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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. A O1), 15 janvier 2015

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. A O1), 15 janvier 2015
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. A01
Demande : 12/00197
Date : 15/01/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5043

CA MONTPELLIER (1re ch., sect. AO1), 15 janvier 2015 : RG n° 12/00197

Publication : Jurica ; Legifrance

 

Extrait : « Selon les dispositions combinées des articles 1583 du Code Civil et L. 111-1 du Code de la Consommation, la vente n'est parfaite qu'en cas d'accord sur la chose et le prix et lorsque le vendeur est un professionnel, il doit avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien vendu.

Or si les éléments mobiliers du contrat sont détaillés de manière précise dans le descriptif, en revanche les clauses du contrat relatives aux prestations d'agencement et au prix global du marché ne sont pas exemptes d'aléas et ne figurent que dans les conditions générales de vente. En effet, l'adéquation entre le mobilier vendu et la cuisine des acquéreurs, qui constitue pourtant un élément déterminant de leur achat, est loin d'être assurée par les seuls plans et cotations sommaires qu'ils ont fournis lors de la signature du contrat. En réalité, elle ne peut l'être certainement qu'à l'issue des mesures prises sur place par le technicien de la société Ital Cucine. Or il résulte des articles 2.1 et 2.2 des conditions générales qu'à ce stade, le contrat a déjà acquis un « caractère ferme et définitif », de sorte qu’« aucune demande d'annulation ne sera acceptée ». Surtout, l'article 2.3, dénoncé par les clients dans leurs conclusions, énonce que « toute modification aux conditions d'une commande devenue ferme et définitive provenant du fait du client (cotes incomplètes ou erronées sur le plan fourni par le client (…) peut déterminer (…) une facturation complémentaire ».

Il faut en conclure que si le technicien constate ou même estime que les informations fournies par les clients le jour de leur achat sont inexactes ou incomplètes, ce qui risque d'autant plus de se produire qu'elles l'ont été d'une manière improvisée et sur un stand de foire, ils s'exposent à une facturation supplémentaire d'un montant indéterminable au moment de la signature du contrat, et ce sans même qu'ils puissent demander pour ce motif l'annulation du contrat, voire à devoir accepter d'acquérir un mobilier inadapté à leur cuisine, sans avoir été informé de ce caractère inéluctable de leur engagement, avant la signature du contrat.

Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande engageant contractuellement les clients envers le vendeur dans de telles conditions, alors qu'il n'est pas allégué un vice de leur consentement, telle l'erreur ou le dol par réticence éventuellement commis par ce dernier et que cette sanction n'est pas prévue en cas de manquement du vendeur à ses obligations légales d'information et de conseil des consommateurs, au titre de l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Il est en effet de principe à cet égard, ainsi que l'a rappelé la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 1er  octobre 2014, que la violation par le vendeur de son obligation d'information et de conseil prévue à l'article L. 111-1 du code de la consommation, peut entraîner la résolution de la vente dans les conditions du droit commun et non l'annulation.

Il appartenait en l'espèce à la société Ital Cucine, en application de l'article L. 111-1 du code de la consommation susvisé, de mettre en mesure les consommateurs de connaître les caractéristiques essentielles des biens et services qu'il leur proposait d'acquérir. Le caractère juridiquement irrévocable de leur engagement, résultant de la signature du bon de commande, alors même qu'ils ne pouvaient alors être certains de l'adéquation des meubles de cuisine achetés avec leur pièce à usage de cuisine, et l'indétermination partielle de la chose et du prix en découlant, constituaient en l'espèce une caractéristique essentielle de cette convention, conclue dans de telles conditions, en dehors du domicile des clients et sans qu'ils disposent d'un plan précis et détaillé de la cuisine de leur maison.

Or il n'est pas justifié par le vendeur qu'il ait donné connaissance aux consorts X. Y., avant la signature du bon de commande constituant la signature du contrat de vente, de la portée juridique des articles des conditions générales de vente ci-dessus rappelés, concernant les modalités futures d'adaptation du mobilier à leur maison et les modifications potentielles du prix qu'ils auraient à payer, sans pouvoir jamais contester une modification pouvant pourtant s'avérer substantielle de cette convention, en leur défaveur.

Il apparaît évident en l'espèce que si les consorts Y. X. avaient été pleinement informés des conditions juridiques et financières de leur engagement contractuel, qu'ils dénoncent dans leurs conclusions d'appel, ils n'auraient pas conclu cette vente dans de telles conditions et ils sont donc fondés à reprocher à leur vendeur son manquement à l'exécution de ses obligations légales d'information et de conseil. Dès lors il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de vente aux torts du vendeur et de condamner la SARL Ital Cucine à rembourser aux consorts X. Y. la somme de 3.200 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, équivalent à la sommation de la payer. »

 

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION AO1

ARRÊT DU 15 JANVIER 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00197. Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 DÉCEMBRE 2011 TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 11-10-002043.

 

APPELANTE :

SARL ITAL CUCINE

représentée par son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social, représentée par Maître Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMANHANDRIARIVELO-DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, représentée par Maître Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Y.

le [date] à [ville], de nationalité française, représenté par Maître Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE de CLÔTURE du 17 NOVEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014 à 8H45 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, Madame CARRACHA Françoise, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CHICLET, Conseiller faisant fonction de Président, et par Nadine CAGNOLATI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :          

Vu le jugement rendu le 29 décembre 2011par le Tribunal de Grande Instance de Montpellier, qui a prononcé la nullité du bon de commande signé le 14 janvier 2010 entre Melle X. et M. Y. et la SARL Ital Cuisine (en réalité Ital Cucine) et condamné cette société à leur payer les sommes de 3.200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2010 et 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;

Vu l'appel régulièrement interjeté par la SARL Ital Cucine ;

Vu ses conclusions du 23 septembre 2014 tendant à infirmer totalement ce jugement et débouter les consorts Y. X. de toutes leurs demandes ; à titre reconventionnel, au principal leur enjoindre solidairement d'avoir à délivrer par fixation d'un rendez-vous avec un délai de prévenance de quinze jours, l'accès à leurs locaux afin qu'elle procède aux métrés définitifs et livre le matériel visé au bon de commande, et ce sous astreinte de 800 euros par jour de retard qui débutera quarante-huit heures après la signification du jugement à intervenir, sur le fondement de l'article 1134 du code civil ; au subsidiaire, prononcer la résolution du contrat aux torts des consorts Y. X. pour inexécution contractuelle et les condamner « in solidum » à lui payer les sommes de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1147 et 1184 du code civil, 4.479,88 euros au titre du préjudice financier, 1.500 euros en réparation du préjudice moral et 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions du 5 juin 2012 de Melle X. et M. Y., tendant à confirmer le jugement, dire et juger que le bon de commande du 14 octobre 2010 a été signé dans le cadre de pratiques commerciales agressives et comporte des clauses abusives ; qu'il concerne la vente de mobilier de cuisine ainsi que la prestation d'agencement de la cuisine et qu'en l'absence des dimensions de la pièce destinée à recevoir la cuisine, cette prestation ne pouvait être réalisée ; que par suite, et compte tenu notamment de l'existence d'une clause 2-3 au bon de commande permettant au vendeur d'augmenter le prix en cas d'erreur dans les côtes de la cuisine, le prix n'était pas déterminé ni déterminable ; prononcer la nullité du bon de commande signé le 14 octobre 2010 par les parties, condamner le défendeur à rembourser la somme de 3.200 euros, avec intérêts de retard, débouter la SARL Ital Cuisine de sa demande reconventionnelle et la condamner à leur payer les sommes de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 17 novembre 2014 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Le bon de commande du 14 janvier 2010 concerne la vente d’« éléments de meubles composant une cuisine » en fonction des « cotations fournies par le client » et d'un « plan au sol échelle 1/20e réalisé avec le client », mesures qui devaient être ensuite contrôlées par un « métré technique au domicile », prestation complémentaire facturée à la somme de 359 euros, tandis que le client se réservait en revanche la pose. Le marché était arrêté à la somme totale de 8.000 euros TTC.

Le premier juge a tiré les conséquences exactes de ces stipulations en analysant cette convention en un contrat de vente de meubles de cuisine intégrée assorti d'un engagement de services portant sur leur agencement en fonction des dimensions des meubles et du local à aménager mais également en fonction des contraintes techniques (plomberie, électricité, ventilation).

Selon les dispositions combinées des articles 1583 du Code Civil et L. 111-1 du Code de la Consommation, la vente n'est parfaite qu'en cas d'accord sur la chose et le prix et lorsque le vendeur est un professionnel, il doit avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien vendu.

Or si les éléments mobiliers du contrat sont détaillés de manière précise dans le descriptif, en revanche les clauses du contrat relatives aux prestations d'agencement et au prix global du marché ne sont pas exemptes d'aléas et ne figurent que dans les conditions générales de vente.

En effet, l'adéquation entre le mobilier vendu et la cuisine des acquéreurs, qui constitue pourtant un élément déterminant de leur achat, est loin d'être assurée par les seuls plans et cotations sommaires qu'ils ont fournis lors de la signature du contrat. En réalité, elle ne peut l'être certainement qu'à l'issue des mesures prises sur place par le technicien de la société Ital Cucine.

Or il résulte des articles 2.1 et 2.2 des conditions générales qu'à ce stade, le contrat a déjà acquis un « caractère ferme et définitif », de sorte qu’« aucune demande d'annulation ne sera acceptée ». Surtout, l'article 2.3, dénoncé par les clients dans leurs conclusions, énonce que « toute modification aux conditions d'une commande devenue ferme et définitive provenant du fait du client (cotes incomplètes ou erronées sur le plan fourni par le client (…) peut déterminer (…) une facturation complémentaire ».

Il faut en conclure que si le technicien constate ou même estime que les informations fournies par les clients le jour de leur achat sont inexactes ou incomplètes, ce qui risque d'autant plus de se produire qu'elles l'ont été d'une manière improvisée et sur un stand de foire, ils s'exposent à une facturation supplémentaire d'un montant indéterminable au moment de la signature du contrat, et ce sans même qu'ils puissent demander pour ce motif l'annulation du contrat, voire à devoir accepter d'acquérir un mobilier inadapté à leur cuisine, sans avoir été informé de ce caractère inéluctable de leur engagement, avant la signature du contrat.

Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande engageant contractuellement les clients envers le vendeur dans de telles conditions, alors qu'il n'est pas allégué un vice de leur consentement, telle l'erreur ou le dol par réticence éventuellement commis par ce dernier et que cette sanction n'est pas prévue en cas de manquement du vendeur à ses obligations légales d'information et de conseil des consommateurs, au titre de l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Il est en effet de principe à cet égard, ainsi que l'a rappelé la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 1er  octobre 2014, que la violation par le vendeur de son obligation d'information et de conseil prévue à l'article L. 111-1 du code de la consommation, peut entraîner la résolution de la vente dans les conditions du droit commun et non l'annulation.

Il appartenait en l'espèce à la société Ital Cucine, en application de l'article L. 111-1 du code de la consommation susvisé, de mettre en mesure les consommateurs de connaître les caractéristiques essentielles des biens et services qu'il leur proposait d'acquérir. Le caractère juridiquement irrévocable de leur engagement, résultant de la signature du bon de commande, alors même qu'ils ne pouvaient alors être certains de l'adéquation des meubles de cuisine achetés avec leur pièce à usage de cuisine, et l'indétermination partielle de la chose et du prix en découlant, constituaient en l'espèce une caractéristique essentielle de cette convention, conclue dans de telles conditions, en dehors du domicile des clients et sans qu'ils disposent d'un plan précis et détaillé de la cuisine de leur maison.

Or il n'est pas justifié par le vendeur qu'il ait donné connaissance aux consorts X. Y., avant la signature du bon de commande constituant la signature du contrat de vente, de la portée juridique des articles des conditions générales de vente ci-dessus rappelés, concernant les modalités futures d'adaptation du mobilier à leur maison et les modifications potentielles du prix qu'ils auraient à payer, sans pouvoir jamais contester une modification pouvant pourtant s'avérer substantielle de cette convention, en leur défaveur.

Il apparaît évident en l'espèce que si les consorts Y. X. avaient été pleinement informés des conditions juridiques et financières de leur engagement contractuel, qu'ils dénoncent dans leurs conclusions d'appel, ils n'auraient pas conclu cette vente dans de telles conditions et ils sont donc fondés à reprocher à leur vendeur son manquement à l'exécution de ses obligations légales d'information et de conseil.

Dès lors il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de vente aux torts du vendeur et de condamner la SARL Ital Cucine à rembourser aux consorts X. Y. la somme de 3.200 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, équivalent à la sommation de la payer.

Ne rapportant pas la preuve d'un préjudice matériel ou moral particulier que lui aurait causé par la société appelante, Melle X. et M. Y. seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

En revanche, la société Ital Cucine devra les indemniser en équité des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer du fait de son appel injustifié et en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1153, 1184, 1315, 1583 et 1591du code civil,

Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau :

Prononce la résolution du contrat de vente de meubles de cuisine et de leur agencement conclu le 14 janvier 2010 entre la SARL Ital Cucine (ou Ital cuisine), vendeur, et M. M. Y. et Melle X., aux torts du vendeur,

Condamne la SARL Ital Cucine à restituer à M. Y. et Melle X. la somme de 3.200,00 euros perçue à titre d'acompte, avec intérêts de retard au taux légal depuis la date de l'assignation,

Déboute Melle X. et M. Y. de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne la SARL Ital Cucine aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer à Melle X. et M. Y., pris conjointement, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT