CA DIJON (2e ch. civ.), 10 décembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5379
CA DIJON (2e ch. civ.), 10 décembre 2015 : RG n° 13/01077
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par le décret du 11 novembre 2009, dont les dispositions ont été codifiées dans l'article D. 442-3 du code de commerce et sont entrées en vigueur le 1er décembre 2009 ; Qu'aux termes de cet article et de son annexe 4-2-1, le Tribunal de commerce de Nancy a été spécialement désigné pour connaître, en application de l'article L. 442-6 du code de commerce, des procédures applicables aux personnes, commerçants ou artisans, pour le ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy ; Qu'en statuant sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par l’EURL La Poinçonnaise Coffret, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, alors qu'il n'était pas désigné comme juridiction spécialisée par les dispositions réglementaires précitées, le Tribunal de commerce de Dijon a commis un excès de pouvoir justifiant l'annulation de sa décision ».
2/ « Attendu que, devant le premier juge, l’EURL La Poinçonnaise Coffret fondait sa demande indemnitaire sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, en vertu duquel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; Qu'à hauteur d'appel, ces dispositions légales ne sont plus invoquées par l'intimée, qui fonde désormais sa demande de dommages-intérêts sur l'article 1147 du code civil, reprochant à sa cocontractante d'avoir manqué à ses obligations contractuelles ; Que la fin de non-recevoir opposée par la SARL Groupe GBEA au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce sera en conséquence écartée ».
3/ « Que la demande en réparation des conséquences d'une exécution contractuelle fautive, dont est saisie la Cour, ne tend pas aux mêmes fins que celle présentée au Tribunal de commerce, qui avait pour objet la réparation d'un préjudice financier résultant d'une dépendance économique et qui relevait de la compétence d'une juridiction dont la Cour de céans n'est pas juridiction d'appel, et elle sera dès lors déclarée irrecevable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/01077. Décision déférée à la Cour : au fond du 2 mai 2013, rendue par le tribunal de commerce de Dijon R.G. 1ère instance n° 11/10594.
APPELANTE :
SARL GROUPE GBAE, venant aux droits de la société LA CAISSERIE N°1,
prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit au siège : Représentée par Maître Florent SOULARD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127, Assistée de Maître Christine ETIEMBRE, membre du cabinet juridique Saône-Rhône, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
EURL LA POINÇONNAISE COFFRET
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit au siège social : Représentée par Maître Cécile RENEVEY - LAISSUS de la SELARL ANDRE DUCREUX RENEVEY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 2, Assistée de Maître Evelyne PERSENOT-LOUIS, membre de la SCP BAZIN-PERSENOT LOUIS SIGNORET CARLO VIGOUROUX, avocat au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 octobre 2015 en audience publique devant la cour composée de : Madame OTT, président de chambre, Président, Monsieur WACHTER, conseiller, Madame DUMURGIER, conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame THIOURT,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2015.
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Madame OTT, Président, et par Madame THIOURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL Groupe GBAE vient aux droits de la société La caisserie numéro 1, qu’elle a absorbée par l’effet d’une fusion le 6 janvier 2011.
Cette société avait pour activité la fabrication et la commercialisation de caisses en bois personnalisées, destinées au secteur viticole haut de gamme.
Le 5 mars 2009, la société la Caisserie numéro 1 a signé avec Monsieur X. deux contrats, un contrat de fabrication et un contrat de vente de matériel.
Monsieur X. a ensuite créé la société La Poinçonnaise coffret, ayant pour activité la fabrication de caisses en bois destinées au secteur viticole.
Aux termes du contrat de fabrication, la société la Caisserie numéro un, dénommée l’acheteur, a confié à Monsieur X. et à la société La Poinçonnaise coffret la fabrication des coffrets bois destinés à l’emballage dans le secteur vinicole, avec une exclusivité d’approvisionnement, l’acheteur s’interdisant de vendre directement ou indirectement, et notamment par l’intermédiaire de toute société dans laquelle ses cogérants seraient associés, des produits autres que ceux réalisés et vendus par la société La Poinçonnaise coffret. En contrepartie, la société La Poinçonnaise coffret s’interdisait toute commercialisation directe de ses produits au-delà d’un rayon de 50 km de son lieu de production.
Ce contrat était conclu pour une durée de 7 ans.
Aux termes du contrat de vente, la société la Caisserie numéro un s’engageait à vendre à la société La Poinçonnaise coffret l’ensemble des machines de menuiserie détaillées dans l’annexe un du contrat, qu’elle devait utiliser pour la fabrication de ses produits en sous-traitance.
Ces deux contrats, conclus sous la condition suspensive d’obtention de prêts, ont donné lieu à un paiement de 500.000 € dont 300.000 € pour le stock et le matériel.
Les relations entre les parties sont rapidement devenues difficiles, la société La Poinçonnaise coffret se plaignant d’une insuffisance des commandes passées, et la société la Caisserie numéro un se plaignant, pour sa part, de l’incapacité de sa cocontractante à faire face aux commandes passées.
Le 18 juin 2010, les deux parties se sont rapprochées en vue d’une modification du contrat de fabrication, afin de permettre à la société la Caisserie numéro un de s’approvisionner auprès d’un autre fournisseur, et de permettre à la société La Poinçonnaise coffret de fabriquer pour un autre client, sous réserve que celui-ci n'exerce pas de concurrence sur la zone de chalandise de la société la Caisserie numéro un.
Aucun avenant au contrat n’était cependant signé et les relations contractuelles des parties ont pris fin, la société La Poinçonnaise coffret ne prenant plus de commande à compter du 26 novembre 2010.
Reprochant à sa cocontractante d’avoir démarché ses clients en leur présentant des prix inférieurs aux siens et d’avoir pris des commandes auprès de ceux-ci, à son insu, la Sarl GBEA, exploitant sous le nom commercial La Caisserie n° 1, a assigné l’Eurl La Poinçonnaise Coffret devant le Tribunal de Commerce de Dijon, par acte du 18 octobre 2011, sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, aux fins de paiement d’une somme de 358.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les agissements de concurrence déloyale commis par la société défenderesse.
L’Eurl La Poinçonnaise Coffret a, au visa de l’article L. 442-6 du Code de Commerce, conclu au débouté des demandes et, à titre reconventionnel, au paiement d’une somme de 660.446 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de l’abus commis par la Sarl GBEA qui lui a imposé des conditions de vente et des délais discriminatoires et qui l’a maintenue dans une situation de dépendance économique.
Par jugement rendu le 2 mai 2013, le Tribunal de commerce de Dijon a :
- débouté la société Groupe GBEA de l’ensemble de ses demandes,
- reçu l’Eurl La Poinçonnaise Coffret en sa demande reconventionnelle et l’a dite partiellement bien fondée,
- condamné la Sarl Groupe GBEA à payer à l’Eurl La Poinçonnaise Coffret la somme de 200.000 € au titre du préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce,
- condamné la Sarl Groupe GBEA à payer à l’Eurl La Poinçonnaise Coffret la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la Sarl Groupe GBEA en tous les dépens d’instance.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré qu’il y avait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties lors de la signature, le 5 mars 2009, des deux contrats de fabrication et d’achat du matériel de menuiserie, la société La Poinçonnaise Coffret se trouvant dans une situation de dépendance totale, de sorte que, d’une part, la Sarl GBEA ne pouvait se prévaloir de ces contrats pour prétendre à un quelconque comportement fautif et constitutif de concurrence déloyale et que, d’autre part, elle devait réparer le préjudice causé à l’Eurl La Poinçonnaise Coffret.
Par déclaration reçue au greffe le 7 juin 2013, la Sarl Groupe GBEA a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Le 8 novembre 2013, l’Eurl La Poinçonnaise Coffret a saisi en incident le conseiller de la mise en état, aux fins de voir déclarer l'appel irrecevable.
Par ordonnance rendue le 20 février 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’appel formé par la SARL Groupe GBEA à l'encontre du jugement rendu le 2 mai 2013 par le tribunal de commerce de Dijon, a dit que le conseiller de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur l'éventuelle irrecevabilité d’une demande faite au regard des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, a débouté les parties pour le surplus de l’incident et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseiller de la mise en état a relevé que le litige avait été introduit devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins de condamnation pour concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, et que ce n’est que pour s’opposer à cette demande et réclamer à titre reconventionnel des dommages-intérêts, que l’Eurl La Poinçonnaise Coffret s’est prévalue des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, et ce alors même que le tribunal de commerce de Dijon n’a pas été désigné comme juridiction spécialisée par l’article D. 442-3 du code de commerce.
Il a également retenu que la cour d’appel de Paris n’avait été spécialement désignée que pour connaître des appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées telles que déterminées par cet article D. 442-3.
Il a enfin considéré que, s’il semble que le premier juge avait pu méconnaître l’étendue de ses pouvoirs juridictionnels en accueillant des prétentions susceptibles de relever des spécificités de l’article L. 442-6 du code de commerce, il ne s’agissait pas là d’une exception d’incompétence mais d’une fin de non-recevoir ne relevant pas des pouvoirs du conseiller de la mise en état.
Par écritures notifiées le 23 juin 2015, la SARL Groupe GBEA demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dijon le 2 mai 2013,
Vu les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles D. 442-3 et suivants du code de commerce,
- constater que la demande reconventionnelle de la société La Poinçonnaise Coffret a été présentée devant une juridiction non compétente,
- constater que le Tribunal de commerce de Dijon a excédé ses pouvoirs en se prononçant sur cette demande,
En conséquence,
- dire et juger la demande reconventionnelle de la société La Poinçonnaise Coffret irrecevable,
Vu l’article 554 du code de procédure civile,
- dire et juger irrecevable la demande nouvelle présentée devant la Cour d'appel sur le fondement de l’article 1147 du code civil,
En tout état de cause,
Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil,
Vu l’article 1382 du code civil,
- dire et juger que la société La Poinçonnaise Coffret a manqué à ses obligations, notamment de loyauté, en ne mettant pas en œuvre des moyens aux normes, en ne respectant pas les cahiers des charges et les délais de livraison, en conservant les éléments de marquage qui ne lui appartenaient pas, en lui imposant la livraison de pièces qu’elle savait défectueuses et en modifiant unilatéralement ses tarifs, dans le seul but de mieux la désorganiser,
- dire et juger que les agissements de la société La Poinçonnaise Coffret sont des actes constitutifs de concurrence déloyale lui causant un préjudice important, plus particulièrement le comportement adopté après la rupture du contrat,
En conséquence,
- condamner la société La Poinçonnaise Coffret à lui payer la somme de 345.000 € au titre du préjudice subi, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Sur la demande reconventionnelle de la société La Poinçonnaise Coffret,
Vu l’article L. 442-6 du code de commerce,
Vu l’article D. 442-4 du code de commerce,
Vu l’article 1147 du code civil,
- dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute contractuelle,
- constater qu’elle ne s’est jamais livrée à des actes générant des déséquilibres significatifs dans les droits et obligations des parties,
En conséquence,
- débouter la société La Poinçonnaise Coffret de ses demandes reconventionnelles,
En tout état de cause,
Vu l’article 1382 du code civil,
- constater que la société La Poinçonnaise Coffret a abusé de son droit d’ester en justice,
En conséquence,
- la condamner à lui payer la somme de 203.000 € à titre de dommages-intérêts,
- la condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par écritures notifiées le 1er septembre 2015, l’EURL La Poinçonnaise Coffret demande à la Cour, au visa des dispositions de l’article 1147 du Code Civil et des articles 72 et 563 et suivants du code de procédure civile, de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 2 mai 2013 par le Tribunal de commerce de Dijon en ce qu’il a débouté la société Groupe GBAE, exploitant sous le nom commercial La Caisserie n° 1, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Groupe GBAE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- statuant à nouveau sur le quantum de son préjudice,
- condamner la société Groupe GBAE, exploitant sous le nom commercial La Caisserie n° 1 à lui payer la somme de 660.466 € à titre de dommages-intérêts,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
- débouter la société Groupe GBAE, exploitant sous le nom commercial La Caisserie n° 1, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Groupe GBAE à lui payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
La clôture de la procédure est intervenue le 24 septembre 2015.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs écritures ci-dessus évoquées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par le décret du 11 novembre 2009, dont les dispositions ont été codifiées dans l'article D. 442-3 du code de commerce et sont entrées en vigueur le 1er décembre 2009 ;
Qu'aux termes de cet article et de son annexe 4-2-1, le Tribunal de commerce de Nancy a été spécialement désigné pour connaître, en application de l'article L. 442-6 du code de commerce, des procédures applicables aux personnes, commerçants ou artisans, pour le ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy ;
Qu'en statuant sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par l’EURL La Poinçonnaise Coffret, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, alors qu'il n'était pas désigné comme juridiction spécialisée par les dispositions réglementaires précitées, le Tribunal de commerce de Dijon a commis un excès de pouvoir justifiant l'annulation de sa décision ;
Sur les actes constitutifs de concurrence déloyale :
Attendu qu'en premier lieu, la SARL Groupe GBEA reproche à l’EURL La Poinçonnaise Coffret, durant l'exécution du contrat de fabrication, de ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires à l'exécution de ses prestations pour mieux la parasiter ;
Qu’elle lui fait ainsi grief d'avoir, avant tout, recherché à obtenir des informations sur les clients, pour les utiliser par la suite à son propre profit, en ayant aucunement l'intention de mettre en place les moyens matériels et techniques nécessaires en vue d'assurer une production de qualité ;
Qu'elle soutient que sa cocontractante a installé les machines dans un bâtiment insalubre, sans installation électrique adaptée, dans des bâtiments destinés à une autre activité de son gérant, en précisant que certaines machines n'étaient pas stockées à l'intérieur du bâtiment, qu'aucun extracteur de poussière n'était installé et qu'il n'y avait pas de zones de stockage du bois à l'abri des intempéries ;
Qu'elle lui fait également grief d'avoir embauché des salariés non qualifiés et non motivés et de s'être organisée pour ne pas remplir les objectifs du contrat ;
Attendu que, d'autre part, l'appelante reproche à l’EURL La Poinçonnaise Coffret de ne pas avoir respecté les délais de livraison contractuellement prévus, ce qui a généré un retard important dans la fabrication, et impute ces retards de livraison au fait que sa cocontractante travaillait parallèlement des commandes concurrentes ;
Qu'elle lui fait également grief de ne pas avoir respecté le cahier des charges et de lui avoir livré des marchandises non conformes ;
Qu'elle considère que l'intimée a manqué de loyauté à son égard en s'associant avec des grossistes en caissons et en coffrets vinicoles, contrevenant ainsi à son obligation contractuelle de ne pas commercialiser ses produits dans un rayon de 50 kilomètres de son lieu de production ;
Attendu que la SARL Groupe GBEA prétend enfin que le comportement adopté par sa cocontractante l'a déstabilisée, notamment l'inexécution des commandes passées en fin d'année 2010, mais également le refus de prendre de nouvelles commandes à compter du 26 novembre 2010, l'augmentation significative de ses prix par l’EURL La Poinçonnaise Coffret, du jour au lendemain, le refus de ses traites sous prétexte d'impossibilité d'escompte et le refus de lui restituer l'ensemble de ses clichés sérigraphies et magnésiums, ce qui n'avait pour objet que de la discréditer auprès de sa clientèle ;
Attendu que l'intimée objecte que les difficultés de production qu'elle a rencontrées s'expliquent par les exigences qualitatives et tarifaires draconiennes de sa co contractante qui l'ont placée dans une situation impossible ;
Qu'elle prétend que, contrairement à ce qui était prévu, elle n'a pas bénéficié de l'assistance et du savoir-faire nécessaire de la société Caisserie n° 1, en reprochant à cette dernière de lui avoir vendu des machines en mauvais état, qu'il lui a fallu remettre en état avant la mise en route ;
Qu'elle reproche à sa cocontractante de n'avoir pas exécuté le contrat de bonne foi, ce qui ne lui permet pas de lui imputer un manquement contractuel ;
Attendu que si les manquements contractuels de l’EURL La Poinçonnaise Coffret sont avérés, le fabriquant de coffrets en bois n'étant en mesure ni de produire les quantités commandées dans les délais impartis, ni d'en assurer la qualité attendue, aucun des éléments du débat ne permet d'établir que ces manquements contractuels sont constitutifs d'agissements parasitaires, lesquels se définissent comme des comportements tendant à tirer profit de l'effort industriel, commercial, et professionnel d'un concurrent ;
Que l'utilisation par l’EURL La Poinçonnaise Coffret du matériel de production et du savoir-faire de la société La Caisserie n° 1 s'inscrivait dans le cadre des contrats de fabrication et de vente signés entre les parties, tout comme celle des informations relatives à sa clientèle, de sorte qu'elle ne peut présenter aucun caractère illicite ;
Qu'il n'est par ailleurs pas démontré que la signature de ces contrats n'avait pas d'autre objet pour l’EURL La Poinçonnaise Coffret que d'accéder aux informations clients de la société La Caisserie n° 1, étant observé que l'investissement réalisé par l'intimée, à hauteur de 500.000 euros, pour l'achat des machines de menuiserie et du stock de matières premières, démontre à lui seul la volonté du fabriquant d'exécuter les prestations contractuellement prévues ;
Attendu que, s'agissant des prétendus comportements déloyaux de l’EURL La Poinçonnaise Coffret, l'appelante n'apporte aucune preuve du traitement par le fabriquant de commandes concurrentes ni de la commercialisation des coffrets auprès d'autres partenaires commerciaux, antérieurs au mois de juin 2010, période au cours de laquelle la SARL Groupe GBEA a accepté que sa cocontractante produise pour le compte de la société Bourgogne Bois, dans la mesure où celle-ci ne ferait pas concurrence sur sa zone de chalandise ;
Attendu, enfin que, pour constituer un acte de concurrence déloyale, la désorganisation de l'activité d'un concurrent doit être la conséquence de comportements déloyaux ;
Que l'inexécution des commandes passées, le retard dans les livraisons, l'augmentation de ses prix par le fabriquant et sa résistance à restituer les clichés sérigraphies et magnésiums, s'ils caractérisent des manquements de l’EURL La Poinçonnaise Coffret à ses obligations contractuelles, sont insuffisants à démontrer l'existence de manœuvres employées par cette dernière en vue de déstabiliser la Caisserie n° 1, étant observé que l'ampleur de la désorganisation invoquée n'est pas démontrée ;
Qu'aucun acte de concurrence déloyale imputable à l’EURL La Poinçonnaise Coffret, durant l'exécution des relations contractuelles, n'est ainsi établi ;
Attendu, qu'en second lieu, la SARL Groupe GBEA reproche à l'intimée d'avoir démarché directement ou indirectement sa clientèle, à son insu, et d'avoir commercialisé des produits identiques à ceux figurant dans son catalogue, à des prix inférieurs aux siens ;
Qu'elle prétend démontrer qu'un certain nombre de ses clients sont devenus clients de l’EURL La Poinçonnaise Coffret et considère que cette dernière s'est ainsi rendue coupable d'actes manifestes de parasitisme ;
Que l’EURL La Poinçonnaise Coffret ne conteste pas avoir démarché certains clients de la Caisserie n° 1 mais considère qu'elle n'a pas exercé une concurrence déloyale ;
Attendu qu'il n'existe pas de droit privatif sur la clientèle et le simple démarchage de la clientèle d'un concurrent est licite dans la mesure où il n'est pas accompagné de procédés déloyaux ;
Que si les pièces produites par l'appelante révèlent que l’EURL La Poinçonnaise Coffret a démarché le domaine Jean Charton et le domaine du Manoir Murilsatien, par courriers des 5 et 28 janvier 2011, après rupture des relations commerciales existant entre les parties, en lui proposant des prix plus attractifs de 16 à 32 % moins chers à ceux pratiqués par la Caisserie n° 1, la proposition commerciale à moindre prix, qui pouvait tenir à la différence de qualité des produits vendus, n'est pas, en soi, constitutive de concurrence déloyale, étant rappelé que la SARL Groupe GBEA, durant l'exécution du contrat de fabrication, avait fait grief à l’EURL La Poinçonnaise Coffret de ne pas satisfaire à ses exigences de qualité ;
Qu'il s'ensuit que l'appelante qui ne rapporte pas la preuve d'actes de concurrence déloyale imputables à l’EURL La Poinçonnaise Coffret, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par l'EURL La Poinçonnaise Coffret :
Attendu que, devant le premier juge, l’EURL La Poinçonnaise Coffret fondait sa demande indemnitaire sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, en vertu duquel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
Qu'à hauteur d'appel, ces dispositions légales ne sont plus invoquées par l'intimée, qui fonde désormais sa demande de dommages-intérêts sur l'article 1147 du code civil, reprochant à sa cocontractante d'avoir manqué à ses obligations contractuelles ;
Que la fin de non-recevoir opposée par la SARL Groupe GBEA au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce sera en conséquence écartée ;
Attendu que l'appelante excipe également de l'irrecevabilité de la demande indemnitaire fondée sur l'article 1147 du code civil, motif pris de ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celle présentée au Tribunal de commerce ;
Que l’EURL La Poinçonnaise Coffret réplique que ses prétentions à hauteur d'appel sont les mêmes et que seul le fondement juridique diffère, comme le permettent les dispositions des articles 72 et 563 et suivants du code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ;
Que selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;
Que la demande en réparation des conséquences d'une exécution contractuelle fautive, dont est saisie la Cour, ne tend pas aux mêmes fins que celle présentée au Tribunal de commerce, qui avait pour objet la réparation d'un préjudice financier résultant d'une dépendance économique et qui relevait de la compétence d'une juridiction dont la Cour de céans n'est pas juridiction d'appel, et elle sera dès lors déclarée irrecevable ;
Sur les demandes accessoires :
Attendu que la SARL Groupe GBEA qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;
Qu’il n'est par ailleurs pas inéquitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure non compris dans les dépens exposés par l’EURL La Poinçonnaise Coffret ;
Qu'elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déclare la SARL Groupe GBAE recevable en son appel principal,
Déclare l’EURL La Poinçonnaise Coffret recevable en son appel incident,
Annule pour excès de pouvoir le jugement rendu le 2 mai 2013 par le Tribunal de commerce de Dijon,
Dit que la SARL Groupe GBAE ne rapporte pas la preuve d'actes de concurrence déloyale imputables à l’EURL La Poinçonnaise Coffret,
En conséquence,
Déboute la SARL Groupe GBAE de l'ensemble de ses demandes,
Déclare irrecevable comme nouvelle la demande reconventionnelle de dommages-intérêts présentée à hauteur d'appel par l’EURL La Poinçonnaise Coffret sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;
Condamne la SARL Groupe GBAE à payer à l’EURL La Poinçonnaise Coffret la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Groupe GBAE aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par Maître Renevey, avocat.