CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA LYON (8e ch.), 24 septembre 2013

Nature : Décision
Titre : CA LYON (8e ch.), 24 septembre 2013
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 8e ch.
Demande : 11/08856
Date : 24/09/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4601

CA LYON (8e ch.),  24 septembre 2013 : RG n° 11/08856 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Ces derniers éléments de motivation permettent d'écarter tout développement sur l'application à l'espèce des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce sur l'exploitation abusive de sa puissance financière par la société EIFFAGE, indépendamment du fait qu'elle a agi pour la compte de la société C. D. II.

Comme judicieusement noté par le premier juge, il ne suffit pas d'invoquer la disparité entre la puissance financière supposée ou avérée des contractants en présence pour en déduire nécessairement qu'il y a eu volonté de créer un déséquilibre économique défavorable au plus faible. Une démonstration s'impose à la charge de la société SADE qui n'est pas faite et qui de toute manière se heurte de front au fait qu'un autre cabinet d'architecture a accepté de travailler sur le même projet à sa suite pour une rémunération très voisine et qui, si elle n’est pas parfaitement identique, résulte de la libre application de la loi de l'offre et de la demande sans qu'il n'y ait rien à y redire.

Au reste, c'est sans aucun début de démonstration, alors même que le contraire est soutenu par la société EIFFAGE, que la société SADE invoque sur ce point précis la différence quant à l'importance de la mission confiée aux deux cabinets d'architecture, le cabinet DHA étant accusé sans preuve d'utiliser l'avant-projet détaillé élaboré par le cabinet SADE, le cabinet DHA se limitant selon l'appelant à exécuter l'œuvre de son prédécesseur après avoir seulement changé l'aspect extérieur. Seule une prétendue logique est appelée en renfort d'une absence de démonstration ce qui ne peut être accepté.

De plus, la société SADE, dans le cadre d'une législation qui prend en considération non seulement la position du dominant mais également celle du dominé, omet d'expliquer en quoi elle aurait été contrainte d'accepter un marché désavantageux pour elle. Si l'opération immobilière C. D. II apparaît avoir été de grande ampleur, rien ne vient démontrer que d'autres opérations du même genre auraient été moins rentables pour un cabinet d'architecture réputé et mondialement connu comme prétend l'être le cabinet SADE, émanation de monsieur X. Elle est en réalité la première à faire la démonstration contraire puisqu'elle prétend dans ses conclusions devant la cour, au chapitre réparation de son préjudice, que sur une rémunération de 1.700.000 euros qu'elle avait contractualisée avec le maître de l'ouvrage, elle aurait réalisé la marge nette considérable de 1.000.000 euros. Le moins que l'on puisse en dire, dans ces conditions, est que le contrat n'apparaît pas clairement avoir été conclu en défaveur de la société SADE qui a seule rompu les relations contractuelles avec qui de droit au motif qu'un tiers lui devait un solde de factures pour travaux accomplis dans un tout autre cadre juridique.

La cour, au travers ce constat, ne perçoit là aucun abus de position dominante de la part de la société EIFFAGE et aucune pratique restrictive de concurrence. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

HUITIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/08856. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (3e ch.), Au fond, du 8 décembre 2011 : RG n° 06/03287.

 

APPELANTS :

M. X.

né le [date] à [ville], Représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON, Assisté de Maître Louis FAUQUET, avocat au barreau de PARIS

SARL SADE - SOCIETY OF ARCHITECTS AND DEVELOPERS,

représentée par son gérant en exercice domicilié au siège social sis, Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON, Assistée de Maître Louis FAUQUET, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SNC EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST

représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis, Représentée par Maître Philippe NOUVELLET de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, Assistée de Maître Yves BIZOLLON de la SCP CABINET BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS

 

Date de clôture de l'instruction : 27 mai 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 juin 2013

Date de mise à disposition : 24 septembre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Pascal VENCENT, président - Dominique DEFRASNE, conseiller - Catherine ZAGALA, conseiller, assistés pendant les débats de Aurore JACQUET, greffier

A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Pascal VENCENT, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant un « Contrat d'Etude de conception Générale » en date du 14 décembre 1994, la société TECI et sa filiale la COMPAGNIE GÉNÉRALE DE PROMOTION ET DE SERVICES a confié à la SARL SADE, cabinet d'architecture dont le dirigeant est monsieur X., une mission d'étude de conception générale urbanistique et architecturale et de faisabilité pour la réalisation d'un ensemble commercial de grande ampleur situé à [ville C.], désigné sous le nom « C. D. ».

La première phase de l'opération qui portait sur la construction de 36.000 m2 sur une emprise au sol de 6.500 m2 a été entièrement réalisée par le maître d'ouvrage, avec le concours de la SARL SADE, laquelle en a été entièrement rémunérée.

Alors que la première tranche n'était pas encore terminée, la société SADE dit avoir entrepris des études concernant la deuxième tranche représentant 80.000 m2 de surface, études dont elle se plaint de n'avoir pas été payée.

Toujours est-il que pour mener à bien cette deuxième tranche de travaux, la société TECI a estimé devoir s'associer à un grand groupe immobilier, la société EIFFAGE.

A l'effet de concrétiser leur entente concernant cette tranche de travaux, la société TECI et la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST ont décidé de créer une société dédiée à cette opération sous le nom de « C. D. II ».

C'est dans ce cadre qu'a été signé le 18 mars 2003 un contrat d'architecte entre la SNC C. D. II, en cours de constitution, représentée par EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST et TECI SA d'une part et le« Cabinet SADE », représenté par monsieur X. d'autre part.

La mission contractuelle confiée à la société SADE était une mission de conception architecturale avec étude et mise au point des différents dossiers relatifs à l'obtention des autorisations administratives nécessaires ; il comportait la réalisation d'un ensemble de prestations depuis l'esquisse, jusqu'à l'établissement, in fine, du dossier de commercialisation des locaux édifiés. Pour l'exécution de l'ensemble de ces missions, le contrat prévoyait que le cabinet d'architecture percevrait des honoraires « pour un montant forfaitaire, ferme et définitif, non actualisable arrêté à 1.700.000 euros HT »

Il est avéré que ce contrat a été signé uniquement par monsieur Philippe PLAZA, représentant la société EIFFAGE IMMOBILIIER CENTRE EST qui agissait pour le compte de la société C. D. II en cours de constitution avec monsieur X. pour la société SADE.

Cette société qui aurait du prendre la forme d'une SNC prenait finalement la forme d'une société par actions simplifiées. Elle était effectivement immatriculée 9 mois plus tard, le 21 janvier 2004.

Rapidement, la société SADE se plaignait que le contrat n'ait pas été signé par la société TECI alors pourtant que c'est elle qui aurait détenu toutes les études réalisées depuis 1994 par la société SADE sur la phase II du C. D. II et les aurait remises à EIFFAGE sans pour autant les avoir payées.

Elle déplorait encore qu'une partie de la mission d'architecture qui devait lui revenir contractuellement ait été effectuée par d'autres architectes.

La société SADE dénonçait alors le contrat du 18 mars 2003 pour n'avoir pas été signé par la société TECI, partenaire d'EIFFAGE dans la constitution de la société JAUDE II. Elle entendait en renégocier la teneur en y incluant le cout des études préalables d'ores et déjà réalisées pour la tranche II comptées pour 200.000 euros HT.

Les parties, qui tentaient de négocier, ne parvenaient pas à un accord et finalement, la société C. D. II prenait acte le 23 avril 2004 de la résiliation du contrat du 18 mars 2003 dont elle attribuait les torts exclusifs à sa cocontractante.

Plus tard, le 29 juillet 2004, la société C. D. II, tirant les conséquences de cette résiliation et devant poursuivre la construction de cet ensemble immobilier, signait un contrat d'architecture avec le cabinet DHA, dans les mêmes termes que ceux du contrat résilié avec le cabinet SADE, et pour un montant voisin soit 1.800.000 euros contre 1.700.000 euros.

Tirant à son tour les conséquences de cette éviction, la société SADE et monsieur X. ont assigné le 20 janvier 2006 la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST devant le Tribunal de Grande Instance de LYON pour obtenir sa condamnation à réparer le préjudice allégué et causé selon eux par cette éviction.

La société SADE et monsieur X. réclamaient sur le fondement de l'absence de validité du contrat du 18 mars 2003 et du dol manigancé par la société EIFFAGE sous forme de substitution d'une forme de société à une autre, soit d'une SNC à une SAS, respectivement les sommes de 2.000.000 euros et 500.000 euros.

 

Pourtant, par un jugement du 8 décembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de LYON les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes et les a, au contraire, condamnés au paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le premier juge a essentiellement considéré que le contrat signé uniquement par le représentant de la société EIFFAGE n'en était pas moins valable puisque celui-ci avait reçu un commencement d'exécution par délivrance d'esquisses de la part de la société SADE à la société C. D. II et paiement d'une somme de 51.000 euros, outre échange de nombreux courriers entre la société SADE et la société JAUDE II.

Sur le dol, il était rappelé par le tribunal que les demandeurs à l'instance invoquaient l'existence de manœuvres frauduleuses de la part de la société EIFFAGE IMMOBILIER qui, en vue d'obtenir son concours, en raison de son implication historique dans le projet, lui avait alors fait espérer faussement la participation au projet de la société TECI, ancien promoteur, ce qu'elle savait important pour la société SADE qui espérait ainsi récupérer une partie de sa créance demeurée impayée.

Il a été répondu à cela par le tribunal que la société SADE s'était elle-même exclue du contrat, que la thèse selon laquelle la participation de la société TECI à la signature du contrat aurait été une condition déterminante de la signature du contrat n'était pas avérée alors même que la société C. D. II avait bien été constituée sans que sa forme juridique interdise à la société SADE de recouvrer une rémunération auprès de la société TECI si elle l'estimait opportun.

Au reste, il était encore considéré par les premiers juges que le litige opposant la société SADE à la société TECI sur des rémunérations d'anciennes factures ne concernait en rien la société EIFFAGE alors même que le caractère prétendument léonin du contrat signé le 18 mars 2003 ne serait pas démontré, pas plus que d'hypothétiques pressions financières ou un abus de position dominante.

 

La société SADE et monsieur NUNEZ -YANOWSKY ont interjeté appel de ce jugement.

Ils demandent à la cour de déclarer nul et non avenu le contrat du 18 mars 2003, faute d'avoir été signé par les trois parties à l'acte, de dire que la SAS C. D. II n'a pas légalement repris le contrat du 18 mars 2003, faute par ses fondateurs de l'avoir inscrit sur l'état des engagements souscrits au nom de la société en formation et faute par les mêmes d'avoir mentionné l'engagement qui en résultait pour la société.

Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, il conviendrait pour la cour de dire que la société EIFFAGE a engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir refusé de poursuivre les pourparlers précontractuels avec elle, de dire encore que la société EIFFAGE a engagé sa responsabilité délictuelle pour s'être livrée à l'encontre de SADE à des actes de parasitisme en exploitant les études réalisées pendant dix ans par SADE tout en sachant que lesdites études n'avaient pas été payées à leur auteur, de dire que la société EIFFAGE a engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir tenté d'obtenir de SADE un contrat manifestement disproportionné sous la menace d'une rupture des relations commerciales.

A titre subsidiaire, il y aurait lieu pour la cour de prononcer la nullité du contrat du 18 mars 2003 en application de l’article 1116 du code civil et en tout état de cause, de condamner la SAS EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST à payer à la SARL SADE la somme de 2.000.000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2006 avec anatocisme par application de l’article 1154 du code civil, de condamner la SAS EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST à payer à monsieur X. la somme de 500.000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2006 avec anatocisme, de condamner la même à payer à la SARL SADE et à monsieur X. la somme de 50.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il est ainsi soutenu que le contrat daté du 18 mars 2003 serait bien nul pour n'avoir pas été signé par la société TECI. Le mandat invoqué par EIFFAGE émanant de son cocontractant devrait être considéré comme un faux établi pour les besoins de la cause et son origine frauduleuse interdirait qu'il puisse avoir un quelconque effet.

La société EIFFAGE, dans ces conditions, n'aurait donc eu aucun pouvoir pour représenter son cocontractant et si le contrat du 18 mars 2003 prévoyait la présence des deux fondateurs, c'est parce que les parties l'avaient voulu ainsi et spécialement la société SADE pour qui cette double présence des associés de C. D. Il avait son importance.

Au reste, la société C. D. Il n'aurait pas repris le contrat du 18 mars 2003 au titre des engagements souscrits par ses fondateurs. En effet, pour qu'il y ait application des dispositions de l’article 1843 du code civil sur la reprise en son nom des actes accomplis par les fondateurs d'une société en formation, encore faudrait-il qu'il en ait été fait état à l'état annexé au statut.

Présentement, si la SAS EIFFAGE a déclaré sur l'état annexé aux statuts avoir payé pour le compte de la société C. D. une facture architecte SADE pour 51.000 euros H. T. pour autant, nulle référence n'aurait été faite par elle à cette occasion au contrat du 18 mars 2003 ni à la somme de 1.700.000 euros due au titre des honoraires à verser à la SARL SADE en vertu de ce même contrat.

Ainsi, le contrat du 18 mars 2003 n'aurait pas été légalement transféré à la société C. D. II.

Il se déduirait de cet ensemble que les appelants seraient bien fondés à agir contre la seule société EIFFAGE qui se révélerait être dans ce litige sa seule cocontractante signataire du contrat du 18 mars 2003.

Sur cette base, il conviendrait d'affirmer que la société EIFFAGE est seule responsable de son éviction, d'une part en ayant eu recours à d'autres architectes et d'autre part, en imposant un contrat contenant des clauses purement potestatives permettant au maître de l'ouvrage d'interrompre le contrat à chaque phase de réalisation sans indemnité, ce qui revenait à lui permettre de congédier l'architecte sans frais à tout moment.

Il y aurait manœuvres frauduleuses de la part de la société EIFFAGE, après prétendu constat par elle de la nullité du contrat du 18 mars 2003, en refusant d'en négocier un autre tout en conservant à son seul profit, les études de l'architecte qu'elle savait impayées.

Ce serait illégalement qu'elle les détiendrait, le travail des architectes étant protégé par le droit de la propriété intellectuelle en son article L. 112-2. Ce travail intellectuel ne saurait faire l'objet d'une quelconque cession sans l'autorisation de son auteur, a fortiori quand ce dernier n'en a pas été payé.

Il est soutenu qu'en droit les tiers à un contrat sont responsables s'ils aident la partie à ne pas exécuter son obligation, et le fait que les impayés dateraient d'une époque ancienne antérieure à 2001 ne retirerait en rien à la responsabilité de cette dernière.

Il serait en effet de jurisprudence constante que si les tiers n'ont pas à exécuter les obligations nées du contrat, ils ne peuvent pas pour autant faire consciemment obstacle à leur exécution et ils se rendraient responsables sur un fondement quasi délictuel s'ils aidaient la partie débitrice à ne pas exécuter son obligation.

En tout état de cause, la responsabilité de la société EIFFAGE serait engagée pour parasitisme en utilisant des études réalisées par un tiers qu'elle avait achetées à la société TECI 200.000 euros H.T. tout en sachant qu'elles n'ont pas été payées à leur auteur.

Il est encore fait reproche à la société EIFFAGE d'avoir abusé de sa puissance financière, en infraction avec les articles L. 420-2 alinéa 2 du Code de Commerce et L. 442-6 du même code qui prohibent l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur, pour contraindre la société SADE a accepter la rémunération devant lui revenir à la somme de 1.700.000 euros H.T., ce qui serait fort peu au regard de l'importance des travaux envisagés pour 69 millions d'euros.

A titre subsidiaire, et pour le cas où le contrat du 18 mars 2003 devrait être considéré comme valable, il y aurait lieu de faire application de l’article 1116 du code civil sur le dol.

Il est ainsi soutenu que sans la promesse faite par la SAS EIFFAGE de voir la SA TECI participer au contrat du 18 mars 2003 et de pouvoir ainsi obliger EIFFAGE et la SA TECI à payer les factures des études antérieurement réalisées, la SARL SADE qui savait que ses études passées allaient être exploitées par la SAS EIFFAGE, n'aurait pas donné son consentement au sens de l’article 1116 du code civil, au contrat du 18 mars 2003, alors même que cette société ne visait qu'à l'évincer ne voulant pas que soit connue la cession entre elles des études de la phase J. II maquillée par l'exhumation de sept vieilles factures d'études.

Or, ces manœuvres auraient joué un rôle déterminant dans le consentement de la SARL SADE sans laquelle celle-ci n'aurait pas souscrit le contrat du 18 mars 2003.

Concernant l'opération C. D. II, le préjudice subi par la SARL SADE s'élèverait au manque à gagner découlant de l'anéantissement du contrat du 18 mars 2003. Il s'agirait d'un manque à gagner par rapport à la mission que lui confiait ce contrat au prix de 1.700.000 euros H.T. et dont elle se voit aujourd'hui privée.

Compte tenu de la marge que réalise en moyenne la SARL SADE, ce premier manque a gagner devrait être évalué à au moins 1.000.000 euros.

Viendrait s'y ajouter un manque à gagner portant sur la mission complémentaire que la SARL SADE devait se voir confier pour la maîtrise d'œuvre des superstructures. Cette perte de chance devrait être évaluée à la somme de 1.000.000 euros soit donc un préjudice total de 2.000.000 euros.

Monsieur X., de son coté, aurait vu sa réputation professionnelle mise à mal par cette brusque éviction, il demande en réparation la somme de 500.000 euros.

 

A l'opposé, la société EIFFAGE conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SADE et monsieur X. de l'intégralité de leurs prétentions.

Il y aurait lieu pour la cour de dire et juger la société SADE et monsieur X. sont irrecevables en leurs demandes de nullité du contrat du 18 mars 2003 à l'encontre de la société EIFFAGE IMMOBlLIER, de constater la résiliation du contrat conclu entre la société SADE et C. D. II aux torts exclusifs de la société SADE, de constater l'absence de faute quelconque de la société EIFFAGE IMMOBILIER à l'endroit de la société SADE et de monsieur X., de dire que la société SADE et monsieur X. n'ont subi aucun préjudice, en conséquence, de les débouter de leurs demandes, fins et conclusions, de les condamner au contraire à payer à la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST la somme de 60.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.

Il est donc répliqué que l'action en nullité est irrecevable en ce qu'elle n'est pas dirigée à l'encontre de la société C. D. II, son cocontractant, mais à l'encontre de la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST, tiers au contrat et cela du fait qu'il y a bien eu reprise du contrat par la société C. D. II après sa constitution.

Le fait que ce contrat ait bien été repris par la société C. D. II comme l'exige l’article 1843 du code civil résulterait du fait qu'il est ainsi mentionné dans les statuts une reprise des « factures architecte SADE » prises en charge par la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST pendant le temps de la formation de la société C. D. II.

Or, la facture d'un montant de 51.000 euros HT prise en charge par la société EIFFAGE correspondrait précisément à la première tranche d'honoraires due par la société C. D. à la société SADE « à la signature du contrat» du 18 mars 2003 comme il est dit à l'article 5.1 du dit contrat. La facture est ainsi libellée par la société SADE : « Signature du contrat 3% ».

La cour est invitée à en déduire que, en prenant en charge le paiement définitif de la facture émise par la société SADE en exécution du contrat litigieux, la société C. D. II a clairement manifesté son intention de reprendre à son compte le contrat du 18 mars 2003.

Or en droit, la reprise par la société nouvellement constituée des engagements des associés « emporte transfert automatique des engagements souscrits à la charge de la société dès son immatriculation ».

Par voie de conséquence, la société SADE serait dépourvue de tout droit à invoquer que les sociétés EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE-EST et TECI n'auraient pas valablement engagé la société C. D. II au titre du contrat du 18 mars 2003, puisque ces engagements auraient été transférés automatiquement à la société C. D. II dès son immatriculation, le 25 février 2004.

Par voie de conséquence encore, la société TECI et la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST ne seraient intervenues à ce contrat que pour représenter la société C. D. II et la société EIFFAGE ne disposerait pas de la qualité de cocontractant de la société SADE. Elle n'aurait donc aucun titre à être présente à cette demande en nullité d'un contrat pour laquelle elle n'est qu'un tiers.

En tout état de cause, la société SADE, en demandant la nullité du contrat du 18 mars 2003 au seul motif que la société SETI ne l'aurait pas signé, serait de mauvaise foi, elle qui n'aurait pas manqué d'encaisser une rémunération de plus de 50.000 euros en exécution de celui-ci et aurait sollicité l'application dans un premier temps d'une procédure de conciliation prévue spécifiquement au dit contrat.

Au reste, la société EIFFAGE entend produire un mandat de la société TECI qui aurait donné pouvoir à la société EIFFAGE de signer le contrat du 18 mars 2003 en son nom, ce qui finirait de conférer une régularité complète à celui-ci.

Sur la responsabilité quasi délictuelle invoquée par la société SADE, il est fait état de ce que celle-ci serait seule responsable de la résiliation du contrat du 18 mars 2003 en ayant voulu renégocier le montant de sa rémunération alors même que les honoraires de la société SADE étaient fixés à un montant « forfaitaire, ferme et définitif, non actualisable et non révisable » « Expressément accepté par l'Architecte ».

De plus, elle aurait usé de voie de fait en bloquant alors son travail, ce qui aurait généré un retard important au regard du calendrier contractuel de fourniture de ses prestations.

Il est fait état de ce que l'article 9.4 du contrat du 18 mars 2003 autorisait de plein droit la résiliation du contrat par le maître d'ouvrage, sur simple notification, pour dépassement de date ou de délai, cas expressément prévu à l'article IV du contrat, ce qui aurait été fait le 24 février 2004.

Sur les prétendues fautes qui lui sont imputées et touchant à la fois à un refus d'engager des pourparlers précontractuels, à la violation du contrat du 11 septembre 2001, à des actes de parasitisme, à des abus de position dominante et pratiques discriminatoires, il est répondu :

- sur le refus d'engager des pourparlers précontractuels, qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST puisque la rupture des négociations serait le fait de la société SADE alors même que les travaux litigieux dont il était demandé le paiement remontait à une période ou la société EIFFAGE n'était pas présente, soit la première phase des travaux. Il s'agirait d'un véritable chantage légitimant le refus de négocier plus avant dans de telles conditions, alors que le cabinet d'architecture tentait par un coup de force de renégocier les conditions tarifaires du contrat.

- sur la prétendue complicité de la société EIFFAGE au regard du non respect par la société TECI du contrat du 11 septembre 2011, il est répliqué que la société EIFFAGE est totalement étrangère à ce contrat qui a été signé alors même qu'elle n'était pas présente sur ce projet immobilier ; que pour qu'un tel reproche puisse être reçu en droit, encore faudrait-il que le tiers en ait eu connaissance au moment même de la commission de l'infraction, que puisque la société EIFFAGE est intervenue postérieurement, il ne pourrait lui être fait aucun reproche de ce chef.

- sur le prétendu parasitisme tiré de ce que la société EIFFAGE aurait utilisé le travail de la société SADE sans l'avoir payé, il est répliqué d'une part, qu'en tout état de cause ce ne serait pas elle qui l'aurait utilisé mais la société C. D. II après éviction de la société d'architecture, que de toute manière il ne serait pas prouvé qu'il ait fait usage de ces travaux, la preuve qui incombe à la société SADE n'étant pas rapportée, cette dernière se contentant d'une lecture faussée du contrat d'architecture avec la société DHA, laquelle aurait bien été rémunérée de son avant-projet détaillé ; avant-projet détaillé qui n'aurait de toute façon pas été repris des études menées par la société SADE, le projet établi par la société DHA étant différent de celui que la société SADE avait commencé à élaborer.

- sur le prétendu abus de puissance financière de la part de la société EIFFAGE, il est répondu qu'il n'existe aucun abus de position dominante, la société SADE ne pouvant démontrer qu'elle ne pouvait exercer ses talents ailleurs que sur la seule opération C. D. et que, si tel était le cas, la société C. D. II, maître d'ouvrage du projet aurait profité de cette situation pour lui imposer des honoraires désavantageux. Il n'y aurait pas non plus pratiques restrictives de concurrence. Les honoraires convenus lors de la signature du contrat étaient donc sans lien avec les litiges actuels et auraient été librement acceptés par la société SADE pour le suivi de l'extension de l'opération C. D. La société SADE ne rapporterait pas la preuve que les honoraires, acceptés par elle, étaient de 40 % inférieurs à ce qu'elle aurait du normalement facturer ou qu'elle avait préalablement négocié avec la société TECI. La preuve en serait à trouver dans les honoraires négociés avec la société DHA qui devait prendre sa suite et qui sont d'un montant similaire alors même que le projet déposé par elle était différent et qu'elle n'aurait pas bénéficié des travaux par elle effectués.

Sur l'accusation de dol développée à titre subsidiaire par la société SADE reposant sur le fait que la société EIFFAGE aurait fait en sorte que la société TECI n'intervienne finalement pas au contrat du 18 mars 2003, ce qui lui aurait permis de lui imposer un contrat particulièrement désavantageux, il est répliqué par la société EIFFAGE que la société TECI ne devait apparaître au contrat de 2003 que comme simple associée représentant la société en cours de constitution, que si elle tenait tant à la présence de la société TECI, elle devait contracter directement avec elle et à tout le moins refuser de signer le contrat en son absence alors même qu'elle l'a largement avalisé en acceptant de percevoir de la part de la société JAUDE II plus de 50.000 euros d'honoraires.

En tout état de cause, il n'existerait aucune preuve d'une prétendue promesse faite par la société EIFFAGE à la société SADE selon laquelle, si elle acceptait de signer en l'état, elle aurait l'assurance que la société TECI accepterait de payer ses études antérieures.

Ne pourrait pas non plus entrer en ligne de compte pour déceler un prétendu dol le fait que postérieurement à la signature du contrat, EIFFAGE aurait remis les études réalisées par la société SADE à d'autres équipes d'architectes, les éléments constitutifs du dol devant être contemporains de l'échange des consentements.

Quant à la manœuvre frauduleuse qui se déduirait du caractère particulièrement désavantageux du contrat qu'elle a signé le 18 mars 2003, il est simplement rétorqué, d'une part que le caractère léonin de ce contrat ne serait toujours pas rapporté, d'autre part que l'arrivée de la société EIFFAGE était au contraire une garantie de paiement pour la société SADE eu égard à la surface financière de ce constructeur alors même qu'en 2001, la société SADE avait accepté de signer un contrat identique avec la seule société TECI, fragile financièrement, pour une somme inférieure de 1.600.000 euros.

Ce serait au contraire de façon parfaitement volontaire et en toute connaissance de cause que la société SADE aurait conclu un nouveau contrat d'architecte avec la société C. D. II de manière à lui permettre de poursuivre sa mission dans le projet pour un montant similaire d'honoraires.

A titre subsidiaire, sur les prétendus préjudices subis à la fois par le cabinet SADE et monsieur X., il est enfin soutenu que la société SADE ne peut au motif de la rupture des pourparlers transactionnels soutenir que son préjudice en résultant correspondrait à la perte de chance de réaliser les gains qu'aurait permis la conclusion du contrat, la rupture unilatérale des pourparlers ne dégénérant en abus que dans la circonstance d'une illégitimité, d'une brutalité et dans le caractère unilatéral de la rupture intervenue, ce qui ne serait pas le cas de l’espèce, la société EIFFAGE ayant, prétend-elle, offert à plusieurs reprises à la société SADE d'exécuter ses obligations et même de revoir le périmètre de ses obligations conformément à sa demande, ce qui lui a été refusé par la société SADE.

Pour ce qui touche au préjudice allégué par monsieur X., il est répondu que la société EIFFAGE n'a jamais été en pourparlers avec lui mais avec sa société et qu'il serait de jurisprudence constante que l'associé n'est pas fondé à obtenir l'indemnisation d'un préjudice lorsque la preuve d'un préjudice personnel, distinct de celui éprouvé par sa société, n'est pas rapportée ce qui serait bien le cas de l'espèce, son nom dans les négociations avortées n'étant jamais apparu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Il est constant en droit, par application des dispositions de l’article 1843 du code civil, que la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits par un tiers avant son immatriculation qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.

La jurisprudence la plus autorisée a eu l'occasion de préciser que les engagements repris sont réputés avoir été contractés dès l'origine par la société et qu'en cas de reprise des engagements par la société, il n'y a pas de solidarité entre la personne qui a engagé la société en formation et la personne morale régulièrement constituée et immatriculée par la suite.

Présentement, il est acquis que la société EIFFAGE n'a agi le 18 mars 2003, au moins en la forme, qu'ès qualités de représentant de la société C. D. II alors en cours de constitution.

Ainsi, du fait de cet effet rétroactif faisant de la société nouvellement constituée la bénéficiaire du contrat signé pour elle par un tiers dès sa signature, la validité dudit contrat ne pourra plus être débattue qu'en sa présence, en l'absence de toute solidarité avec sa signataire originelle.

En l'état, la seule question qui se pose est de savoir si ce contrat, qui a au moins les apparences de la régularité, a été bien et valablement repris à son compte par la société C. D. II depuis lors régulièrement constituée.

Sur la validité de ce transfert, certes les associés de la société C. D. II n'ont pas expressément, dans les statuts de la société nouvellement constituée, exprimé leur volonté d'avaliser le contrat du 18 mars 2003.

Mais la loi n'exige aucun formalisme d'acceptation particulier, le juge devant en la matière rechercher la commune intention des parties.

Or, il est avéré que du 30 mars au 10 mai 2004, la société SADE ne s'y est pas trompée en correspondant directement avec la société C. D. II alors constituée et non pas avec la société EIFFAGE avec laquelle elle n'avait aucun lien de droit.

De plus, si en annexe des statuts de la nouvelle société il n'est pas fait référence au dit contrat, il n'en demeure pas moins que dans le document constitutif de la société, il est bien mentionné la reprise des « factures architecte SADE » prises en charge par la société EIFFAGE pendant la phase de constitution de la société C. D. II.

La somme de 51.000 euros ainsi revendiquée par la société SADE, et payée pour le compte de la société C. D. II par la société EIFFAGE, correspond très exactement à la première phase des honoraires de cette société d'architecture et les premiers juges ont pu en déduire à bon droit que la mention du paiement de cette facture en annexe des statuts signifiait nécessairement reprise par ses soins du contrat du 18 mars 2003. Dans le cas contraire, cette mention n'aurait aucun sens comme faisant référence à des accords ne la concernant pas.

Peu importe qu'il n'ait été fait référence, implicitement mais nécessairement par le renvoi à cette somme de 51.000 euros, qu'à la première phase de la mission. Comme l'écrit elle-même la société SADE dans ses écritures devant la cour, le contenu du contrat du 18 mars 2003 prévoyait le « saucissonnage » de la mission confiée à l'architecte puisque le paiement de l'esquisse ne valait pas commande des autres étapes de la mission, chaque élément constitutif de celle ci n'étant réalisé par l'architecte qu'après réception d'un document ou d'un ordre écrit émanant du maître de l'ouvrage.

Mais le fait que la société SADE ait elle-même mentionné dans sa facture d'honoraires de 51.000 euros : « Signature du contrat 3% » démontre que cette société d'architecte entendait bien placer ce paiement dans le cadre de l'ensemble du contrat signé le 18 mars 2003, le 3 % mentionné renvoyant obligatoirement au 97 % restant.

Elle apparaît dès lors mal fondée à venir soutenir que la société C. D. II n'aurait tout au plus avalisé que cette première phase.

Peu importe encore qui a été destinataire des esquisses établies par le cabinet SADE et qui a payé cette somme de 51.000 euros, la société EIFFAGE ayant pu très librement agir comme mandataire de la société C. D. II, la proximité d'intérêts entre ces deux sociétés étant notoire, sans qu'une telle situation fasse disparaître pour autant la parfaite autonomie de chacune au plan juridique.

Partant, du fait de ce parfait transfert du contrat du 18 mars 2003, dès sa signature selon la loi, à la société C. D. II, c'est sans droit que la société SADE, qui curieusement n'a pas mis en cause cette société nouvellement constituée, vient rechercher la responsabilité quasi délictuelle de la société EIFFAGE tant pour ce qui concerne un prétendu refus d'engager des pourparlers transactionnels entre elle-même et la société C. D. II, alors seule cocontractante de cette société d'architecture, que pour ce qui concerne encore une prétendue violation du contrat du 11 septembre 2001 opposant en réalité les seules sociétés SADE et TECI. Seule la société C. D. II, du fait de ce transfert immédiat autant que rétroactif du contrat dès sa constitution, devrait répondre d'un éventuel détournement d'études restées impayées.

Si effectivement un tiers peut être reconnu responsable au cas où il est démontré qu'il a aidé une partie à ne pas exécuter son obligation contractuelle, c'est à la condition que le cocontractant prétendument lésé n'ait pas lui-même participé à sa propre spoliation.

Or présentement, la société SADE a très librement accepté de contracter le 18 mars 2003 avec la société EIFFAGE, ès qualités, sans aucune référence au prétendu arriéré de paiement des travaux effectués lors de la phase I alors même que rien ne l'empêchait de lier sa participation à la phase II du programme immobilier C. D. II au paiement de ce solde de facture.

Cela était d'autant plus facilement concevable que la société EIFFAGE, absente lors de cette première partie, n'était en réalité en rien responsable de cette absence de paiement qu'elle ignorait probablement et qui n'était imputable qu'à la seule société TECI. Elle n'avait donc aucune raison de s'opposer à cette possible condition suspensive ne la concernant pas directement, n'ayant pas à payer les sommes en litige.

En omettant d'agir en conséquence, la société SADE a participé à la création de son propre préjudice et apparaît spécialement mal fondée à venir faire le reproche de sa propre négligence à la société EIFFAGE parfaitement étrangère à ses déboires contractuels antérieurs et largement méconnus de l'intimée.

Ces derniers éléments de motivation permettent d'écarter tout développement sur l'application à l'espèce des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce sur l'exploitation abusive de sa puissance financière par la société EIFFAGE, indépendamment du fait qu'elle a agi pour la compte de la société C. D. II.

Comme judicieusement noté par le premier juge, il ne suffit pas d'invoquer la disparité entre la puissance financière supposée ou avérée des contractants en présence pour en déduire nécessairement qu'il y a eu volonté de créer un déséquilibre économique défavorable au plus faible. Une démonstration s'impose à la charge de la société SADE qui n'est pas faite et qui de toute manière se heurte de front au fait qu'un autre cabinet d'architecture a accepté de travailler sur le même projet à sa suite pour une rémunération très voisine et qui, si elle n’est pas parfaitement identique, résulte de la libre application de la loi de l'offre et de la demande sans qu'il n'y ait rien à y redire.

Au reste, c'est sans aucun début de démonstration, alors même que le contraire est soutenu par la société EIFFAGE, que la société SADE invoque sur ce point précis la différence quant à l'importance de la mission confiée aux deux cabinets d'architecture, le cabinet DHA étant accusé sans preuve d'utiliser l'avant-projet détaillé élaboré par le cabinet SADE, le cabinet DHA se limitant selon l'appelant à exécuter l'œuvre de son prédécesseur après avoir seulement changé l'aspect extérieur. Seule une prétendue logique est appelée en renfort d'une absence de démonstration ce qui ne peut être accepté.

De plus, la société SADE, dans le cadre d'une législation qui prend en considération non seulement la position du dominant mais également celle du dominé, omet d'expliquer en quoi elle aurait été contrainte d'accepter un marché désavantageux pour elle.

Si l'opération immobilière C. D. II apparaît avoir été de grande ampleur, rien ne vient démontrer que d'autres opérations du même genre auraient été moins rentables pour un cabinet d'architecture réputé et mondialement connu comme prétend l'être le cabinet SADE, émanation de monsieur X.

Elle est en réalité la première à faire la démonstration contraire puisqu'elle prétend dans ses conclusions devant la cour, au chapitre réparation de son préjudice, que sur une rémunération de 1.700.000 euros qu'elle avait contractualisée avec le maître de l'ouvrage, elle aurait réalisé la marge nette considérable de 1.000.000 euros.

Le moins que l'on puisse en dire, dans ces conditions, est que le contrat n'apparaît pas clairement avoir été conclu en défaveur de la société SADE qui a seule rompu les relations contractuelles avec qui de droit au motif qu'un tiers lui devait un solde de factures pour travaux accomplis dans un tout autre cadre juridique.

La cour, au travers ce constat, ne perçoit là aucun abus de position dominante de la part de la société EIFFAGE et aucune pratique restrictive de concurrence.

L'appelante ne peut plaider tout et son contraire, consistant dans un premier temps à affirmer avoir été victime, par le biais d'un contrat léonin, de manœuvres visant à restreindre son champs d'activité, et donc sa rémunération, et dans un second temps de se plaindre de la perte d'un contrat particulièrement rémunérateur.

La société C. D. II étant la seule titulaire du contrat du 18 mars 2003 avec application du principe de rétroactivité rappelé ci-dessus, il est parfaitement vain de vouloir faire reproche à la société EIFFAGE de s'être rendue coupable de parasitisme en confiant des études impayées émanant de la société SADE à ses propres architectes.

En l'état de la connaissance des faits de la cause dont on dispose présentement, seule la société C. D. II apparaît susceptible de répondre des ces méfaits allégués dans ses rapports avec la société SADE.

Resterait à titre subsidiaire la demande de mise à néant du contrat pour dol de la part de la société EIFFAGE.

Effectivement, s'agissant d'un délit civil, les manœuvres du représentant d'une partie peuvent être constitutives d'un dol entraînant la nullité du contrat.

Alors même que la société C. D. II n'est pas présente aux débats, ce qui constitue un obstacle dirimant à cette mise à néant, force est de constater, comme le premier juge, l'absence de toute démonstration probante quant à une volonté de nuire à la société SADE de la part de la société EIFFAGE.

La cour note encore une fois la liberté avec laquelle la société SADE a contracté avec la société EIFFAGE agissant ès qualités sans aucun référence au passé de la phase I conclue avec la société TECI seule, le caractère spontané du paiement de la première tranche de 3 % à première demande ; le fait que c'est la société SADE qui a rompu le bon fonctionnement du contrat en revendiquant des rémunérations pour des prestations effectuées des années auparavant hors contrat litigieux dans des conditions restant largement à éclaircir.

La cour ne voit dans l'ensemble des échanges ayant eu lieu entre les parties à cette époque tout au plus que la recherche par la société EIFFAGE, dont c'est le métier, d'une certaine rentabilité de l'opération du fait de la mise en concurrence des cabinets d'architecture par la segmentation de la mission en plusieurs phases. Aucune manœuvre dolosive constitutive d'un dol ne peut être trouvée dans l'élaboration du contrat du 18 mars 2003.

De plus, lors de la signature du contrat le 18 mars 2003, seul moment à prendre en considération en matière de dol, il n'est nullement démontré que la société EIFFAGE, nouvelle venue dans cette opération immobilière, avait connaissance d'études antérieures réalisées par la société SADE, restées impayées par son partenaire, la société TECI, et devant servir à la mise en place de la phase II confiée à la société C. D. II.

Au contraire, la société SADE note elle-même dans ses écritures devant la cour que 'dans les mois qui ont suivi la signature du contrat du 18 mars 2003, TECI lui avait remis les études réalisées par la SARL SADE'.

Par définition, si la société EIFFAGE n'a eu connaissance de ces études que postérieurement à la signature du contrat, elle n'a pu avoir recours, lors de sa signature, à des manœuvres dolosives sous forme de tromperies touchant à sa volonté de ne pas en acquitter le prix.

Or, tel est pourtant l'essentiel de la duplicité reprochée sous forme de manœuvres dolosives à la société EIFFAGE qui fait facilement la démonstration que la participation de la société TECI à la signature du contrat s'est faite en dehors de toute référence explicite ou même implicite aux études antérieurement réalisées et non payées et que l'appel aux bons soins de la société SADE lors du démarrage de la phase II eut été loin d'être judicieux si le but poursuivi était en réalité de l'évincer quelques temps plus tard.

Pour le surplus, il convient de se référer sur ce point à la motivation du premier juge que la cour reprend à son compte.

Ainsi, les appelants succombent dans toutes leurs prétentions quant à la mise à néant du contrat du 18 mars 2003 et aux prétendues fautes commises par le biais de ce contrat dans ses rapports avec la société SADE et monsieur X. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur demande d'indemnisation de leurs prétendus préjudices respectifs et il convient par contre de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Il échet en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en condamnant solidairement la SARL SADE et monsieur X. à payer à la société EIFFAGE IMMOBILIER CENTRE EST la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne solidairement la SARL SADE et monsieur X. à payer à la société EIFFAGE CENTRE EST la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT