CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 22 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3860
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 22 mai 2012 : RG n° 11/11055
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que le contrat d'assurance définit l'invalidité totale et définitive comme étant celle qui, « à la suite d'une atteinte corporelle, réduit à titre définitif d'au moins deux tiers la capacité de travail de l'assuré et met définitivement celui-ci dans l'impossibilité d'exercer une profession quelconque ou de vaquer à ses occupations habituelles » ; […] ;
Mais considérant, en premier lieu, que la clause litigieuse ne contient aucune contradiction, le fait de voir sa capacité de travail réduite d'au moins deux tiers pouvant parfaitement avoir pour conséquence une impossibilité d'exercer une profession quelconque ;
Considérant que la seconde condition, à savoir l'impossibilité d'exercer une profession ou de vaquer à ses occupations habituelles, n'est pas laissée à la libre interprétation de l'assureur, mais dépend de la situation objective de l'assuré, la clause prévoyant une alternative entre la personne qui exerce une profession et celle qui ne travaille pas ou a cessé son activité professionnelle ; Que l'expression « vaquer à ses occupations habituelles » désigne les activités normales des personnes qui n'exercent pas d'activité professionnelle ;
Que la clause litigieuse ne contient donc aucune condition potestative au sens de l'article 1170 du code civil ; Considérant que cette clause n'est pas non plus abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisqu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le taux d'invalidité de l'assuré n'étant pas laissé à la libre appréciation de l'assureur, mais étant déterminé par les pièces médicales fournies par l'assuré et, le cas échéant, par un médecin arbitre ; Considérant, dès lors, que la clause litigieuse est parfaitement opposable à M. X. ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 22 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/11055. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS : R.G. n° 10/05263.
APPELANT :
Monsieur X.
représenté par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Maître Michel GUIZARD), avocat postulant, avocats au barreau de PARIS, toque : L0020), assisté de Maître Guillaume FIOCCA, avocat plaidant (avocat au barreau de PARIS, toque : D1560), substituant Maître Bernard SAMSON de la SCP SAMSON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J 47.
INTIMÉES :
SA PRÉVOIR VIE - GROUPE PRÉVOIR
SA PRÉVOIR RISQUES DIVERS - GROUPE PRÉVOIR
représentées par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Maître Anne-laure GERIGNY), avocats postulant, au barreau de PARIS, toque : K0148, qui s'est régulièrement constituée au lieu et place de la SCP Anne-Laure Gérigny-Fréneaux, ancien avoué, assistées de Maître Dominique SUMMA, avocate plaidante, de la SCP SAPONE-BLAESI, avocat au barreau de Paris, toque : C404.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, M. Christian BYK, conseiller, Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller, qui en ont délibéré.
Rapport a été fait par Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Melle Fatia HENNI
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Melle Fatia HENNI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 20 novembre 1986, M. X. a adhéré au contrat d'assurance Prévoyance T 6 souscrit par son employeur auprès du Groupe PRÉVOIR, couvrant divers risques, dont l'invalidité totale et définitive.
Ayant été victime d'un accident du travail en 1998, puis ayant été placé en arrêt de travail durant plusieurs années, il a sollicité le paiement de l'indemnité d'invalidité prévue au contrat.
M. X. ayant contesté les conclusions du médecin-conseil de l'assureur, le docteur A. a été désigné aux fins d'expertise amiable.
L'assureur a maintenu son refus de garantie au motif que le médecin arbitre avait fixé le taux d'invalidité fonctionnelle à 20 %.
Par acte du 2 avril 2010, M. X. a fait assigner les sociétés PRÉVOIR VIE et PRÉVOIR RISQUES DIVERS devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir le paiement du capital prévu au contrat en cas d'invalidité.
Par jugement du 10 mai 2011, le tribunal l'a débouté de ses demandes.
M. X. a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 14 juin 2011.
Par dernières conclusions signifiées le 23 mars 2012, il invoque le caractère potestatif de la clause définissant l'invalidité totale et définitive, l'assureur se réservant la possibilité d'une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; il soutient également que cette clause serait abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, l'assureur ayant toute latitude pour décider si l'état de l'assuré correspond ou non à la garantie stipulée ; il reproche au médecin arbitre de n'avoir pas avisé son médecin-conseil de la date d'expertise et d'avoir évalué son taux d'invalidité fonctionnelle, alors que seul importait son taux d'invalidité professionnelle ; il demande donc à la cour d'annuler la clause litigieuse, de dire que son préjudice résulte de la perte de chance d'obtenir le capital prévu en cas d'invalidité, de condamner les intimées au paiement des sommes de 41.051,05 euros au titre du capital prévu, revalorisé de 6 % par an, et de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, subsidiairement, de dire que le compromis d'arbitrage lui est inopposable et ordonner une mesure d'expertise médicale.
Par dernières conclusions signifiées le 29 février 2012, les intimées contestent les arguments de l'appelant sur le caractère prétendument potestatif et abusif de la clause litigieuse, rappellent qu'il lui appartenait d'aviser son médecin-conseil de la date de réunion, et soulignent qu'il ne produit aucun document médical susceptible de contredire les conclusions du médecin arbitre ; elles demandent donc la confirmation du jugement et le paiement des sommes de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que le contrat d'assurance définit l'invalidité totale et définitive comme étant celle qui, « à la suite d'une atteinte corporelle, réduit à titre définitif d'au moins deux tiers la capacité de travail de l'assuré et met définitivement celui-ci dans l'impossibilité d'exercer une profession quelconque ou de vaquer à ses occupations habituelles » ;
Considérant que l'appelant soutient que cette clause contient une contradiction puisqu'elle évoque à la fois une réduction de la capacité de travail des 2/3 et une impossibilité d'exercer une profession quelconque ;
Qu'il ajoute que l'assureur peut librement interpréter la clause en choisissant d'exiger soit la preuve d'une impossibilité d'exercer une activité professionnelle, soit la preuve d'une impossibilité d'exercer une activité personnelle quelconque ; que le terme « vaquer à ses occupations habituelles » est, en outre, particulièrement imprécis ;
Mais considérant, en premier lieu, que la clause litigieuse ne contient aucune contradiction, le fait de voir sa capacité de travail réduite d'au moins deux tiers pouvant parfaitement avoir pour conséquence une impossibilité d'exercer une profession quelconque ;
Considérant que la seconde condition, à savoir l'impossibilité d'exercer une profession ou de vaquer à ses occupations habituelles, n'est pas laissée à la libre interprétation de l'assureur, mais dépend de la situation objective de l'assuré, la clause prévoyant une alternative entre la personne qui exerce une profession et celle qui ne travaille pas ou a cessé son activité professionnelle ;
Que l'expression « vaquer à ses occupations habituelles » désigne les activités normales des personnes qui n'exercent pas d'activité professionnelle ;
Que la clause litigieuse ne contient donc aucune condition potestative au sens de l'article 1170 du code civil ;
Considérant que cette clause n'est pas non plus abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisqu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le taux d'invalidité de l'assuré n'étant pas laissé à la libre appréciation de l'assureur, mais étant déterminé par les pièces médicales fournies par l'assuré et, le cas échéant, par un médecin arbitre ;
Considérant, dès lors, que la clause litigieuse est parfaitement opposable à M. X. ;
Considérant, par ailleurs, que le rapport du médecin arbitre lui est également opposable, dans la mesure où il lui appartenait d'aviser lui-même son médecin-conseil de la date de l'expertise, la convention d'expertise amiable conclue le 5 mai 2009 lui ayant rappelé qu'il avait la faculté de se faire assister par le médecin de son choix ;
Considérant que la convention d'expertise amiable mentionnait que les parties s'engageaient à suivre les conclusions du médecin arbitre ;
Que le docteur A., désigné d'un commun accord entre les parties, a conclu que le taux d'invalidité fonctionnelle de M. X. était de 20 % ;
Considérant que l'assuré demande la désignation d'un expert judiciaire au motif que le médecin arbitre a retenu un taux d'invalidité fonctionnelle, alors qu'il aurait dû évaluer son taux d'invalidité professionnelle ;
Mais considérant que l'appelant ne verse aucune pièce médicale susceptible de démontrer que son taux d'invalidité professionnelle serait supérieur au taux de 20 % retenu par le docteur A., ni surtout que sa capacité de travail serait réduite d'au moins deux tiers, comme prévu dans la définition contractuelle de l'invalidité totale et définitive ;
Que, à cet égard, le fait que son médecin traitant ait indiqué, dans un certificat du 2 octobre 2007, que son état de santé était « responsable d'une réduction des 2/3 de la capacité de travail », sans autre précision, ne suffit pas à remettre en cause les conclusions du docteur A., qui s'imposent aux parties ;
Que, à défaut d'élément médical probant, la demande d'expertise judiciaire doit être rejetée ;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de toutes ses demandes ;
Considérant que, dans la mesure où l'appelant n'a fait qu'user de son droit d'agir en justice, sans chercher à nuire aux intimées, celles-ci doivent être déboutées de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;
Considérant, enfin, que l'équité commande de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré ;
Et, y ajoutant, déboute M. X. de sa demande d'expertise judiciaire et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les sociétés PRÉVOIR VIE et PRÉVOIR RISQUES DIVERS de leur demande en paiement de dommages-intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE