CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CJCE (5e ch.), 4 mars 2004

Nature : Décision
Titre : CJCE (5e ch.), 4 mars 2004
Pays : France
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (5e ch.)
Demande : C-264/02
Date : 4/03/2004
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 5/07/2002
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5005

CJCE (5e ch.), 4 mars 2004 : Affaire C‑264/02

Publication : Rec. p. I-2157

 

Extrait : « La directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990, n’impose pas que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit d’une durée déterminée, consenti sous la forme d’une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d’une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d’intérêt est stipulé variable, le prêteur soit obligé d’informer par écrit l’emprunteur du taux annuel effectif global en vigueur ainsi que des conditions auxquelles ce dernier pourra être modifié ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

CINQUIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 4 MARS 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l'affaire C-264/02, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le tribunal d'instance de Vienne (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Cofinoga Mérignac SA

et

Monsieur X.,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990 (JO L 61, p. 14),

 

LA COUR (cinquième chambre), composée de M. P. Jann (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. C. W. A. Timmermans et S. von Bahr, juges,

Avocat général : M. A. Tizzano,

Greffier : Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées :

- pour Cofinoga Mérignac SA, par Maître J.-J. Gatineau, avocat, -

- pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme R. Loosli Surrans, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement belge, par Mme A. Snoecx, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme P. Ormond et M. J. Turner, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M.-J. Jonczy et M. M. França, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Cofinoga Mérignac SA, représentée par Maître J.-J. Gatineau, du gouvernement français, représenté par M. C. Lemaire, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme M.-J. Jonczy, à l'audience du 3 juillet 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 septembre 2003,

rend le présent :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt :

1. Par jugement du 5 juillet 2002, parvenu à la Cour le 18 juillet suivant, le tribunal d’instance de Vienne a posé, en application de l’article 234 CE, quatre questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990 (JO L 61, p. 14, ci-après la « directive »).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant Cofinoga Mérignac SA (ci-après « Cofinoga »), société de droit français, à M. X. au sujet du paiement de sommes dues en exécution d’un contrat conclu par ce dernier avec ladite société.

 

Le cadre juridique :

La réglementation communautaire

3. Aux termes de son article 1er, paragraphe 2, sous c), la directive s’applique aux contrats de crédit entendus comme des contrats en vertu desquels « un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire ».

4. L’article 2, paragraphe 1, de la directive est libellé comme suit:

« La présente directive ne s’applique pas : […]

e) aux crédits consentis sous la forme d’avances sur compte courant par un établissement de crédit ou un établissement financier, cette exclusion ne concernant pas les comptes liés à des cartes de crédit.

Toutefois, les dispositions prévues à l’article 6 s’appliquent à ce type de crédit ; […] »

5. L’article 3 de la directive prévoit que toute publicité par laquelle un annonceur se déclare prêt à octroyer un crédit et qui indique tout chiffre portant sur le coût du crédit doit mentionner le taux annuel effectif global (ci-après le « TAEG »).

6. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

« 1. Les contrats de crédit sont établis par écrit. Le consommateur reçoit un exemplaire du contrat écrit.

2. Le contrat écrit contient :

a) une indication du [TAEG] ;

b) une indication des conditions dans lesquelles le [TAEG] peut être modifié.

Lorsqu’il n’est pas possible d’indiquer le [TAEG], il y a lieu néanmoins de fournir au consommateur des informations adéquates dans le contrat écrit. Cette information comprend au moins les informations visées à l’article 6 paragraphe 1 deuxième tiret. »

7. L’article 1er bis, paragraphe 1, sous a), de la directive prévoit que les modalités de calcul du TAEG sont déterminées selon la formule mathématique exposée en annexe. Le paragraphe 4, point a), de cet article précise que le TAEG est calculé « au moment de la conclusion du contrat ».

8. Aux termes de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive :

« 1. Nonobstant l’exclusion prévue à l’article 2 paragraphe 1 point e), lorsqu’un contrat a été passé entre un établissement de crédit ou un organisme financier et un consommateur pour l’octroi d’un crédit sous la forme d’une avance sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit, le consommateur est informé au moment de la conclusion du contrat ou avant celle-ci :

- du plafond éventuel du crédit,

- du taux d’intérêt annuel et des frais applicables dès la conclusion du contrat et des conditions dans lesquelles ils pourront être modifiés,

- des modalités selon lesquelles il peut être mis fin au contrat.

Ces informations sont confirmées par écrit.

2. De plus, en cours de contrat, le consommateur est informé de toute modification du taux d’intérêt annuel ou des frais au moment où intervient cette modification. […]

[…] »

 

La réglementation nationale

9. Les principales dispositions relatives au crédit à la consommation se trouvent aux articles L. 311-1 à L. 311-37 du code de la consommation. Les dispositions pertinentes dans l’affaire au principal sont les suivantes :

Article L. 311-8

« Les opérations de crédit […] sont conclues dans les termes d’une offre préalable, remise en double exemplaire à l’emprunteur […] »

Article L. 311-9

« Lorsqu’il s’agit d’une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l’usage d’une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l’offre préalable n’est obligatoire que pour le contrat initial.

Elle précise que la durée du contrat est limitée à un an renouvelable et que le prêteur devra indiquer, trois mois avant l’échéance, les conditions de reconduction du contrat. […] »

Article L. 311-10

« L’offre préalable :

[…]

2) Précise le montant du crédit […] et, s’il y a lieu, son taux effectif global ainsi que le total des perceptions forfaitaires demandées en sus des intérêts […]

[…] »

Article L. 311-37

« Le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion […] »

10. Selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, le renouvellement d’un contrat de crédit s’analyse en droit français non pas comme la reconduction du contrat initial, mais comme la conclusion d’un nouveau contrat.

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11. Par contrat du 1er juillet 1993, Cofinoga a accordé à M. X. un prêt, sous la forme d’une ouverture de crédit d’une durée d’un an renouvelable, utilisable par fractions et assortie d’une carte de crédit, remboursable par mensualités selon un TAEG stipulé variable.

12. Les échéances étant restées impayées, Cofinoga a assigné, le 19 novembre 2001, M. X. devant le tribunal d’instance de Vienne en paiement des sommes dues, majorées d’intérêts et de pénalités. M. X. n’a pas comparu.

13. Le tribunal d’instance de Vienne a invité Cofinoga à justifier du renouvellement régulier du contrat, à compter de sa première annuité, tel que prévu par l’article L. 311-9 du code de la consommation.

14. Après avoir pris connaissance des observations de Cofinoga, le tribunal d’instance de Vienne a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les directives [87/102] et [90/88] doivent-elles être interprétées comme imposant au juge national de privilégier l’interprétation de son droit obligeant les organismes de prêt à la consommation à porter à la connaissance de l’emprunteur-consommateur, par écrit, le [TAEG] en vigueur, préalablement à chaque reconduction d’un contrat de crédit renouvelable par fractions, dont la clause d’intérêt est stipulée variable ?

2) Lesdites directives doivent-elles être interprétées comme imposant au juge national de privilégier l’interprétation de son droit obligeant les organismes de prêt à la consommation à porter à la connaissance du même consommateur la clause de variation dudit [TAEG], préalablement à chaque reconduction d’un tel contrat ?

3) Lesdites directives doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles doivent conduire le juge à privilégier l’interprétation de son droit l’autorisant à faire valoir un moyen d’irrégularité affectant la formation ou le renouvellement d’un contrat de crédit à la consommation, tel celui tiré du défaut de mention du [TAEG], invoqué par le consommateur ou d’office, sans limitation temporelle, dans le cadre d’un litige né d’une action en paiement formée par l’organisme prêteur ?

4) Dans la négative, lesdites directives doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles doivent conduire le juge à privilégier l’interprétation de son droit l’autorisant à écarter une disposition de son droit national, interdisant au consommateur ou au juge d’office de faire valoir un moyen d’irrégularité affectant la formation ou le renouvellement d’un contrat de crédit à la consommation, à l’issue d’un délai dérogatoire du droit commun, en ce qu’il constituerait une restriction exceptionnelle des droits d’agir du consommateur et porterait atteinte à l’effectivité de la protection de celui-ci? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur les première et deuxième questions :

15. Par ces deux questions, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive doit être interprétée en ce sens que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit d’une durée déterminée, consenti sous la forme d’une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d’une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d’intérêt est stipulé variable, le prêteur est obligé d’informer par écrit l’emprunteur du TAEG en vigueur et des conditions auxquelles il pourra être modifié.

 

Observations soumises à la Cour

16. Cofinoga et le gouvernement français sont d’avis qu’il convient de répondre par la négative à ces questions. Le gouvernement du Royaume-Uni partage cette analyse, du moins dans l’hypothèse où le renouvellement du contrat équivaut à une reconduction du contrat d’origine.

17. Selon eux, dans un cas comme celui du contrat litigieux, les obligations d’information incombant au prêteur en vertu de l’article 4 de la directive ne concernent pas le renouvellement du contrat. Ils s’appuient à cet égard tant sur le libellé de l’article 4 de la directive, dont il ressortirait qu’il vise le moment où le contrat est conclu, que sur la finalité dudit article, qui tendrait à permettre au consommateur d’évaluer le coût du crédit et de le comparer à d’autres offres avant de s’engager.

18. Cofinoga ainsi que les gouvernements français et du Royaume‑Uni, considèrent, quoique pour des raisons différentes, que les obligations d’information incombant au prêteur en vertu de l’article 6 de la directive ne sont également pas applicables dans l’espèce au principal. Pour Cofinoga et le gouvernement du Royaume-Uni, cette inapplicabilité découle du fait que le champ d’application de cette disposition est limité aux avances sur compte courant, sauf dans le cas de comptes liés à des cartes de crédit, catégorie dans laquelle le contrat litigieux n’entre pas. Pour le gouvernement français, l’article 6 de la directive prévoit un régime de portée générale, applicable à tous les contrats qui relèvent du champ d’application de la directive, mais concerne uniquement l’hypothèse d’une modification du contrat, hypothèse qui ne correspondrait pas aux conditions dans lesquelles est intervenu le renouvellement du contrat litigieux.

19. Pour leur part, le gouvernement belge et la Commission proposent de donner une réponse positive aux deux premières questions.

20. Le gouvernement belge, développant la réserve émise par le gouvernement du Royaume-Uni, relève que, en droit français, le renouvellement d’un contrat de crédit s’analyse comme la conclusion d’un nouveau contrat. Il s’ensuit, selon lui, que, lors de chaque renouvellement, le prêteur doit donner les informations prévues à l’article 4 de la directive.

21. La Commission considère que les articles 4 et 6 de la directive prévoient deux régimes de portée générale et doivent donc recevoir une application cumulée. Rappelant que, selon l’article 4, le contrat doit être établi par écrit et comporter une indication du TAEG et que, selon l’article 6, le consommateur doit être informé, en cours de contrat, de toute modification du taux d’intérêt annuel ou des frais applicables au moment où intervient cette modification, elle en déduit que le consommateur doit être informé, avant chaque reconduction du contrat, de toute modification du taux d’intérêt.

 

Réponse de la Cour

22. Au vu des observations présentées à la Cour, il convient d’examiner en premier lieu si l’article 4 de la directive doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse du renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit, le prêteur est tenu d’indiquer au consommateur le TAEG.

23. Le libellé de l’article 4 de la directive n’indique pas expressément à quel moment l’information qu’il prévoit doit être communiquée au consommateur. Toutefois, l’économie de cette disposition ne laisse pas de doute à ce sujet. En effet, en prévoyant que le contrat de crédit doit être établi par écrit et que cet écrit doit contenir l’indication du TAEG ainsi que des conditions selon lesquelles ce dernier peut être modifié, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive se réfère clairement au moment de la conclusion du contrat. Cette lecture est corroborée par l’article 1er bis de la directive, qui fixe les modalités de calcul du TAEG et qui précise, à son paragraphe 4, sous a), que celui-ci doit être calculé « au moment de la conclusion du contrat ».

24. Dès lors que ni le libellé de l’article 4 de la directive ni l’économie du système mis en place par cette disposition ne permettent d’étayer l’interprétation selon laquelle le TAEG devrait être porté à la connaissance du consommateur au moment du renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit, il y a lieu d’examiner si les objectifs de la directive impliquent une information du consommateur à un tel moment.

25. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de ses considérants, la directive a été adoptée dans le double objectif d’assurer, d’une part, la création d’un marché commun du crédit à la consommation (troisième à cinquième considérants) et, d’autre part, la protection des consommateurs souscrivant de tels crédits (sixième, septième et neuvième considérants) (arrêt du 23 mars 2000, Berliner Kindl Brauerei, C-208/98, Rec. p. I-1741, point 20).

26. L’information du consommateur sur le coût global du crédit, sous la forme d’un taux calculé selon une formule mathématique unique, revêt à cet égard une importance essentielle. D’une part, cette information, qui, selon l’article 3 de la directive, doit être communiquée dès le stade de la publicité, contribue à la transparence du marché en ce qu’elle permet au consommateur de comparer les offres de crédit. D’autre part, elle permet au consommateur d’apprécier la portée de son engagement.

27. À la lumière de ces objectifs et ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, il apparaît que l’information en cause est surtout utile si elle est communiquée au consommateur lors de la phase décisive qui précède la conclusion du contrat. À un stade ultérieur, tel que le renouvellement du contrat à des conditions inchangées, cette information, qui a déjà été communiquée, n’apparaît plus aussi essentielle.

28. Il s’ensuit que, en l’absence de toute disposition expresse à cet effet et faute d’éléments permettant d’inférer de l’économie ou des objectifs de la directive une interprétation extensive de l’article 4 de la directive, ce dernier ne peut être interprété en ce sens qu’il oblige le prêteur à porter à la connaissance du consommateur le TAEG préalablement au renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit.

29. Le fait que, selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, le renouvellement d’un contrat de crédit s’analyse en droit français non pas comme la reconduction du contrat initial, mais comme la conclusion d’un nouveau contrat, ne saurait avoir d’influence sur cette analyse. En effet, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, l’objectif d’harmonisation de la directive serait réduit à néant si les règles qu’elle prévoit devaient être interprétées en tenant compte des spécificités du droit national de tel ou tel État membre.

30. Au vu de l’interprétation que doit recevoir l’article 4 de la directive, il convient d’examiner, en second lieu, si l’article 6 de celle-ci doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse du renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit, le prêteur est tenu d’indiquer au consommateur le TAEG.

31. Eu égard aux observations présentées à la Cour, il y a lieu de déterminer tout d’abord le champ d’application de cette disposition.

32. L’article 6, paragraphe 1, de la directive prévoit que « nonobstant l’exclusion prévue à l’article 2 paragraphe 1 point e), lorsqu’un contrat a été passé entre un établissement de crédit ou un organisme financier et un consommateur pour l’octroi d’un crédit sous la forme d’une avance sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit », le consommateur doit être informé « au moment de la conclusion du contrat ou avant celle-ci » des différentes conditions spécifiques du contrat précisées dans la suite de la disposition. Le paragraphe 2 dudit article 6 ajoute que, « de plus, en cours de contrat, le consommateur est informé de toute modification du taux d’intérêt annuel ou des frais au moment où intervient cette modification ». Il apparaît ainsi clairement du libellé de l’article 6 que le paragraphe 2 se réfère aux mêmes contrats que ceux visés au paragraphe 1.

33. Or, il ressort tout aussi clairement tant du libellé des articles 2, 4 et 6 de la directive que de l’économie du système que ces dispositions mettent en place que l’article 6 énonce une règle spéciale applicable à un type de contrats qui est, par ailleurs, exclu du champ d’application des règles générales de la directive.

34. L’article 2, paragraphe 1, sous e), de la directive exclut, en effet, du champ d’application de cette dernière les crédits consentis sous la forme d’avances sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit. Pour les crédits consentis sous la forme d’avances sur compte courant, l’article 6, paragraphe 2, de la directive impose au prêteur de fournir au consommateur des informations non prévues à l’article 4 de la même directive, tandis que l’article 6, paragraphe 1, impose au prêteur de fournir au consommateur les informations qu’il énumère, parmi lesquelles ne figure pas le TAEG.

35. De plus, l’article 4, paragraphe 2, second alinéa, de la directive prévoit, que, lorsqu’il n’est pas possible d’indiquer le TAEG lors de la conclusion du contrat, le consommateur doit néanmoins trouver dans le contrat écrit des « informations adéquates » comprenant « au moins les informations visées à l’article 6, paragraphe 1, deuxième tiret ». Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 73 de ses conclusions, un tel renvoi exprès ne serait aucunement nécessaire si l’article 6 s’appliquait de lui-même à tous les contrats soumis à la directive.

36. Il s’ensuit que cet article 6 n’est applicable qu’aux contrats qu’il vise spécifiquement, à savoir les crédits sous la forme d’une avance sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit.

37. Or, il est constant que le contrat litigieux n’entre pas dans cette catégorie.

38. Dans ces conditions, le régime prévu à l’article 6 de la directive ne peut être pertinent pour déterminer les obligations d’information qui pèsent sur le prêteur dans un cas comme celui qui fait l’objet du litige au principal.

39. À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que la directive n’impose pas que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit d’une durée déterminée, consenti sous la forme d’une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d’une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d’intérêt est stipulé variable, le prêteur soit obligé d’informer par écrit l’emprunteur du TAEG en vigueur ainsi que des conditions auxquelles ce dernier pourra être modifié.

 

Sur les troisième et quatrième questions :

40. Compte tenu de la réponse apportée aux deux premières questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

 

Sur les dépens :

41. Les frais exposés par les gouvernements français, belge et du Royaume‑Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre) statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal d’instance de Vienne, par jugement du 5 juillet 2002, dit pour droit :

La directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, telle que modifiée par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990, n’impose pas que, préalablement à chaque renouvellement, à des conditions inchangées, d’un contrat de crédit d’une durée déterminée, consenti sous la forme d’une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d’une carte de crédit, remboursable par mensualités et dont le taux d’intérêt est stipulé variable, le prêteur soit obligé d’informer par écrit l’emprunteur du taux annuel effectif global en vigueur ainsi que des conditions auxquelles ce dernier pourra être modifié.

Jann Timmermans von Bahr

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mars 2004.

Le greffier                             Le président

R. Grass                                V. Skouris