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CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 13/01072
Décision : 14/196
Date : 7/04/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/03/2013
Numéro de la décision : 196
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4774

CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014 : RG n° 13/01072 ; arrêt n° 196

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 7 AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01072. ARRÊT n° 196. Décision déférée du 22 novembre 2012 - Tribunal de Grande Instance de CASTRES - R.G. n° 11/00243.

 

APPELANTE :

Société DOMAINE DE CAMPAN (SCEA)

Représentée par Maître Bruno CAMILLE, avocat au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Représenté par Maître Loïc ALRAN, avocat au barreau de CASTRES

Entreprise VIDAL FOREST

prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Y., domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Emmanuelle DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée de Maître Delphine CAUSSE de la SCP TERRIER & CAUSSE, avocat au barreau de BEZIERS

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 11 février 2014 en audience publique, devant la Cour composée de : A. MILHET, président, M. MOULIS, conseiller, P. CRABOL, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE-DURAND

ARRÊT : - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties, - signé par A. MILHET, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant acte authentique en date du 2 juin 2008, M. X. a vendu une propriété rurale sur laquelle est bâti un château inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en deux parties :

- le château, les dépendances d'habitation et le parc attenant de 5 ha 42 a. 97 ca au profit de la SCI AFPG pour le prix de 1.100.000 euros

- la propriété rurale comprenant des écuries, un poulailler, une stabulation, des terres de diverses nature d'une contenance de 79 ha 79 a 87 ca au profit de la SCEA domaine de Campan pour le prix de 900.000 euros.

La SCI AFPG et la SCEA domaine de Campan sont toutes deux dirigées par M. Z.

Se plaignant de ce qu'une entreprise de travaux forestiers était en train de débarder des bois chez lui sans qu'il ait contracté ou donné son autorisation M. Z. a fait établir un constat d'huissier le 13 juin 2008.

Suivant ordonnance du 31 mars 2009 le président du tribunal de grande instance de Castres, statuant en référé a désigné un expert, M. R.

Par ordonnance du 1er juin 2010 cette expertise a été déclarée commune et opposable à la société Vidal Forest, à qui M. X. avait confié la réalisation de la coupe selon contrat d'achat de bois sur pied en date du 29 mars 2007.

Le rapport a été déposé le 27 décembre 2010.

Suivant acte d'huissier du 10 février 2011 la SCEA Domaine de Campan, estimant que son consentement avait été vicié dans la mesure où M. X. lui avait volontairement caché qu'il avait, avant la signature de l'acte, vendu à un tiers les arbres couvrant 41 % de la surface boisée, a fait citer M. X. devant le tribunal de grande instance de Castres sur le fondement du dol pour obtenir la réparation de son préjudice.

Par acte d'huissier du 15 juin 2011 M. X. a appelé la société Vidal Forest en cause.

Par jugement en date du 22 novembre 2012 le tribunal de grande instance a :

- dit n’y avoir lieu au prononcé de la nullité du rapport d'expertise

- dit que M. X. a commis un dol par réticence à l'encontre de la SCEA Domaine de Campan

- condamné M. X. à payer à la SCEA Domaine de Campan la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à. la perte de 11,5 hectares de bois.

- dit que la SCEA Domaine de Campan ne supporte aucun préjudice patrimonial

- débouté la SCEA Domaine de Campan de sa demande au titre du préjudice patrimonial

- dit que la société VIDAL FOREST SL est seule responsable des dégradations survenues durant l'exploitation

- dit qu'il appartient à la SCEA domaine de Campan d'engager la responsabilité quasi délictuelle de la société VIDAL FOREST SL

- rejeté l'appel en garantie formé par M. X. à l'encontre de la société VIDAL FOREST SL

- rejeté le surplus ou plus amples demandes

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire

- condamné M. X. à payer à la SCEA Domaine de Campan la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 au profit de la société VIDAL FOREST SL

- condamné M. X. aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de la SCPI MARCOU ICHARD DARMAIS

La SCEA Domaine de Campan a relevé appel de la décision le 1er mars 2013

L'ordonnance de clôture est en date du 11 février 2014.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Au terme de ses conclusions responsives du 4 septembre 2013 la SCEA Domaine de Campan demande à la cour de déclarer l'appel recevable et bien fondé, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle pour dol de M. X. par adoption des mêmes motifs, de le réformer partiellement au niveau du préjudice, et, homologuant en cela le rapport d'expertise déposé par Monsieur R., de condamner M. X. au paiement de la somme de 476.577 euros et ce, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 28 août 2008, et dire et juger que les intérêts de droit, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, seront eux-mêmes productifs d'intérêts.

Elle demande de voir dire et juger que la Société VIDAL FOREST sera tenue, solidairement, sur le terrain contractuel avec M. X., à réparer le préjudice subi du fait des travaux de remise en état des clôtures, portails, remise en état des pistes, béal à hauteur de 90.370 euros.

Elle sollicite la condamnation de M. X. au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires par application de l'article 1150 du Code Civil, et de la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique tout d'abord que la nullité du rapport ne saurait être prononcée alors que l'expert a respecté les conditions légales.

Elle expose que la superficie totale de la propriété est de 79 ha79 a et 87 ca mais que celle des bois n'est que de 27,8 ha de telle sorte que la coupe de 11 ha représente 40 % de la surface boisée.

Elle soutient que la coupe proprement dite n'a commencé qu'au printemps 2008, que ni le compromis de vente ni l'acte authentique ne mentionnent l'existence du contrat de coupe de bois, que pourtant cette information revêtait un caractère essentiel du fait que la coupe représentait un tiers de la surface boisée et que c'est de façon malhonnête et volontaire que M. X. a tu l'existence du contrat de coupe, que l'obligation de bonne foi préside à la conclusion de tout contrat et qu'il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir visité les lieux.

Elle s'appuie sur les conclusions de l'expert qui retient trois postes de préjudice :

- estimation de la valeur des bois et évaluation du préjudice lié à l'exploitation de la parcelle

- coût de la remise en état suite aux dégâts

- préjudice de reconstitution du boisement

dont le total est de 476.577 euros.

Elle indique que les sommes qu'elle réclame ne constituent que la réparation par équivalence du préjudice subi.

Elle estime qu'il ne s'agit pas d'un simple dol par réticence mais qu'il y a eu préméditation volontaire de la part de M. X. et qu'il convient dès lors de lui allouer des dommages et intérêts complémentaires.

 

M. X. réplique dans ses conclusions du 10 février 2014 qu'il convient de :

- débouter la SCEA Domaine de Campan de son appel

- faire droit à l'appel incident qu'il forme

- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

À titre principal,

Vu les articles 16, 235, 237 et suivants du code de procédure civile :

- annuler le rapport d'expertise de Monsieur R. du 27 décembre 2010

- désigner, au besoin, un nouvel expert avec la même mission que celle qui avait été dévolue à Monsieur R.

À titre subsidiaire,

Vu les articles 1116 et suivants du code civil,

- débouter la SCEA DOMAINE DE CAMPAN de toutes ses demandes.

À titre très subsidiaire,

Vu l'article 1147 du code civil,

Vu l'article R. 132-1 du Code de la Consommation

- condamner la société VIDAL FOREST SL à le relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre lui au titre de la réparation des dégâts causés par l'exploitation forestière, y compris en ce qui concerne les béals.

Vu les articles 1109 et 1116 du code civil,

Dans l'hypothèse où la valeur du bois coupé serait retenue à hauteur de la somme de 245.180 euros, dire et juger que la société VIDAL FOREST SL s'est rendue coupable d'un dol par réticence envers lui et ne l'informant pas de la véritable valeur du bois.

Dire et juger que l'existence de ce dol devrait entraîner la nullité du contrat d'achat de bois sur pied du 29 mars 2007.

Subsidiairement,

Vu l'article 1109 et 1110 du Code Civil

Dire et juger qu'il a commis une erreur en s'engageant dans le contrat de vente de bois du 29 mars 2007.

Prononcer en conséquence la nullité de ce contrat.

En toutes hypothèses, condamner, en conséquence, la Société VIDAL FOREST SL à lui payer la somme de 235.180 euros au titre des restitutions consécutives à la nullité du contrat.

Condamner tout succombant à payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Il expose que le rapport d'expertise doit être annulé aux motifs que :

- l'expert a outrepassé sa mission en portant une appréciation d'ordre juridique sur la question de la connaissance par M. Z. de la coupe litigieuse et en se basant sur de fausses informations qu'il a refusé de vérifier en ne répondant pas favorablement à son dire du 3 novembre.

- il lui fait supporter le préjudice lié à la destruction partielle du béal en se basant sur le seul devis communiqué par la SCEA Domaine de Campan

- il n'a pas effectué une démarche objective pour évaluer le bois auquel il attribue une valeur presque 25 fois supérieure à celle à laquelle il l'a vendu (245.180 euros contre 10.000 euros)

- il a apprécié de façon subjective le préjudice patrimonial en se basant sur les seules déclarations de M. Z. alors que les bois litigieux ne se trouvaient pas dans l'environnement immédiat du château et que l'objet de la SCEA était une exploitation agricole

Il estime que tous ces éléments démontrent la partialité de l'expert.

Il nie le dol indiquant qu'une visite complète de la propriété avait été effectuée avant de signer l'acte de vente, que le chantier d'exploitation était visible et connu de tous, que M. Z. a procédé à une visite complète du domaine avant la signature de l'acte authentique, qu'ayant constaté l'existence de la coupe en juin 2008 il a laissé la société Vidal Forest continuer à procéder aux travaux durant le mois de juillet. Il reconnaît simplement qu'il a oublié de mentionner l'existence du contrat au moment de la cession.

Estimant que le rapport d'expertise est inexploitable il estime que le préjudice lié au volume du bois exploité ne peut être fixé au mieux qu'à la somme de 10.000 euros, montant perçu au titre de la vente de bois.

Concernant les frais de remise en état des lieux, il avance que la SCEA disposait d'une action directe contre la société Vidal Forest, que ces dégâts n'ont été commis qu'après la cession et que la remise en état des béals ne saurait être demandée alors que leur construction date du XIVème siècle. Il en déduit qu'aucune somme ne peut être réclamée.

Il ajoute que la SCEA ne peut se plaindre d'un préjudice patrimonial s'agissant d'une parcelle destinée à l'exploitation forestière étant précisé que le bois avait été dévasté par une tempête nécessitant un travail d'élagage et de nettoyage et que les feuillus repoussaient seuls sans qu'il y ait lieu à effectuer des plantations.

Sur les demandes dirigées contre la société Vidal Forest il indique que si une quelconque condamnation était prononcée contre lui au titre de la remise en état des lieux il serait bien fondé à se retourner contre la société Vidal Forest, professionnel, sur le fondement de la responsabilité contractuelle mais que à titre principal il appartient à la SCEA Domaine de Campan de demander indemnisation à la société Vidal Forest pour la coupe, intervenue après passation de l'acte de vente, au vu et au su de la SCEA Domaine de Campan.

Par ailleurs alors que la société Vidal Forest lui a offert la somme de 10.000 euros pour la coupe de bois évaluée par l'expert à 287.040 euros il estime avoir été victime d'un dol de la part de la société Vidal Forest et sollicite dès lors remboursement de la différence soit 235.180 euros.

À défaut il fait état d'une erreur sur la valeur qui entraînerait la nullité de la vente de la coupe et donc la restitution de la somme de 235.180 euros.

 

Au terme de ses écritures du 5 février 2014 la société Vidal Forest réplique qu'il convient de :

- dire et juger qu'en aucun cas elle ne s'est rendue complice ou co-auteur des mesures dolosives par réticences commises par M. X.

- démettre celui-ci de son appel en garantie de ce chef

- constater que M. X. ne démontre l'existence d'aucune manœuvre dolosive qui entacherait le contrat de vente de bois sur pied

- rejeter en conséquence sa demande de ce chef à son encontre sur les dégâts commis par l'exploitation

- constater que le tribunal a indiqué que cette action appartenait seule à la SCEA Domaine de CAMPAN

- constater que dans son appel, cette dernière ne sollicite rien à son encontre

- constater qu'il n'appartient pas à M. X. de se substituer à la victime d'un prétendu dommage pour exercer à sa place une action, rejeter également sa demande

- et tenant compte du caractère abusif de l'appel en intervention forcée diligenté par M. X., condamner ce dernier à lui payer la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice lié au caractère abusif de la procédure, et celle de 3.000 euros au titre de l'art. 700 du code de procédure civile

- statuer ce qu'il appartiendra sur les dépens.

Elle expose qu'en 2006 les bois de la SCEA Domaine de Campan ont été saccagés par les intempéries, qu'il convenait de nettoyer les lieux et que c'est dans ce contexte qu'est intervenu le contrat d'achat sur pied concernant 11,50 ha de bois pour le prix de 10.000 euros.

Elle indique que la demande en garantie est irrecevable car le dol commis par M. X. est une faute qui lui est personnelle.

Sur les demandes de réparation de dégâts provoqués par les travaux forestiers elle relève que M. X. n'est plus propriétaire des lieux, qu'il n'a donc aucune qualité pour demander réparation d'un désordre et que ces dégâts n'ont pu diminuer la valeur du fonds vendu puisqu'il n'y a pas eu visite des lieux concernés.

En tout état de cause elle nie être à l'origine du mauvais état des lieux et estime que c'est le vendeur qui s'oblige à ses risques et périls à fournir le passage pour l'exploitation.

Concernant les béals elle indique que la demande de M. X. est irrecevable pour les raisons sus énoncées et qu'il appartient à la SCEA Domaine de Campan d'établir l'imputabilité des désordres allégués.

Elle conteste être à l'origine de manœuvres dolosives lors du contrat de vente de la coupe de bois et rappelle que les conventions légalement formées font la loi des parties.

Enfin concernant les demandes de la SCEA Domaine de Campan à son encontre elle indique qu'il s'agit de demandes nouvelles et subsidiairement fait valoir qu'il n'existe aucun rapport contractuel entre la SCEA Domaine de Campan et elle-même.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise :

L'article 237 du code de procédure civile dispose que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

Les juges du fond apprécient souverainement l'objectivité des rapports d'expertise et le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert qui demeure soumis à son appréciation et peut être critiqué et discuté par les parties.

Par ailleurs l'article 238 du code de procédure civile énonce que le technicien ne doit jamais porter d'appréciation d'ordre juridique.

Cependant aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par cet article.

En outre l'examen du rapport d'expertise démontre que l'expert a respecté le principe du contradictoire en convoquant régulièrement les parties, en organisant plusieurs réunions, en déposant un pré rapport et en répondant aux dires des parties.

Enfin suite à l'assignation en référé délivrée par M. X. le 22 novembre 2010 pour obtenir le remplacement de l'expert, M. R., auteur du rapport contesté, a été entendu par le président du tribunal de grande instance et a fourni toutes les réponses demandées aux questions posées.

Ses explications claires et complètes n'ont nullement permis d'établir qu'il aurait rempli sa mission de façon partiale.

Dans ces conditions la demande de nullité du rapport doit être rejetée et la décision sur ce point sera confirmée.

 

Sur les demandes de la SCEA Domaine de Campan dirigées contre M. X. :

* Sur le dol :

L'article 1116 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L'article 1117 du code civil énonce que la convention contractée par erreur, violence ou dol n'est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision.

Il est constant que le 30 mars 2007 la société Vidal Forest a signé avec M. X. un contrat d'achat de bois sur pied portant sur une surface cadastrée de 11 ha 50 a s'agissant de parcelles plantées de feuillus divers et situées sur la commune de [ville].

Le prix convenu était de 10.000 euros. Il a été réglé.

Il est également constant que ni le compromis de vente du 19 janvier 2008 ni l'acte notarié du 2 juin 2008 ne stipulaient que M. X. avait vendu préalablement une coupe de bois à la société Vidal Forest.

M. X. prétend qu'il s'agirait d'un oubli de sa part.

Cependant il ressort de l'attestation de Mme S., agent immobilier, qui a fait visiter la propriété à M. Z. le 22 décembre 2007 à bord d'un véhicule 4x4 qu'à sa remarque sur le fait que des arbres étaient abattus sur environ 5.000 m², M. X. lui avait répondu que des arbres étaient tombés au cours de la tempête de 2006 et qu'une entreprise spécialisée devait venir dégager et enlever le bois.

Par ailleurs il ressort de l'attestation de M. V., ouvrier agricole travaillant sur le domaine, que M. X. lui avait demandé, lors des deux visites effectuées par M. Z. avant l'acquisition, de fermer les accès aux parcelles de bois vendues afin de lui cacher la coupe.

Il ressort de ces deux attestations que M. X. a volontairement caché l'existence de cette coupe à M. Z., qu'il ne s'agit pas d'un simple silence et encore moins d'un oubli et que ses manœuvres malhonnêtes ne pouvaient avoir pour but que de surprendre le consentement du co-contractant puisque M. X. se serait expliqué loyalement sur cette coupe s'il n'avait craint que M. Z. ne donne suite à son projet du fait de cette information.

La réaction de M. Z. qui a fait appel à un huissier dès le 13 juin 2008, soit 11 jours après la signature de l'acte authentique pour faire établir un constat démontre d'ailleurs l'importance que revêtait pour lui la situation qu'il découvrait.

Il convient dès lors de considérer que le dol est constitué.

 

* Sur les dommages et intérêts :

Le droit de demander la nullité d'un contrat par application de ces articles n'exclut pas l'exercice, par la victime des manœuvres dolosives, d'une action en responsabilité fondée sur l'article 1116 du code civil pour obtenir de son auteur réparation du préjudice subi.

C'est l'option choisie par la SCEA Domaine de Campan.

Pour évaluer son préjudice il convient de se référer au rapport d'expertise.

L'expert a chiffré celui-ci à la somme totale de 476.577 euros HT qui correspond à la perte de bois, au préjudice patrimonial et aux frais de remise en état.

Il est certain que la coupe de bois a affecté 41 % de la surface boisée puisqu'elle a porté sur une superficie de 11,5 ha (10 ha étaient déjà touchés au moment où l'acte authentique a été passé) alors que la surface boisée de la SCEA était de 27,8 ha au total.

Certes cette coupe était nécessaire du fait des effets néfastes sur les arbres des conditions climatiques de début 2006 mais les investigations de l'expert sur ce point qui ne sont pas remises sérieusement en cause par les parties démontrent que seuls 15 à 20 % des bois étaient réellement affectés par ces intempéries. Dès lors M. X. ne saurait prétendre que la coupe portant sur la surface de 11,5 ha était nécessaire.

Or M. Z. indique que la présence du massif forestier, qualifié de « superbe environnement boisé » par la publicité, a compté dans sa décision d'achat. L'expert relève d'ailleurs que le boisement était ancien (50 ans environ) et qu'il avait une vraie valeur patrimoniale. Il chiffre cette valeur à la somme de 181.207 euros.

M. Z. ne prétend pas par contre qu'il avait l'intention d'exploiter cette forêt.

Par ailleurs il ressort du rapport d'expertise que l'exploitation des bois a entraîné des dommages dans la parcelle elle-même, dans les parcelles voisines et/ou sur les infrastructures de l'exploitation agricole du domaine. L'expert a chiffré les frais de remise en état à la somme totale de 90.370 euros HT dont 82.940 euros HT pour le béal seul. La SCEA Domaine de Campan et la société Vidal Forest contestent cette estimation et notamment les frais de remise en état du béal endommagé mais elles n'apportent aucun élément en sens contraire.

Il y a lieu de relever que le béal a une fonction non négligeable dans l'écoulement des eaux et qu'il fait partie du patrimoine historique du domaine.

L'ensemble de ces éléments permet d'apprécier le préjudice subi par la SCEA Domaine de Campan, préjudice qui n'a pas lieu d'inclure la valeur des bois puisque l'acquéreur n'avait pas l'intention d'exploiter cette parcelle.

Dès lors en se référant tant au prix d'achat (900.000 euros) qu'à l'évaluation de la perte patrimoniale, aux dégradations commises lors de l'exploitation de la coupe litigieuse et à la nécessité relative de procéder à une coupe de certaines parties du domaine il convient de fixer le montant des dommages et intérêts réclamés à la somme de 250.000 euros.

La SCEA Domaine de Campan réclame des dommages et intérêts supplémentaires mais sa demande est fondée sur un élément constitutif du dol, en l'espèce la préméditation volontaire, qui ne saurait justifier à lui seul l'allocation de dommages et intérêts pour un préjudice nullement défini. Elle sera donc rejetée.

La somme de 250.000 euros étant allouée à titre de dommages et intérêts elle ne portera intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt.

 

Sur les demandes formées par M. X. à l'encontre de la SCEA Domaine de Campan :

Les dommages et intérêts alloués à la SCEA Domaine de Campan sont dus au titre des manœuvres dolosives commises par M. X. à l'occasion de la vente de sa propriété.

Il en ressort que la demande en garantie de M. X. dirigée contre la société Vidal Forest, tiers à la transaction, est irrecevable.

Par ailleurs il y a lieu de noter que les conditions générales d'achat de bois sur pied prévoient que l'abattage et le débardage des bois ne peuvent donner lieu à aucune indemnité.

Il sera ajouté que sur le contrat d'achat de bois sur pied la présence du béal n'est pas mentionnée. M. X. ne saurait dès lors reprocher à la société Vidal Forest de l'avoir endommagé au cours des travaux, l'attention de la société Vidal Forest n'ayant pas été attirée sur ce point.

Enfin M. X. prétend avoir été victime d'un dol de la part de la société Vidal Forest au motif qu'il aurait été trompé sur la valeur de la coupe de bois.

Cependant dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de la valeur de cette coupe dans l'appréciation des dommages et intérêts, il n'y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande qui au demeurant n'est nullement justifiée le dol devant être prouvé par M. X., ce qu'il ne fait pas. Il n'établit pas non plus qu'il aurait commis une erreur en s'engageant dans le contrat de vente de bois du 29 mars 2007.

 

Sur les demandes de la SCEA Domaine de Campan à l'encontre de la société Vidal Forest :

Cette demande est nouvelle puisqu'elle n'avait pas été formulée en 1ère instance.

Elle est donc irrecevable.

Il sera ajouté que la SCEA Domaine de Campan ne saurait demander une double indemnisation puisque ce chef de demande est inclus dans les dommages et intérêts qu'elle réclame à son vendeur.

 

Sur la demande en dommages et intérêts de la société Vidal Forest dirigée contre M. X. :

C'est de façon abusive que M. X. a appelé la société Vidal Forest dans la cause alors qu'elle a été assignée pour dol par la SCEA Domaine de Campan et que la société Vidal Forest est un tiers par rapport à ce contrat.

Il convient dès lors de condamner M. X. à payer la somme de 3.000 euros à la société Vidal Forest à titre de dommages et intérêts.

M. X. qui succombe supportera les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du rapport d'expertise et en ce qu'elle a retenu l'existence de manœuvres dolosives lors de la vente intervenue le 2 juin 2008 entre M. X. et la SCEA Domaine de Campan,

L'infirme sur le surplus

Statuant à nouveau

Condamne M. X. à payer à la SCEA Domaine de Campan une somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manœuvres dolosives,

Condamne M. X. à payer à la SCEA Domaine de Campan la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles exposés,

Condamne M. X. à payer à la société Vidal Forest la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. X. à payer à la société Vidal Forest la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles exposés,

Déboute les parties de l'ensemble de leurs autres prétentions,

Condamne M. X. aux entiers dépens.

Le greffier                 Le président