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TGI SAINT-DIE-DES-VOSGES, 12 décembre 2003

Nature : Décision
Titre : TGI SAINT-DIE-DES-VOSGES, 12 décembre 2003
Pays : France
Juridiction : Saint-Dié-des-Vosges (TGI)
Demande : 01/00458
Date : 12/12/2003
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 20/06/2001
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 6 février 2007
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 518

TGI SAINT-DIE-DES-VOSGES, 12 décembre 2003 : RG n° 01/00458

(sur appel CA Nancy (1re ch. civ.), 6 février 2007 : RG n° 04/00421 ; arrêt n° 285/2007)

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-DIÉ-DES-VOSGES

JUGEMENT DU 12 DÉCEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 01/00458.

 

ENTRE :

Monsieur X.

né le [date de naissance] à [lieu de naissance] - de nationalité Française - Profession : Retraité - demeurant [adresse],

DEMANDEUR AU PRINCIPAL - DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL

représenté par Maître Romuald GBEDEY, avocat postulant au barreau de SAINT-DIÉ-DES-VOSGES, Maître Laurent BENTZ, avocat plaidant au barreau d'ÉPINAL

 

ET :

Monsieur Y.

le [date de naissance] à [lieu de naissance], demeurant [adresse], exploitant sous le nom commercial ÉTUDE GÉNÉALOGIQUE Z. dont le siège social est [adresse], RCS de PARIS sous le n° A 387 XXX XXX

DÉFENDEUR AU PRINCIPAL - DEMANDEUR RECONVENTIONNEL

représentée par Maître Pierre LEROY, avocat postulant au barreau de SAINT-DIÉ-DES-VOSGES, Maître Jean-Daniel DECHEZELLES, avocat plaidant au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré : Jacques STOLL, Président, statuant à Juge Unique en application des articles 801 et 802 du NCPC

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Corinne HEYDT

[minute page 2] DÉBATS : A l'audience publique du 14 novembre 2003

JUGEMENT : - prononcé publiquement par Monsieur STOLL, Président - contradictoire - en premier ressort - signé par Jacques STOLL, Président, et Mme HEYDT, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 20 juin 2001, Monsieur X. a fait assigner Monsieur Y., exploitant sous le nom commercial « Etude Généalogique Z. » aux fins d'entendre le Tribunal :

- Vu les articles 1384 et suivants, 1108 et suivants du Code Civil,

- dire et juger que le contrat de mandat passé entre Monsieur X. et l'Etude généalogique Z. est entaché de nullité,

- condamner l'Etude généalogique Z. à verser à Monsieur X. la somme de 156.613,55 francs, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2000,

- subsidiairement, fixer à 3.000 francs le montant des honoraires de l'Etude généalogique Z. et condamner en conséquence l'Etude généalogique Z. à restituer le surplus à Monsieur X., soit la somme de 153.613,55 francs, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2000.

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner l'Étude généalogique Z. à verser à Monsieur X. la somme de 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il expose qu'il est l'unique bénéficiaire de divers contrats d'assurance-vie souscrits par Madame W., pour un total de 324.900,93 Francs.

Il en a été informé par le défendeur qui lui a fait signer un document par lequel il lui donnait tous pouvoirs pour obtenir le remboursement de ces sommes.

[minute page 3] L'étude prétend avoir exécuté sa mission et a prélevé sur le montant qui lui est dû celui de ses honoraires.

Or, le contrat de mandat est entaché selon lui de nullité, pour ce qui est de la capacité, du consentement et de l'objet.

Par ailleurs, aucun accord n'a été passé entre les parties sur le montant des honoraires de l'Étude Généalogique Z.

Enfin, les diligences du défendeur sont des plus minimes.

Il ajoute, dans ses conclusions récapitulatives, la nullité du contrat de révélation de succession et du contrat de mandat, accessoire du contrat de révélation.

Le défendeur argue de l'extension de la saisine du Tribunal, en cours de mise en état pour la repousser en vertu des dispositions de l'article 56 du NCPC.

Il considère qu'il s'agit bien de la révélation d'une succession puisque c'est l'ouverture de celle-ci qui est la cause exclusive et déterminante de la vocation du demandeur à percevoir les capitaux stipulés à son bénéficiaire en cas de décès de la souscriptrice.

Le contrat de mandat est l'accessoire du contrat de révélation.

Tant la capacité que le consentement du demandeur sont selon lui parfaitement établis.

Enfin, le demandeur lui a donné quittance et décharge pour la déduction de ses honoraires.

L'objet du mandat est des plus clair et le montant de la rémunération conforme aux usages de la profession.

Il sollicite le débouté de la demande, et, reconventionnellement, un euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il subit, et 3.100 € au titre de l'article 700 du NCPC, outre l'exécution provisoire et la condamnation aux dépens.

Il est expressément renvoyé vers les écritures des parties pour plus ample informé de leurs moyens et prétentions.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur le caractère successoral des contrats d'assurance-vie :

Il convient tout d'abord de considérer que la demande de Monsieur X. mettant en cause le caractère successoral des contrats d'assurance-vie dont il a bénéficié relève non de la novation, mais présente le caractère de la demande additionnelle prévue à l'article 65 du NCPC en tant qu'elle se rattache par un lien plus que suffisant aux prétentions originaires.

Il en est de même pour les autres demandes additionnelles.

Il est évident, quant au fond, que les contrats d'assurance-vie dont a bénéficié Monsieur X. ont à voir avec la succession de Madame W., et l'argumentation contraire du demandeur sur ce point ne peut guère être reçue.

En effet, et pour preuve du lien entre ces contrats et la succession, il suffit de relever que les héritiers auraient pu demander le rapport des sommes figurant sur ces contrats à la succession.

Le lien entre la succession et les contrats est donc bien réel, et les termes utilisés par le défendeur dans son courrier 97-917 du 12 octobre 1999 ne souffrent aucune autre interprétation.

 

- Sur la nature du contrat initial du 12 octobre 1999 :

Les termes du contrat sont clairs. Il s'agit d'un contrat classique de « révélation », par lequel le généalogiste apprend à une personne l'ignorant l'existence de droits à son profit dans une succession.

La cause de ce contrat réside en cette révélation.

 

- Sur la nature du contrat du 10 décembre 1999 :

Celui-ci est à l'évidence un accessoire du contrat de révélation en ce qu'il ne crée aucun droit nouveau entre les parties, mais autorise le défendeur à procéder, pour le compte de Monsieur X., à « toutes démarches utiles et nécessaires » dans le cadre des droits ouverts au profit de ce dernier à l'occasion de la succession de Madame W.

Il ne s'agit pas là d'un nouvel objet, différent de celui révélé par le contrat du 12 octobre 1999, mais bien de la poursuite de la mission du généalogiste, et de la nécessité d'une délégation de pouvoir pour la mener à bien.

[minute page 5] La signature de Monsieur X., au demeurant, est accompagnée de la mention « bon pour pouvoir », et non « bon pour accord » comme celle revêtant le contrat du 12 octobre 1999.

Le contrat de mandat du 10 décembre 1999 est donc bien un accessoire du contrat de révélation, et ne peut se comprendre qu'en tant que tel.

Les demandes tendant à la nullité de ces deux actes seront en conséquence rejetées comme mal fondées.

 

- Sur les stipulations contractuelles liant les parties :

Celles-ci sont claires, et, dans le cadre très particulier de ce type de contrat, équitable.

En effet, le contrat du 12 octobre 1999 apporte à Monsieur X. l'intérêt d'une révélation qu'il aurait parfaitement ignorée sans l'intervention du défendeur.

Celui-ci fait l'avance des frais de l'opération et se propose d'en supporter « tous les aléas financiers ».

Il propose également qu'en cas d'insuccès, « pour quelque cause que ce soit », il conservera à sa charge tous les frais, de même qu'un éventuel déficit successoral « de façon que vous n'ayez jamais rien à avancer, ni à débourser ».

