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TGI TOULOUSE (1re ch.), 20 octobre 2005

Nature : Décision
Titre : TGI TOULOUSE (1re ch.), 20 octobre 2005
Pays : France
Juridiction : TGI Toulouse. 1er ch.
Demande : 04/02809
Décision : 05/659
Date : 20/10/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 31/08/2004
Numéro de la décision : 659
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 528

TGI TOULOUSE (1re ch.), 20 octobre 2005 : RG n° 04/02809 ; jugement n° 05/659

(sur appel CA Toulouse (1e ch. sect. 1), 4 décembre 2006 : RG n° 05/06196 ; arrêt n° 504)

 

Extrait : « Selon les articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la Consommation et i) de l'annexe au premier nommé, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, notamment de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu effectivement l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat et se trouve notamment interdite comme abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

Or, il résulte du contrat préliminaire de réservation (article VII) que le délai prévisionnel d'exécution des travaux pourra être prolongé de plein droit de la durée d'interruption pour cas de force majeure ou plus généralement pour toute cause légitime de suspension du délai de livraison. Le doublement du délai de report de livraison n'était donc pas contractuellement annoncé dans cette convention et le jour de la signature de l'acte authentique, les acquéreurs n'ont pu qu'adhérer au nouveau libellé de cette clause. En outre, le contenu même de celle-ci a bien pour effet de réduire leur droit à réparation en cas de non respect des délais de livraison par le vendeur ou à les obliger à intenter une action à l'encontre de parties qui ne sont pas leur cocontractants direct pour essayer d'obtenir compensation du retard non indemnisé.

Il s'agit donc là d'une clause abusive au sens des articles susvisés et cet alinéa doit être annulé. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE

PREMIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 20 OCTOBRE 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 04/02809. Minute n° 05/659.

PRÉSIDENT : Madame BLANQUE-JEAN, Juge

Statuant à juge unique conformément aux dispositions de l'article 817 du Nouveau Code de Procédure civile.

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Madame BROUSSES, Greffier

DÉBATS : à l'audience publique du 7 octobre 2005, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l'audience de ce jour.

JUGEMENT : Contradictoire, en premier ressort,     prononcé par mise à disposition au greffe.

 

DEMANDEURS :

- Monsieur X.

demeurant [adresse] représenté par SCP DUPUY PEENE LERIDON, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 114

- Madame Y.

demeurant [adresse] représentée par SCP DUPUY PEENE LERIDON, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 114

 

DÉFENDERESSE :

SCI DU PARC ARZAC

dont le siège social est sis [adresse] représentée par Maître Nathalie LAURENT, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 135

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Le 7 octobre 2000, la SCI DU PARC ARZARC a signé avec les consorts X.-Y. un contrat préliminaire de réservation portant sur un appartement à construire au sein d'un immeuble situé [adresse], pour un prix de 1.676.000 francs.

L'acte authentique de vente a été signé en l'étude de Maître CHARRAS les 26 juillet et 14 août 2001, le délai de livraison étant fixé au 30 juin 2002.

Celle-ci n'étant intervenue que le 4 septembre 2003 avec réserves, par acte du 31 août 2004, les consorts X.-Y. ont fait assigner la SCI DU PARC ARZARC afin de la voir condamner, avec exécution provisoire, à leur verser les sommes de :

- 8.901,58 euros au titre des loyers supportés du fait du retard de livraison,

- 6.940 euros au titre des frais constitués par le déblocage prématuré des fonds sur les sommes placées,

- 8.000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 100 euros par mois au titre de l'impossibilité d'utiliser le cellier siège d'infiltrations,

- 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions récapitulatives des consorts X.-Y. en date du 21 septembre 2005 ;

Vu les conclusions récapitulatives de la défenderesse en date du 11 août 2005 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 octobre 2005 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- SUR LE RETARD DE LIVRAISON :

Un retard de 14 mois par rapport au délai contractuel est avéré et doit être interprété au regard des motifs justificatifs invoqués par la défenderesse et de l'interprétation de la clause suivante, dont les demandeurs soutiennent qu'elle est abusive en son alinéa 2 :

«  Causes légitimes de suspension du délai de livraison :

... Sont notamment considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison les événements suivants :

- intempéries prises en compte par les Chambres Syndicales Industrielles du [minute page 3] Bâtiment ou la Caisse du bâtiments et des Travaux publics...,

- retards provenant d'anomalies du sous-sol notamment tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales...,

- injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au vendeur,

Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier.

Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre.

Le tout sous réserve des dispositions des articles L. 261-11 du Code de la Construction et de l'Habitation et 1184 du Code Civil »

Selon les articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la Consommation et i) de l'annexe au premier nommé, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, notamment de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu effectivement l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat et se trouve notamment interdite comme abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

Or, il résulte du contrat préliminaire de réservation (article VII) que le délai prévisionnel d'exécution des travaux pourra être prolongé de plein droit de la durée d'interruption pour cas de force majeure ou plus généralement pour toute cause légitime de suspension du délai de livraison. Le doublement du délai de report de livraison n'était donc pas contractuellement annoncé dans cette convention et le jour de la signature de l'acte authentique, les acquéreurs n'ont pu qu'adhérer au nouveau libellé de cette clause. En outre, le contenu même de celle-ci a bien pour effet de réduire leur droit à réparation en cas de non respect des délais de livraison par le vendeur ou à les obliger à intenter une action à l'encontre de parties qui ne sont pas leur cocontractants direct pour essayer d'obtenir compensation du retard non indemnisé.

Il s'agit donc là d'une clause abusive au sens des articles susvisés et cet alinéa doit être annulé.

Sur la justification des intempéries, s'il est vrai que la défenderesse ne rapporte pas la preuve d'intempéries prises en compte par les Chambres Syndicales Industrielles [minute page 4] du Bâtiment ou la Caisse du Bâtiment et des Travaux publics, il convient d'observer que cette constatation relève non de la compétence des organismes visés par la clause ainsi qu'en atteste le courrier de la CCPBTP du 27 octobre 2004, mais de celle de l'entrepreneur par application de l'article L. 731-2 du Code du travail, ce qui rend inapplicable la clause dans son libellé contractuel. Il est toutefois conforme à la commune intention des parties de l'interpréter comme imposant au vendeur de justifier de l'existence des intempéries par l'intermédiaire des autorités compétentes. Il est produit une attestation du directeur de SM ENTREPRISE indiquant 10,5 jours d'intempéries en 2002 durant ce chantier et un procès-verbal de réunion de chantier attestant de deux jours en 2003. Cette durée de 13 jours sera donc retenue.

Pour ce qui est du retard consécutif à la nécessité d'effectuer des fondations spéciales, il est versé aux débats un courrier de QUALICONSULT du 20 août 2001 ainsi libellé « Suite à notre conversation téléphonique, nous vous rappelons que compte tenu de la nature du terrain et de la présence d'eau de la nappe phréatique, la solution actuellement envisagée pour la réalisation des murs périphériques du sous-sol n'est pas adaptée ».

Il en résulte qu'à cette date, le vendeur avait déjà été avisé au moins verbalement d'une modification du type de fondations et à compter de cette date, il lui incombait de recaler le planning des fondations, par ailleurs annoncé dans un courrier de début septembre 2001 adressé aux demandeurs comme devant débuter à cette époque.

La défenderesse ne verse pas aux débats les procès-verbaux de chantier, les planning de travaux, ou l'étude de sol et les préconisations qu'elle comportait permettant de déterminer sur la base de quels documents s'est fait le choix initial des fondations, quel était le délai initial pour réaliser celles-ci et enfin de dater sa connaissance des éléments susceptibles d'entraîner la modification du procédé initialement prévu. Elle ne démontre donc pas d'une part que le chantier a effectivement pris quatre mois de retard en raison de la seule modification de la nature des fondations ni d'autre part que cette modification est due, au sens de la clause, à des anomalies du sous-sol ignorées jusqu'alors. Ce motif ne sera donc pas considéré comme légitime.

Quant au troisième motif de retard tiré du dépôt d'un permis de construire modificatif, là encore, la défenderesse ne verse pas aux débats les documents susceptibles de démontrer que ce retard ne lui serait pas imputable. Il n'est pas établi quelle aurait reçu une injonction administrative ou judiciaire de suspendre les travaux Les permis de construire successivement obtenus ne sont pas produits et les courriers de Monsieur Z. ainsi que son droit de réponse stigmatisant le comportement d'un tiers propriétaire riverain ne sont pas de nature à démontrer le mal fondé des observations de ce dernier. Il résulte au contraire de ces courriers que le projet a dû subir une modification relative notamment à la hauteur de l'immeuble et il n'est pas justifié de ce que les modifications imposées à la suite du recours étaient effectivement mineures.

[minute page 5] Il n'est donc pas établi qu'étaient réunies les conditions légitimant la suspension du délai de livraison et le motif invoqué sera rejeté.

Il résulte de ces éléments que les demandeurs sont fondés à invoquer un retard de 13,5 mois et demi dans la livraison de l'immeuble.

Sur les préjudices subis, il ressort des quittances de loyer que les consorts X.-Y. ont exposé une somme de 8.835,18 euros de loyers de juillet 2002 à juillet 2003 ; cette somme leur sera allouée.

Sur les frais financiers, dans le dernier état de ses écritures, la SCI ne conteste plus le taux de 4,62 % au demeurant justifié par le relevé BNP du 22 octobre 2000 au 21 janvier 2001 (pièce 18). Le mode de calcul des consorts X.-Y. ne fait l'objet d'aucune contestation et il leur sera alloué la somme de 6.940 euros réclamée.

L'incertitude sur l'achèvement et le non respect réitéré des délais annoncés constituent un préjudice moral indemnisable et il sera alloué aux demandeurs une somme forfaitaire de 3.000 euros de ce chef.

Pour ce qui est de l'impossibilité d'utiliser le cellier, siège d'infiltrations, elle est avérée pour une durée d'un an du 4 septembre 2003 au 23 septembre 2004 date de la facture d'étanchéité de la SARL CASTILLO, la réparation de l'étanchéité étant confirmée par la note de synthèse de M. A. du 10 juin 2005. Ce chef de préjudice sera indemnisé par une somme globale de 600 euros.

Enfin, l'équité commande d'allouer aux demandeurs une somme de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la nature de la présente décision commande le prononcé de l'exécution provisoire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par décision contradictoire et en premier ressort :

[minute page 6] DIT que la SCI DU PARC ARZARC est responsable d'un retard de livraison de 13,5 mois ;

CONDAMNE la SCI DU PARC ARZARC à verser aux consorts X.-Y. les sommes de :

- 8.835,18 euros au titre des loyers de juillet 2002 à juillet 2003,

- 6.940 euros au titre des frais financiers,

- 3.000 euros pour préjudice moral,

- 600 euros pour l'impossibilité d'utiliser le cellier,

- 1.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

REJETTE toute demande contraire ou plus ample ;

ORDONNE l'exécution provisoire ;

LAISSE les dépens à la charge de la SCI DU PARC ARZARC ;

LE GREFFIER                                                LE JUGE