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CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 10 mars 2015

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 10 mars 2015
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 11e ch. A
Demande : 13/12099
Décision : 2015/136
Date : 10/03/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/12/2014
Numéro de la décision : 136
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-005665
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5076

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 10 mars 2015 : RG n° 13/12099 ; arrêt n° 2015/136

Publication : Jurica

 

Extrait : « Pour apprécier le caractère aléatoire du risque garanti, et par conséquent l'assurabilité du prétendant à la garantie, l'article L. 113-2, 2 du code des assurances prévoit que l'assuré est obligé « de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge », la déclaration de l'assuré ne pouvant porter que sur les seules questions posées. En effet, le caractère imprécis et exprimé en termes généraux du questionnaire proposé au candidat à l'assurance ferait reposer sur celui-ci l'appréciation même des conditions exigées par l'assureur aux fins d'assurabilité du futur assuré. En faisant signer à Monsieur X. un formulaire succinct exprimé en termes généraux, l'assureur ne peut reprocher à Monsieur X. d'avoir répondu de manière imprécise alors que n'étaient pas mises en œuvre, en application des dispositions ci-dessus visées, les conditions d'appréciation de l'assurabilité du risque. »

 

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

ONZIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 10 MARS 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/12099. Arrêt n° 2015/136. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de Menton en date du 30 avril 2013 : R.G. n° 11-12-0037.

 

APPELANTE :

SA SURAVENIR

demeurant [adresse], représentée par Maître Robert B., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Maître Claudie C., avocat au barreau de BREST

 

INTIMÉES :

Madame X.

née le [date], demeurant [adresse], représentée par Maître Olivia C., avocat au barreau de NICE

SA FINANCO

prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [adresse], représentée par Maître Françoise B. de la SARL B. C. I., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Mme Véronique BEBON, Présidente, Madame Frédérique BRUEL, Conseillère, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 février 2015 puis les parties ont été avisées de la prorogation du délibéré au 10 mars 2015,

ARRÊT : Contradictoire ; Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 mars 2015 ; Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 20 avril 2009, la SA Financo a consenti à M. et Mme X., un crédit accessoire une vente d'un montant de 10.000 euros, remboursable en 84 mensualités de 185,03 euros, au taux de 6,96 %, avec souscription de l'assurance-crédit auprès de la SA Suravenir.

M. X. est décédé le 21 janvier 2011 des suites d'une maladie. La compagnie d'assurance a notifié à Madame X. un refus de prise en charge par lettre du 2 mai 2011.

Suite à l'opposition à une ordonnance d'injonction de payer prise à la requête de la SA Financo, le tribunal d'instance de Menton a, par jugement en date du 30 avril 2013, constaté que Mme X. est débitrice envers la SA Financo de la somme de 10.200,22 euros, débouté la SA Suravenir de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-crédit, condamné la SA Suravenir à payer à la SA Financo la somme de 10.200,22 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme principale de 8.632,58 euros à compter du 17 décembre 2011 et au taux légal sur le surplus, débouté Madame X. de sa demande de dommages intérêts et condamné la SA Suravenir à payer à Madame X. la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La SA Suravenir a interjeté appel de la décision

Par conclusions signifiées le 19 décembre 2014, elle demande à la cour de prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit par M. X., ce sur le fondement des articles 1108, 1109 et 1134 du Code civil, de débouter Madame X. de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès, de dire et juger l'arrêt commun et opposable à la SA Financo et à titre subsidiaire, de constater que son obligation contractuelle est limitée au capital restant dû au jour du décès, soit la somme de 8.468,58 euros.

Elle fait valoir que l'assureur n'accepte de garantir des risques que s'il est en mesure d'en résorber l'aléa, à défaut de quoi le contrat se trouve dépourvu de cause, ajoutant que, s'agissant de risques liés à l'état de santé, l'existence d'un traitement médical et d'une surveillance médicale régulière révèlent l'existence d'une pathologie qui rend la réalisation du risque plus que probable.

L'appelante conteste le caractère ambigu prêté par Madame X. à l'attestation médicale en ce qu'il n'est pas mentionné de date concernant les pathologies et traitements, alors que les prescriptions manuscrites du médecin correspondaient nécessairement à la période pour laquelle il était sollicité.

Elle ajoute également qu'il n'y a pas de consentement valable lorsque celui-ci a été donné par erreur, expliquant qu'en l'espèce, elle a accepté d'assurer une personne dont elle pensait que l'état de santé ne nécessitait aucun traitement ni suivi médical alors que M. X. présentait de multiples pathologies ainsi que l'a révélée l'attestation du médecin traitant de l'assuré après le décès de celui-ci ce qui entraînait que Monsieur X. n'était pas assurable.

 

Mme X. conclut au débouté de la SA Suravenir de son appel et y ajoutant, à sa condamnation au paiement des sommes de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la même somme à titre d'indemnité pour frais de procès.

Sur l'absence de cause, elle indique que l'assureur se fonde sur un questionnaire postérieur au décès qui n'établit pas le suivi médical de M. X. en 2009, ce questionnaire étant de plus établi sur un formulaire contenant la mention pré- imprimée selon laquelle M. X. ne suivait pas de traitement médical régulier ou n'était pas sous surveillance médicale à la date des 20 avril et 9 décembre 2009.

Elle fait valoir que l'argumentation soulevée par l'assureur pour conclure à la nullité du contrat d'assurance, repose sur le postulat que M. X. aurait été sous traitement médical au moment de la signature du contrat.

Madame X. se prévaut également des dispositions de l'article L. 112-3 du code des assurances relatives à l'imprécision de la question posée, rappelle que son mari n'est pas décédé d'hypertension artérielle ni de son diabète et ajoute que le questionnaire d'assurance ne satisfait pas aux exigences de la recommandation nº 90-01 concernant les contrats d'assurance complémentaire à un contrat de crédit à la consommation prise par la commission des clauses abusives.

 

La SA Financo conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de Madame X. au paiement de la somme de 10.200,22 euros, s'en rapporte sur la garantie de l'assureur et, dans l'hypothèse où celle-ci serait acquise, sollicite la condamnation de la SA Suravenir au paiement de la même somme ainsi que la condamnation de l'une ou l'autre, au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais de procès.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Dans le cadre du crédit consenti par la SA Financo à Monsieur X., celui-ci a souscrit à l'assurance « Invalidité-décès » proposée par le prêteur, auprès de la SA Suravenir, l'adhésion étant formalisée par la clause suivante :

« Assurance Incapacité de travail Décès pour les moins de 65 ans : il y adhère, s'il certifie à la date de signature de la présente offre, ne pas suivre un traitement médical régulier, ne pas être sous surveillance médicale, ne pas être en arrêt de travail et ne pas l'avoir été plus de trente jours consécutifs ou non au cours des douze derniers mois, ne pas être titulaire d'une pension d'invalidité.

Toute réticence ou fausse déclaration intentionnelle entraînerait la nullité de l'adhésion aux assurances (article L. 113- 8 du code des assurances).

L'emprunteur reconnaît avoir reçu et pris connaissance de la notice d'information sur les assurances facultatives insérées sur l'exemplaire de l'offre de crédit qui lui est destiné et en accepter les termes. ».

M. X. est décédé le 21 janvier 2011 des suites d'un cancer. Mme X., qui a sollicité la mise en œuvre de la garantie décès souscrite par son époux, s'est vue refuser cette garantie par l'assureur, au motif énoncé dans l'attestation remplie par le Docteur R., médecin traitant de M. X., de ce que celui-ci aurait été sous traitement médical habituel pour polypathologies à savoir hypertension artérielle et diabète non insulo-dépendant.

L'assureur fait valoir qu'il a été remis à M. X. une notice d'information sur les conditions générales du contrat d'assurance qui précise que pour bénéficier des garanties, l'emprunteur doit satisfaire aux conditions d'adhésion et avoir certifié exactes les informations relatives à sa situation.

Elle rappelle que pour la garantie « Assurance Invalidité Décès », ces conditions sont les suivantes :

« - ne pas suivre un traitement médical régulier,

- ne pas être sous surveillance médicale,

- ne pas être en arrêt de travail et ne pas l'avoir été plus de 30 jours consécutifs ou non au cours des douze derniers mois,

- ne pas être titulaire d'une pension d'invalidité ».

La SA Suravenir déduit de l'attestation du Docteur R., que M. X. ne remplissait donc pas les conditions d'assurabilité.

Aux termes de l'article 1964 du Code civil, « le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain ».

Si l'aléa conditionne l'assurabilité du risque, l'exclusion de la garantie doit néanmoins être subordonnée à la connaissance qu'avait l'assuré du caractère inéluctable du dommage en ce qu'elle supprime l'incertitude qui caractérise le contrat d'assurance.

Pour apprécier le caractère aléatoire du risque garanti, et par conséquent l'assurabilité du prétendant à la garantie, l'article L. 113-2, 2 du code des assurances prévoit que l'assuré est obligé « de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge », la déclaration de l'assuré ne pouvant porter que sur les seules questions posées.

En effet, le caractère imprécis et exprimé en termes généraux du questionnaire proposé au candidat à l'assurance ferait reposer sur celui-ci l'appréciation même des conditions exigées par l'assureur aux fins d'assurabilité du futur assuré.

En faisant signer à Monsieur X. un formulaire succinct exprimé en termes généraux, l'assureur ne peut reprocher à Monsieur X. d'avoir répondu de manière imprécise alors que n'étaient pas mises en œuvre, en application des dispositions ci-dessus visées, les conditions d'appréciation de l'assurabilité du risque.

Le moyen tiré de la nullité du contrat d'assurance souscrit par Monsieur X. est par conséquent rejeté, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné la SA Suravenir à garantir Monsieur X., mais réformé sur le quantum de la garantie, limitée à la somme de 8.468,58 euros représentant le capital restant dû à la date du décès de l'assuré conformément aux conditions d'assurance, Madame X. restant tenue pour le surplus des sommes réclamées par la SA Financo, soit de la somme de 1.731,64 euros au paiement de laquelle il y a lieu de la condamner.

Madame X. sollicite des dommages et intérêts mais sans expliciter sa demande qui par conséquent est rejetée.

Il convient de condamner la SA Suravenir au paiement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à Madame X. de la somme de 2.000 euros et à la SA Financo, celle de 1.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement du 30 avril 2013 prononcé par le tribunal d'instance de Menton sauf sur le montant des condamnations et garanties,

Statuant à nouveau :

Condamne la SA Suravenir à payer à la SA Financo la somme de 8.468,58 euros représentant le capital restant dû à la date du décès de Monsieur X. ;

Condamne Madame X. à payer à la SA Financo la somme de 1.731,64 euros pour solde de crédit ;

Déboute Madame X. de sa demande de dommages et intérêts ;

Y ajoutant :

Confirme ce jugement en toutes ses autres dispositions non contraires,

Condamne la SA Suravenir à payer à Madame X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à la SA Financo, celle de 1.500 euros sur le même fondement ;

Condamne la SA Suravenir aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE,                 LA PRÉSIDENTE,