Ces stipulations mettant à sa charge les aléas de la revendication, le bénéficiaire de la révélation n'en supportant que les bénéfices, constituent une prise de risque unilatérale qui mérite compensation.

Celle-ci, qui comprend de manière précise les services rendus (révélation, démarches) et les risques courus, est chiffrée sans ambiguïté à 40 % de l'actif que le bénéficiaire recueillera, après déduction éventuelle « du passif, des droits de mutation, des frais de recherches et de règlement, TVA en sus ».

Les stipulations contractuelles sont exprimées de façon claire et précise, et s'imposent entre les parties après consentement.

Monsieur X. ne peut venir déclarer aujourd'hui qu'il ne connaissait pas la nature de son engagement.

[minute page 6] Il ressort en effet des pièces versées :

- qu'il a signé le contrat du 12 octobre 1999 en y ajoutant la mention « bon pour accord »,

- qu'il bénéficiait alors d'une possibilité, précisée dans le contrat, de rétractation pendant sept jours, dont il n'a pas fait usage,

- qu'il a signé le 10 décembre 1999 une délégation de pouvoir en y ajoutant la mention « bon pour pouvoir »,

- que sa signature a été « légalisée » par son notaire, Maître A., qui ne pouvait ignorer les circonstances de la demande de « légalisation », et qui, en légalisant, a sciemment contribué à la bonne fin de l'entreprise.

- qu'au demeurant ledit Notaire a été présent aux côtés de Monsieur X. durant les tractations ayant mené à la signature du contrat le 12 octobre 1999, et même avant que le généalogiste ne propose ledit contrat, comme en témoigne un courrier envoyé par Monsieur Y. à Maître A. en date du 6 août 1999 précisant les conditions de son intervention future.

Il ressort de ce qui précède, et notamment de cette lettre du 6 août 1999 adressée à Maître A., que ce dernier et son client Monsieur X. ne pouvaient alors ignorer qu'il s'agissait de contrat d'assurance-vie révélés selon une déontologie professionnelle évoquée par le généalogiste.

C'est donc en toute connaissance de cause que Monsieur X. a signé le contrat du 12 octobre 1999, bénéficiant de surcroît des conseils de Maître A., professionnel du droit.

La rémunération du généalogiste était clairement indiquée dans le contrat, et donc connue, et parfaitement acceptée par le consentement éclairé du demandeur.

Bien plus, Monsieur X. a donné quittance et décharge au généalogiste au vu d'un décompte comprenant le montant de la part lui revenant, le calcul des honoraires sur cette somme à hauteur de 40 %, et le « reste net » lui revenant de 168.041,40 Francs.

Ce faisant, il reconnaissait la réalité des stipulations contractuelles le liant à Monsieur Y., ne les contestait pas, et avalisait le calcul effectué et la somme lui revenant.

Il ne peut venir aujourd'hui expliquer qu'il ne comprend pas de quel contrat et de quels pourcentages il s'agissait.

[minute page 7] Il sera dès lors débouté également de ses demandes tendant à voir constaté un défaut de consentement.

 

- Sur la demande reconventionnelle :

La démarche de Monsieur X., alors que rien ne vient établir que son consentement ait été pris en défaut, est caractéristique d'une certaine mauvaise foi.

Elle met par ailleurs en cause, sans preuve, la déontologie du défendeur.

Cette démarche cause au défendeur un préjudice moral qui sera justement réparé par une somme de un euro.

La nature de l'affaire ne nécessite pas que l'exécution provisoire soit ordonnée.

Monsieur Y. a dû engager des frais pour sa défense non compris dans les dépens qu'il ne serait pas équitable de laisser à sa charge. Il recevra à ce titre une somme de 2.000 €.

Monsieur X., qui succombe, sera condamné aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DIT que les demandes additionnelles de Monsieur X. sont régulières et recevables.

LE DÉBOUTE cependant de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées.

LE CONDAMNE à payer à Monsieur Y. la somme de 1 € (un euro) au titre du préjudice moral.

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

CONDAMNE Monsieur X. à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 € (deux mille euros) pour ses frais de défense.

[minute page 8] CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT.