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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 3 juillet 2014

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 3 juillet 2014
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. A01
Demande : 11/07838
Date : 3/07/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/11/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4846

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 3 juillet 2014 : RG n° 11/07838

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le compromis de vente du 13 août 2008 stipulait une condition suspensive d'obtention d'un prêt de 225.000 euros au taux maximum de 5,5 % sur 25 ans avec une charge mensuelle maximale de 1.390 euros. D'une durée fixée à 45 jours, cette condition expirait le 29 septembre 2008. Enfin, l'acquéreur s'engageait à déposer dans un délai de 15 jours une demande correspondant aux caractéristiques contractuelles et à en justifier dans les 48 heures du dépôt.

Deux observations préalables s'imposent : - d'une part, les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 du code de la consommation interdisent d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un délai de quinze jours, une telle obligation étant en effet de nature à accroître les exigences de ce texte. Dès lors, une telle clause doit être réputée non écrite et dépourvue d'effet ;

- d'autre part, même s'il était stipulé que la durée de validité de la convention suspensive ne pouvait être prorogée que sur demande expresse de l'acquéreur formulée par écrit et acceptation écrite du vendeur, ce dernier indique dans ses conclusions qu'il a néanmoins accepté « d'immobiliser son bien encore quelque temps » après le 29 septembre 2008. Ainsi, cette date ne peut plus être considérée comme une date butoir et il ne peut s'en prévaloir. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION AO1

ARRÊT DU 3 JUILLET 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/07838. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2010 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 09/02640.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité française, représenté par Maître Sandy RAMAHANDRIARIVELO, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Maître Fanny DEETJEN, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

Mademoiselle Y.

née le [date] à [ville], de nationalité française, représentée par Maître Sandy RAMAHANDRIARIVELO, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Maître Fanny DEETJEN, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Monsieur Cosme ROGEAU à la liquidation judiciaire de la SARL AXE SHON PROMOTION,

représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité sis [adresse], représenté par Maître Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assisté de Maître Philippe SENMARTIN, avocat substituant Maître CHARON, avocat plaidant

SARL CAPACHA

représentée par son gérant en exercice, domicilié ès qualités audit siège social, représentée par Maître Thierry BERGER de la SCP COSTE, BERGER, DAUDE, VALLET, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Maître Sophie COUSIN, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE de CLÔTURE du 7 MAI 2014

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le MERCREDI 28 MAI 2014 à 8H45, en audience publique, Madame Anne BESSON, Présidente ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Madame Anne BESSON, Président de Chambre, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par l'intermédiaire d'une agence immobilière, Monsieur X. et Mme Y. se portaient acquéreurs par acte sous seing privé du 13 août 2008 d'un appartement de la société Axe Shon Promotion.

Reprochant aux acquéreurs de s'être désistés de leur achat sans motif légitime, la société Axe Shon Promotion les a assignés le 27 avril 2009 en indemnisation de son préjudice.

Maître Cosme Rogeau mandataire liquidateur est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 17 décembre 2010 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 13 août 2008,

- condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à Maître Cosme Rogeau une indemnité de 11.000 euros,

- ordonné à ce titre l'attribution du dépôt de garantie de 11.000 euros séquestrée entre les mains de la société Capacha à Maître Cosme Rogeau,

- condamné Monsieur X. et Mme Y. à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

 

Monsieur X. et Madame Y. ont régulièrement interjeté appel le 17 novembre 2011.

Vu les conclusions du 5 mai 2014 des appelants, tendant à :

- « dire et juger abusives, nulles et non écrites les clauses de condition suspensive obligeant l'acquéreur a déposer ses demandes de crédit dans les 10 jours de la signature et à en justifier dans les 48 heures ;

- dire et juger que de toute façon ils avaient effectué leurs premières demandes dès les 5 et 15 septembre 2008 auprès du Crédit Lyonnais, dès le 25 août 2008 auprès de la Caisse d'Épargne, et justifient de toutes diligences normales et raisonnables pour établir les demandes de prêts dans les délais et conditions du compromis notamment par le mandatement de plusieurs courtiers financiers ;

- dire et juger que les acheteurs n'ayant pu, sans que cela ne leur soit imputable obtenir un prêt conforme aux exigences de la condition suspensive dans les délais et conditions requises, le compromis du l3 août 2008 est non avenu pour ne pas avoir pu se former ;

- dire et juger qu'en toute hypothèse au regard de leurs capacités d'endettement, dont il est avéré qu'elles ont empêché l'obtention d'un prêt aux conditions prévues au compromis, il incombait au mandataire agent immobilier de mieux conseiller les parties, de sorte que la défaillance dans la non réalisation de la condition suspensive ne peut leur être imputée ;

- dire et juger que la clause pénale est dépourvue d'effet et doit être réputée non écrite comme clause abusive ; à titre subsidiaire, qu'aucun préjudice n'est démontré et la réduire a zéro comme présentant un caractère excessif et débouter Maître Cosme Rogeau ès qualité de son appel incident ;

- réformer totalement le jugement entrepris, débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes et ordonner la restitution des sommes versées à ce titre ;

- condamner Maître Cosme Rogeau « ès qualité de liquidateur de la SARL Capacha » (sic) à restituer à Monsieur X. la somme de 6.000 euros et à Madame Y. la somme de 5.000 euros, avec intérêts au taux légal majoré de moitié depuis le 6 janvier 2009 en application du dernier alinéa de l'article L. 312-l6 du code de la consommation et jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner (article 1956 du code civil) l'attribution pour 6.000 euros à Monsieur X. et pour 5.000 euros à Madame Y. des sommes détenues par la société Capacha en tant que séquestre au compromis, condamnant au besoin la société Capacha à payer lesdites sommes à chacun des appelants ;

- condamner in solidum Maître Cosme Rogeau ès-qualité de liquidateur et la SARL Capacha à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens » ;

 

Vu les conclusions du 11 avril 2012 de Monsieur Rogeau, mandataire judiciaire de la SARL Axe Shon Promotion, en liquidation judiciaire, tendant à :

- « constater qu'aucune condamnation au paiement ne peut être prononcée contre le liquidateur ;

- constater que les appelants n'ont pas justifié d'une déclaration de créance entre les mains du liquidateur ès qualités et en tirer toutes conséquences que de droit ;

- constater que l'absence de réalisation de la condition suspensive est imputable aux consorts X.-Y. et l'autoriser en conséquence à se faire remettre la somme de 11.000 euros versée par les acquéreurs, entre les mains de la Société Capacha, dépositaire ;

- accueillir sa demande reconventionnelle en paiement de l'indemnité d'immobilisation égale à 10 % du prix de vente, soit la somme de 21.500 euros ; ce faisant condamner solidairement les consorts X.-Y. au paiement du différentiel résultant de cette condamnation et la somme séquestrée qui sera versée entre les mains du liquidateur ès qualité, soit la somme de 10.500 euros ;

- les condamner sous la même solidarité au paiement d'une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens » ;

 

Vu les conclusions du 26 mars 2012 de la SARL Capacha, séquestre, demandant à la cour de statuer ce que de droit sur le mérite de l'appel, lui donner acte de ce qu'elle remettra à première demande à qui de droit la somme de 11.000 euros qu'elle détient à titre de séquestre conventionnel sur justificatif du caractère exécutoire de la décision à intervenir ; dire et juger que cette somme sera restituée à l'exclusion de toutes autres sommes, frais, intérêts et accessoires qui devront être mis à la charge de Maître Cosme Rogeau ès qualité de liquidateur de la SARL Axe Shon Promotion ; condamner solidairement Monsieur X. et Mademoiselle Y. ou Maître Cosme Rogeau ès qualité à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens » ;

 

Vu l'ordonnance de clôture du 7 mai 2014 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

SUR LA DÉFAILLANCE DE LA CONDITION SUSPENSIVE :

Le compromis de vente du 13 août 2008 stipulait une condition suspensive d'obtention d'un prêt de 225.000 euros au taux maximum de 5,5 % sur 25 ans avec une charge mensuelle maximale de 1.390 euros. D'une durée fixée à 45 jours, cette condition expirait le 29 septembre 2008. Enfin, l'acquéreur s'engageait à déposer dans un délai de 15 jours une demande correspondant aux caractéristiques contractuelles et à en justifier dans les 48 heures du dépôt.

Deux observations préalables s'imposent :

- d'une part, les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 du code de la consommation interdisent d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un délai de quinze jours, une telle obligation étant en effet de nature à accroître les exigences de ce texte. Dès lors, une telle clause doit être réputée non écrite et dépourvue d'effet ;

- d'autre part, même s'il était stipulé que la durée de validité de la convention suspensive ne pouvait être prorogée que sur demande expresse de l'acquéreur formulée par écrit et acceptation écrite du vendeur, ce dernier indique dans ses conclusions qu'il a néanmoins accepté « d'immobiliser son bien encore quelque temps » après le 29 septembre 2008. Ainsi, cette date ne peut plus être considérée comme une date butoir et il ne peut s'en prévaloir.

Ceci étant, il appartient aux consorts X.-Y. de justifier qu'ils ont respecté leur obligation contractuelle d'effectuer dans un délai raisonnable toutes diligences utiles à la réalisation de la condition suspensive en sollicitant un prêt conforme aux caractéristiques contractuelles et que la défaillance de cette condition n'est pas due à une négligence de leur part.

Les pièces produites démontrent que dès après la signature du compromis de vente, ils ont mandaté un courtier pour la recherche d'un financement et se sont montrés très actifs à cette fin.

Il en ressort qu'en particulier, la Caisse d'Épargne contactée en premier lieu ne leur proposait qu'un taux de 5,70 % pour un coût dépassant les 1.500 euros par mois, soit au dessus des prévisions contractuelles.

Par ailleurs, ils justifient de leurs demandes auprès de deux autres organismes, qui se sont également soldées par des refus.

Ainsi, dans une lettre du 15 janvier 2009, la banque CIC Société Bordelaise leur écrit :

« Conformément à votre demande en date du 19 décembre 2008, nous avons étudié votre dossier de prêt immobilier pour un montant global de EUR 225.000 en vue de l'acquisition d'un bien (…). Nous sommes au regret de vous informer que nous ne pouvons donner une suite favorable à votre demande ».

Si ce courrier ne permet pas de vérifier les caractéristiques du prêt demandé, en revanche, faisant suite à sa lettre de refus du 22 décembre 2008, la Capfi agence Languedoc-Roussillon a apporté au conseil des consorts X.-Y. « les précisions suivantes » :

« Oui, la demande a bien été effectuée avec un taux de 5 %. Cependant, le dossier ne présentait pas les critères de recevabilités exigés à cette époque par les banques à savoir : Mlle en CDD ses revenus ne pouvaient pas être pris en compte pour le calcul de l'endettement d'où un taux de 61 % ».

Il en résulte qu'en dépit de diligences effectives et sincères effectuées dans le respect des termes du contrat, les consorts X.-Y. n'ont pu obtenir le prêt qui était indispensable à leur achat et que la condition suspensive a défailli sans que cette situation soit imputable à une faute quelconque de leur part.

En conséquence, il n'y a pas lieu de les condamner au paiement de la clause pénale ni de dommages et intérêts.

 

SUR LA RESTITUTION DU DÉPÔT DE GARANTIE :

Aux termes de l'article L 312-6 alinéa 2 du Code de la Consommation,

« lorsque la condition suspensive prévue au 1er alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié ».

Ainsi, dès lors que la condition suspensive ne s'est pas réalisée, les consorts X. Y. peuvent légitimement prétendre à la restitution par la société Capacha du dépôt de garantie de 11.000 euros. Il convient donc de satisfaire à leur demande sur ce point.

Ils réclament également les intérêts sur cette somme au taux légal majoré de moitié depuis le 6 janvier 2009.

En application des dispositions combinées de l'article L. 312-16 du Code de la Consommation et de l'article 1153 du Code Civil, ces intérêts ne pourraient en tout état de cause s'appliquer qu'à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt valant sommation de restituer.

Par ailleurs et surtout, ils ne justifient pas d'une déclaration de créance auprès du liquidateur de la SARL Axe Shon Promotion. De ce fait, la demande qu'ils forment à son encontre ne peut qu'être rejetée.

Il semble en dépit d'une formulation équivoque qu'ils la présentent également contre la société Capacha. Or le séquestre ne pouvait se dessaisir de la somme séquestrée entre ses mains en l'absence d'accord des parties et tant que la procédure était en cours. Aucune faute ne pouvant lui être reprochée dans l'accomplissement de sa mission, il ne peut être tenu que de restituer le principal et non les intérêts. Il convient donc de les débouter de leur demande à son encontre.

Succombant sur l'essentiel en cause d'appel, Maître Cosme Rogeau, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Axe Shon Promotion, supportera tous les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement

Et statuant à nouveau,

Ordonne la restitution par la SARL Capacha du dépôt de garantie de 11.000 euros séquestré entre ses mains, soit 6.000 euros à X. et 5.000 euros à Y.

Déboute X. et Y. du surplus de leur demande.

Déboute Maître Cosme Rogeau, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Axe Shon Promotion, de toutes ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse tous les dépens à la charge de Maître Cosme Rogeau, ès qualités de liquidateur de la SARL Axe Shon Promotion et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux règles régissant la procédure collective dont elle fait l'objet et avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT