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CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 30 mars 2015

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 30 mars 2015
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 14/02466
Décision : 210/2015
Date : 30/03/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 210
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5153

CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 30 mars 2015 : RG n° 14/02466 ; arrêt n° 210/2015

Publication : Jurica

 

Extrait : « que quoi qu'il en soit, il ressort du même courrier et de l'ensemble des débats que la difficulté dont ils font état ne résulte pas d'une information insuffisante sur les caractéristiques essentielles des biens vendus mais consiste dans l'inadaptation de ces biens aux dimensions de leur salle de bains ; que cette circonstance n'est pas la conséquence d'une violation par la société Design Cucine des dispositions de l'article L. 111-1 précité susceptible d'entraîner la nullité du contrat ;

que les conditions générales de vente stipulent que « sauf indication contraire, le vendeur n'est pas tenu d'établir un relevé ou un métrage de la pièce, les dimensions de celle-ci étant de la seule responsabilité de l'acheteur ; que si le client désire ce service particulier, le prix sera calculé selon le barème affiché en magasin ou mis à disposition » ; qu'indépendamment de cette clause, et sans méconnaître la nécessité de rétablir l'équilibre des relations contractuelles entre le consommateur profane et le professionnel, ce qui est l'objet du code de la consommation, tout consommateur moyen est normalement en mesure d'apprécier l'importance des cotes et dimensions dans un projet tel que celui dans lequel s'engageaient les époux X. et le risque qu'il y a à s'engager sans avoir de certitudes à ce sujet ; que les premiers juges ont considéré à juste titre qu'il n'était pas caractérisé de faute de la société Design Cucine ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur et madame X. de leur demande tendant à voir constater la nullité du bon de commande susvisé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DOUAI

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 30 MARS 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n  14/02466 ; arrêt n° 210/2015. Jugement (R.G. n° 13/01620) rendu le 18 mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

demeurant [adresse]

Représentés par Maître Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE ; Assistés de Maître Anne-Sophie GABRIEL, membre de la SCP THEMES, avocat au barreau d'ARRAS

 

INTIMÉE :

SARL DESIGN CUCINE

ayant son siège social [adresse] ; Représentée par Maître Arnaud DRAGON, avocat au barreau de DOUAI ; Assistée de Maître Odile DESMAZIERES, avocat au barreau de LILLE

 

DÉBATS à l'audience publique du 19 janvier 2015 tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Maurice ZAVARO, Président de chambre, Dominique DUPERRIER, Conseiller, Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mars 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 décembre 2014

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 24 février 2012, monsieur X. et madame Y., son épouse, ont signé dans le magasin de la société Design Cucine un bon de commande d'achat, de livraison et d'installation d'une salle de bains pour le prix de 16.496 euros et ont versé un acompte de 6.600 euros.

Ayant relevé appel d'un jugement contradictoire du 18 mars 2014 par lequel le tribunal de grande instance de Béthune les a déboutés de leurs prétentions, ils renouvellent devant la cour leurs demandes tendant à voir :

- prononcer la nullité de ce bon de commande,

- condamner la société Design Cucine à leur payer les sommes de :

* 6.600 euros à titre de restitution de l'acompte avec intérêts au taux légal à compter d'un courrier recommandé du 2 mars 2012,

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens.

Ils soutiennent :

- que la société Design Cucine n'a pas respecté l'article L. 111-1 du code de la consommation et a manqué à son obligation de conseil, en particulier en s'abstenant d'effectuer un métrage de leur salle de bains et de vérifier que les biens et prestations proposés étaient conformes aux besoins des acquéreurs et aux contraintes techniques susceptibles d'exister, comme en établissant un plan non coté et donc insuffisamment précis,

- que la clause dispensant la société Design Cucine d'effectuer un métrage, dont celle-ci se prévaut, est une clause abusive,

- que ladite société a fait preuve d'une résistance également abusive dès lors qu'ils l'ont informée dans ses locaux dès le lendemain de la signature du bon de commande et le 2 mars suivant par lettre recommandée avec accusé de réception de ce qu'ils n'entendaient pas donner suite à cette commande.

 

La société Design Cucine demande pour sa part à la cour de débouter monsieur et madame X. de leurs prétentions, de constater la validité du bon de commande et la rupture brutale des relations contractuelles aux torts exclusifs de ces derniers, de condamner en conséquence es appelants à lui verser la somme de 8.250 euros à titre d'indemnité en application des conditions générales de la convention signée par les parties outre 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir :

- que les époux X. ont accepté les conditions générales de vente qui stipulent notamment, d'une part, que le vendeur n'est pas tenu d'établir un relevé ou un métrage de la pièce, les dimensions de celle-ci étant de la responsabilité de l'acheteur, d'autre part que la mention « bon de commande » porté sur le devis lui donne valeur de contrat, de sorte que la vente est parfaite,

- qu'ils ont visé le plan, portant des mesures, établi d'après les instructions et informations qu'ils ont eux-mêmes fournies,

- qu'ils n'ont pas usé de la faculté qui leur était offerte de modifier le bon de commande relativement aux délais de livraison ou à des cotes erronées ou incomplètes,

- qu'ils ne démontrent pas que le projet était inadapté à leur salle de bains,

- qu'ils ont résilié le contrat unilatéralement et de manière fautive et sont tenus de l'indemniser du préjudice qui en résulte pour elle par le versement de l'indemnité prévue par l'article 1.7 des conditions générales du contrat en cas d'annulation de contrat ou, à défaut, de dommages et intérêts.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil ;

attendu qu'il n'est pas contesté que le bon de commande litigieux constitue un contrat, contenant des engagements réciproques des parties ;

attendu que l'article L. 111-1 du code de la consommation, dont se prévalent les époux X., dispose que tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ;

qu'en l'espèce, le tribunal a relevé à juste titre que le bon de commande est constitué d'un formulaire pré-imprimé, contenant de multiples postes, aux termes duquel sont précisés et chiffrés dans le détail les meubles commandés ainsi que les prestations et travaux prévus pour l'installation de la salle de bains ; qu'il ressort en outre du courrier que monsieur et madame X. ont adressé le 2 mars 2012 à la société Design Cucine que le contrat a été signé alors qu'ils avaient passé cinq heures dans le magasin et qu'il est permis de penser qu'ils ont choisi meubles et prestations en toute connaissance de cause ;

que quoi qu'il en soit, il ressort du même courrier et de l'ensemble des débats que la difficulté dont ils font état ne résulte pas d'une information insuffisante sur les caractéristiques essentielles des biens vendus mais consiste dans l'inadaptation de ces biens aux dimensions de leur salle de bains ;

que cette circonstance n'est pas la conséquence d'une violation par la société Design Cucine des dispositions de l'article L. 111-1 précité susceptible d'entraîner la nullité du contrat ;

que les conditions générales de vente stipulent que « sauf indication contraire, le vendeur n'est pas tenu d'établir un relevé ou un métrage de la pièce, les dimensions de celle-ci étant de la seule responsabilité de l'acheteur ; que si le client désire ce service particulier, le prix sera calculé selon le barème affiché en magasin ou mis à disposition » ;

qu'indépendamment de cette clause, et sans méconnaître la nécessité de rétablir l'équilibre des relations contractuelles entre le consommateur profane et le professionnel, ce qui est l'objet du code de la consommation, tout consommateur moyen est normalement en mesure d'apprécier l'importance des cotes et dimensions dans un projet tel que celui dans lequel s'engageaient les époux X. et le risque qu'il y a à s'engager sans avoir de certitudes à ce sujet ;

que les premiers juges ont considéré à juste titre qu'il n'était pas caractérisé de faute de la société Design Cucine ;

qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur et madame X. de leur demande tendant à voir constater la nullité du bon de commande susvisé ;

 

attendu que pour réclamer paiement de la somme de 8.250 euros, la société Design Cucine excipe de l'article 1.7 des conditions générales de vente qui stipule que si le vendeur accepte une demande d'annulation partielle ou totale d'une commande, le client devra régler à titre d'indemnité de résiliation conventionnelle une somme égale à 50 % du prix de la commande ;

que les débats révèlent que ladite société n'a pas accepté et, évoquant la rupture unilatérale et fautive des relations contractuelles qui lui est imposée, n'accepte toujours pas une annulation du contrat ;

que ladite clause ne trouve donc pas à s'appliquer ;

mais attendu que l'article 1184 du code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ;

que la demande de la société Design Cucine tendant à voir « constater la rupture brutale des relations contractuelles aux torts exclusifs des appelants », accompagnée d'une demande d'indemnisation, s'analyse en une demande de résolution du contrat aux torts de ces derniers ;

que le tribunal a rappelé à bon droit que, s'agissant d'un bon de commande signé au magasin et sans recours à un crédit, les époux X. ne bénéficiaient d'aucun droit de repentir ;

que ceux-ci ont manifesté dès le lendemain de la signature du contrat, verbalement, puis le 2 mars 2012 par courrier leur intention de ne pas satisfaire à leur engagement de recevoir livraison de la salle de bains et d'en régler le prix ;

qu'l y a lieu dès lors de prononcer, à leurs torts, la résolution du contrat ;

attendu que la résolution entraîne la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion de la convention et donc la restitution croisée des biens livrés et fonds versés ;

qu'il convient par conséquent de faire droit à la demande de restitution de l'acompte présentée par les appelants ;

qu'il appartient en revanche à ces derniers d'indemniser l'intimée du préjudice résultant de cette résolution ;

que c'est en estimant que ce préjudice équivalait au montant de l'acompte que les premiers juges ont rejeté la demande de remboursement de l'acompte sans accorder de somme supplémentaire à l'intimée ;

que la société Design Cucine, pour caractériser son préjudice, expose qu'elle 'a passé du temps avec le couple X. pour la réalisation d'un plan, tenant compte des données fournies par ledit couple et tenant compte des matériaux choisis par celui-ci, qu'elle s'est ensuite rapprochée de son fournisseur, qu'il s'agit d'un important investissement réalisé par la société à l'égard du couple X.’;

que cependant, consacrer du temps à un client potentiel dans l'espoir de lui vendre quelque chose, sans toujours atteindre ce but, fait partie de l'activité normale d'un commerçant, que le revirement des époux X. s'est exprimé dès le lendemain de la signature du contrat et que la société Design Cucine ne justifie pas de ce qu'elle aurait effectivement commandé à son fournisseur les meubles à livrer et aurait soit supporté des pénalités en annulant sa commande soit pris livraison de meubles spécifiques difficiles à écouler autrement ; que le préjudice résultant du manquement de ses cocontractants à leur engagement, indéniable en raison de la déception générée et de la perte d'une perspective de gain, doit donc être relativisé ; qu'une indemnité de mille euros est de nature à le réparer ;

attendu que les considération qui précèdent conduisent au rejet de toutes les demandes des époux X. ;

qu'il appartient à ces derniers, partie perdante, de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile ;

qu'il serait en outre inéquitable de laisser à l'intimée la charge intégrale de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur et madame X. de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du bon de commande d'achat, de livraison et d'installation d'une salle de bains qu'ils ont signé le 24 février 202 avec la société Design Cucine,

l'infirme pour le surplus,

prononce la résolution du contrat conclu le 24 février 2012 entre la société Design Cucine d'une part, monsieur et madame X. d'autre part,

condamne la société Design Cucine à payer à monsieur et madame X. la somme de 6.600 euros à titre de restitution de l'acompte, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

déboute monsieur et madame X. de leurs autres demandes,

les condamne solidairement à payer à la société Design Cucine les sommes de :

- mille euros (1.000 euros) à titre de dommages et intérêts,

- trois mille euros (3.000 euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamne solidairement aux dépens.

Le Greffier,                                       Le Président,

Delphine VERHAEGHE.                 Maurice ZAVARO.