CA MONTPELLIER (1re ch. B), 11 septembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4546
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 11 septembre 2013 : RG n° 12/02850
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La qualité de professionnel des deux contractants exclut, dans leurs rapports, l'application du code de la consommation. […] Il résulte des pièces produites aux débats que Monsieur X. exerçait effectivement une activité professionnelle habituelle de loueur de mobil home : il proposait son bien à la location moyennant 650 euros la semaine durant les mois de juillet et août alors que son propre loyer était de 166,58 euros par mois par le biais d'annonces publicitaires parues sur internet. Il produit d'ailleurs lui-même 3 contrats de réservation ainsi que 2 demandes de location pour l'été 2008 et invoque un préjudice de 18.000 euros constitué par les locations qu'il n'avait pas pu faire après le refus de reconduction de son contrat. Or cette somme est expressément calculée sur une base de 650 euros par semaine pour les mois de juillet et août, 400 euros par semaine pour ceux de juin et septembre et 300 euros par semaine le reste de l'année. C'est donc à tort que le tribunal a fait application de l’article L. 122-1 du code de la consommation pour lui allouer des dommages et intérêts alors qu'il était un professionnel et que ses rapports avec le camping n'entraient pas dans le champ de l’article L. 113-2 du code de la consommation. »
2/ « Comme constaté à juste titre par les premiers juges, le droit d'entrée est conforme aux dispositions contractuelles acceptées par Monsieur X. lors de la signature de l'acte qu'il remet en question sans invoquer aucun texte si ce n'est les dispositions en matière de clauses abusives. Or ces dernières sont exclusivement applicables « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ». Dans la mesure où il exerçait lui-même une activité professionnelle habituelle de loueur de mobil home, Monsieur X. n'est donc pas fondé dans son appel incident et le jugement qui l'a débouté de ses prétentions de ce chef doit être confirmé. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02850. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 JANVIER 2012, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS : R.G. n° 10/00377.
APPELANTE :
SARL DOMAINE LES BELLES
représentée en la personne de son gérant domicilié ès qualités audit siège social, représentée par Maître Axelle MONTPELLIER substituant la SCP MAGNA - BORIES - CAUSSE - CHABBERT, avocats au barreau de BEZIERS
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par Maître DUBRAY substituant la SCP AVOCARREDHORT, avocats au barreau de BÉZIERS
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 mai 2013
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 JUIN 2013, en audience publique, Madame Marianne FEBVRE-MOCAER ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Vice-Présidente placée déléguée par ordonnance de Monsieur le Premier Président du 12 mars 2013, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 13 janvier 2006, Monsieur X. a acquis de Monsieur Y. un mobil-home qui était installé sur la parcelle n° Z. du camping des Belles, [adresse].
Suivant acte sous seing privé du 14 janvier 2006, il a loué cet emplacement à la société Domaine des Belles exploitant le camping pour l'année 2007. Le 25 novembre 2006, un nouveau contrat de location d'emplacement à durée déterminée a été signé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.
Par lettre du 1er août 2007, la société Domaine des Belles l'a avisé que, « suite à votre comportement et à celui de vos locataires », elle ne souhaitait pas renouveler la location pour l'année 2008. Elle lui demandait d'enlever le mobil-home avant le 30 novembre 2007 car le camping était fermé tout le mois de décembre.
Monsieur X. n'ayant pu récupérer son mobil-home, il a saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Béziers qui, par ordonnance du 4 novembre 2008, en a ordonné la restitution sous astreinte de 1.500 euros par refus dûment constaté pendant une durée d'un mois.
Parallèlement, il a fait assigner la société Domaine des Belles le 18 janvier 2010 afin d'obtenir le paiement des sommes suivantes :
- 2.300 euros en restitution du droit d'entrée illégalement perçu,
- 2.000 euros à titre dommages et intérêts tenant le caractère abusif du refus de renouvellement d'emplacement,
- 598 euros en remboursement de la facture G.,
- 18.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 1.500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte.
Par jugement du 19 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Béziers a condamné le camping à payer au locataire :
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du caractère fautif du non renouvellement du contrat,
- 598 euros en remboursement de la facture G.,
- 18.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
rejetant les demandes plus amples ou contraires.
APPEL
La société Domaine des Belles a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 avril 2012.
Vu les conclusions reçues au greffe le 25 octobre 2012 par lesquelles l'appelante demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X. de ses demandes relatives à la restitution du droit d'entrée et à la liquidation de l'astreinte, mais de l'infirmer sur le surplus et, statuant à nouveau :
1) sur le refus de renouvellement,
- d'écarter l'application du droit de la consommation,
- subsidiairement, de reconnaître l'existence de motifs légitimes justifiant le refus de renouvellement de la prestation de service,
2) de rejeter la demande de remboursement de la facture G.,
3) de rejeter également la demande tendant à la réparation d'un préjudice de jouissance,
4) de faire droit à ses demandes reconventionnelles en paiement de frais lui incombant sur une facture A. (2.934,80 euros)
5) de lui allouer 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions reçues au greffe le 19 décembre 2012, par lesquelles l'intimé demande à la cour :
- de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à ses prétentions,
- de faire droit à l'intégralité de ses demandes initiales (à l'exception de sa demande de liquidation de l'astreinte), et notamment à sa demande de restitution du droit d'entrée, rejetée par le tribunal,
- de rejeter l'intégralité des demandes reconventionnelles du camping,
- de lui allouer 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 mai 2013,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère expressément au jugement ainsi qu'aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le refus de renouvellement du contrat de location :
La qualité de professionnel des deux contractants exclut, dans leurs rapports, l'application du code de la consommation.
A l'appui de son appel, la société Domaine des Belles soutient que la qualité de professionnel de Monsieur X. lui interdisait de se prévaloir des dispositions du code de la consommation et notamment de son article L. 122-1 suivant lequel est assimilé à un refus de prestation de service le refus de renouvellement d'un contrat de location d'emplacement de mobil-home non justifié par un motif légitime. A titre subsidiaire, elle estime que le non renouvellement du contrat signé avec Monsieur X. était en l'espèce justifié par un motif légitime.
Monsieur X. prétend pour sa part qu'un contrat de location d'emplacement de mobil home à durée déterminée entre dans le champ de l’article L. 113-2 du code de la consommation et il fait état du caractère abusif du refus de reconduire son contrat de location notifié le 1er août 2007.
Il résulte des pièces produites aux débats que Monsieur X. exerçait effectivement une activité professionnelle habituelle de loueur de mobil home : il proposait son bien à la location moyennant 650 euros la semaine durant les mois de juillet et août alors que son propre loyer était de 166,58 euros par mois par le biais d'annonces publicitaires parues sur internet. Il produit d'ailleurs lui-même 3 contrats de réservation ainsi que 2 demandes de location pour l'été 2008 et invoque un préjudice de 18.000 euros constitué par les locations qu'il n'avait pas pu faire après le refus de reconduction de son contrat. Or cette somme est expressément calculée sur une base de 650 euros par semaine pour les mois de juillet et août, 400 euros par semaine pour ceux de juin et septembre et 300 euros par semaine le reste de l'année.
C'est donc à tort que le tribunal a fait application de l’article L. 122-1 du code de la consommation pour lui allouer des dommages et intérêts alors qu'il était un professionnel et que ses rapports avec le camping n'entraient pas dans le champ de l’article L. 113-2 du code de la consommation.
Parallèlement, la cour observe que les stipulations du contrat signé par Monsieur X. autorisait la société Domaine des Belles à ne pas le renouveler à son terme sans indemnité ni motif : l'article 2 prévoit en effet que « la présente location cessera ses effets à la date d'expiration sans qu'il soit besoin de quelques formalités ou notifications que ce soit », que « ce contrat ne donne droit à aucun maintien dans les lieux, le bailleur pouvant, sans indemnité, refuser le renouvellement au terme », qu’'il n'y a pas de tacite reconduction « et qu’'il pourra être passé une nouvelle convention entre les parties, dans un délai de 2 mois avant l'échéance » sous réserve que le preneur en adresse la demande en temps utile par lettre recommandée.
Or en l'espèce, le bailleur a avisé le preneur qu'il n'accepterait pas le renouvellement du contrat en faisant état de son comportement et de celui de ses locataires et il justifie de l'existence de nuisances sonores contraires au règlement intérieur du camping ainsi que du fait que Monsieur X. n'a pas respecté l'interdiction de louer le mobil-home à des tiers stipulée au contrat (improprement qualifiée d’« interdiction de sous location » à l'article 3) « sauf accord écrit du bailleur ».
Il convient d'observer que cette interdiction était corollaire à l'objet du contrat de location, expressément « consenti pour l'usage exclusif de loisirs » aux termes de l'article 2, ainsi qu'aux stipulations de l'article 5 : « la jouissance de ce contrat est exclusivement réservée au preneur et aux membres de sa famille ; le preneur peut louer son installation avec accord écrit du bailleur et sous certaines conditions ».
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter le preneur de sa demande indemnitaire en l'absence de faute du bailleur lors du refus de renouvellement du contrat de location.
Sur la restitution du droit d'entrée :
Dans le cadre de son appel incident, Monsieur X. fait valoir que la société Domaine des Belles n'était pas autorisée à solliciter le paiement d'un droit d'entrée d'un montant de 2.300 euros en sus du loyer prévu dans le cadre d'un contrat dès lors que celui-ci n'était pas renouvelable par tacite reconduction. Il estime à cet égard que le droit d'entrée est incompatible avec une location à durée déterminée.
A titre subsidiaire, il fonde son argumentation sur les dispositions de l’article L. 132-2 du code de la consommation définissant les clauses abusives comme celles qui instaurent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non professionnel ou du consommateur.
Comme constaté à juste titre par les premiers juges, le droit d'entrée est conforme aux dispositions contractuelles acceptées par Monsieur X. lors de la signature de l'acte qu'il remet en question sans invoquer aucun texte si ce n'est les dispositions en matière de clauses abusives.
Or ces dernières sont exclusivement applicables « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ».
Dans la mesure où il exerçait lui-même une activité professionnelle habituelle de loueur de mobil home, Monsieur X. n'est donc pas fondé dans son appel incident et le jugement qui l'a débouté de ses prétentions de ce chef doit être confirmé.
Sur le remboursement de la facture G. :
Cette facture d'un montant de 598 euros [correspond] aux frais engagés par Monsieur X. lors d'une tentative d'enlèvement de son mobil-home le 12 décembre 2008, le preneur - suivi en cela par le tribunal - estimant que la société Domaine des Belles s'est fautivement opposé à ce qu'il récupère son bien.
Le bailleur fait cependant à juste titre valoir qu'il résulte de la lettre de voiture établie par l'entreprise G. que ce transporteur - mandaté par le preneur - n'était pas équipé pour sortir le mobil-home du camping, si bien qu'il était reparti à vide.
Les frais de cette intervention avortée ne sauraient donc être supportés par la société Domaine des Belles dont il n'est pas justifié qu'elle ait commis une faute en relation avec cet échec et qui - le 30 mars 2009 - a adressé à Monsieur X. une lettre recommandée l'informant qu'elle avait finalement pris l'initiative de faire déplacer le bien hors de l'enceinte du camping.
Le jugement sera donc infirmé et Monsieur X. débouté de sa demande de ce chef.
Sur le préjudice de jouissance :
Le tribunal a fait intégralement droit à la demande de Monsieur X. après avoir constaté qu'il avait été privé de la jouissance de son bien entre janvier 2008 et mars 2009 du fait du comportement de la société exploitant le camping alors qu'il aurait pu percevoir des loyers sur une base de 8 semaines à 650 euros, 8 semaines à 400 euros et 32 semaines à 300 euros.
Nul doute - au vu du procès verbal en date du 1er février 2008 et de l'ordonnance rendue en référé le 4 novembre 2008 - que Monsieur X. s'est vu interdire l'accès à son mobil-home par la société Domaine des Belles jusqu'au mois de novembre 2008.
Cependant, Monsieur X. ne démontre pas que le camping était responsable de l'absence d'enlèvement le 12 décembre 2008. Par ailleurs, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une perte de revenus professionnels alors qu'il ne justifie pas d'un accord écrit du bailleur l'ayant autorisé à louer son mobil-home à des tiers.
Son préjudice est donc limité à l'impossibilité d'user personnellement de son bien entre janvier et novembre 2008, et la cour estime qu'il sera plus justement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 4.000 euros.
Le jugement sera donc infirmé et il sera statué à nouveau de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle du camping (paiement d'une somme de 2.934,80 euros) :
Comme constaté à juste titre par le tribunal, la société Domaine des Belles n'est pas fondée à réclamer le remboursement de dépenses engagées par elle sur un mobil-home ne lui appartenant pas (changement de cumulus, notamment) et dont elle s'est opposée au déplacement jusqu'en novembre 2008.
Au vu des stipulations contractuelles (article 9), elle est en revanche légitime à solliciter le remboursement des frais de sortie (débranchement des réseaux et déplacement) à concurrence de 450 euros sans compter les frais engendrés par l'intervention d'un engin mécanisé le cas échéant.
La société Domaine des Belles justifie avoir vainement sollicité par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 mars 2009 le remboursement par Monsieur X. d'une somme de 800 euros TTC correspondant 450 euros pour les frais de débranchement des divers réseaux et 350 euros au titre de la fourniture d'un engin mécanisé (tractopelle).
Elle ne saurait donc se prévaloir d'une facture établie par l'entreprise A. le 26 mars 2009 pour 538,15 euros au titre des frais de location d'un tractopelle.
En revanche, Monsieur X. qui ne justifie pas avoir honoré la facture établie le 30 mars 2008 sera condamné à payer la somme réclamée et justifiée au regard des stipulations contractuelles.
Le jugement sera donc également infirmé de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour :
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur X. de ses demandes en restitution du droit d'entrée et en liquidation de l'astreinte ordonnée par le juge des référés ;
Statuant à nouveau sur l'ensemble des chefs infirmés, et y ajoutant
Déboute Monsieur X. de sa demande en paiement
- d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts suite au refus de renouvellement du contrat de location d'emplacement à durée déterminée pour l'année 2008,
- d'une somme de 598 euros en remboursement de la facture G.,
Condamne la société Domaine des Belles à payer à Monsieur X. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts suite à l'impossibilité d'avoir la jouissance de son mobil-home entre janvier et novembre 2008,
Condamne Monsieur X. à payer à la société Domaine des Belles la somme de 850 euros au titre des frais de débranchement des réseaux et de déplacement de son mobil-home,
Rejette toute autre demande, plus ample ou contraire,
Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
MFM/MR