CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 13 mars 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5163
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 13 mars 2015 : RG n° 13/10363
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais considérant que l'appelante a souscrit les contrats litigieux portant sur des matériels de sécurité de vidéosurveillance, dans le but d'assurer la protection de ses locaux professionnels, de sorte que, la location du matériel, ayant un rapport direct avec son exploitation, ne relève pas des dispositions invoquées du code de la consommation ».
2/ « Que la société CRISTAL prétend aussi avoir signé les documents contractuels sans connaître la nature de son engagement, en alléguant avoir subi la pression du représentant commercial du fournisseur qui l'aurait irrésistiblement conduit à signer les contrats sans avoir eu le temps de les lire en détail ; Mais considérant que l'appelante ne disconvient pas avoir apposé sa signature et son cachet commercial sur chacun des documents litigieux, de sorte qu'en sa qualité de commerçante avisée, exploitant plusieurs magasins, elle n'était pas impressionnable par l'argumentaire commercial du démarcheur, mais était, au contraire, en mesure de prendre utilement connaissance du texte des contrats et, habituée aux affaires, avait les moyens de les comprendre, de sorte qu'elle est régulièrement engagée par les stipulations y figurant ».
3/ « Que la société CRISTAL fait aussi valoir que, sous couvert de location financière, la société PARFIP aurait réalisé des opérations de crédit au sens des dispositions de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, sans être habilitée pour le faire ; Mais considérant que le bailleur financier n'a pas mis des fonds à la disposition de la locataire ni promis de le faire et que la location du matériel n'est pas assortie d'une option d'achat, de sorte que la société CRISTAL ne démontre pas la pertinence de son assertion ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 13 MARS 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/10363. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mars 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS : R.G. n° 2010054601.
APPELANTE :
SARL CRISTAL 74
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 ; Représentée par Maître Maxime BORJA DE MOZOTA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0358
INTIMÉS :
Maître DE CARRIERE ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAFETIC
Régulièrement assigné, non représenté
SAS PARFIP FRANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Elise ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231 ; Représentée par Maître Elisabeth BRICARD de LA FOREST DIVONNE, avocat au barreau de VERSAILLES
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : réputé contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les 2, 11 et 24 juillet 2008, exploitant divers fonds de commerce de vente de bijoux fantaisie dans des stations touristiques, la Sarl CRISTAL 74 (société CRISTAL) a souscrit onze contrats auprès de la société INNOVATYS (aux droits de laquelle se trouve la SA SAFETIC) portant sur des matériels de sécurité de vidéosurveillance. Les procès-verbaux d'installation ont été signés les 17, 25 et 28 juillet 2008. Conformément aux stipulations de l'article 14.2 des conditions générales, la partie location du matériel a été cédée à la SAS PARFIP FRANCE (société PARFIP), qui a racheté les matériels concernés, la société INNOVATYS restant en charge de leur maintenance.
Les loyers sont impayés depuis septembre 2008, en dépit des mises en demeure délivrées par lettres recommandées de PARFIP des 7, 8 et 9 avril 2010, visant la clause contractuelle de résiliation à défaut de paiement dans les 8 jours.
Le 28 juillet 2010, la société PARFIP a assigné la société CRISTAL devant le tribunal de commerce de Paris en vue de constater la résiliation des contrats à effet des 15, 16 et 17 avril 2010, d'ordonner la restitution des matériels sous astreinte de 50 euros par jour et de condamner la locataire à payer les sommes de :
- 47.017,15 euros au titre des loyers impayés, en ce compris la pénalité 8 %, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,5 % par mois à compter de la dernière mise en demeure du 9 avril 2010,
- 64.648,58 euros à titre d'indemnité de résiliation correspondant au montant total des loyers TTC restant à courir majorés de la pénalité de 10 %,
outre la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société CRISTAL, invoquant successivement la loi du 22 décembre 1972 sur la protection des consommateurs démarchés à domicile, le dol de la société INNOVATYS et son erreur sur la substance, a soulevé la nullité des contrats, puis le défaut de cause de la subrogation consentie par la société INNOVATYS à la société PARFIP en réclamant le remboursement des loyers prélevés sur son compte bancaire et, plus généralement, toutes sommes réglées par elle au titre des contrats litigieux et la somme de 5.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Le 4 avril 2011, la société CRISTAL a assigné la société SAFETIC en intervention forcée en demandant sa condamnation à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge au bénéfice de la société PARFIP et en réclamant la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société SAFETIC s'y est opposée en sollicitant reconventionnellement la somme de 2.521,84 euros, majorée des intérêts à compter du 17 octobre 2009 à l'encontre de la société CRISTAL au titre des frais d'installation du matériel et, pour le surplus, a formulé les mêmes demandes que celles de la société PARFIP tout en précisant que la société SAFETIC est demeurée propriétaire du matériel visé par un (douzième) contrat n° I04 0807009, en sollicitant la condamnation de la société CRISTAL à lui payer en outre les sommes de :
- 2.015,03 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 1,5 % par mois à compter du 29 septembre 2009, au titre des loyers,
- 5.367,84 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,
- 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société SAFETIC ayant été successivement placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, la société CRISTAL a appelé en intervention forcée dans la cause devant le tribunal, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, puis le liquidateur judiciaire, lesquels, aux différents stades de la procédure, ont repris les moyens et prétentions initialement soutenus par leur administrée lorsqu'elle était encore in bonis.
Par jugement contradictoire du 20 mars 2013 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a ordonné la restitution des matériels sans prononcer d'astreinte, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a :
- constaté la résiliation des contrats,
- condamné la société CRISTAL à payer à la société PARFIP, les sommes globales de 45.534,40 euros au titre des loyers impayés, de 11 euros au titre de la clause pénale attachée aux loyers, et de 58.782,44 euros au titre des différentes indemnités de résiliation.
Vu l'appel interjeté le 23 mai 2013, par la société CRISTAL et ses dernières écritures signifiées le 15 janvier 2015, par lesquelles elle réclame la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuit la réformation du jugement en soulevant à nouveau les mêmes moyens et prétentions qu'en première instance ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2015, par la société PARFIP intimée, par lesquelles elle réclame la somme de 3.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens et poursuit la confirmation du jugement et le rejet de la demande reconventionnelle de la société CRISTAL ;
Vu la signification à Maître Vincent de CARRIERE, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SAFETIC, de la déclaration d'appel selon acte du 6 août 2013 délivré à une personne présente Madame Angelina MANCHON, secrétaire et des conclusions d'appelant selon acte délivré le 2 septembre suivant, le liquidateur judiciaire n'ayant pas constitué avocat devant la cour ;
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que chacun des contrats litigieux comprend en fait deux conventions, l'une de prestation de vidéosurveillance, l'autre de location de matériel ;
Sur les moyens de nullité invoqués par la société CRISTAL à l'encontre des contrats :
Considérant que, prétendant ne pas être une professionnelle des matériels de sécurité, lesquels n'ont pas de rapport avec son activité de vente de bijoux fantaisie, la société CRISTAL estime se trouver dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur, pour en déduire que le code de la consommation est applicable ; qu'elle fait valoir que les conditions de l'article L. 121-23 n'ont pas été respectées de sorte que les contrats doivent être déclarés nuls de ce premier chef ;
Mais considérant que l'appelante a souscrit les contrats litigieux portant sur des matériels de sécurité de vidéosurveillance, dans le but d'assurer la protection de ses locaux professionnels, de sorte que, la location du matériel, ayant un rapport direct avec son exploitation, ne relève pas des dispositions invoquées du code de la consommation ;
Que la société CRISTAL soutient aussi que la procédure engagée par la société PARFIP à son encontre serait nulle au prétexte qu'il résulterait de l'affirmation du liquidateur judiciaire de la société SAFETIC, qui conteste la déclaration de créance opérée par la société PARFIP au passif de son administrée, qu'un nombre incalculable de dossiers auraient été refacturés par PARFIP à SAFETIC (sans davantage de précision), pour en déduire que la créance aujourd'hui revendiquée par la société PARFIP à son encontre a été « très certainement » remboursée depuis longtemps par la société SAFETIC ;
Mais considérant que, débitrice du paiement aujourd'hui revendiqué par la société PARFIP en se fondant sur les contrats litigieux, la société CRISTAL ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, des paiements qu'elle invoque qui l'aurait libérée de sa propre obligation de paiement ;
Que la société CRISTAL affirme ensuite que le représentant de la société INNOVATYS l'aurait assuré que la compagnie d'assurances pendrait en charge une partie du coût mensuel en raison de la diminution du risque de vol du fait de la présence du matériel de vidéosurveillance ;
Mais considérant que l'appelante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la déclaration alléguée, de sorte qu'elle ne rapporte pas la démonstration du dol qui aurait vicié son consentement au moment de la souscription du contrat de location avec la société INNOVATYS dès avant la cession de celui-ci à la société PARFIP ;
Que la société CRISTAL prétend aussi avoir signé les documents contractuels sans connaître la nature de son engagement, en alléguant avoir subi la pression du représentant commercial du fournisseur qui l'aurait irrésistiblement conduit à signer les contrats sans avoir eu le temps de les lire en détail ;
Mais considérant que l'appelante ne disconvient pas avoir apposé sa signature et son cachet commercial sur chacun des documents litigieux, de sorte qu'en sa qualité de commerçante avisée, exploitant plusieurs magasins, elle n'était pas impressionnable par l'argumentaire commercial du démarcheur, mais était, au contraire, en mesure de prendre utilement connaissance du texte des contrats et, habituée aux affaires, avait les moyens de les comprendre, de sorte qu'elle est régulièrement engagée par les stipulations y figurant ;
Que la société CRISTAL, invoquant son erreur, prétend encore que les documents contractuels ne permettent pas de connaître précisément la consistance des biens loués ni l'identification du cocontractant ;
Mais considérant :
- d'une part, que chaque contrat précise le matériel dont il est l'objet, le lieu d'installation, sa durée et le montant de la mensualité HT, les mêmes éléments étant repris dans chaque procès-verbal de réception,
- d'autre part, qu'initialement, la société INNOVATYS, dont la signature et le cachet commercial figurent sur les Conditions particulières et Prise de consignes est clairement identifiée en qualité de contractant, tant pour la prestation de vidéosurveillance, que pour la location du matériel et que la cession du contrat de location à la société PARFIP est expressément prévue par les articles 14.2, 14.3 et 14.4 du contrat ;
Que la société CRISTAL fait aussi valoir que, sous couvert de location financière, la société PARFIP aurait réalisé des opérations de crédit au sens des dispositions de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, sans être habilitée pour le faire ;
Mais considérant que le bailleur financier n'a pas mis des fonds à la disposition de la locataire ni promis de le faire et que la location du matériel n'est pas assortie d'une option d'achat, de sorte que la société CRISTAL ne démontre pas la pertinence de son assertion ;
Qu'en conséquence les moyens de nullité ne seront pas accueillis ;
Sur les demandes du bailleur financier :
Considérant qu'en se bornant à affirmer que les caméras fixes préconisées par la société INNOVATYS étaient totalement inefficaces pour assurer la surveillance des présentoirs de bijoux, la société CRISTAL ne s'explique pas sur cette prétendue inefficacité et ne verse pas au dossier des éléments de nature à étayer ses allégations ;
Que la production d'articles de presse et de captures d'écran de pages de sites internet dénonçant les pratiques commerciales critiquées par certains internautes, ne démontrent pas davantage que la société CRISTAL en aurait elle-même été victime ;
Que les contrats n'étant pas annulés, il appartient à la société CRISTAL d'exécuter les obligations essentielles qui pèsent sur elle, à savoir le paiement des loyers correspondant à l'investissement consenti par le bailleur financier pour l'achat du matériel de vidéosurveillance qu'elle a choisi auprès du fournisseur et à propos duquel elle a exprimé sa satisfaction dans sa lettre du 24 juillet 2008 (pièce n° 20 de l'intimée) ;
Que, dès lors, sa demande de remboursement de toutes sommes réglées par elle au titre des contrats litigieux n'est pas fondée et que, du fait de la cession du contrat de location, la société PARFIP se trouve subrogée dans les droits correspondants de la société INNOVATYS ;
Que le rappel, par la société CRISTAL, que la relation contractuelle avec la société PARFIP ne peut exister sans la relation contractuelle avec SAFETIC est inopérante, dès lors qu'il n'est pas démontré que la société INNOVATYS, puis la société SAFETIC, venant à ses droits et obligations, n'auraient pas exécuté une demande de maintenance du matériel émanant de la société CRISTAL, étant observé qu'il se déduit de la copie de l'assignation versée aux débats par la société CRISTAL (pièce n° 11) que la société SAFETIC a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 13 février 2012 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, alors que les contrats litigieux, objet de la présente instance, ont été résiliés en avril 2010 ;
Que, sur le fond, la société CRISTAL n'a pas critiqué les montants arrêtés par le tribunal et qu'en poursuivant la confirmation du jugement, la société PARFIP y a acquiescé ;
Considérant que, succombant dans son recours, la société CRISTAL ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à l'intimée la charge définitive de ceux qu'elle a exposés en cause d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la sarl CRISTAL 74 aux dépens et à verser la somme de 3.000 euros à la SAS PARFIP FRANCE, au titre des frais irrépétibles d'appel,
Admet Maître Elise ORTOLLAND, avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président