CA NANCY (2e ch. civ.), 3 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5303
CA NANCY (2e ch. civ.), 3 septembre 2015 : RG n° 14/01845 ; arrêt n° 1710/15
Publication : Jurica
Extrait (demande des intimés appelants incident) : « par ailleurs, dire et juger que les clauses suivantes : « la caution reconnaît contracter son engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique présente de l'emprunteur dont il lui appartiendra dans son intérêt de suivre personnellement l'évolution indépendamment des renseignements que la banque pourrait éventuellement lui communiquer.. », « la caution s'oblige à faire connaître à la Banque avant le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi précitée », comprises dans l'article 5 des conditions générales de l'acte de cautionnement son abusives, et les déclarer non écrites ».
Extrait (motifs) : « Attendu suivant l'article L. 341-6 du code de la consommation, que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement ; qu'à défaut la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ;
Attendu que la clause du contrat de cautionnement suivant laquelle la caution s'oblige à faire connaître à la banque avant le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi, ne peut avoir pour effet d'exonérer l'établissement de crédit de son obligation d'information et des sanctions qui s'y attachent, ni de sanctionner l'inaction de la caution par la privation de son droit à se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu que M. et Mme X. reconnaissant avoir reçu un seul courrier d'information le 13 mars 2009 et la Banque Populaire Lorraine Champagne ne rapportant pas la preuve qu'elle a ensuite satisfait à ses obligations, il y a lieu de la déclarer déchue de son droit aux intérêts de retard à compter du 13 mars 2009 ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/01845. ARRÊT n° 1710/15. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 12/00308, en date du 22 mai 2014.
APPELANTE sur appel principal :
INTIMÉE sur appel incident :
BANQUE POPULAIRE LORRAINE CHAMPAGNE
immatriculée au RCS de METZ sous le numéro XXX, sise [adresse] ; Représentée par l'AARPI LORRAINE AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, substituée par Maître Antoine C., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS sur appel principal :
APPELANTS sur appel incident :
Monsieur P. X.
demeurant [adresse]
Madame M.-Th. X.
demeurant [adresse]
Ensemble représentés par la SCP M.-L. ET F., avocat au barreau de NANCY, plaidant par Maître LE R. DE LA C., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 juin 2015, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, qui a fait le rapport, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Juliette JACQUOT ;
À l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 3 septembre 2015, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 3 septembre 2015, par Madame Juliette JACQUOT, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Madame Juliette JACQUOT, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 1er octobre 2008, la Banque Populaire Lorraine Champagne a consenti à Mme S. X. un prêt de restructuration, d'un montant de 34.000 euros au taux de 7,65 % l'an, pour le remboursement duquel M. P. X. et Mme M.-Th. X. se sont portés caution solidaire, par acte du même jour, à hauteur de la somme de 47.600 euros couvrant le principal, les intérêts et éventuellement les pénalités de retard.
La débitrice principale ayant cessé de s'acquitter du remboursement des échéances, la Banque Populaire Lorraine Champagne s'est prévalue de la clause de déchéance du terme et par courriers en date du 16 novembre 2011, a mis les cautions en demeure de lui régler les somme restant dues s'élevant à 34.608,67 euros au 29 décembre 2011.
Par acte du 19 janvier 2012, la Sa Banque Populaire Lorraine Champagne a fait assigner M. et Mme X. devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins :
- de les entendre condamner solidairement à lui payer la somme de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % l'an à compter du 29 décembre 2011
- dire qu'en cas d'octroi de délais de paiement, le premier acompte interviendra le 5 du mois suivant la signification du jugement à intervenir et que les acomptes suivants seront réglés le 5 de chaque mois, le dernier acompte comportant le solde du principal, intérêts, frais, article 700 et accessoires ;
- juger qu'à défaut pour les défendeurs de respecter l'échéancier, la créance deviendra immédiatement exigible ;
- ordonner l'exécution provisoire ;
- condamner M. et Mme X. à lui payer une somme de 1.200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civiles, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître C. de l'article 699 du code de procédure civile.
M. et Mme X. ont conclu :
- à titre principal, à la nullité des engagements de caution
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la Banque Populaire Lorraine Champagne à leur payer la somme de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % à compter du 29 décembre 2011, à titre de dommages intérêts pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde et à raison de son comportement frauduleux et des fautes qu'elle a commises à leur endroit
- plus subsidiairement, au rejet des demandes de la banque et, à tout le moins, à la prise en compte du versement des échéances du prêt jusqu'au 6 juillet 2011 soit 992,52 euros dans le calcul des sommes qui pourraient être mises à leur charge.
Ils ont prétendu par ailleurs que les clauses figurant à l'article 5 des conditions générales de l'acte de cautionnement, selon lesquelles « la caution reconnaît contracter son engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique présente de l'emprunteur dont il lui appartiendra, dans son intérêt, de suivre personnellement l'évolution indépendamment des renseignements que la banque pourrait éventuellement lui communiquer » et « la caution s'oblige à faire connaître à la banque avant le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi » sont abusives et réputées non écrites ; que la Banque Populaire Lorraine Champagne n'a pas rempli son obligation d'information et a commis une faute, ce qui justifie sa condamnation au paiement de la somme de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % à compter du 29 décembre 2011 avec compensation judiciaire entre les créances réciproques si nécessaire.
Les défendeurs ont également conclu au rejet de la demande de la Banque Populaire Lorraine Champagne au titre des pénalités et intérêts de retard échus depuis le premier incident de paiement du 3 mai 2011, et demandé au tribunal de dire et juger que M. X. ne sera pas tenu de régler les intérêts générés par la créance depuis le 13 mars 2009, que Mme X. ne sera tenue de régler aucun intérêt généré par la créance.
À titre infiniment subsidiaire, ils ont sollicité la réduction de l'indemnité de 7 % à l'euros symbolique et, sur le fondement des articles 1244-1 et 2 du code civil, la possibilité de s'acquitter du montant mis à leur charge en 23 mensualités de 200 euros et une 24e du solde restant dû, avec imputation prioritaire des versements sur le capital et suspension durant le délai de grâce de deux ans de toute voie d'exécution intervenue ou à intervenir à l'initiative de la Banque Populaire Lorraine Champagne.
Enfin, M. et Mme X. ont sollicité une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la demanderesse principale aux entiers dépens.
Par jugement en date du 22 mai 2014, déclaré exécutoire par provision, le tribunal a :
- débouté M. et Mme X. de leurs moyens relatifs à la nullité des actes de cautionnement et au caractère disproportionné de leur engagement
- dit que le prêt cautionné étant un prêt de restructuration, la situation financière de Mme S. X. est entrée dans le champ contractuel ce qui rend recevables les cautions à s'en prévaloir
- dit que lors de l'opération litigieuse, comprenant un contrat de prêt de restructuration garanti par un cautionnement, la Banque Populaire Lorraine Champagne a manqué à son obligation de mise en garde tant à l'égard de Mme S. X., débitrice principale, que de M. et Mme X. ès qualités de cautions, et qu'à l'égard de ces derniers en ne contrôlant l'utilisation des fonds prêtés, elle a commis une faute contractuelle équipollente au dol ne lui permettant de se prévaloir de l'engagements des cautions
- débouté la Banque Populaire Lorraine Champagne de l'intégralité de ses demandes
- et l'a condamnée à payer à M. et Mme X. la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les premiers juges ont rejeté les moyens tirés de la nullité des actes de cautionnement aux motifs que les prescriptions de l'ancien article L. 311-8 du Code de la consommation ont été respectées puisqu'en matière de prêt personnel, la durée minimale de 15 jours durant laquelle le prêteur est tenu de maintenir son offre, n'est pas un délai de réflexion pour l'emprunteur comme pour la caution et que rien n'empêche que l'offre soit acceptée le même jour, dès lors que le bénéficiaire de celle-ci n'est pas privé de sa possibilité de rétractation prévue à l'ancien article L. 311-15 du même code ; que les conditions générales et particulières du contrat de prêt ainsi que le contrat de cautionnement ont été paraphé par M. et Mme X. et leur fille de sorte qu'ils ne peuvent pas valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance des conditions du prêt cautionné, ces opérations ayant manifestement été réalisées dans le même trait de temps ; que les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ne font pas obstacle à ce que la caution approuve par l'apposition d'une unique signature, les deux mentions, qui se font immédiatement suite, écrites de sa main ; qu'enfin, l'article 2290 du Code civil n'interdit pas que la caution s'engage pour une durée plus longue que la durée initialement prévue pour le remboursement du prêt.
Le tribunal a débouté M. et Mme X. de leur moyen tiré de l'application de l'article L. 341-4 du code de la consommation en relevant que l'engagement de caution, limité à la somme de 47.600 euros n'est pas disproportionné au regard de leurs revenus mensuels qui s'élevaient, en 2008, à 2.957 euros, et de leurs charges fixes mensuelles de 1.595 euros, alors au surplus qu'ils sont propriétaires de leur maison.
Pour néanmoins rejeter les demandes de la banque, le premier juge, après avoir rappelé que suivant l'article 2313 du code civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et au sont inhérentes à la dette, que par ailleurs l'établissement de crédit est débiteur d'une obligation de mise en garde ayant pour objet les risques de l'opération envisagée et la disproportion envers les débiteurs profanes et les cautions et qu'il lui appartient de rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation, a énoncé :
- qu'en l'espèce, le prêt étant qualifié de « restructuration », la situation financière de l'emprunteur principal est un élément objectif et contractuel et ne constitue pas un élément personnel à l'emprunteur
- que lorsqu'elle a consenti le prêt litigieux à Mme S. X., la banque n'ignorait pas que l'endettement de celle-ci était important puisqu'elle disposait déjà à son encontre d'une créance d'un montant total de 22.945 euros pour des revenus de 1.577 euros en 2007 et 1.385 euros en 2008 ; qu'elle ne pouvait pas davantage ignorer, puisqu'elle détenait l'ensemble des avoirs bancaires de Mme X. depuis plusieurs années, que celle-ci avait contracté des prêts auprès d'autres organismes financiers
- que la Banque Populaire Lorraine Champagne ne démontre pas que ses obligations d'information et de mise en garde, envers les débiteurs non avertis, ont été respectées puisqu'elle n'a pas établi préalablement au contrat de prêt cautionné, une analyse précise et chiffrée de la situation financière de Mme S. X., situation qu'elle aurait dû communiquer aux cautions compte tenu de la nature du prêt
- qu'elle a également commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard des cautions en laissant à la disposition de la débitrice principale le solde des fonds prêtés, après remboursement de ses créances, sans s'assurer qu'ils seraient affectés au remboursement des crédits contractés par Mme S. X. auprès des autres établissements financiers et partant à la réduction de son endettement, l'endettement de la débitrice principale restant ainsi constant.
Le tribunal a énoncé que la Banque Populaire Lorraine Champagne a non seulement manqué à son devoir de mise en garde à l'égard des cautions mais que la faute qu'elle a commise à l'occasion de l'utilisation des fonds prêtés est équipollente au dol et ne lui permet pas de se prévaloir des engagements de caution de M. et Mme X.
Suivant déclaration reçue le 23 juin 2014, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne anciennement Banque Populaire Lorraine Champagne a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation.
Elle demande à la cour de :
- condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme principale de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % l'an à compter du 29 décembre 2011
- déclarer M. et Mme X. mal fondés en leur appel incident et les en débouter
- constater la validité de l'engagement de caution solidaire du 1er octobre 2008
- débouter M. et Mme X. de leur demande tendant au paiement de la somme de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % l'an à compter du 29 décembre 2011, la responsabilité de la banque ne pouvant être engagée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil
- constater qu'elle n'a commis aucune faute et débouter M. et Mme X. de leur demande indemnitaire
- débouter M. et Mme X. de leur demande fondée sur les dispositions des articles 1244-1 et 1244-2 du Code civil
- débouter M. et Mme X. de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- les condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Patrice C., avocat.
À l'appui de son appel, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne fait valoir que M. et Mme X. ne peuvent soutenir ne pas avoir reçu un exemplaire du contrat de prêt alors qu'ils l'ont paraphé ; qu'ils ne peuvent pas davantage prétendre que le contrat de prêt ne respecterait pas les dispositions de l'ancien article L. 311-15 du code de la consommation, alors que le prêt litigieux a été conclu avant l'entrée en vigueur de la loi Scrivener 1 et que les dispositions relatives au crédit à la consommation n'avaient vocation à s'appliquer qu'aux prêts d'un montant inférieur à 21.500 euros ; que l'absence de signature de l'une des pages de l'acte de cautionnement n'est pas de nature à remettre en cause la connaissance que M. et Mme X. avaient de ce document qu'ils ont daté et dont toutes les autres pages ont été signées et paraphées ; que la simple répétition de la mention « née X. » ne peut porter atteinte à la compréhension de l'acte de cautionnement et ne peut justifier son annulation ; que les dispositions de l'article 2290 du code civil n'interdisent pas que la caution s'engage pour une durée plus longue que la durée initialement prévue pour le remboursement du prêt.
L'appelante prétend par ailleurs, sur le moyen tiré de la disproportion de l'engagement de caution, laquelle disproportion s'apprécie au regard des biens propres et des biens et revenus de la communauté des deux époux qui se sont engagés simultanément, que le patrimoine immobilier de M. et Mme X., libre de toute hypothèque et valorisé par ces derniers à 350.000 euros, leurs revenus mensuels tant en 2008 qu'actuels ainsi que leurs charges, leur permettaient de faire face à leurs engagements, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de leur âge au jour du contrat et de la réduction de leurs revenus au titre d'une retraite programmée, ce qui stigmatiserait toute personne de plus de 60 ans.
Elle soutient, sur le moyen tiré des prescriptions de l'article L. 313-9 du code de la consommation, que conformément aux stipulations contractuelles, elle a prorogé le terme de l'exigibilité des échéances du prêt pour permettre à Mme S. X. de régulariser sa situation et qu'il ne lui appartenait donc pas d'informer les cautions de la défaillance de la débitrice principale puisque seuls les incidents de paiement caractérisés susceptibles d'inscription au fichier de la Banque de France doivent donner lieu à une information de la caution ; qu'au surplus, les cautions ont indiqué lors de leur engagement, contracter en pleine connaissance de la situation financière et juridique du débiteur principal, leur fille.
La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne fait valoir, sur le défaut de mise en garde et les fautes qui lui sont reprochés, que l'analyse du tribunal en ce qu'il a estimé que l'obligation de mise en garde à l'égard du débiteur principal constitue une exception inhérente à la dette est erronée, une telle obligation étant une exception purement personnelle au débiteur, selon la jurisprudence, puisque son appréciation repose sur l'examen de critères strictement personnels, à savoir la notion d'emprunteur averti ou non et le risque caractérisé ou pas d'endettement au regard de sa situation ; que de même, le tribunal a commis une erreur manifeste d'interprétation en considérant qu'elle aurait commis une faute équipollente au dol, alors en outre que selon la Cour de cassation, la caution ne peut opposer au créancier les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal, dont la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal, destinée à protéger ce dernier.
Elle prétend que s'agissant d'un prêt de restructuration ayant pour objet de ramener le compte de Mme S. X. dans des lignes créditrices ainsi que mentionné en page 4 du contrat, il ne peut être soutenu qu'elle n'a pas veillé à l'affectation des fonds ; qu'aucune manœuvre ou réticence dolosive ne peut lui être reprochée, les cautions étant parfaitement informées de la situation financière de l'emprunteuse principale ainsi que mentionné au contrat de prêt, ainsi que du fait que suite à l'opération de prêt, le compte de celle-ci devait fonctionner en position créditrice ; que le crédit n'était pas risqué et a permis de réduire le taux d'endettement de Mme S. X., étant rappelé que selon la jurisprudence constante, la banque n'est pas tenue à une obligation de mise en garde en cas de regroupement de crédits ou lorsqu'elle consent un crédit adapté aux capacités financières de l'emprunteur et au risque d'endettement né de l'octroi du prêt à la date de conclusion du contrat ; qu'il ne peut être soutenu qu'elle se serait remboursée en priorité en bloquant les prélèvements au profit des organismes extérieurs alors qu'elle a agi de concert avec Mme S. X.
Elle ajoute que les intimés ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1382 du Code civil en application du principe du non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles et prétend enfin, que l'indemnité contractuelle de 7 % n'a pas pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation et ne présente pas le caractère d'une clause pénale que le juge pourrait majorer ou minorer.
M. et Mme X. ont conclu au rejet de l'appel de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le prêt cautionné étant un prêt de restructuration, la situation financière de Mme S. X. est entrée dans le champ contractuel ce qui rend recevables les cautions à s'en prévaloir
- dit que lors de l'opération litigieuse, comprenant un acte de prêt de restructuration garanti par un cautionnement, la banque a manqué à son obligation de mise en garde tant à l'égard de Mme S. X., débitrice principale que de M. et Mme X., en leur qualité de cautions, et qu'à l'égard de ces dernier en ne contrôlant l'utilisation des fonds prêtés, elle a commis un faute contractuelle équipollente au dol ne lui permettant pas de se prévaloir de l'engagement des cautions.
Ils ont formé un appel incident et demandé à la cour de :
- dire et juger que le comportement de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne est entré dans le champ contractuel et est inhérent à la dette
- à titre principal, dire et juger que l'acte de cautionnement du 1er octobre 2008 est nul et de nul effet et que la banque ne peut pas s'en prévaloir, en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes
- à titre subsidiaire, dire et juger que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a adopté un comportement frauduleux, commis des fautes à l'encontre des cautions, qu'elle a manqué à son devoir de mise en garde, d'obligation de conseil et à son obligation de bonne foi tant à l'égard de l'emprunteur principal qu'à celui des cautions
- en conséquence, condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à leur payer la somme de 34.608,67 euros avec intérêt au taux de 7,65 % à compter du 29 décembre 2011 à titre de dommages et intérêts et ordonner compensation judiciaire entre les sommes réciproques dues par chacune des parties
- plus subsidiairement, dire et juger que les demandes de la Banque Populaire Lorraine Champagne ne présentent pas un caractère certain, en conséquence, la débouter de l'ensemble de celles ci
- à tout le moins, prendre en compte le versement des échéances du prêt jusqu'au 6 juillet 2011, soit une somme de 992,52 euros, dans le calcul de sommes qui pourraient être mises à la charge des défendeurs
- par ailleurs, dire et juger que les clauses suivantes : « la caution reconnaît contracter son engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique présente de l'emprunteur dont il lui appartiendra dans son intérêt de suivre personnellement l'évolution indépendamment des renseignements que la banque pourrait éventuellement lui communiquer.. », « la caution s'oblige à faire connaître à la Banque avant le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi précitée », comprises dans l'article 5 des conditions générales de l'acte de cautionnement son abusives, et les déclarer non écrites,
- dire et juger que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne n'a pas rempli ses obligations d'information, qu'elle a commis une faute à l'encontre des cautions ce qui leur a causé un préjudice,
- en conséquence, la condamner à leur payer la somme de 34.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % à compter du 29 décembre 2011, ordonner la compensation judiciaire entres les sommes réciproques dues par chacune des parties,
- si par impossible et extraordinaire le comportement dolosif de la banque n'entrait pas dans le champ contractuel, dire et juger que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a engagé sa responsabilité extra contractuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- en conséquence, condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à leur payer la somme de 24.608,67 euros avec intérêts au taux de 7,65 % à compter du 27 décembre 2011 à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation judiciaire entre les sommes réciproques dues par chacune des parties,
- à tout le moins, débouter la BPLC de sa demande de paiement des pénalités et intérêts de retard échus depuis la date du 3 mai 2011, date du premier incident de paiement,
- dire et juger que M. X. n'est pas tenu de régler les intérêts générés par la créance depuis la date du 13 mars 2009 et que Mme X. n'est tenue de régler aucun intérêt généré par la créance,
- à titre infiniment subsidiaire, dire et juge que l'indemnité de 7 % sollicitée par la banque sera réduite à l'euro symbolique,
- leur accorder le bénéfice des dispositions des articles 1244-1 et 1244-2 et suivants du code civil, dire et juger qu'ils s'acquitteront du montant mis à leur charge en 23 mensualités de 200 euros et une 24e mensualité du solde total restant dû, le tout sans intérêts et avec imputation prioritaire des versements sur le capital,
- dire et juger que toute voie d'exécution intervenue ou à intervenir à l'initiative de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne sera suspendue durant le délai de grâce de 2 années accordé aux défendeurs,
- débouter l'appelante principale de l'intégralité de ses demandes autres ou contraires,
- la condamner à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, tant d'instance que d'appel, lesquels seront recouvrés directement par la Scp M.-L. et X. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Sur le moyen tiré de la nullité de leur engagement de caution, M. et Mme X. font valoir que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne justifie pas leur avoir remis le contrat de prêt au titre duquel ils se sont engagés, alors qu'ils bénéficient du même délai de rétractation ou de réflexion que l'emprunteur ; qu'il existe un doute sur la date et le lieu de signature de celui-ci, la banque faisant état d'un contrat de prêt signé le 3 octobre 2008 ; que la page 3 de l'acte de cautionnement devrait porter la signature des cautions, que la page 5 ne comporte que la signature de M. X., que le document n'est pas daté ce qui ne permet d'accréditer, ni une datation certaine, ni l'engagement de Mme X. ni la certitude que l'ensemble des documents, s'agissant d'un contrat synallagmatique, ont été remis à chacun des cocontractants ; que les formules manuscrites ont été recopiées machinalement et sans aucune compréhension par les cautions et plus particulièrement par M. X. ; qu'alors que les deux mentions manuscrites des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation doivent chacune être recopiée par les cautions et suivie de leur signature, une seule signature figure à l'acte ; que le contrat de prêt a été souscrit pour une durée de 180 mois et le contrat de cautionnement pour une durée supérieure de 204 mois ; qu'or, l'engagement de la caution ne saurait intervenir pour une durée plus longue que l'engagement même du débiteur principal sauf à être qualifié d'engagement à durée indéterminée.
Ils exposent par ailleurs, que la disproportion s'apprécie en fonction des conséquences de l'engagement de caution lui-même, en fonction des revenus de chacun des époux sans tenir compte d'autres garanties, en fonction de l'âge de la caution au jour du contrat avec prise en compte de la réduction des revenus au titre d'une retraire programmée et en fonction de l'hypothèse d'un décès qui placerait le survivant dans une situation dramatique, et qu'au regard de ces critères, en particulier de leur âge, de leurs revenus et de leurs charges, ainsi que de la durée de leur engagement sur une période de 17 ans, leur engagement était disproportionné.
M. et Mme X. font valoir que s'agissant d'un prêt de restructuration, la situation financière de l'emprunteuse est entrée dans le champ contractuel ; qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, la Banque Populaire Alsace lorraine Champagne non seulement a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde tant à l'égard de Mme S. X. qu'à leur égard en leur qualité de caution, mais que son comportement est constitutif d'une fraude dont il peut résulter l'annulation de l'engagement principal et de sa caution, ou la fixation de dommages intérêts équivalents à la créance réclamée.
Ils exposent que la Banque, titulaire d'une créance s'élevant à près de 23.000 euros (12.500 euros au titre d'un prêt à la consommation, 9.044 euros au titre du découvert bancaire et 1.401 euros au titre d'un crédit révolving réserve d'argent) lorsqu'elle a consenti à Mme S. X. le prêt de restructuration d'un montant de 34.000 euros, connaissait sa situation gravement obérée, de même que titulaire des comptes de la débitrice, elle savait que celle-ci avait contracté d'autres prêts auprès des organismes de crédit Sofinco (remboursements mensuels de 41,70 euros), Monabanq (remboursements mensuels de 60 euros) et Diac (remboursements mensuels de 193,11 euros) ; que le prêt de restructuration a uniquement servi à rembourser à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne les prêts en cours ainsi que le découvert.
Ils prétendent que la banque qui savait pertinemment que Mme S. X. n'était pas en capacité, eu égard à ses revenus (1.385 euros mensuels en 2008 comprenant la pension alimentaire pour sa fille, devenue majeure en 2008) de rembourser les mensualités des prêts personnels qu'elle lui avait consentis et des crédits à la consommation, s'élevant à la somme globale de 650,71 euros, (ce qui représentait un taux d'endettement de 45 %) a usé de manœuvres pour la convaincre de souscrire le prêt de restructuration litigieux garanti par leur cautionnement.
M. et Mme X. font valoir que les agissements de la banque sont constitutifs à l'égard de la débitrice principale non seulement d'un manquement à son devoir de mise en garde au regard de son taux d'endettement, mais constituent des fautes dolosives, la banque ayant uniquement cherché à protéger ses propres intérêts au détriment de l'emprunteuse.
Ils ajoutent que conformément à la jurisprudence constante, ils peuvent se prévaloir de la nullité du contrat principal pour dol pour être dégagés de leur engagement et prétendent qu'en outre, la banque s'est livrée à leur égard, en leur qualité de caution, à une véritable fraude en leur cachant la situation véritable de Mme S. X., situation qu'eux-mêmes ne connaissaient pas, nonobstant les liens familiaux les unissant.
M. et Mme X. prétendent à titre subsidiaire que la banque a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard et que la perte de chance de ne pas avoir contracté est à la hauteur du montant qui leur est réclamé ; qu'en tout état de cause, s'il était considéré que le comportement dolosif n'entre pas dans le champ contractuel, l'appelante a néanmoins engagé sa responsabilité extra-contractuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Les intimés, appelants incidents prétendent encore que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne peut évoquer un défaut de règlement des échéances du 3 mai 2011 au 3 novembre 2011 soit un montant de 2.315,88 euros, alors que la débitrice n'a pas failli sur l'intégralité de la période puisque jusqu'au 6 juillet 2011, 3 échéances de 330,84 euros ont été débitées du compte et que le montant est donc inexact.
Ils exposent que la banque a manqué à son obligation d'information concernant la défaillance de l'emprunteur principal telle qu'édictée par l'article L. 313-9 du code de la consommation ; qu'elle n'est pas en mesure de justifier qu'elle les a informés de la défaillance de la débitrice principale intervenue le 3 mai 2011 ; qu'elle ne peut utilement soutenir que la défaillance de la débitrice n'est pas constitutive d'un incident de paiement caractérisé pouvant induire une inscription au fichier de la banque de France, ce qui exclurait l'obligation d'information de la caution alors que les impayés sont tels qu'ils ont entraîné la déchéance du terme du contrat de prêt ; que la Banque Populaire Lorraine Champagne ne peut s'exonérer par ailleurs de son obligation au motif que suivant l'article 5 des conditions générales de l'acte de cautionnement, les cautions s'engagent à suivre personnellement l'évolution du débiteur, cet engagement ne pouvant se substituer aux obligations légales de la banque ; que l'appelante a également manqué à son obligation d'information annuelle des cautions telle qu'elle résulte de l'article L. 341-6 du code de la consommation, alors qu'elle justifie d'un seul courrier adressé le 13 mars 2009 ; que la banque ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 5 des conditions générales de l'acte de cautionnement qui dispose que « la caution s'engage à faire connaître à la banque le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi », une telle clause qui transfère l'obligation légale pesant sur le professionnel sur le non professionnel étant une clause abusive.
M. et Mme X. sollicitent enfin la remise de l'indemnité de 7 % ainsi que des délais de paiement, compte tenu de leur situation de retraités et de leur âge.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Vu les conclusions déposées le 19 mars 2015 par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et le 6 mars 2015 par M. et Mme X., auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er avril 2015 ;
Sur les moyens tirés de la nullité des cautionnements opposés par M. et Mme X. :
Attendu en premier lieu, que l'article L. 311-8 ancien du code de la consommation qui dispose que les opérations de crédit visées à l'article L. 311-2 sont conclues dans les termes d'une offre préalable, remise en double exemplaire à l'emprunteur et éventuellement en un exemplaire aux cautions, la remise de l'offre obligeant le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de quinze jours à compter de son émission, n'est pas applicable aux prêts dont le montant, comme en l'espèce, est supérieur à 21.500 euros ; qu'il sera observé, en outre, que l'inobservation des dispositions de l'article L. 311-8 n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat ;
Attendu en l'espèce, que M. P. X. et Mme M.-Th. X. ont apposé leur paraphe sur l'ensemble des pages des conditions particulières et générales du contrat de prêt signé par leur fille, Mme S. X. ; que l'acte de cautionnement solidaire, dont toutes les pages sont paraphées tant par M. X. que par Mme X. qui ont reconnu avoir reçu un exemplaire, reprend l'ensemble des conditions du prêt consenti à Mme S. X., s'agissant d'un prêt de restructuration d'un montant de 34.000 euros en principal, au taux fixe de 7,650 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 318,09 euros sans assurance groupe et 330,84 euros avec assurance groupe, avec mention du taux effectif global de 8,100 % ;
Attendu par ailleurs, qu'il n'existe aucune ambiguïté sur la date à laquelle M. et Mme X. ont signé, en page 4/5 de l'acte, leur engagement de caution alors que la date du 1er octobre 2008 figure en page 3/5 dudit acte ;
Attendu que la mention manuscrite apposée par M. P. X. ainsi que par Mme M.-Th. X. dans les termes suivants : « en me portant caution de Mme S. X. dans la limite de la somme de quarante-sept mille six cent euros (47.600 euros) couvrant le paiement du principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 204 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si Mme S. X. n'y satisfait pas elle-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil, et en m'obligeant solidairement avec Mme S. X., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuivre préalablement Mme S. X. » est parfaitement conforme aux prescriptions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;
Que M. et Mme X. ne peuvent sérieusement soutenir que la juxtaposition de ces deux mentions a rendu leur compréhension plus difficile ; qu'il sera rappelé à cet égard, la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle l'acte de cautionnement solidaire, qui à la suite de la mention prescrite par l'article L. 341-2 comporte celle de l'article L. 341-3 suivie de la signature de la caution, est parfaitement valable ;
Attendu enfin, que l'article 2290 du code civil selon lequel le cautionnement ne peut excéder ce qui et dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ne fait pas obstacle à ce que la caution s'engage pour une durée plus longue que celle du prêt principal ;
Sur le caractère disproportionné du cautionnement :
Attendu suivant l'article L. 341-4 du code de la consommation, que « le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique, qu'elle soit caution profane ou avertie ou même qu'elle ait la qualité de dirigeant social, dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que son patrimoine, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ;
Que la caution est pour sa part, tenue à un devoir de loyauté dans la fourniture des renseignements qu'elle communique au prêteur, qui doivent être complets et exacts ;
Attendu qu'il sera également rappelé que si, en présence de plusieurs cautions, l'appréciation du caractère disproportionné doit se faire individuellement au regard des revenus et du patrimoine de chacune d'elles, il en va différemment lorsque le même cautionnement est souscrit par deux époux communs en bien ;
Attendu en l'espèce, qu'il résulte de la fiche d'information signée le 1er octobre 2008 par M. X. et par Mme X. qui ont attesté sur l'honneur l'exactitude des renseignements fournis, qu'ils disposent de revenus mensuels respectivement, de 2.000 euros et 1.200 euros et qu'ils sont propriétaires de leur maison d'habitation située à [...], estimée à 350.000 euros ; qu'ils remboursent un prêt contracté pour la réalisation de travaux remboursable par mensualités de 140 euros ainsi qu'un crédit automobile à hauteur de 450 euros par mois ;
Attendu au vu de ces éléments, que le cautionnement souscrit par M. X. et par Mme X. ne peut en aucun cas, être qualifié de disproportionné ; qu'en outre, au jour où ils sont recherchés, leur patrimoine immobilier leur permet de faire face à leur engagement ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande sur ce point ;
Sur la nullité des cautionnements pour dol :
Attendu suivant l'article 1116 du code civil, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;
Attendu en premier lieu, que le dol n'est cause de nullité que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ;
Attendu par ailleurs, que suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation (chambre mixte 8 juin 2007), la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal et qu'elle n'est pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement de celui-ci et qui, destinée à le protéger, constitue une exception purement personnelle ;
Attendu que M. et Mme X. ne peuvent donc, pour solliciter la nullité de leur engagement de caution, arguer des manœuvres ou pressions qu'ils prétendent que la banque aurait exercées sur Mme S. X., emprunteuse, pour la convaincre de souscrire le prêt de restructuration litigieux ;
Qu'en revanche, les intimés, appelants incidents, sont recevables à invoquer la nullité de leur engagement de caution à condition de rapporter la preuve que le prêteur, manquant à son obligation de contracter de bonne foi, a commis à leur égard un dol par réticence, alors que, sachant que la situation de la débitrice principale était irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, il a sciemment omis de porter cette information à leur connaissance, les incitant ainsi à s'engager ;
Qu'il sera observé à cet égard, que la clause du contrat de cautionnement selon laquelle 'la caution contracte son engagement en pleine connaissance de la situation financière et juridique présente de l'emprunteur dont il lui appartiendra, dans son intérêt, de suivre personnellement l'évolution', ne peut dispenser la banque de ses obligations d'information et de mise en garde et l'exonérer des conséquences d'un comportement dolosif ;
Attendu qu'il est constant en l'espèce, que le prêt consenti par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne le 1er octobre 2008, d'un montant de 34.000 euros au taux de 7,65 % l'an, était un prêt de restructuration, destiné, selon les déclarations concordantes des parties, à se substituer à un prêt personnel antérieurement consenti par la banque et à quatre crédits à la consommation contractés par Mme S. X., ainsi qu'au remboursement du solde débiteur du compte ouvert à son nom dans les livres de la Banque Populaire ;
Qu'il résulte à cet égard, des extraits bancaires qu'étaient prélevées chaque mois les sommes suivantes du compte de Mme S. X. :
- 297,40 euros au titre d'un prêt n° 16XX9 et 80 euros au titre d'un prêt réserve plus contractés auprès de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne
- 193,11 euros au titre d'un crédit Diac
- 60,00 euros au titre d'un crédit Monabanq
- 41,70 euros au titre d'un crédit Sofinco ;
Attendu qu'il ne peut donc être contesté que le prêt litigieux qui avait pour objet d'apurer un passif antérieur et de rééchelonner la dette, était de nature à alléger la charge mensuelle de remboursement de Mme S. X., qui passait de 672,21 euros à 330,84 euros et non d'aggraver sa situation économique ; que si ce prêt, assorti d'une garantie contrairement aux prêts antérieurement consentis, était conforme à l'intérêt de la banque, il était également conforme à l'intérêt de l'emprunteuse ;
Qu'il sera ajouté que les revenus mensuels moyens de Mme S. X. qui s'étaient élevés, pour l'année 2007, à 1.758 euros et pour l'année 2008, à 1.545 euros, soit déduction faite de la pension alimentaire perçue pour l'entretien de sa fille née en 1990, une moyenne mensuelle de 1.294 euros, lui permettaient de rembourser le prêt litigieux représentant un taux d'endettement de 25 % ; que d'ailleurs, les mensualités dudit prêt ont été acquittées jusqu'en avril 2011 ;
Attendu que M. et Mme X. ne rapportant pas la preuve que la situation de la débitrice principale était irrémédiablement compromise ou du moins lourdement obérée lors de la conclusion du prêt, et que la banque leur aurait sciemment dissimulé des éléments qui, s'ils les avaient connus, les auraient dissuadés de s'engager comme cautions, seront déboutés de leur demande sur le fondement du dol ;
Sur la demande de dommages intérêts à raison des fautes commises par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne dans l'octroi du prêt :
Attendu qu'il sera rappelé que le banquier dispensateur de crédit, qui a consenti au débiteur un crédit abusif ou inadapté peut voir sa responsabilité engagée, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, à l'égard de la caution non avertie à laquelle il fait courir un risque majeur d'être poursuivi s'il ne l'a pas avertie des risques d'endettement née de l'opération financée et liée au non remboursement du crédit pour lequel il s'est porté caution ;
Attendu en premier lieu, que M. et Mme X. ne peuvent, en vertu du principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, se prévaloir, à titre subsidiaire, des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Attendu, ainsi qu'il a été développé ci-dessus, que le prêt de restructuration consenti par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à Mme S. X. n'a pas aggravé sa situation dans la mesure où il ne constituait pas un nouvel endettement mais la reprise des crédits antérieurs avec une diminution des mensualités qui passaient de 672,21 euros à 330,84 euros ;
Que le prêt ne comportant aucun risque d'endettement, les cautions ne peuvent faire grief à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde ;
Attendu que M. et Mme X. prétendent par ailleurs que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a commis une faute en laissant à Mme S. X. la libre disposition des fonds prêtés alors qu'il lui appartenait de veiller au remboursement des prêts à la consommation ;
Attendu toutefois que suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le banquier n'est pas tenu, sauf disposition légale ou conventionnelle contraire, de contrôler l'affectation des fonds prêtés ; qu'or, en l'espèce, le contrat de prêt ne contient aucune clause de surveillance par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de l'affectation des sommes empruntées par Mme S. X. ;
Attendu, en outre, que la somme de 34.000 euros portée au crédit du compte de Mme S. X. le 16 octobre 2008 a été affectée le 18 octobre, pour 1.210,64 euros, au remboursement du crédit réserve plus et pour 10.957,19 euros, au remboursement anticipé du prêt personnel ;
Que s'il est constant qu'à la date du 30 septembre 2008, le compte de Mme S. X. accusait un solde débiteur de 9.044,53 euros, M. et Mme X. qui prétendent que le surplus des fonds prêtés n'auraient pas été affectés au remboursement anticipé des crédits Diac, Monabanq et Sofinco, ne produisent pas les extraits du compte bancaire de la débitrice principale postérieurs au 30 octobre 2008 qui permettraient de vérifier si des prélèvements étaient toujours opérés au titre desdits crédits à la consommation ; qu'il sera simplement observé que le dossier de surendettement déposé par Mme S. X. le 5 août 2011 ne fait pas mention de ces trois crédits à la consommation ce qui laisse présumer qu'ils avaient été soldés ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de l'ensemble de ces éléments, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, étant ajouté qu'en vertu du principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, ils ne peuvent fonder leurs prétentions sur l'article 1382 du code civil ;
Sur le manquement de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à son obligation d'informer la caution à l'occasion de la défaillance de l'emprunteuse :
Attendu, suivant l'article L. 313-9 du code de la consommation, que « toute personne physique qui s'est portée caution à l'occasion d'une opération de crédit doit être informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d'inscription au fichier institué à l'article L. 333-4. Si l'établissement prêteur ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée » ;
Attendu que l'article 4 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatifs au fichier national des incident de remboursement des crédits aux particuliers, précise qu'il y a incident de paiement caractérisé lorsque, pour un même crédit comportant des échéances, les défauts de paiement atteignent un montant cumulé au moins égal pour les crédits remboursables mensuellement, à la somme du montant des deux dernières échéances dues ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme S. X. ayant cessé de s'acquitter des mensualités du prêt à compter de l'échéance du 5 mai 2011, l'incident de paiement suite à l'impayé d'une deuxième mensualité en date du 5 juin 2011, était susceptible d'une inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
Or attendu que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne n'a informé les cautions de cet incident de paiement que par lettre du 16 novembre 2011 ;
Qu'elle ne peut utilement soutenir, sans en rapporter la preuve, qu'elle aurait prorogé le terme de l'exigibilité des échéances du prêt pour permettre à Mme S. X. de régulariser la situation ; que la clause du contrat selon laquelle les cautions indiquent contracter en pleine connaissance de la situation financière et juridique de la débitrice principale et s'engager à suivre personnellement l'évolution de la situation, est inopérante et ne permet pas à la banque de s'exonérer de ses obligations légales ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence, à déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard pour la période du 5 juin 2011 au 16 novembre 2011 ;
Sur le manquement de la banque à son obligation d'information annuelle :
Attendu suivant l'article L. 341-6 du code de la consommation, que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement ; qu'à défaut la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ;
Attendu que la clause du contrat de cautionnement suivant laquelle la caution s'oblige à faire connaître à la banque avant le 20 mars de chaque année l'absence de réception de l'information prévue par la loi, ne peut avoir pour effet d'exonérer l'établissement de crédit de son obligation d'information et des sanctions qui s'y attachent, ni de sanctionner l'inaction de la caution par la privation de son droit à se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu que M. et Mme X. reconnaissant avoir reçu un seul courrier d'information le 13 mars 2009 et la Banque Populaire Lorraine Champagne ne rapportant pas la preuve qu'elle a ensuite satisfait à ses obligations, il y a lieu de la déclarer déchue de son droit aux intérêts de retard à compter du 13 mars 2009 ;
Sur le montant de la créance de la banque :
Attendu que la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne s'établit comme suit :
- échéances impayées des 3 mai, 3 juin, 3 juillet, 3 août, 3 septembre, 3 octobre et 3 novembre 2011 : 330,84 euros x 7 : 2.315,88 euros
- capital restant dû au 3 décembre 2011 : 29.658,11 euros ;
Attendu qu'il sera observé pour répondre à l'objection des intimés, que deux paiements de 330,84 euros effectués, suivant historique du compte, le 7 avril puis le 17 mai 2011, ont été pris en compte et affectés aux mensualités de mars et avril 2011 ; qu'ils ne rapportent pas la preuve de trois autres règlements couvrant les échéances du crédit jusqu'au 6 juillet 2011 ;
Attendu par ailleurs que l'indemnité contractuelle de 7 %, qui prévoit une indemnisation forfaitaire pour sanctionner l'inexécution par l'emprunteur de son obligation de rembourser le prêt aux échéances convenues du fait de la déchéance du terme, constitue une clause pénale susceptible de réduction par application de l'article 1152 du code civil ;
Qu'en l'espèce, l'indemnité apparaît manifestement excessive au regard du taux d'intérêt du prêt et sera réduite à 500 euros ;
Que la somme de 32.473,99 euros portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 janvier 2012 ;
Sur l'application des articles 1244-1 et 2 du code civil :
Attendu suivant l'article 1244-1 alinéas 1 et 2 du code civil, que « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital » ;
Attendu qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, eu égard à de la situation de M. et Mme X., actuellement âgés de, et de la position de la créancière, de leur permettre de s'acquitter du remboursement de la dette en 23 mensualités qui ne sauraient être inférieures à 700 euros, compte tenu de leurs revenus qui s'élèvent mensuellement à la somme de 3.233,06 euros ainsi qu'ils l'indiquent dans leurs conclusions, et des délais dont ils ont déjà bénéficié de fait depuis le début de procédure, et une 24e du solde, et de dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ; que M. et Mme X. seront déboutés en revanche de leur demande tendant à être dispensé de tout intérêt pendant le délai de grâce ;
Attendu que par application de l'article 1244-2, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la créancière sont suspendues et les majorations d'intérêts cessent d'être dues ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que l'équité commande que soit allouée à l'appelante une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que M. et Mme X. qui succombent en leurs prétentions, seront déboutés de leur demande sur ce même fondement et supporteront les dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
DÉCLARE recevables l'appel principal de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne et l'appel incident de M. et Mme X. contre le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 22 mai 2014 ;
CONFIRME ce jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leurs demandes et moyens tendant à la nullité des actes de cautionnement ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. et Mme X. de leurs demandes sur le fondement du caractère disproportionné des cautionnements, sur le fondement du dol ainsi que sur le fondement du manquement au devoir de mise en garde ;
FAIT droit à la demande de M. et Mme X. tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts ;
CONDAMNE M. et Mme X. à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de trente-deux mille quatre cent soixante-treize euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes (32.473,99 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2012 ;
DIT que M. et Mme X. pourront s'acquitter du paiement de la dette en 23 versements mensuels, consécutifs et égaux de sept cents euros (700 euros) à compter du 5 du mois suivant la signification du présent arrêt et un 24e versement du solde en capital et intérêts ;
DIT qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité de la dette sera immédiatement et de plein droit exigible ;
DIT que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital ;
RAPPELLE que les procédures d'exécution qui auraient été engagées par la créancière sont suspendues et les majorations d'intérêts cessent d'être dues pendant les délais de grâce ;
CONDAMNE M. et Mme X. à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne une indemnité de huit cents euros (800 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. et Mme X. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. et Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et autorise Maître C., avocat, à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Juliette JACQUOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,