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CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 22 mai 2013

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 22 mai 2013
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 11/03659
Décision : 13/191
Date : 22/05/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/07/2011
Numéro de la décision : 191
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4476

CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 22 mai 2013 : RG n° 11/03659 ; arrêt n° 191 

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 22 MAI 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/03659. Arrêt n° 191. Décision déférée du 16 juin 2011 - Tribunal de Grande Instance de CASTRES - 10/00900.

 

APPELANT :

Monsieur X.

représenté par la SCP DESSART SOREL DESSART, avocats au barreau de Toulouse, assisté de la SELARL inter-barreaux d'avocats ACBC, avocats au barreau de Pau

 

INTIMÉE :

Société ASSOCIATIONS MUTUELLES LE CONSERVATEUR

représentée par la SCP NIDECKER PRIEU JEUSSET, avocats au barreau de Toulouse, assistée de Maître Danièle GUEHENNEUC, avocat au barreau de Paris

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 mars 2013 en audience publique, devant la Cour composée de : G. COUSTEAUX, président, P. DELMOTTE, conseiller, M.P. PELLARIN, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X., qui exerçait l'activité de joueur professionnel de rugby, a souscrit le 16 octobre 2006 auprès de la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » :

- un contrat d'adhésion à une association collective d'épargne viagère à forme tontinière pour une durée de 25 ans, avec versement périodique d'une cotisation annuelle de 2.016 euros, dont 216 euros au titre du contrat Securi +, souscrit le même jour auprès de la société « Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR »,

- un contrat d'adhésion à une association collective d'épargne viagère à forme tontinière pour une durée de 25 ans, avec versement périodique d'une cotisation annuelle de 3.360 euros, dont 360 euros au titre d'une assurance décès et d'un contrat Securi +, souscrit le même jour auprès de la société « Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR », les contrats Securi + garantissant :

* en cas de décès, le versement d'un capital correspondant à deux fois le montant des primes épargne devant être versées au terme de l'adhésion,

* en cas d'invalidité permanente totale, le versement à l'assuré du capital du même montant.

M. X. a également souscrit les 7 décembre 2006 et 19 février 2008 10 contrats de tontine à prime unique, le premier pour un montant de 15.000 euros, les autres pour un montant de 10.000 euros chacun.

Par courrier du 30 octobre 2009, M. X. a sollicité auprès du « Groupe CONSERVATEUR » la résolution des contrats de tontine puis, par acte du 21 juin 2010, a fait assigner la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » devant le tribunal de grande instance de CASTRES en nullité, et subsidiairement en résolution des contrats souscrits.

Par jugement du 16 juin 2011, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR », a en revanche déclaré l'action de M. X. prescrite, a débouté la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » de sa demande en dommages-intérêts mais lui a alloué une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. X. a interjeté appel de cette décision le 22 juillet 2011.

L'appelant et l'intimée ont respectivement déposé leurs dernières écritures les 18 février et 29 janvier 2013. L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2013.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Il est fait expressément référence, pour plus ample exposé des moyens, aux conclusions précitées.

M. X. demande à la Cour, au visa des articles L. 314-10, L. 314-18, L. 314-47 du règlement général de l'AMF, des articles L. 633-12 et 13 du code monétaire et financier, 1147 du Code civil, R. 132-1 du code de la consommation, 1116 et suivants, 1134 du Code civil,

- de réformer le jugement en ce qu'il a jugé son action irrecevable pour forclusion,

- à titre principal de constater les manquements précontractuels et contractuels de la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR », de prononcer en conséquence la nullité des contrats, de condamner en conséquence la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » à lui verser à titre de dommages-intérêts au visa de l’article 1147 du Code civil, pour manquement aux obligations de conseil et d'information, la somme déjà investie de 116.218 euros,

- à titre subsidiaire, de déclarer les contrats résolus et d'ordonner le remboursement des sommes versées avec intérêts au taux légal,

- de condamner la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

L'appelant fait essentiellement valoir :

* sur la prescription :

- qu'en raison du régime particulier propre aux sociétés à forme tontinière, celles-ci ne relèvent pas des dispositions afférentes au contrat d'assurance énoncées à l’article L. 111-1 du Code des assurances, et qu'il en est de même des sociétés d'assurance mutualiste, les arrêts visés par l'intimée n'étant pas applicables,

- qu'il s'ensuit que son action, engagée dans le délai de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du Code civil à compter de la signature du contrat, est recevable,

- subsidiairement, que le contrat de tontine, défini par l’article R. 322-139 du Code des assurances, ne constitue pas un contrat d'assurance, mais un contrat de capitalisation des primes versées par les souscripteurs, qui échappe donc aux dispositions de l’article L. 114-1 du Code des assurances,

- très subsidiairement, que le point de départ du délai biennal n'a pu courir qu'à la date où M. X. a été informé par son conseil en 2009 des manquements commis par son cocontractant, qu'il n'a même pas couru, la jurisprudence considérant le versement du capital litigieux, qui n'a toujours pas eu lieu, comme l'événement révélateur des manquements du cocontractant ;

* sur le fond :

- qu'en lui faisant croire que les risques liés à l'incapacité temporaire, à l'invalidité et au décès étaient couverts grâce au second contrat souscrit accessoirement à chaque contrat de tontine, la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » l'a trompé et a usé de manœuvres dolosives justifiant la nullité des contrats de tontine, avec toutes conséquences de droit,

- que la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » étant également établissement de crédit, elle est soumise aux obligations d'information précontractuelle, de mise en garde et de renseignement sur la situation financière de son client, auxquelles elle n'a nullement satisfait,

- que les documents que son adversaire prétend lui avoir remis ne sont pas signés par lui et sont au surplus dépourvus de clarté,

- que sans ces réticences, M. X. n'aurait pas contracté,

- que le montage financier de l'opération, qui l'obligeait pour certains à des versements annuels fixes, bloqués sur une durée de 25 ans, est totalement inadapté à sa situation par essence précaire, avec une carrière brève et à sa situation (étant observé qu'il s'est trouvé au surplus en arrêt de travail, dans l'incapacité de régler les échéances), ce qui caractérise le manquement de la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » à son obligation de conseil en matière de placement financier,

- subsidiairement, que la clause du contrat de tontine interdisant de demander la résiliation du contrat est abusive, en application de l’article R. 132-1 du code de la consommation, applicable entre un particulier et un professionnel, et justifie qu'il soit fait droit à sa demande de résolution du contrat,

- qu'enfin, sa mauvaise foi n'est nullement caractérisée, et que le préjudice invoqué par l'intimée n'est pas établi.

 

La société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions relatives à la prescription, subsidiairement l'irrecevabilité des demandes de M. X. comme formées de mauvaise foi, et demande qu'il soit constaté :

- que la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » n'a commis aucun manquement aux obligations précontractuelles et contractuelles d'information et de conseil,

- que M. X. a été informé des conditions et de la tenue de son engagement dans le cadre des contrats de tontine, dès la signature du bulletin de souscription,

- qu'il résulte de sa demande d'adhésion qu'il a reconnu avoir reçu l'information requise lors de la conclusion de chaque contrat.

Elle demande en conséquence qu'il soit déclaré irrecevable en sa demande en nullité et en résolution des contrats.

En tout état de cause, elle sollicite, au visa de l’article 1382 du Code civil, une somme de 10.000 euros de dommages-intérêts à la charge de M. X. pour atteinte à sa réputation commerciale, une indemnité de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile au stade de la première instance, ainsi qu'une somme de même montant au stade de l'appel.

L'intimée développe principalement les observations suivantes :

- les sociétés à forme tontinière sont régies par des textes différents de ceux qui s'appliquent aux sociétés mutuelles d'assurance,

- les tontines sont entièrement régies par le Code des assurances et constituent des contrats d'assurance, avec un aléa (l'assuré doit être en vie au terme pour percevoir sa quote-part), de sorte qu'elles constituent un type d'assurance sur la vie à laquelle s'applique la prescription biennale,

- subsidiairement, les éléments du dossier démontrent que M. X. avait reçu toute l'information nécessaire, de sorte qu'il agit de mauvaise foi, en violation de l’article 1134 du Code civil, ce qui implique le rejet de ses demandes,

- très subsidiairement :

* le fait qu'au sein du groupe LE CONSERVATEUR soient effectuées, via une autre société, des opérations financières ne peut justifier de l'application à son égard du code monétaire et financier et des règlements de l'AMF,

* M. X. s'est vu remettre lors de sa demande d'adhésion, une note d'information régissant les caractéristiques essentielles du contrat, ainsi qu'un formulaire de renonciation,

* le choix fait d'une prime modeste est adapté et prudent,

* aucun des éléments des contrats souscrits n'a été dissimulé à M. X., de sorte que le dol ne peut être invoqué,

* la résolution des contrats ne pourrait être obtenue qu'en cas d'inexécution par la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » de ses obligations, ce qui n'est pas le cas,

- l'action concertée de M. X. avec quatre autres joueurs, précédée d'une campagne de presse, a porté atteinte à son image et sa réputation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la prescription :

Le tribunal a pertinemment déduit des dispositions de l’article L. 111-1 du code des assurances que les articles contenus dans le Titre I du Livre I de ce code sont applicables aux sociétés à forme tontinière dans la mesure où ils ne dérogent pas aux dispositions spécifiques s'appliquant à ces sociétés, et, constatant qu'aucune disposition particulière à ces sociétés ne portait sur le délai de prescription des actions les concernant, a jugé à bon droit que les dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances étaient applicables à l'action introduite par M. X.

En réservant l'application du Titre I aux assurances terrestres, l'article L. 111-1, qui est intégré dans les dispositions générales communes aux assurances de dommages et de personnes, entend simplement exclure de son champ d'application le Titre VII relatif aux assurances maritimes, fluviales et aux marchandises transportées par tous modes.

Contrairement à ce que prétend l'appelant, les sociétés à forme tontinière ne constituent pas des sociétés mutuelles relevant du code de la Mutualité dont elles diffèrent notamment par les statuts et modes de gestion, mais des sociétés d'assurance mutuelle, régies par le code des assurances, ainsi que cela ressort des dispositions de l'article L. 322-26-4 de ce code, intégré dans la section relative aux sociétés d'assurance mutuelles et plus généralement dans le livre III relatif aux entreprises d'assurance.

L'analyse de l'objet des contrats de tontine souscrits par M. X. révèle d'ailleurs que ceux-ci contiennent notamment un aléa tenant à la vie humaine puisque, conformément à l’article R. 322-139 du code des assurances, les primes capitalisées en commun ne reviendront à l'échéance qu'aux membres survivants.

L'action en nullité ou en résolution des contrats tontiniers devait ainsi être engagée dans les deux ans de l'événement y donnant naissance ou de la connaissance du sinistre par l'assuré, s'il prouvait l'avoir ignoré jusque là.

L'action de l'appelant repose sur le manquement allégué de son cocontractant à ses obligations précontractuelles et contractuelles, manquement qui se serait produit au plus tard à la date de souscription du contrat, puisqu'il s'agirait de réticences dolosives, de non-respect du devoir de conseil, d'information, de mise en garde.

Comme le tribunal, la cour constate qu'aucun élément n'objective la découverte tardive des manquements allégués ou de leurs conséquences dommageables éventuelles, les uns et les autres pouvant être appréciés dès la souscription du contrat. Ainsi, c'est à bon droit qu'ayant relevé que l'action en justice avait été introduite par M. X. plus de deux ans après la souscription des contrats de tontine, elle était prescrite.

 

- Sur la demande en dommages-intérêts :

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a retenu que ni la faute reprochée à M. X., ni le préjudice invoqué par la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » n'étaient établis, l'action parallèle de plusieurs joueurs se trouvant dans une situation identique ne pouvant caractériser des manœuvres délibérées pour porter atteinte à la réputation de l'intimée, ceux-ci ne pouvant être responsables des articles de presse, et la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » qui ne justifie nullement de son préjudice ayant pu user de son droit de réponse. La décision est également confirmée sur ce point.

 

- Sur les demandes accessoires :

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est alloué à la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne M. X. à payer à la société « les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR » une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. X. au paiement des dépens dont distraction par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                Le président,