CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2392
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010 : RG n° 08/05297
Publication : Jurica
Extrait : « Il ressort de cet énoncé que la clause de la garantie vol d'un véhicule impose à l'assuré M. X. pour en bénéficier d'apporter la preuve non seulement d'une effraction du véhicule mais également des organes de direction de celui-ci.
Cette clause exclut la garantie des soustractions frauduleuses réalisées par effraction du véhicule sans porter atteinte aux organes de direction par l'utilisation de fausses clefs pouvant être réalisées à partir des empreintes du barillet de porte ou par l'installation de boîtiers électroniques spécifiques.
Elle prive ainsi l'assuré de la possibilité de faire la preuve du vol par tous moyens et au contraire permet à l'assureur en faisant figurer ces deux conditions cumulatives pour bénéficier de la garantie « vol », non dans l'énoncé de celle-ci mais par renvoi en petits caractères au lexique qui en dernière page des conditions générales donne la définition de ce terme sans soulignement de la conjonction de coordination, de limiter sa garantie, sans permettre à l'assuré d'accepter celle-ci en connaissance de cause. Cette clause ne permet pas non plus d'assurer une égalité de traitement à tous les assurés ayant souscrit ce contrat, puisque seuls ceux dont le véhicule sera retrouvé pourront se voir refuser la garantie.
Une telle clause qui crée un déséquilibre entre l'assureur et l'assuré est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et doit être réputée non écrite. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/05297. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS du 28 octobre 2008.
APPELANTE :
Compagnie d'assurances MAAF
[adresse], représentée par la SCP SELOSSE BOUVET - ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Maître COTTIGNIES, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP TETELIN-MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par Maître LE GAC, avocat au barreau de SENLIS
DÉBATS : [minute Jurica page 2] Audience publique du 7 janvier 2010 devant Madame BELFORT, Président, entendue en son rapport et Madame CORBEL, Conseiller, magistrats rapporteurs siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 février 2010.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DELIBÉRÉ : Madame Le Président et Madame Le Conseiller en ont rendu compte à la Cour composée de : Madame BELFORT, Président, Madame CORBEL et Madame LORPHELIN, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi.
ARRÊT : PRONONCÉ PUBLIQUEMENT le 25 février 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Madame BELFORT, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 30 novembre 2005, M. X. a déclaré aux services de police le vol commis dans la journée de son véhicule CLIO Renault immatriculé XXX YYY 60 qu'il avait garé dans la rue [adresse].
Le 5 janvier 2006, son assureur, la MAAF lui a versé une indemnité de 17.789 euros devenant ainsi propriétaire du véhicule.
Le véhicule était retrouvé à Paris le 1er février par les services de police.
L'assureur faisait examiner le véhicule par un expert qui n'a pas constaté d'effraction sur les organes de direction.
Par acte du 2 novembre 2007, la MAAF a assigné M. X. en paiement d'une somme de 8.689 euros représentant la différence entre le montant de l'indemnité versée par elle et le prix de revente du véhicule à un tiers, 1.872 euros de frais de gardiennage du véhicule, 172 euros au titre du coût de l'expertise et 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par un jugement du 28 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Senlis a débouté la MAAF de toutes ses demandes et M. X. de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la MAAF à payer à ce dernier la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
Par déclaration du 10 décembre 2008, la MAAF GESTION ACCIDENTS a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 octobre 2009, la MAAF demande à la cour de :
- [minute Jurica page 3] infirmer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau, au visa des articles 1235 et 1376 du Code civil de condamner M. X. à lui payer la somme de 8.689 euros en remboursement de la différence entre l'indemnité versée à tort et le montant de la vente du véhicule, la somme de 1.872 euros en remboursement des frais de gardiennage, la somme de 172,70 euros en remboursement des frais d'expertise et celle de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP SELOSSE-BOUVET & ANDRE, avoués associés aux offres de droit.
M. X. dans ses dernières écritures du 12 juin 2009 demande à la cour de :
- constater que la définition du vol insérée dans le contrat d'assurance constitue une clause abusive et la réputer non écrite,
- confirmer le jugement rendu le 28 octobre 2008 par le tribunal de grande instance de Senlis,
- condamner la MAAF à lui payer une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens avec distraction au profit de la SCP TETELIN-MARGUET & de SURIREY.
