 Monsieur X. a déclaré aux services de police le vol commis dans la journée de son véhicule Clio Renault immatriculé XX qu'il avait garé dans la rue A. à IVRY SUR SEINE.
Le 5 janvier 2006 son assureur, la MAAF, lui a versé une indemnité de 17.789 € devenant ainsi la propriétaire du véhicule.
Le véhicule était retrouvé à Paris le 1er février 2006 par les services de police.
L'assureur faisait examiner le véhicule par un expert qui n'a pas constaté d'effraction sur les organes de direction.
Par une lettre en date du 27 mars 2006, la MAAF a réclamé en vain à son assuré le remboursement de l'indemnité, au motif qu'elle ne garantissait le vol que s'il était commis grâce à une effraction du véhicule et des organes de direction.
Invoquant les articles 1235 et 1376 du code civil, la MAAF assigne Monsieur X. par acte d'huissier du 2 novembre 2007 afin d'obtenir sa condamnation assortie de l'exécution provisoire au paiement des sommes suivantes :
- 8.689 € représentant la différence entre le montant de l'indemnité versée par elle et le prix de revente du véhicule à un tiers,
- 1.872 € au titre de frais de gardiennage du véhicule,
- 172 € coût de l'expertise,
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes la MAAF fait valoir :
- qu'elle garantit le vol que le contrat définit comme « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction »,
- que l'expert commis par l'assuré pour examiner le véhicule a travaillé de manière non contradictoire, mais a constaté, comme son propre expert, qu'aucune effraction n'avait été commise sur les organes de direction du véhicule,
- que les attestations, au demeurant irrégulières au regard de l'article 2002 du code de procédure civile, dont se targue le défendeur pour établir la réalité du vol ne permettent pas de toute façon de caractériser le vol tel qu'il est contractuellement défini.
[minute page 3] La MAAF prétend en outre que les fausses déclarations relatives aux circonstances du vol faites par Monsieur X. entraînent la déchéance de garantie conformément à l'article L. 113-8 du code des assurances et aux stipulations contractuelles.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2008, la MAAF sollicite une mesure d'expertise « afin de faire la part sur tous les éléments du litige » dans la mesure où le véhicule n'a pas été détruit.
Monsieur X. s'oppose à toutes les demandes de l'assureur.
Il réplique en effet :
- qu'en vertu du contrat et des articles 1134 et 1135 du code civil, l'assureur ne peut se soustraire à son obligation d'indemnisation du risque assuré,
- que lui-même a pris les précautions nécessaires imposées par le contrat pour éviter le vol du véhicule,
- que l'absence d'effraction sur les organes de direction ne signifie pas l'absence de vol,
- que l'effraction du véhicule constatée par les deux experts et les témoignages qu'il produit démontrent la matérialité du vol dont il a été victime,
- qu'enfin la preuve du vol est libre selon la jurisprudence de la Cour de Cassation.
Monsieur X. soutient encore :
- que l'expert de l'assureur n'a pas répondu à la convocation adressée par son confrère de sorte qu'il ne peut lui être reproché le caractère non contradictoire de son expertise,
- que l'assureur ne rapporte pas la preuve de la fausse déclaration qu'il lui impute,
- qu'une nouvelle expertise ne présente aucun intérêt eu égard aux deux expertises déjà réalisées,
- qu'il ne saurait supporter les frais de gardiennage et d'expertise que l'assureur a choisi d'engager.
[minute page 4] En outre, Monsieur X. considère l'instance engagée contre lui comme vexatoire et abusive dans la mesure où il a toujours payé ses primes d'assurance depuis plusieurs années.
Reconventionnellement il sollicite la condamnation de la MAAF à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure est clôturée par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 1er septembre 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article 1235 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.
Aux termes de l'article 1376 du code civil également invoqué par l'assureur au soutien de ses demandes, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer.
Selon les conditions générales du contrat d'assurance conclu entre les parties, le vol garanti par l'assureur est défini comme « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule, ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule ».
Dans son arrêt en date du 10 mars 2004 la Cour de Cassation a jugé que les circonstances du vol envisagées par la police d'assurance sont du domaine du fait juridique dont la preuve est libre de sorte qu'elle ne peut être limitée par le contrat d'assurance.
En l'espèce, l'effraction du véhicule a été constatée par les deux experts commis par l'assureur et par l'assuré.
En outre, dans leurs attestations en date des 8 et 9 juin 2008, les époux Y témoignent que le 30 novembre 2006, après avoir passé l'après-midi avec Monsieur X. à leur domicile, ils ont constaté avec lui la disparition de son véhicule qu'il avait stationné dans leur rue, au moment de son départ vers 19h.
Dans son attestation du 14 avril 2008, Madame X., l'épouse de Monsieur X., atteste que le 30 novembre 2006, son mari lui a téléphoné dans la soirée [minute page 5] sur son lieu de travail pour l'informer qu'il ne pouvait pas venir la chercher, et qu'elle a dû solliciter une voisine, Madame Z, pour regagner son domicile.
Ce témoignage est conforté par celui de cette dernière qui confirme être allée chercher Madame X. sur son lieu de travail en raison du vol du véhicule. (Attestation de Madame Z du 10 juin 2008).
Dans la mesure où l'assuré établit le vol dont il a été victime et qui a donné lieu au versement de l'indemnité conformément au contrat, la demande de restitution de cette indemnité prétendument indue formée par l'assureur n'est pas fondée.
En outre, l'assureur n'indique aucun fondement juridique au soutien de sa demande de condamnation de l'assuré au paiement des frais d'expertise et de gardiennage du véhicule.
Enfin sa demande d'expertise est fantaisiste puisque le véhicule a été vendu depuis plusieurs mois à un tiers qui n'est pas partie au litige.
La MAAF sera donc déboutée de toutes ses demandes.
Dès lors que la demande de la MAAF ne présente pas de caractère abusif, la demande de dommages - intérêts formée par Monsieur X. sera rejetée, étant observé que celui-ci a été indemnisé dès le 5 janvier 2006.
En revanche, parce qu'elle succombe la MAAF sera condamnée à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin rien ne justifie d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,
Déboute la MAAF de toutes ses demandes dirigées contre Monsieur X.,
[minute page 6] Déboute Monsieur X. de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne la MAAF à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la MAAF aux dépens.
Le Greffier, Le Président,