CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 25 mars 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4391
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 25 mars 2013 : RG n° 12/02221 ; arrêt n° 13/0226
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'est abusive au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligation des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux ( Cass. 1ère civ. du 13 décembre 2012 ) ; qu'en l'espèce, la clause des conditions générales susvisées, formulée en des termes généraux, n'envisage pas la possibilité d'une résiliation du contrat par l'élève en présence d'un motif légitime et impérieux, ni même la possibilité d'une telle résiliation en présence d'un cas de force majeure ; que dans le même temps, l'article III. b) b (Annulation à l'initiative de l'Institut) des conditions générales limite les obligations de l'Institut en cas d'annulation d'une matière au remboursement du nombre d'heures de cours non effectuées, et ajoute qu'une annulation ne pourra donner lieu à aucune indemnisation de quelque préjudice que ce soit ;
qu'il en résulte que l'article III.a) 2. (Annulation) des conditions générales du contrat conclu entre la SA IESA et M. X. constitue une clause abusive, et doit être réputée non écrite sur le fondement de l’article L. 132-1 du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 25 MARS 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 12/02221. Arrêt n° 13/0226. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mars 2012 par le Tribunal d'Instance de MOLSHEIM.
APPELANTE :
SA IESA
ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Sandy LICARI (avocat au barreau de STRASBOURG)
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par Maître Katja MAKOWSKI (avocat à la cour) (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2012/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller faisant fonction de Président de Chambre, et Mme SCHNEIDER, conseiller chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, Madame MAZARIN-GEORGIN, Conseiller, Madame SCHNEIDER, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le rapport
M. X. a signé le 14 octobre 2010 un bulletin d'inscription à la SA IESA pour la préparation d'un BTS Management des Unités Commerciales moyennant paiement d'un montant total de 7.000 euros de frais de formation réglables par versements mensuels de 375 euros, un acompte de 500 euros étant versé à l'inscription.
Par courrier du 18 janvier 2011 M. X. a interrompu sa formation au motif qu'il n'avait pas trouvé d'employeur pour le financer.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2011 la SA ISEA a mis en demeure M. X. de régler la somme de 6.500 euros au titre des frais de formation et par acte du 6 avril 2011 l'a fait citer devant le tribunal d'instance de Molsheim en paiement de la somme 6.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2011.
Par jugement en date du 27 mars 2012 le tribunal d'instance de Molsheim a débouté la SA IESA de sa demande et l'a condamnée aux dépens.
Le 25 avril 2012 la SA IESA a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions reçues le 15 octobre 2012 elle demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 6.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2011,
- de le condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- M. X. a signé le 14 octobre 2010 un bulletin d'inscription prévoyant le versement d'un montant total de 7.000 euros de frais de formation pour la préparation d'un BTS Management des Unités Commerciales.
Les frais de formation étaient réglables par le versement de chèques d'un montant de 375 euros chaque début de mois.
- M. X. a interrompu sa formation par courrier du 18 janvier 2011 au motif qu'il n'avait pas trouvé d'employeur pour financer sa formation.
Il reste devoir 6.500 euros.
- la clause figurant à l'article 7 des conditions générales ISEA n'est pas une clause pénale : la clause d'annulation qui prévoit le paiement de l'intégralité des frais de scolarité n'a pas pour but de sanctionner l'inexécution du co-contractant mais elle est la simple application des règles régissant les contrats à durée indéterminée ; en effet les contrats à durée indéterminée ne peuvent être résolus avant leur terme et c'est à ce titre que M. X. est redevable de la totalité des frais de scolarité.
- la clause n'entre pas dans le domaine des clauses abusives.
- il ne s'agit pas d'imposer au consommateur le paiement d'une indemnité pour non exécution du contrat mais uniquement de solliciter l'exécution d'un contrat à durée déterminée qui ne peut être résilié par anticipation sans motif légitime.
- le bulletin d'inscription répond aux exigences de l’article L. 111-2 du code de la consommation.
Par dernières conclusions reçues le 14 août 2012, M. X. demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner l'appelante aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir pour sa part que :
- la clause d'annulation est abusive et reconnue comme telle par la jurisprudence,
- la clause par laquelle la société IESA sollicite paiement de tous les frais de scolarité en cas d'annulation quel que soit le motif de rupture porte gravement atteinte à l'équilibre du contrat ;
- elle confère incontestablement un avantage excessif à la SA IESA par rapport à l'étudiant dans la mesure où elle lui impose un paiement de frais de scolarité même en cas d'inexécution du contrat pour un motif sérieux et légitime.
Le motif de rupture invoqué par M. X. est tout à fait légitime car l'IESA s'était engagée à lui procurer son aide dans la recherche d'entreprise pouvant prendre en charge le coût de la formation, ce qui n'a pas été le cas.
En tout état de cause la clause invoquée est une clause pénale qui suppose la preuve d'un préjudice qui n'est pas rapporté en l'espèce.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu que la SA IESA fonde sa demande sur les dispositions de l'article III. a) 2. (Annulation) des conditions générales du contrat conclu avec M. X., selon lesquelles « lorsque l'annulation survient plus de 7 jours après la date d'inscription, les sommes versées resteront acquises à l'Institut et la totalité des frais d'études sera due immédiatement ».
Attendu qu'est abusive au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligation des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux ( Cass. 1ère civ. du 13 décembre 2012 ) ;
qu'en l'espèce, la clause des conditions générales susvisées, formulée en des termes généraux, n'envisage pas la possibilité d'une résiliation du contrat par l'élève en présence d'un motif légitime et impérieux, ni même la possibilité d'une telle résiliation en présence d'un cas de force majeure ;
que dans le même temps, l'article III. b) b (Annulation à l'initiative de l'Institut) des conditions générales limite les obligations de l'Institut en cas d'annulation d'une matière au remboursement du nombre d'heures de cours non effectuées, et ajoute qu'une annulation ne pourra donner lieu à aucune indemnisation de quelque préjudice que ce soit ;
qu'il en résulte que l'article III.a) 2. (Annulation) des conditions générales du contrat conclu entre la SA IESA et M. X. constitue une clause abusive, et doit être réputée non écrite sur le fondement de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Attendu que la SA IESA soutient néanmoins que le contrat liant les parties étant un contrat à durée déterminée, M. X. ne pouvait y mettre fin unilatéralement, de sorte qu'il reste redevable de l'intégralité des frais de scolarité ;
Attendu que chaque partie à un contrat à durée déterminée a la pouvoir d'y mettre fin s'il justifie d'un motif impérieux et légitime ou de l'inexécution par l'autre partie de ses propres obligations ; qu'en outre, la résiliation unilatérale fautive ne donne lieu qu'à l'octroi de dommages et intérêts dès lors que le prix stipulé au contrat, fût-il d'un montant forfaitairement convenu, n'est dû qu'en cas d'exécution de la convention (Cass. Com., du 22 octobre 1996) ;
qu'en l'espèce, si les motifs pour lesquels M. X. a décidé de résilier le contrat le liant à la SA IESA demeurent flous, et qu'il n'est pas démontré que cette société se serait engagée à assister M. X. dans sa recherche d'un employeur, il reste qu'il incombe à la SA IESA, à supposer établi le caractère fautif de la rupture du contrat, de justifier de la réalité et de l'étendue de son préjudice ;
Attendu que la SA IESA se borne à revendiquer l'application du droit commun des contrats à durée déterminée, sans démontrer ni même alléguer l'existence d'un quelconque préjudice en lien avec la résiliation unilatérale du contrat par M. X. ;
que faute de cette démonstration sa demande ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé ;
Attendu que l'équité n'impose pas impérativement de faire droit à la demande de M. X. qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel mal fondé,
CONFIRME le jugement entrepris,
CONDAMNE la SA IESA aux dépens,
DIT n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
Le greffier Le président