Une clôture est intervenue le 4 novembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
La société MAAF soutient à titre principal que les conditions de mise en jeu de sa garantie « vol » ne sont pas réunies dès lors que la clause contractuelle impose la preuve d'une « effraction sur les ouvrants et les organes de direction » alors que l'expert qu'elle a diligenté a conclu à l'absence d'effraction sur les organes de direction.
A titre subsidiaire, la MAAF demande de faire application de la déchéance pour fausse déclaration au vu des circonstances.
M. X. réplique que :
- la clause contractuelle opposée est abusive au visa des articles L. 133-2 et L. 132-1 du Code de la consommation dès lors que :
* la définition du terme vol figure dans le lexique et non dans le corps du contrat qui indique uniquement « les événements garantis ; vol du véhicule », cet emplacement ne permettant pas à l'assuré de mesurer l'importance de cette définition en terme de preuve et la limitation de garantie qui en est la conséquence ;
* la clause litigieuse créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'assuré en l'absence d'effraction étant dans l'impossibilité d'établir le vol commis et ce d'autant que l'évolution des technologies permet aujourd'hui au voleur de mettre en œuvre un calculateur vierge c'est-à-dire un boîtier électronique qui gère l'allumage du moteur ce qui permet de démarrer le moteur sans Code clef et entraîne l'absence de toute effraction des organes de direction ;
- à titre subsidiaire, qu'il est de parfaite bonne foi, les différentes observations résultant de l'examen du véhicule démontrant qu'il s'agit d'un vol et qu'il avait pris toutes précautions pour éviter ce sinistre, en application des clauses contractuelles ; la matérialité du vol est non seulement confirmée par les différentes expertises mais également par les attestations des témoins présents lors du sinistre ;
- la cour de cassation a interdit à l'assureur d'imposer à l'assuré des modes de preuve particuliers pour démontrer le vol, la preuve étant libre pour établir un tel fait juridique.
- sur la déchéance, que l'assureur est dans l'impossibilité d'apporter la preuve de la fausse déclaration de vol.
[minute Jurica page 4]
* Sur la licéité de la clause de garantie « vol » :
L'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contra ».
Dans le contrat souscrit par M. X. auprès de la société MAAF les conditions de la « garantie vol » sont détaillées en page 41 des conditions générales. A titre liminaire figure la mention « la mise en jeu de cette garantie est subordonnée à la remise à l'assuré d'un certificat de dépôt de plaint ». Puis sont listés les « événements garantis » : « le vol de véhicule*, le détournement de véhicule à la suite d'un abus de confiance, l'appropriation du véhicule par le paiement par un faux chèque de banque*, la tentative de vol*, le vol ou la tentative de vol d'éléments du véhicule fixés à l'intérieur du véhicule lorsqu'il y a eu effraction de celui-ci, les détériorations du véhicule consécutives au vol ou à la tentative de vol d'éléments fixés ou contenus dans le véhicule lorsqu'il y a eu effraction de celui-ci ».
Ensuite dans pavé à fond bleu est mentionné « ne sont pas garantis : les événements ci-dessus commis par, ou avec la complicité - d'un membre de la famille ou du concubin* de l'assuré vivant sous son toit ou travaillant avec lui, d'un préposé de l'assuré - le vol d'un véhicule lorsque l'une des précautions décrites ci-dessous ne sont pas prises ».
Suivent ensuite les dites précautions « vous devez prendre toutes précautions élémentaires pour ne pas faciliter l'action des voleurs. Ne jamais laisser la clef de contact sur, dans, sous votre véhicule ; verrouillez les portes (y compris) le coffre et fermez les vitres de votre véhicule lorsque vous quittez celui-ci. Si l'une de ces précautions n'est pas prise, notre garantie ne jouera pas ».
L'astérisque renvoie aux définitions en pages 108 et 109.
Page 109 soit à la dernière page des conditions générales dans le lexique à la locution « vol du véhicule » figure la définition suivante : « vol: soustraction frauduleuse du véhicule : commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule, ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule ».
Il ressort de cet énoncé que la clause de la garantie vol d'un véhicule impose à l'assuré M. X. pour en bénéficier d'apporter la preuve non seulement d'une effraction du véhicule mais également des organes de direction de celui-ci.
Cette clause exclut la garantie des soustractions frauduleuses réalisées par effraction du véhicule sans porter atteinte aux organes de direction par l'utilisation de fausses clefs pouvant être réalisées à partir des empreintes du barillet de porte ou par l'installation de boîtiers électroniques spécifiques.
Elle prive ainsi l'assuré de la possibilité de faire la preuve du vol par tous moyens et au contraire permet à l'assureur en faisant figurer ces deux conditions cumulatives pour bénéficier de la garantie « vol », non dans l'énoncé de celle-ci mais par renvoi en petits caractères au lexique qui en dernière page des conditions générales donne la définition de ce terme sans soulignement de la conjonction de coordination, de limiter sa garantie, sans permettre à l'assuré d'accepter celle-ci en connaissance de cause. Cette clause ne permet pas non plus d'assurer une égalité de traitement à tous les assurés ayant souscrit ce contrat, puisque seuls ceux dont le véhicule sera retrouvé pourront se voir refuser la garantie.
Une telle clause qui crée un déséquilibre entre l'assureur et l'assuré est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et doit être réputée non écrite.
* Sur la déchéance pour fausse déclaration :
[minute Jurica page 5] L'article L. 113-8 du Code des assurances dispose que le contrat d'assurances est nul en cas de réticence et de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur.
La société MAAF ne s'explique pas sur les éléments prouvant la fausse déclaration qu'elle impute à M. X.
Il y a lieu de relever que :
* le Cabinet Jean-Baptiste qui a examiné pour le compte de la MAAF le véhicule de M. X. a noté une effraction au niveau du barillet de la porte avant gauche ainsi qu'un pneu avant droit détérioré ;
* M. Y., expert diligenté à la demande de M. X. a confirmé que le barillet de porte avant gauche était arraché et manquait de son logement, que la porte AVG était endommagé à cet endroit et que l'antivol de la direction bloque toujours la rotation du volant ;
* dans la lettre adressée au conseil de M. X., M. Z. indique qu'il a raccompagné ce dernier chez lui en voiture après le constat du vol du véhicule et la déclaration de cette infraction au commissariat de police d'Ivry ;
* dans son attestation conforme aux dispositions du Code de procédure civile, Madame A. déclare que le jour du vol, elle a raccompagné Madame X. à son domicile, cette dernière n'ayant aucun moyen de rentrer chez elle à la suite du vol de son véhicule qu'elle avait appris de son mari par téléphone ;
* le véhicule volé le 30 novembre 2005 avait été acquis neuf le 17 décembre 2004 par M. X. et a été retrouvé le 1er février 2006 avec un kilométrage au compteur de 7 218 kilomètres.
La cour considère que ces éléments infirment la thèse de la fausse déclaration, le véhicule de M. X. ayant été retrouvé avec des traces d'effraction sur la porte avant gauche, la disparition du vol ayant été attestée par l'entourage de M. X. et le faible kilométrage du véhicule et son caractère quasi-neuf écartant sa mauvaise foi, faute d'intérêt.
Dans ces conditions, c'est en application de la clause « garantie vol » du contrat d'assureur souscrit par M. X. que la société MAAF lui a versé une indemnité. Dès lors sa demande de remboursement est rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.
L'équité commande d'allouer à M. X. une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans la présente procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant après débats publics, contradictoirement, en dernier ressort et par décision mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Senlis du 28 octobre 2008 ;
Condamne la société MAAF GESTION ACCIDENTS AUTO GROUPE à payer à M. X. la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens d'appel ;
Fait application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de la SCP TETELIN-MARGUET & de SURIREY, société d'avoués pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir préalablement reçu provision ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
- 6370 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Formation et présentation du contrat
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol