CA COLMAR (1re ch. civ. A), 2 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4537
CA COLMAR (1re ch. civ. A), 2 octobre 2013 : RG n° 12/01655
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 28 de la convention de compte titres écarte tout devoir de conseil et d'information de la banque sur l'opportunité ou le risque des opérations décidées par son client. Sauf à étendre la responsabilité contractuelle de la banque, agissant comme intermédiaire, au-delà des prévisions contractuelles et au-delà de l'objet même de l'ordre d'achat en question, les consorts X. ne peuvent se prévaloir d'un manquement caractérisé de la banque. La clause ci-dessus leur est donc opposable en ce qu'elle ne fait que clarifier les limites du mandat donné à la banque et de sa responsabilité. Elle ne présente en l'espèce aucun caractère abusif. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 2 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 12/01655. Décision déférée à la Cour : 15 mars 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.
APPELANTS - INTIMÉS INCIDENTS :
Monsieur A. X.
Madame F. Y. épouse X.
Monsieur F. X.
Monsieur P. X.
Madame L. Z. épouse X.
agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de Monsieur Ph. X., décédé
Représentés par Maître Anne C., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître F., avocat à STRASBOURG
INTIMÉE - APPELANTE INCIDENTE :
SA CIC EST venant aux droits de la SA CIAL
Représentée par Maître Gérard C. de la SCP C. G./C. T./B., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : M. VALLENS, Président de Chambre, entendu en son rapport, Mme SCHNEIDER, Conseiller, Mme ROUBERTOU, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER, Greffier
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Jean-Luc VALLENS, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Au mois de mars 2000, M. A. X. a donné l'ordre à sa banque le Crédit industriel d'Alsace Lorraine (ultérieurement dénommée CIC Est, ci-après : la banque) d'acquérir au comptant et à prix d'ouverture 300 titres Multimania pour lui-même et 100 titres Multimania pour chacun de ses trois fils F. X., P. X. et Ph. X., lesquels lui avaient donné procuration. Cet ordre a été exécuté pour un coût total d'achat de 75.000 euros majoré de 1.175,83 euros pour frais. Le titre, coté d'abord le 8 mars 2000 à 36 euros a atteint 125 euros le 10 mars puis a chuté à 40 euros le 12 avril. Les comptes des consorts X. ont été placés en position débitrice. La banque a alors consenti aux époux X. un prêt personnel de 270.000 F. au taux de 6,80 % destiné à renflouer les comptes titres, dans l'attente d'une remontée du cours des actions. Le prêt a été ultérieurement renégocié au taux de 5 % puis soldé par les emprunteurs. Au mois d'avril 2000, les consorts X. ont acquis de nouveaux titres pour 55.721 euros. Les consorts X. ont finalement revendu les titres soit 462 actions au mois de juin 2008 pour un montant total de 202,45 euros.
Par un acte d'huissier délivré le 30 juin 2008, les époux A. X. et leurs enfants ont assigné la banque devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de paiement de dommages et intérêts et de remboursement de commissions et d'agios en invoquant divers manquements de la banque à ses obligations, lesquels leurs auraient causé un préjudice supérieur à 95.000 euros en principal.
M. Ph. X. est décédé de sorte que l'instance a été reprise par ses parents et ses deux frères en leur qualité d'héritiers (ci-après : les consorts X.).
Par un jugement du 15 mars 2012, le tribunal a débouté les consorts X. de leurs prétentions et a alloué à la banque une indemnité de procédure de 2.500 euros.
Les consorts X. ont interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Ils demandent à la Cour de :
- déclarer les ordres litigieux abusivement malmenés par le commissionnaire ducroire,
- dire que ces ordres sont inopposables,
- condamner la banque à payer les montants suivants :
* aux époux A. X. : 89.101,55 euros augmentée des intérêts du 11 mars 2000,
* à M. P. X. : 15.141,40 euros augmentée des intérêts du 15 avril 2000,
* à M. F. X. : 15.275,28 euros, augmentée des intérêts du 15 avril 2000,
* aux héritiers de M. Ph. X. : 15.223,07 euros augmentée des intérêts du 15 avril 2000,
* à Mme L. X. née Z. : 2.518,51 euros augmentée des intérêts du 15 avril 2000,
- condamner la banque à payer (sans précision de bénéficiaires) les sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de 25.000 euros pour les frais de procédure,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la banque à répéter la somme de 137.259,81 euros augmentée des intérêts du 10 mars 2000,
- subsidiairement, la condamner à payer la même somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, augmentée des intérêts du 11 mars 2000 sur 126.163,07 euros, du 15 avril 2000 sur 9.884,45 euros et du 19 novembre 2013 sur 1.212,29 euros,
- très subsidiairement, ordonner une expertise pour liquider le préjudice,
- condamner la banque à payer la somme de 195.000 euros pour le préjudice occasionné par la violation des normes professionnelles,
- ordonner l'actualisation de cette somme selon les coefficients d'érosion monétaire,
- condamner la banque aux dépens.
Ils exposent : la banque est intervenue en qualité de commissionnaire vis-à-vis de ses donneurs d'ordre ; elle est également ducroire, en application de règlement général de l'autorité des marchés financiers et du code monétaire et financier et doit supporter les risques de l'ordre reçu ; elle est donc responsable du préjudice subi par ses clients ; comme prestataire de services d'investissement, elle devait vérifier la situation de ses clients et leurs compétences quant au risque encouru et les informer des caractéristiques des titres ; elle devait les aviser du risque de variation brusque du cours ; une convention écrite devait être passée ; la banque n'a informé ses clients que plus tard par une lettre du 18 juin 2006 ; elle devait aussi exécuter ses obligations comme mandataire ; elle a abusé de son mandat ; cela rend l'opération inopposable à ses clients ; l'ordre d'achat doit donc être considéré comme n'ayant pas été passé et la banque doit remettre ses clients dans l'état antérieur ; s'agissant d'obligations à risque, la banque répond de ses défaillances ; elle était aussi tenue d'une obligation de couverture par rapport à l'investissement réalisé et doit en supporter les conséquences ; les appelants invoquent à cet égard un arrêt de la Cour de cassation du 26 février 2008 ; les avoirs des consorts X. étaient notoirement insuffisants ; la banque est aussi responsable pour ne pas avoir exécuté son obligation de liquidation d'office comme elle aurait du le faire dès le 11 ou le 12 mars 2000 à la chute du cours, s'agissant d'une obligation de résultat ; cette défaillance a entraîné des pertes pour les consorts X. ; elle est aussi responsable pour avoir manqué à son obligation de garde et de conservation, et doit restituer l'équivalent monétaire du titre ; elle n'a pas minimisé le dommage, ni exécuté loyalement son obligation de gestion active ; elle aurait du mettre ses clients en garde ; elle ne les a pas non plus informés ni rendu compte de sa gestion ; la clause d'irresponsabilité contenue à l'article 28 de la convention de compte de titre ne leur est pas opposable et constitue une clause abusive ; la banque ne démontre pas qu'elle ait accompli les diligences requises ; les consorts X. étaient tous profanes et non avertis et la banque s'était abstenue de s'informer de leurs compétences.
Selon les appelants, la banque a montré une réticence dolosive en ne les informant pas d'un risque de modification favorable ou défavorable des titres, ni à l'achat ni après ; elle a accepté un ordre d'achat alors que le titre était à 36 euros mais les a facturés au cours du surlendemain à 125 euros ce qui caractérise un dol frauduleux ; elle doit donc les garantir de son fait personnel ; les prêts présentent en conséquence un caractère frauduleux, ce qui les prive de cause et d'objet ; ils sont donc nuls ; leur but était de faire face à l'effondrement du cours et non à l'achat des titres ; la banque ne les a pas mis en garde au titre de l'endettement ainsi réalisé ; trois prêts sont en cause : un prêt de 270.000 F. le 16 mars 2000 au taux de 6,80 %, un prêt de 202.000 F. le 28 septembre 2001 au taux de 5 % et un à troisième prêt de 25.700 euros le 30 mai 2002 au taux de 5 % ; la banque doit rembourser les montants payés ainsi que les frais soit 48.383,25 euros et les intérêts et agios pour 252,91 euros ; la stipulation des intérêts doit être annulée faute d'une offre préalable de crédit ; la banque doit être également déchue de son droit aux intérêts en raison de l'erreur portant sur le taux effectif global ; les intérêts payés doivent donc être remboursés ; les consorts X. ont subi un préjudice lié à la perte de valeur du titre, cette perte est chiffrée pour chacun d'eux comme suit : M. P. X. : 2.353,32 euros, M. F. X. : 2.508,67 euros, M. Ph. X. : 2.505,67 euros et Mme L. épouse X. : 2.518,51 euros ; le préjudice total augmenté des frais financiers sur les prêts doit également être réparé à hauteur respectivement de 86.096,74 euros et 15.275,28 euros ; il leur est dû en outre les intérêts moratoires avec capitalisation, afin de les remettre en l'état antérieur à l'opération litigieuse ; il est aussi mis en compte une indemnisation supplémentaire pour le préjudice moral chiffré à 50.000 euros ; à titre subsidiaire, la perte de chance de ne pas contracter est également invoquée à hauteur de l'appauvrissement subi ; à titre plus subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la banque est invoquée par les enfants de M. A. X., qui peuvent se prévoir de la qualité de tiers ; le préjudice allégué est ainsi chiffré à 195.000 euros ; la banque ayant formé un appel incident pour réclamer des dommages pour procédure abusive, les consorts X. contestent le caractère fautif de leur action.
La société CIC Est sollicite la confirmation du jugement sur la demande des consorts X. et, par voie d'appel incident, réclame le paiement d'une somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée de deux indemnités de procédure de 4.000 euros.
Elle fait valoir : les consorts X. étaient titulaires de comptes depuis de longues années ; M. A. X. jouait en bourse depuis 1999 ; il a acquis au comptant des titres Multimania pour 75.000 euros, sans pour autant donner un mandat de gestion à la banque ; M. A. X. a géré son portefeuille lui-même sous sa responsabilité ; il a été informé des risques liés au caractère spéculatif de certains marchés ; il a acquis des titres au comptant au prix d'ouverture de 36 euros ; la valeur du titre a atteint en quelques jours 125 euros, ce qui a conduit de nombreux acheteurs à les revendre, entraînant l'effondrement du titre ; M. A. X., devenu débiteur du prix d'achat, a choisi d'emprunter 270.000 F. plutôt que d'utiliser ses économies ; le prêt a été consenti le 16 mars 2000 au taux de 6,80 % le taux a été réduit à 5 % le 28 septembre 2001 ; M. A. X. a remboursé ce prêt puis clôturé son compte titres et transféré les actions dans un autre établissement financier ; l'Autorité des Marchés Financiers, sollicitée par les époux X., a classé le dossier après avoir examiné sa plainte ; M. A. X. était cadre supérieur et habitué des opérations de bourse ; la banque a acquis les titres au prix convenu, conformément à son ordre ; elle lui a consenti ensuite un prêt pour apurer les comptes devenus débiteurs de ses clients ; le prêt a été remboursé sans difficulté ; la banque n'était pas tenue d'un devoir de conseil et de mise en garde pour l'achat des titres au comptant, la banque invoquant à cet égard un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2012 ; la convention de compte titres écarte la responsabilité de la banque pour les opérations réalisées par son client ; elle ne pouvait lui déconseiller l'achat du titre car elle n'avait pas d'informations sur ces titres justifiant une telle mise en garde ; l'obligation de couverture ne concerne pas des opérations d'achat de titres au comptant mais seulement des achats d'instruments financiers à terme ; à titre subsidiaire, le préjudice invoqué par les appelants n'est pas justifié ; elle a consenti un prêt pour 270.000 F. le 16 mars 2000 complété par un second prêt de 25.700 euros ; la banque n'a pas réalisé d'opération à terme pour les consorts X. ; la demande présente un caractère abusif et justifie les dommages et intérêts mis en compte.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la Cour :
Les griefs formulés par les appelants concernent une opération d'achat des titres Multimania et des prêts consentis aux époux X.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. X., qui était muni des pouvoirs de ses trois enfants a donné l'ordre le 10 mars 2000 à la banque d'acheter pour leur compte 600 titres Multimania (300 pour lui et 100 pour chacun de ses enfants) qui venaient d'être mis sur le marché. L'ordre d'achat mentionne ces achats à « prix d'ouverture au comptant », soit à la date du 10 mars 2000 au prix de 125 euros. La banque a effectué aussitôt l'achat, par une transmission électronique selon l'avis d'exécution du même jour, à la valeur du titre à cette date. Il est constant que le titre a, après une embellie de quelques jours, chuté ensuite pour se situer à 40 euros. Dans le prolongement, M. X. et la banque ont convenu d'un prêt de 270 000 F., avec comme objectif « d'attendre que le cours de l'action remonte pour les vendre et rembourser par anticipation le prêt personnel », selon une note établie ultérieurement le 12 avril 2000 par la banque et contresignée par M. X. Ce prêt a été concrétisé dès le 16 mars 2000 par un acte sous-seing privé portant sur ce montant (soit 41.161,23 euros) au taux de 6, 80 % l'an, taux qui sera réduit à 5 % par un acte ultérieur du 28 septembre 2001. Le prêt a été garanti par le nantissement des titres appartenant aux quatre acheteurs selon des déclarations de gage du 16 mars 2000.
Un prêt complémentaire de 25.700 euros sera établi ultérieurement au profit des époux X., le 30 mai 2002, au taux de 5 % l'an sur 36 mois, sans que les parties développent de moyen particulier à ce sujet.
Il est constant que la société Multimania a vu le cours de son titre suspendu, avant d'être absorbée par la société Lycos, laquelle a offert aux investisseurs de racheter leurs actions à raison de 7 actions Lycvos pour 3 actions Multimania. Le prêt du 16 mars 2000 consenti aux époux X. a été soldé sans incident de paiement.
Les consorts X. formulent à l'encontre de la banque des griefs multiples qui pour l'essentiel portent sur l'investissement réalisé, lequel s'est avéré à perte, entraînant un préjudice dont ils réclament réparation. La Cour est ainsi conduite à examiner ces griefs.
Sur les obligations de la banque :
Les obligations de la banque sont définies par la convention de compte titres liant les parties, sans qu'aucun mandat de gestion ait été conclu pour les titres achetés par les consorts X.. L'obligation de la banque était l'achat des titres Multimania aux conditions fixées au comptant et au prix d'ouverture du jour. La banque a, comme intermédiaire, exécuté son obligation le jour même et a facturé aux consorts X. le coût des titres achetés pour leur compte. S'agissant d'un achat au comptant, elle n'était pas tenue de vérifier la couverture des investisseurs ; une telle obligation n'est prévue que pour les seules obligations à terme, en vertu de l'article 516-15 du règlement général de l'AMF.
Il y a lieu de relever que la convention de compte titres prévoit la constitution d'une couverture par le client pour les opérations d'ordres de bourse et impose au client d'affecter en couverture tous ses titres inscrits au compte titres, ce qui a été fait, en vue de garantir le paiement de la banque pour l'achat réalisé. Une absence éventuelle de couverture, qui n'est pas ici démontrée, engagerait donc la responsabilité du client envers la banque et non celle de la banque à son égard.
Elle n'était pas non plus tenue d'une obligation de liquidation, dans la mesure où l'achat ne constituait pas plus un ordre avec service de règlement ou de livraison différé, tel que le prévoit l'article 516-2 du même règlement.
Il n'est pas établi en quoi le mandat d'achat donné à la banque ferait d'elle un commissionnaire ducroire tenu de garantir la rentabilité des titres Multimania commandés. Rien ne permet donc de qualifier la banque de commissionnaire ni a fortiori de commissionnaire ducroire, qui serait tenue d'assurer la bonne fin de l'opération au-delà de l'achat dont elle était chargée.
Enfin M. X. disposait de fonds suffisants, comme l'a démontré le projet d'assignation qu'il fera adresser à la banque en 2006 par une association dénommée « Association d'aide contre les abus bancaires ». Dans ce projet, adressé à la banque avec une mise en demeure le 28 novembre 2006, M. X. fait écrire : « M. X. dispose de 25.026,54 euros sur son compte personnel. Il prend également 12.365,43 euros sur le compte de chacun de ces trois fils ». L'acquisition portant sur une somme de 75.974,93 euros dont 975 euros de frais de courtage (selon une lettre ultérieure de l'AMF) il apparaît que M. X. reconnait lui-même qu'il disposait bien des fonds suffisants pour couvrir le montant de son investissement.
Sur le devoir de mise en garde :
Il résulte des documents produits aux débats que M. X. était particulièrement avisé : il le reconnaît tout d'abord dans le projet d'assignation déjà évoqué : « Depuis 1999, une des meilleures années boursières depuis des décennies, il « joue » relativement fréquemment en bourse » et « il a été enhardi par des cas précédents et facilement réalisés ».
Il a ainsi adressé à sa banque plusieurs ordres :
- le 7 février 2000, un ordre de vente portant sur des titres France Telecom,
- le 25 février 2000, un ordre d'achat de différents titres,
- le 10 mars 2000, jour de l'opération d'achat litigieuse, un autre ordre de vente de titres
- Thomson CSF à reporter sur plusieurs titres énumérés,
- le 14 mars 2000, un autre ordre de vente de différents titres.
Il a enfin choisi après la chute du cours de conserver les titres Multimania en espérant un rebond, et décidé de recourir à un prêt pour financer la perte plutôt que de les céder et de payer leur prix par les avoirs dont il disposait.
Il avait ainsi connaissance des possibilités de gains et des risques encourus. Il a donc choisi en connaissance de cause l'achat des titres au comptant et à prix ferme en sa qualité d'investisseur avisé et connaissait les fluctuations des valeurs mobilières.
La banque n'était pas de ce fait tenue d'un devoir de mise en garde particulier et les consorts X. ne caractérisent pas la perte de chance de ne pas contracter qu'ils invoquent.
Sur l'obligation de conseil :
La banque n'était pas investie d'un mandat de gestion, mais d'un mandat spécifique limité à l'opération d'achat litigieuse, en l'absence de toute convention écrite lui confiant une mission plus large. M X. n'a d'ailleurs jamais invoqué l'existence d'un tel mandat, qui n'aurait pu au demeurant être verbal.
Les consorts X. n'établissent pas que la banque aurait dû informer M. X. d'un risque particulier lors de l'achat. Le titre Multimania venait d'être introduit en bourse quelques jours plus tôt au cours de 36 euros et avait montré une forte progression dès les premiers jours de cotation. Les extraits des sites d'information produits par la banque montrent l'engouement des investisseurs pour ce titre et indiquent que le capital social de la société allait être porté à 15.410.688 euros en soulignant qu'elle était conseillée par deux grandes banques, Paribas et Merril Lynch (Tranfert.net du 6 mars 2000 et 01.net du 9 mars 2000).
Rien ne permet en conséquence aux consorts X. d'imputer à la banque le préjudice financier qui a résulté pour eux de la chute ultérieure du cours au titre du devoir général de conseil..
Enfin, M. X. agissait muni d'une procuration de ses trois fils et était le seul interlocuteur de la banque. Si le manque de compétences des enfants de M. X. pouvait être invoqué, seul ce dernier devrait en répondre à leur égard, M. X. ayant agi pour leur compte.
Sur la limitation de responsabilité :
L'article 28 de la convention de compte titres écarte tout devoir de conseil et d'information de la banque sur l'opportunité ou le risque des opérations décidées par son client. Sauf à étendre la responsabilité contractuelle de la banque, agissant comme intermédiaire, au-delà des prévisions contractuelles et au-delà de l'objet même de l'ordre d'achat en question, les consorts X. ne peuvent se prévaloir d'un manquement caractérisé de la banque. La clause ci-dessus leur est donc opposable en ce qu'elle ne fait que clarifier les limites du mandat donné à la banque et de sa responsabilité.
Elle ne présente en l'espèce aucun caractère abusif.
Sur la validité de la convention de compte titres :
La convention de compte titres a été signée par M. X. Elle est opposable aux autres appelants en vertu des procurations données par ses trois enfants, et dont il ne conteste ni la régularité ni la validité. Les signatures apposées attestent qu'ils ont reçu ladite convention et en ont accepté les termes.
Les consorts X. accusent la banque d'avoir fabriqué de fausses adhésions sur des supports séparés et indiquent avoir déposé une plainte pour faux et usage de faux contre la banque, ce qui a donné lieu à ouverture d'une information. Mais ils n'ont pas indiqué à la Cour le sort de cette instruction pénale et ne sollicitent pas non plus qu'il soit sursis à statuer, en se bornant à qualifier la convention d'inopposable à leur égard. Une telle prétention est donc sans fondement.
Sur l'investissement ultérieur des époux X. :
Il apparaît que M. X. « a décidé d'acheter d'autres titres au service de règlement et de livraison différé (SRD) en utilisant à nouveau les comptes de ses fils ainsi que celui de sa belle-fille », selon le projet d'assignation du 28 novembre 2006, qu'il prévoyait de signifier à la banque. Cette opération a été concrétisée par un mandat express donné par M. X. à la banque le 18 janvier 2006, dans lequel il reconnaît le caractère spéculatif de l'achat, la nécessité d'une couverture préalable suffisante, la possibilité d'un appel de marge en cas de prorogation et la liquidation des positions comprenant un SRD : ce mandat montre, si besoin était, que le choix opéré par M. X. dans l'opération initiale de mars 2000 comme cet achat de titres ultérieur ont été faits en connaissance de cause.
Au surplus, cette opération ultérieure de 2006 est sans lien avec le préjudice dont les consorts X. réclament réparation et qui résulte de l'achat de titres initial. Ils ont certes évoqué cette dernière opération pour accuser la banque de forfaiture, mais sans démontrer en quoi cette opération postérieure révèlerait que la banque aurait méconnu l'obligation de couverture des titres à leur date.
Sur le prêt :
Le prêt consenti aux époux A. X. a été également critiqué par les appelants pour avoir été imposé par la banque au moyen de manœuvres dolosives et frauduleuses. Aucun élément de preuve sérieux et pertinent n'est rapporté à cet égard. Il apparaît au contraire que selon la note du 12 avril 2000 contresignée par M. X. le prêt a été demandé par lui pour financer la perte subie, soit, dans le langage bancaire utilisé, « pour consolider l'ensemble des engagements », et attendre que le cours de l'action remonte pour les vendre et rembourser par anticipation le prêt personnel.
Les faits qui donneraient à ce prêt un caractère dolosif ou frauduleux ne sont pas autrement précisés ni démontrés par les appelants, qui procèdent par affirmations.
Les appelants qualifient le prêt ou les prêts consentis de frauduleux et d'inopposables en raison d'un manquement de la banque à son devoir de conseil, du fait qu'ils auraient un objet illicite et en raison d'une absence de cause, s'agissant selon eux de couvrir le passif résultant des négligences la banque.
La Cour doit admettre qu'elle ne peut identifier dans l'énoncé des faits ce qui caractérise la fraude ou le dol de la banque, ni en quoi le prêt ou les prêts souscrits seraient privés de cause s'agissant d'un prêt personnel consenti aux époux X. dans le but de financer l'investissement déjà réalisé.
Les développements des consorts X. sur les conditions de conclusion des prêts souscrits et d'un contrat d'assurance automobile ultérieur qui aurait été imposé par la banque aux consorts X. pour compenser la diminution du taux d'intérêt sont trop imprécis et trop dénués d'éléments de fait probants pour permettre à la Cour de considérer comme fautif le comportement de la banque aux différentes étapes des relations entre les parties, et a fortiori pour déceler l'existence de la fraude invoquée.
Les seuls éléments tangibles et compréhensibles concernant les prêts portent sur l'absence d'une offre préalable et les irrégularités qui affecteraient le taux d'intérêt. Le prêt en cause du 15 mars 2000 porte sur une somme de 270.000 F., soit 41.116,23 euros. Les dispositions du code de la consommation relatives au crédit à la consommation ne sont pas applicables aux prêts, qui, à la date de ce prêt, portaient sur un montant supérieur à 140.000 F., de sorte que les époux X. ne peuvent s'en prévaloir.
En ce qui concerne le taux d'intérêt, il est mentionné sur le contrat de prêt comme étant de 6,80 % (taux fixe) et 6,91 % (TEG hors assurance) et 0,58 % (taux de période), sans que les appelants précisent quoi ces mentions ne seraient pas régulières ou contraires aux règles relatives au crédit personnel.
Un second contrat a été établi le 28 septembre 2001, comportant une réduction du taux d'intérêt à 5 %, ce qui n'est pas non plus irrégulier au regard des règles applicables à la mention du taux effectif global.
Un autre prêt sera conclu ultérieurement le 30 mai 2002, pour une somme de 25.700 euros au même taux de 5 % avec un TEG mentionné à 5,26 % hors assurance et 0,58 % comme taux de période. Cette somme est également supérieure au plafond de 21.500 euros alors applicable en vertu du décret du 2 février 2001, excluant de ce fait cette opération du champ d'application des règles relatives au crédit à la consommation.
En ce qui concerne les autres griefs, qui portent sur un manque de bonne foi de la banque, la violation de son obligation de minimiser le dommage et son manque de loyauté, les consorts X. procèdent par affirmations successives et par une accumulation de qualificatifs sans articuler des arguments précis au soutien de leurs prétentions.
Il n'est pas non plus établi que les prêts de 270.000 F. puis de 25.700 euros auraient été disproportionnés au vu des éléments du patrimoine dont disposait M. X. en 2000 puis en 2002, qui pouvait affecter le montant d'un plan d'épargne-logement de 180.000 F. ainsi que les titres nantis pour 160.000 F.
Aucun des moyens présentés par les appelants ne résiste ainsi à l'examen, ce qui conduit la Cour à confirmer le jugement déféré.
Sur l'appel incident :
La demande de la banque est fondée sur le caractère abusif de l'assignation et des accusations non étayées formulées contre elle.
La demande en justice comme l'appel n'ont pas par eux-mêmes un caractère abusif du seul fait que les consorts X. aient engagé une action mal fondée. Cette action n'occasionne pas la banque un dommage réparable.
Quant au contenu des allégations et imputations multiples formulées par les consorts X., elles se rattachent à des confusions entre les différents types d'opérations pouvant être confiées à un prestataire de services financiers et entre les règles applicables à chacune d'elles. Si les termes utilisés, notamment les accusations de forfaiture et de fraude, sont à l'évidence excessifs, cela ne dégénère pas en abus de droit d'ester en justice. Ce qui est excessif est insignifiant. Il n'y a donc pas lieu de sanctionner les appelants par des dommages et intérêts.
L'équité justifie d'allouer à la partie intimée une indemnité pour les frais de procédure irrépétibles engagés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne les consorts X. solidairement à payer à la banque CIC Est la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les consorts X. solidairement aux dépens.
Le Greffier : le Président :