CA VERSAILLES (12e ch.), 4 juin 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4576
CA VERSAILLES (12e ch.), 4 juin 2013 : RG n° 12/01171
Publication : Jurica
Extrait : « que selon l'article 12 des conditions générales de vente de la société AHR, Les remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature (...) ne sont dus que sous la condition expresse que la société ait été effectivement créditée, aux échéances convenues, de l'intégralité de toutes les sommes qui sont dues par le client ;
que l'état de dépendance économique dans laquelle se serait trouvée Mme X. n'est pas constitué par la part représentée par son fournisseur, la société AHR, dans ses livraisons, part résultant de son seul choix, mais par l'impossibilité de trouver une solution de remplacement, pour un rapport qualité-coût équivalent, impossibilité qu'elle n'invoque ni ne justifie, mais que les premiers juges ont retenu à tort, alors que l'arrêt des relations commerciales n'a pas fait obstacle à la poursuite de son activité dans des conditions financières dépourvues de retentissement sur ses comptes sociaux ;
que l'abus de position dominante, ou le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, serait constitué par la cessation des ristournes et remises commerciales, en 2001 ; mais considérant que la société AHR a mis fin à ces avantages en application des conditions générales de vente signées par Mme X., laquelle reconnaissait à cette époque une dette d'un montant de 56.406,14 euros ; que le caractère abusif de l'article 12 des conditions générales de vente n'est cependant pas allégué
que Mme X. incrimine également le plan de remboursement du 21 juillet 2009, par lequel elle s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaire mensuel d'au moins 38.000 euros ; mais considérant qu'elle s'est reconnue débitrice, à ce même acte, de la somme de 33.538,68 euros, et s'est engagée à rembourser cette somme par dix-huit mensualités, au taux annuel d'agios de 6 % ; que, compte tenu du montant de la dette, la souscription de ce plan, comprenant un engagement de chiffre d'affaire ne constituant pas une clause d'exclusivité, résulte d'un choix financier de Mme X. et non la souscription d'une obligation créant un déséquilibre significatif entre les parties ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DOUZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 4 JUIN 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01171. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 janvier 2012 par le Tribunal de Commerce de Nanterre : R.G. n° 2011F01668.
LE QUATRE JUIN DEUX MILLE TREIZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SAS ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, Ayant pour avocat Maître Katell FERCHAUX-LALLEMENT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 13505
INTIMÉE :
Madame X.
Ayant pour avocat postulant Maître Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20120144, Ayant pour avocat plaidant Maître Karine DUPONT-REYNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2015
Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 avril 2013 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Dominique ROSENTHAL, Président, Mme Marion BRYLINSKI, Conseiller, Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'appel interjeté par la société Alliance Healthcare Repartition d'un jugement rendu le 18 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
* a condamné Mme X. à lui payer la somme de 7.186,90 euros majorée des intérêts contractuels à compter du 3 mars 2011, date de la mise en demeure,
* a débouté les parties de leurs autres demandes,
* a dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
* a fait masse des dépens et les a laissés par moitié à la charge des parties ;
Vu les écritures en date du 10 septembre 2012, par lesquelles la société Alliance Healthcare Repartition demande à la cour, au visa des articles 1147, 1134 et 1244-1 du code civil, 420-2 du code de commerce, de réformer cette décision en toutes ses dispositions et, outre divers Dire et Juger :
* de condamner Mme X. à lui payer en principal la somme toutes taxes comprises de 95.151,34 euros au titre des factures impayées, majorée des intérêts contractuels, conformes à l’article L. 441-6 du code de commerce, de trois fois le taux légal à compter de la date respective des échéances impayées,
* de la condamner à lui payer la somme de 10.003,03 euros au titre de la clause pénale contractuelle,
* d'ordonner la capitalisation des intérêts, l'imputation des paiements prioritairement sur les intérêts en application de l’article 1254 du code civil et la restitution des marchandises vendues sous clause de réserve de propriété, venant en déduction du montant de la créance,
* de refuser l'application des dispositions de l’article 1244-1 du code civil,
* de condamner Mme X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec distraction ;
Vu les dernières écritures en date du 16 juillet 2012, aux termes desquelles Mme X. prie la cour, au visa des articles 1134 et suivants et 1244-1 du code civil, l’article L. 420-2 et L. 442-6-2° du code de commerce :
* à titre principal, de confirmer ce jugement en toutes ses dispositions,
* à titre subsidiaire, si l'abus de dépendance économique commis par la société Alliance Healthcare ne devait pas être retenu, de lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour s'acquitter de la somme de 105.154 euros,
* de la débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* d'ordonner la distraction des entiers dépens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* A compter de l'année 1992, la société AHR, grossiste répartiteur, a fourni l'officine de pharmacie exploitée par Mme X. en produits pharmaceutiques et para-pharmaceutiques, avec une clause de réserve de propriété ;
* le 23 mars 2001, à la suite de difficultés de paiement, Mme X. s'est reconnue débitrice pour la somme de 363.173,24 euros et le 27 mars 2001, elle a consenti à la société AHR un nantissement pour la somme de 56.406,14 euros ;
* en 2001, la société AHR a mis fin aux ristournes et avantages commerciaux en application de l'article 12-2 de ses conditions générales de vente ;
* les 2 avril 2009, la société AHR a mis en demeure Mme X. de lui régler les sommes de 167.351,84 euros, puis, après un règlement de 100.000 euros et un plan d'apurement le 21 juillet 2009, suivi de diverses mises en demeure, pour la dernière, le 3 mars 2011, pour la somme de 100.030,30 euros ;
* par acte d'huissier de justice en date du 28 mars 2011, la société AHR a fait assigner Mme X. devant le tribunal de commerce de Nanterre, essentiellement aux fins de condamnation au paiement de cette somme et de 10.003,03 euros au titre de la clause pénale ;
Sur l'état de dépendance économique :
Considérant que la société AHR soutient que les conditions de l'abus de dépendance économique, soit l'absence d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables, l'exploitation abusive de cette dépendance et l'affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché, ne sont pas réunies en l'espèce ;
qu'elle fait valoir l'absence d'exclusivité liant Mme X., laquelle a conservé sa liberté de choix du fournisseur comme rappelé à l'article 1 des conditions générales de vente, parmi les six cents laboratoires et fabricants d'accessoires et les quatre principaux grossistes-répartiteurs, et ne rapporte pas la preuve de son impossibilité de s'approvisionner dans des conditions équivalentes, que ne constitue pas l'existence de ses impayés ;
qu'elle souligne que sa qualité de fournisseur principal ne résulte que du choix de Mme X. et ne peut suffire à caractériser un abus de dépendance économique, comme n'établissant pas l'absence de solution équivalente, et que le plan de remboursement, par lequel elle s'est engagée en 2009 à lui confier un chiffre d'affaires mensuel hors taxes d'un montant de 38.000 euros, ne constitue pas un engagement d'exclusivité ;
qu'elle impute à de mauvais choix de gestion de Mme X. le montant de ses impayés, dus à des problèmes récurrents de trésorerie, ainsi qu'à l'absence d'efforts de restructuration de son officine, et observe que ses résultats, après l'arrêt des remises commerciales en 2001, ne sont pas communiqués et une chute de son chiffre d'affaires non démontrée ;
qu'elle relève que le seul bilan 2011 produit aux débats révèle un chiffre d'affaires relativement stable sur deux exercices, d'une augmentation de la trésorerie, de l'ordre de 20 %, des capitaux propres et des salaires, d'une diminution de la dette bancaire et d'une légère baisse du résultat courant avant impôts, alors que le prix d'acquisition du stock ne s'est accru que de 8 %, démontrant l'existence de solutions de substitution équivalentes voire plus favorables ;
qu'elle conteste tout abus d'exploitation d'une situation de dépendance, sur lequel le tribunal de commerce n'a pas statué, la cessation des ristournes et remises commerciales, lesquelles ne peuvent faire l'objet de droits acquis et ne résultent pas d'un accord des parties, résultant de l'application des conditions générales de vente acceptées et appliquées durant dix-huit ans par Mme X., l'attestation de M. A., son ancien salarié, devant être écartée des débats, l'embauche de celui-ci étant postérieure à l'arrêt des remises en 2001 ;
qu'elle observe que Mme X. n'a jamais réclamé le rétablissement des ristournes et remises, acquiesçant à sa dette en ne sollicitant que des délais de paiement et des plans d'apurement, sans faire état d'une situation de dépendance économique ;
qu'elle souligne l'absence d'affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché, condition cumulative que ni Mme X., ni le tribunal de commerce n'ont évoquée ;
considérant que Mme X. soutient l'exploitation abusive de son état de dépendance économique, opposant la part importante représentée par les livraisons de la société AHR dans ses approvisionnements, soit plus des deux tiers de ses achats, la plaçant dans une réelle situation de dépendance économique, et son engagement, au plan de remboursement du 21 juillet 2009, de confier à la société AHR un chiffre d'affaires mensuel hors taxes d'un montant au moins égal à 38.000 euros, soit 402.456 euros par an, soit une exclusivité ressortant de ses comptes 2010-2011 à hauteur de 80 % ;
qu'elle souligne la notoriété de la société AHR, l'un des fournisseurs les plus connus dans ce domaine, détenant une part prépondérante du marché, soit 26,3 %, et son impossibilité de s'approvisionner auprès d'un autre répartiteur, compte tenu de l'encourt important la liant à la société AHR et de sa privation des remises commerciales consenties durant dix ans ;
* * *
considérant qu'aux termes de l’article L. 420-2 du code de commerce, issu de la loi du 15 mai 2001, (...) Est en outre prohibée dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratique discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ;
que selon l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
que selon l'article 12 des conditions générales de vente de la société AHR, Les remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature (...) ne sont dus que sous la condition expresse que la société ait été effectivement créditée, aux échéances convenues, de l'intégralité de toutes les sommes qui sont dues par le client ;
que l'état de dépendance économique dans laquelle se serait trouvée Mme X. n'est pas constitué par la part représentée par son fournisseur, la société AHR, dans ses livraisons, part résultant de son seul choix, mais par l'impossibilité de trouver une solution de remplacement, pour un rapport qualité-coût équivalent, impossibilité qu'elle n'invoque ni ne justifie, mais que les premiers juges ont retenu à tort, alors que l'arrêt des relations commerciales n'a pas fait obstacle à la poursuite de son activité dans des conditions financières dépourvues de retentissement sur ses comptes sociaux ;
que l'abus de position dominante, ou le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, serait constitué par la cessation des ristournes et remises commerciales, en 2001 ; mais considérant que la société AHR a mis fin à ces avantages en application des conditions générales de vente signées par Mme X., laquelle reconnaissait à cette époque une dette d'un montant de 56.406,14 euros ; que le caractère abusif de l'article 12 des conditions générales de vente n'est cependant pas allégué ;
que Mme X. incrimine également le plan de remboursement du 21 juillet 2009, par lequel elle s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaire mensuel d'au moins 38.000 euros ; mais considérant qu'elle s'est reconnue débitrice, à ce même acte, de la somme de 33.538,68 euros, et s'est engagée à rembourser cette somme par dix-huit mensualités, au taux annuel d'agios de 6 % ; que, compte tenu du montant de la dette, la souscription de ce plan, comprenant un engagement de chiffre d'affaire ne constituant pas une clause d'exclusivité, résulte d'un choix financier de Mme X. et non la souscription d'une obligation créant un déséquilibre significatif entre les parties ;
Sur les demandes en paiement et de délais :
Considérant que la société AHR réclame le paiement de sa créance s'élevant à la somme de 95.151,34 euros et reproche au tribunal de commerce d'y avoir appliqué les remises commerciales arrêtées neuf ans auparavant, en application d'un taux de ristourne, non justifié, de 2,5 % ;
qu'elle critique le mode de calcul du préjudice, au cas où la dépendance économique serait retenue, ainsi que le calcul d'indemnisation ne tenant pas compte de la particularité des remises dans ce domaine, ni du chiffre d'affaires spécifique pris en compte pour les remises ;
qu'elle refuse tout délai de paiement, Mme X. ayant disposé de plusieurs moyens pour s'acquitter de sa dette et ayant proposé successivement, au fil des ans, de procéder à la vente de son officine, puis de sa maison, sans jamais tenir ses engagements, alors qu'elle a tout mis en oeuvre pour parvenir à un règlement amiable, et souligne l'absence de preuve que Mme X. serait en mesure de respecter les délais proposés ;
considérant que Mme X. fait valoir que le montant de sa dette se trouverait réduit au montant de 7.186,90 euros si la société AHR avait poursuivi l'application des ristournes commerciales aux factures émises ;
qu'elle demande subsidiairement l'application de l’article 1244-1 du code civil, en raison de ses difficultés financières caractérisées par le nombre et l'importance d'emprunts souscrits, et que lui soient accordés des délais de paiement de vingt-quatre mois ;
* * *
considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'abus de dépendance économique n'est pas constitué ; que le montant des factures impayées n'est pas en lui-même contesté, le litige portant sur l'arrêt des ristournes commerciales, dont la régularité a été reconnue ; que, par infirmation du jugement, Mme X. sera condamnée, dans les termes de la demande, au paiement de la somme de 95.151,34 euros, avec intérêts au taux de trois fois le taux légal, à compter de chaque échéance impayée, avec capitalisation, outre la somme de 9.515,13 euros au titre de la clause pénale de 10 %, prévue à l'article 13 des conditions générales de vente ;
qu'au vu de l'ancienneté des défauts de paiement et des accords précédemment consentis en vain par la société AHR sa demande de délais sera rejetée ;
que la demande de retour des marchandises vendues avec réserve de propriété sera rejetée, compte tenu de l'ancienneté de la cessation des livraisons, de même que la demande de rappel des dispositions de l’article 1254 du code civil, en l'absence de délais de paiement ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société AHR la charge de ses frais irrépétibles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
- INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
- STATUANT à nouveau, CONDAMNE Mme X. à payer à la société AHR les sommes de 95.151,34 euros au titre des factures impayées, avec intérêts au taux de trois fois le taux légal, à compter de chaque échéance impayée, avec capitalisation, et de 9.515,13 euros au titre de la clause pénale,
- REJETTE le surplus des demandes,
- CONDAMNE Mme X. à payer à la société AHR la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE Mme X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,