T. COM. NANTES, 22 septembre 2005

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 494
T. COM. NANTES, 22 septembre 2005 : RG n° 2001/00973 et n° 2003/00974
(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 16 mars 2007 : RG n° 05/07507 ; arrêt n° 183)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTES
JUGEMENT DU 22 SEPTEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 2001/00973 et n° 2003/00974.
ENTRE :
La Société LIONBAIL, SA
ayant son siège social à [adresse], aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Société FINALION, Demanderesse, Comparant par Maître SALAUN, Avocat à NANTES CASE PALAIS N° 30,
ET :
Monsieur X.
commerçant, exerçant sous l'enseigne « Y. », demeurant [adresse] précédemment et actuellement [adresse], Défendeur, Comparant par Maître MORVAN, Avocat à NANTES CASE PALAIS N° 5A
ET
ENTRE :
La Société LIONBAIL, SA
ayant son siège social à [adresse], aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Société FINALION, Demanderesse, Comparant par Maître SALAUN, Avocat à NANTES CASE PALAIS N° 30,
ET :
La Société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, SA
venant aux lieux et place de la société TEP, par fusion absorption suivant une assemblée générale extraordinaire en date du 30 avril 2001 avec effet rétroactif au 1er octobre 2000, ayant son siège social [adresse], Défenderesse, Comparant par Maître MENARD, Avocat à NANTES CASE PALAIS N° 24A
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :
Messieurs Yannick CURTY Juge faisant fonction de Président de Chambre, Christian DIGOIN, Yves LETENNEUR, Juges avec l'assistance de Maître Frédéric BARBIN Greffier ;
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du prononcé du jugement :
Messieurs Yannick CURTY Juge faisant fonction de Président de Chambre, Patrice LE GUYON, Bernard REGNIER, Juges avec l'assistance de Monsieur Mickaël BEZIE Commis-Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du 16 juin 2005
JUGEMENT : contradictoire - Prononcé à l'audience publique du vingt deux septembre deux mil cinq, date indiquée par le Président à l'issue des débats, par l'un des Magistrats ayant participé au délibéré.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat en date du 4 mars 1996 la société LIONBAIL donne à location un certain nombre de matériels tels que centrale téléphonique, centrale d'alarme complémentaire, émetteur radio FM et 6 détecteurs infrarouges radar microphone, ainsi que des prestations telles que détection incendie et prestation de télésurveillance à M. et Mme X., commerçants restaurateurs, exerçant sous l'enseigne « Y. ».
Ce contrat de location est conclu pour une durée de 48 mois ; un prélèvement mensuel de 1.097,46 Francs TTC est mis en place, comprenant le coût de la location et celui des prestations de télésurveillance et convention d'assistance dues au prestataire de services, la Société TEP, chargée de la pose du matériel et de la télé surveillance.
Considérant que la Société TEP est défaillante dans l'exécution de ses obligations, Monsieur X. lui signifie la résiliation de son contrat par trois lettres datées des 31 octobre, 4 et 27 novembre 1996.
Parallèlement, Monsieur X. cesse les prélèvements automatiques et par lettre recommandée du 4 novembre 1996 résilie son contrat auprès de la Société FINALION, au motif du non respect des engagements de la Société TEP. Il soulève la nullité du contrat conclu avec la Société LIONBAIL en arguant de l'indissociabilité des contrats de location avec la Société LIONBAIL et des contrats la Société TEP justifiant l'arrêt du paiement des échéances de sa part.
Suite à ces échéances impayées, la Société FINALION prononce la résiliation du contrat de location par courrier recommandé du 11 mars 1997, et fait reprendre par la Société TEP la totalité du matériel, le 19 juin 1997.
Par assignation du 27 avril 2001, la Société LIONBAIL demande la condamnation de Monsieur X. au règlement des loyers impayés et de la clause pénale.
Suivant assemblée générale en date du 30 avril 2001 avec effet rétroactif au 1er octobre 2000, la Société TEP est absorbée par la Société ADT qui vient ainsi aux droits de la Société TEP.
[minute page 3] Par un exploit introductif du 23 mai 2003, la Société LIONBAIL assigne la Société ADT sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes initialement réclamées à Monsieur X., dans l'hypothèse où serait jugée la nullité du contrat.
La Société LIONBAIL considère en effet n'avoir commis aucune faute et qu'il appartient à Société ADT, venant en lieu et place de Société TEP, au motif qu'il n'a pas respecté son contrat de maintenance, de prendre en charge le montant des sommes restant dues à la Société LIONBAIL.
La Société ADT demande au Tribunal de débouter la Société FINALION de ses demandes.
Par jugement du 16 juin 2003, le Tribunal de Commerce de Nantes prononce la jonction de ces deux affaires ;
C'est dans ces conditions que cette affaire est soumise à l'appréciation du Tribunal de céans.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Attendu qu'à l'appui de sa demande, la Société LIONBAIL fait valoir :
Que le contrat de location a été conclu pour une durée fixe, indivisible et irrévocable de 48 mois, et pour un montant de 1.097,46 TTC par mois, soit une somme totale de 52.678,08 Francs ;
Que suite à des échéances restées impayées, elle a été contrainte de prononcer la résiliation du contrat de location, en application de l'article 13 des conditions générales et particulières ;
Que l'article 13 prévoit « Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation, majorée des indemnités et intérêts de retard définis à l'article 15 du présent contrat, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée d'une clause pénale de 10 % » ;
[minute page 4] Que Monsieur X. n'ayant fait aucune proposition de règlement pour solder cette dette, la Société LIONBAIL est bien fondée à solliciter sa condamnation à payer la somme suivante :
- loyers impayées 5.487,30 Francs
- indemnité conventionnelle 548,73 Francs
- indemnité de résiliation 30.038,65 Francs
A déduire :
- Prix de vente HT du matériel - 4.391,32Francs
TOTAL 25.643,86 Francs
TVA 5.282,53 Francs
TOTAL 30.925,86 Francs
- Clause pénale 3.622,67 Francs
SOIT UNE SOMME TOTALE 40.584,56 Francs Equivalente à 6.187,08 Euros
Que par ailleurs, vu les conclusions en réponse de Monsieur X. en date du 22 mai 2002, SOCIÉTÉ LIONBAIL demande la condamnation de la Société TEP, société de télésurveillance chargée de la pose du matériel et de la télésurveillance, à rembourser l'intégralité du contrat, pour le cas où le Tribunal de céans prononcerait la nullité du contrat ;
Elle précise que si la Société TEP n'a pas respecté son contrat de maintenance, il appartient à cette dernière de prendre en charge le montant des sommes dues à la Société LIONBAIL et ce sur le fondement de l'article 1382 et suivants du Code Civil ;
Elle demande ainsi au Tribunal de :
- Condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 6.187,08 euros sous réserves des intérêts au taux du prêt jusqu'au complet règlement ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution ;
- Condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 762,25 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;
- [minute page 5] Condamner le même aux entiers dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 696 du NCPC ;
Attendu qu'en réponse Monsieur X. oppose :
Que le contrat dont il s'agit est un contrat complexe, comprenant la location d'un matériel et une prestation de service liée au système d'alarme ;
Qu'il résulte que ces deux contrats sont intimement liés et que l'inexécution de l'un des obligations entraîne ipso facto l'absence d'effets du contrat de location ;
Qu'en l'espèce les deux documents signés le même jour par Monsieur X. sont indissociables, que le transfert de matériel sur le nouveau site de monsieur X. n'ayant jamais été effectué, le contrat ne s'est jamais formé et la Société LIONBAIL ne peut prétendre à aucun loyer et doit rembourser les sommes indûment versées par Monsieur X. ;
Que l'inexécution de ses obligations contractuelles pat la Société TEP justifie la résiliation du contrat de location sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil ;
Quant bien même le contrat serait jugé valable, les dispositions protectrices du Code de la consommation sont applicables, et Monsieur X. est bien fondé à voir qualifier de clause abusive l'article 13 du contrat invoqué par la Société LIONBAIL au soutien de sa demande ;
Que très subsidiairement, si le Tribunal n'entendait pas retenir cette argumentation, il souhaite voir réduire le montant de la clause pénale par application de l'article 1152 du Code civil ;
Qu'il demande au Tribunal de :
A titre principal, vu l'article 5 du contrat du 4 juillet 1996,
- Constater l'absence du contrat de location entre Monsieur X. et la Société LIONBAIL,
- Condamner à rembourser Monsieur X., les loyers indûment perçus soit la somme de 167,31 euros, avec intérêts au taux légal sur l'arriéré de loyer, en application de l'article 1155 du Code Civil,
[minute page 6] Subsidiairement, vu l'article 1184 du Code Civil,
- Constater la résiliation du contrat de location du 4 juillet 1996 avec toutes conséquences de droit, et la condamner à rembourser à Monsieur X., les loyers indûment perçus, soit la somme de 1.171,17 euros, avec intérêts au taux légal sur l'arriéré de loyer,
Très subsidiairement, vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
Dire et juger que l'article 13 du contrat du 4 juillet 1996 constitue une clause abusive, qui de ce fait doit être réputée non écrite,
Débouter en conséquence la Société LIONBAIL de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Très subsidiairement, vu l'article 1152 du Code Civil,
Réduire dans de plus justes proportions le montant de la clause pénale figurant à l'article 13 B 2° du contrat,
Dans tous les cas, condamner la Société LIONBAIL à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du NCPC,
Condamner la même en tous les dépens ;
Attendu que la Société ADT soutient qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait commis une faute ayant causé un préjudice à la Société LIONBAIL au sens de l'article 1182 du code civil ;
Qu'en application des dispositions de l'article 6 du contrat d'abonnement de télésurveillance du 4 juillet 1996, il appartenait à Monsieur X. d'informer la Société TEP de ses nouvelles coordonnées et de lui fixer une date pour l'installation de son système d'alarme à sa nouvelle adresse ;
Que l'accord de SOCIÉTÉ TEP pour transférer le système d'alarme de Monsieur X. a été donné dès le 23 juillet comme il résulte de la lecture de la fiche d'intervention à cette date ;
Que la Société TEP ne s'est cependant pas, par cette seule mention sur la fiche, engagée à procéder à ce transfert à une date déterminée ;
[minute page 7] Que les divers courriers échangés entre les parties entre le 4 novembre 1996 et le 20 mars 1997 ne précisent la nouvelle adresse professionnelle de Monsieur X. ni une date de rendez-vous pour procéder au transfert de matériel ; que de ce fait la Société TEP n'avait aucun moyen d'intervenir ;
Qu'aucune faute ne pouvant être reprochée à la Société TEP, elle demande au Tribunal de :
Vu l'article 1382 du Code Civil,
- Constater que la Société TEP, aux droits de laquelle vient la Société ADT, n'a commis aucune faute,
En conséquence,
- Débouter la Société FINALION de l'intégralité des demandes qu'elle forme à l'encontre de la Société ADT,
- Condamner la Société FINALION et Monsieur X. in solidum, ou qui d'entre eux mieux le devra, à payer à la Société ADT la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- Condamner la Société FINALION et Monsieur X. in solidum aux entiers dépens de l'instance,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MAIS ATTENDU :
Sur la demande principale :
Attendu que Monsieur X. soutient l'absence de formation du contrat de location entre lui même et la Société LIONBAIL, ou à tout le moins, le droit de se prévaloir de l'exception d'inexécution en raison des défaillances de la Société TEP pour solliciter sa résiliation ;
Qu'il ressort des écritures des parties et du procès verbal de réception que l'installation du matériel et la mise en service du système était achevée le 23 juillet 1996 ; qu'un mois après son installation, l'alarme s'est déclenchée alors que Monsieur X. se trouvait en vacances à 900 Km de son domicile, démontrant l'efficacité et la réalité de la mise en marche du système ;
[minute page 8] Que par ailleurs sur le procès verbal de réception du 23 juillet 1996, le transfert est évoqué sans précision de lieu ni de date : « repasser à partir du 9 septembre semaine 37 pour installer le reste de l'installation et faire le transfert (...) matériels laissés sur place. Prévoir en plus une KEL » ;
Que conformément à l'article 6 du contrat signé entre les parties le 4 juillet 1996, il appartient à l'abonné d'informer son prestataire par lettre recommandée avec accusé de réception, de toute modification portant sur les renseignements qu'il a fournis, ce que Monsieur X. ne démontre pas ;
Que par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 novembre 1996, la Société TEP rappelait à Monsieur X. qu'il lui appartenait de préciser par courrier ses nouvelles coordonnées et de lui fixer une date pour l'installation et le transfert du matériel et du système de surveillance à sa nouvelle adresse ;
Qu'il était aisé à cet instant pour X. de répondre favorablement à cette demande ;
Que bien au contraire, le refus et l'attitude de X. traduisent ainsi sa volonté de rompre le contrat souscrit quelques mois plus tôt, le 4 juillet, et qu'il lui appartient ainsi d'en assumer les conséquences ;
Qu'il n'est pas démontré que la Société TEP a commis une faute ayant causé un préjudice à Monsieur X., en engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;
Que le Tribunal confirme que le contrat de location entre Monsieur X. et la Société LIONBAIL est régulièrement formé ;
Que suite à des échéances restées impayées, la Société LIONBAIL a de bon droit prononcé la résiliation du contrat de location ;
Qu'en conséquence en application de l'article 13 des conditions générales et particulière dudit contrat, le Tribunal condamne Monsieur X. à payer à la Société FINALION la somme 6.187,08 Euros (40.584,56 Francs) assorti des intérêts légaux à la date de l'assignation ;
Que le Tribunal constate que la Société ADT n'a commis aucune faute ;
[minute page 9] Qu'en conséquence le Tribunal déboute la Société FINALION de l'intégralité des demandes qu'elle forme à l'encontre de la Société ADT ;
Sur les demandes accessoires :
Que l'exécution provisoire est demandée par la Société FINALION ; que vu les circonstances de la cause, elle n'apparaît pas nécessaire ; qu'il n'y a donc pas lieu de l'ordonner ;
Que la Société LIONBAIL ayant du engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, le Tribunal condamne Monsieur X. à lui verser la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que la Société FINALION succombant en ses demandes formées à l'encontre de la Société ADT est condamnée à lui payer la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que Monsieur X. et la Société FINALION succombant au principal, sont condamné in solidum aux entiers dépens de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
VU le contrat de location conclu entre la Société LIONBAIL et Monsieur X.
VU les articles 1147 et suivants du Code Civil,
VU l'article 1382 du Code civil,
Reçoit la Société LIONBAIL en sa demande et la dit partiellement fondée,
Condamne Monsieur X. à payer à la Société LIONBAIL la somme de SIX MILLE CENT QUATRE VINGT SEPT Euros et HUIT Centimes (6.187,08 €) assorti des intérêts légaux à la date de l'assignation,
Condamne Monsieur X. à payer à la Société LIONBAIL la somme de SEPT CENT CINQUANTE Euros (750 €) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
[minute page 10] Déboute La Société LIONBAIL de sa demande d'exécution provisoire ;
Constate que la Société TEP, aux droits de laquelle vient la Société ADT n'a commis aucune faute ;
Déboute la Société FINALION de l'intégralité des demandes qu'elle forme à l'encontre de la Société ADT ;
Condamne la Société FINALION à payer à la Société TEP la somme de SEPT CENT CINQUANTE Euros (750 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la Société FINALION et Monsieur X. in solidum aux entiers dépens dont frais de Greffe liquidés à CENT CINQUANTE CINQ Euros et DIX Centimes (155,10 €) toutes taxes comprises.
Ainsi fait et jugé en audience publique du Tribunal de Commerce de NANTES; ledit jour le vingt deux septembre deux mil cinq.
Le Commis-Greffier, Le Juge f.f. [faisant fonction] de Président de Chambre,
M. BEZIE Y. CURTY