CA METZ (1re ch.), 10 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5389
CA METZ (1re ch.), 10 novembre 2015 : RG n° 14/01299 ; arrêt n° 15/00393
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-025689
Extrait : « La banque prêteuse de deniers, qui fait l'aveu express qu'elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation et s'est ainsi en toute connaissance de cause soustraite aux dispositions d'ordre public instituées en vue de la protection du consommateur personne physique face à un établissement bancaire, ne peut valablement et de bonne foi prétendre que sa manière de faire n'a causé aucun grief à ses cocontractants, alors que c'est précisément sur la base des deux contrats conclus en juillet 2006 avec un différé de paiement de 24 mois qu'elle s'oppose au moyen de prescription ici soumis à la cour en avançant que le premier incident de paiement non régularisé doit être fixée respectivement aux 7 et 8 août 2008, lequel a fait l'objet de ses mises en demeure des 16 septembre 2008 et 15 mars 2010, avec cette conséquence que selon elle sa demande n'est pas prescrite et cette conséquence pour les débiteurs, si une telle prétention était admise, de les priver du bénéfice des dispositions de l'article L. 132-7 [N.B. lire 137-2] du code de la consommation.
La fraude dans ces conditions caractérisée à deux reprises commise par cet établissement bancaire doit au contraire avoir pour effet, comme l'ont fait valoir à bon droit les appelants, de l'empêcher d'invoquer le bénéfice d'une situation volontairement et illégalement créée par elle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/01299. Arrêt n° 15/00393.
APPELANTS :
Monsieur X.
représenté par Maître BIVER-PATE, avocat à la Cour d'Appel de METZ
Madame Y. épouse X.
représentée par Maître BIVER-PATE, avocat à la Cour d'Appel de METZ
INTIMÉE :
Établissement CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Représenté par ses représentants légaux, représenté par Maître RIGO, avocat à la Cour d'Appel de METZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Monsieur HITTINGER, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller - Madame BOU, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame HOFF
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 8 septembre 2015
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 novembre 2015.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Saisi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence d'une demande tendant à la condamnation solidaire de Monsieur et Madame X. à lui payer la somme de 195.919,93 euros avec intérêts au taux de 3,55 % à compter du 10 décembre 2010 représentant le solde encore du sur un prêt relais d'un montant de 270.658 euros et la somme de 55.474,28 euros avec intérêts au taux de 3,55 % à compter du 10 décembre 2010 représentant le solde encore du sur un prêt relais d'un montant de 45.000 euros, outre les dépens et une indemnité pour frais irrépétibles,
et saisi par les défendeurs de conclusions tendant à contester les montants mis en compte, à préciser qu'un règlement est intervenu et à opposer que la demanderesse devait justifier des intérêts réclamés et de l'imputation du paiement effectué,
le tribunal grande instance de Sarreguemines, par jugement du 2 juillet 2013, a fait droit aux demandes de la banque, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné les défendeurs solidairement aux dépens.
Pour statuer ainsi le tribunal a jugé qu'au vu des documents produits la banque avait rapporté la preuve de l'existence de sa créance.
Toutefois compte tenu des indemnités contractuelles mises en compte pour ces deux prêts le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire encore application au profit de la demanderesse des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 28 avril 2014, M. et Mme X. ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 7 juin 2015, M. et Mme X. ont demandé à la cour :
- de juger leur appel recevable et bien fondé,
sur la demande principale de la banque
- de constater la prescription des demandes et de débouter la CRCAM de ses demandes,
- subsidiairement, de constater qu'ils ont réglé la somme de 28.898 euros et que la banque n'a pas décompté cette somme,
- d'annuler les clauses abusives et léonines portant intérêts supplémentaires et indemnités de recouvrement conventionnelles,
- de constater l'absence de valeur probante des décomptes non actualisés,
- de débouter la banque de ses demandes,
sur les demandes reconventionnelles
sur la nullité des contrats pour dol
- de prononcer la nullité des contrats de crédit souscrits et de leurs accessoires,
- de condamner la banque à radier à ses frais toutes les hypothèques prises et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard après signification de l'arrêt à intervenir,
- d'ordonner la restitution de toutes les sommes versées à la banque et de toutes les sommes payées pour les frais annexes aux contrats de crédit avec intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,
sur la responsabilité contractuelle de la banque
- de constater les manquements de la Caisse Régionale de Crédit Agricole à ses obligations,
- de la condamner à leur payer à titre de dommages-intérêts la somme de 251.394,21 euros au titre des deux crédits avec intérêts légaux au taux de 3,55 % à compter du 10 décembre 2010,
- d'ordonner la compensation entre les parties,
- de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole au titre du préjudice moral à leur payer une somme de 85.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt intervenir,
en toute hypothèse
de condamner la CRCAM au paiement d'une indemnité de 3.000 euros pour frais irrépétibles et à supporter tous les frais et les dépens, y compris ceux de première instance.
Par conclusions récapitulatives du 12 juin 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a demandé à la cour :
- de juger son action en paiement non prescrite et de la déclarer recevable,
- de déclarer irrecevables comme prescrites tant l'action aux fins de nullité des prêts que l'exception de nullité,
- de déclarer irrecevable en tout état de cause l'exception de nullité pour la raison que les deux contrats de prêts ont reçu un commencement d'exécution,
- de déclarer irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle au titre du devoir de mise en garde comme formulée pour la première fois en cause d'appel par conclusions du 22 septembre 2014,
- de constater que les époux X. ne rapportent pas la preuve de leurs prétentions,
- de les en débouter,
- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2013 par le tribunal grande instance de Sarreguemines,
- de condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 214.279,59 euros outre les intérêts au taux de 3,5 % à compter du 11 février 2015 la somme de 62.237,03 euros outre les intérêts au taux de 3,55 % à compter du 11 février 2015 sur la somme de 45.000 euros,
- de les condamner à payer à lui payer la somme de 1.500 euros pour frais irrépétibles et à supporter les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Vu les conclusions des parties en date des 7 juin 2015 et 12 juin 2015, les énonciations du jugement attaqué et les pièces versées aux débats
Sur la prescription de la demande en paiement de la CRCAM :
Au soutien de la fin de non-recevoir tendant à faire juger prescrites les demandes dirigées à leur encontre par la banque sur le fondement de l'article L. 137-2 du code de la consommation, texte jugé applicable aux crédits immobiliers, M et Mme X. ont fait valoir que le point de départ de ce délai de prescription biennale devait se situer à la date du premier incident de paiement non régularisé, soit le 16 mai 2006, quand bien même le prêt relais à paiement différé du 8 avril 2005 a été remplacé par de nouveaux contrats de crédit et ont fait grief à la banque de n'avoir pas procédé, comme elle aurait dû, par voie d'avenant, ce dont celle-ci convient, ce procédé ayant été en réalité utilisé dans le but de dissimuler que le premier crédit n'a pas pu être remboursé, alors pourtant que l'article L. 312-14-1 du code de la consommation dispose que en cas de renégociation de prêt les modifications du contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant notamment un échéancier des amortissements, le taux effectif global le coût du crédit calculé sur la base des échéances et frais en venir, ce dont il se déduit que la banque a manqué à ses obligations découlant d'une disposition d'ordre public de protection de l'emprunteur.
Ils ont ajouté qu'une telle violation constitue une fraude à leurs droits les ayant privés des droits prévus par lesdites dispositions.
Ils ont précisé que le premier incident de paiement non régularisé est caractérisé par l'envoi par le Crédit Agricole le 16 mai 2006 d'une mise en demeure, suivie le 25 juillet 2006 d'une seconde mise en demeure dans le même sens, avec cette conséquence que quel que soit la date retenue l'action du Crédit Agricole, introduite par assignation du 30 juin 2010, est prescrite.
Ils ont objecté que le point de départ du délai de prescription ne peut être repoussé au 7 août 2008, date de l'échéance du terme du nouveau prêt relais que la banque leur a fait souscrire le 25 juillet2006, pour prêt de la même somme que le prêt relais du 8 avril 2005 non remboursé à son unique échéance reportée à un an, mais augmentant le délai de remboursement du capital et des intérêts capitalisés pour le porter à deux ans.
Ils ont contesté que le courrier qu'ils ont adressé à la banque, faisant état de paiements ponctuels réalisés pour faire face la situation imposée par la banque constitue de leur part une reconnaissance du principe et du montant de la créance de celle-ci, en soulignant que si le Crédit Agricole avait tiré les conséquences légales du premier incident de paiement caractérisé ils n'auraient pas été contraints de tenter des remboursements partiels par crainte de leur créancier et de perdre leur entier patrimoine.
Ils se sont prévalus de la fraude commise par le Crédit Agricole interdisant à celui-ci de tirer bénéfice d'une situation illégale.
Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, la CRCAM a objecté que M. et Mme X. n'ont pu payer à l'échéance le prêt contracté en 2005 et ont demandé le 22 mai 2006 le renouvellement du crédit, admettant toutefois qu'il aurait fallu qu'elle leur propose la signature d'un avenant et non pas qu'elle établisse de nouvelles offres de prêts ;
Cependant elle a affirmé n'avoir, ce faisant, commis aucune faute et n'avoir causé aucun grief à ses cocontractants, qui à son sens ont au contraire bénéficié du formalisme rigoureux instauré par l'article L. 312-8 du code de la consommation ;
La banque a insisté sur le fait que l'article L. 312-14-1 du code de la consommation n'a prévu aucune sanction en cas de non-respect des dispositions qu'il contient.
Elle a soutenu que la cour n'avait donc à connaître que des deux nouveaux prêts conclus les 24 juillet 2006 et 8 juillet 2006, soit le prêt relais d'un montant de 270.658 euros avec un différé de 24 mois et le prêt relais d'une somme de 45.000 euros comportant un différé de même durée.
La banque a encore opposé, en application de l'article 2240 du Code civil, que la prescription a été interrompue par les débiteurs par la reconnaissance qu'ils ont fait de leur dette, se référant à cet égard à leurs conclusions du 5 mars 2015 dans lesquelles ils ont déclaré s'être toujours attachés à rembourser ce qu'ils pouvaient au prix de très importants sacrifices et avoir remboursé entre 2009 et 2014 la somme de 28.898 euros.
[*]
Il est important en l'espèce de rappeler les éléments de fait suivants découlant des écritures des parties et des pièces produites :
- Mme X., qui exerçait la profession de gardienne d'enfants, a dû cesser de travailler en raison de son état de santé et M. X. ayant perdu son travail percevait le RSA, le montant des revenus de ce couple étant par conséquent très modeste,
- ils ont envisagé d'accroître leurs revenus en exploitant des chambres d'hôtes et ont à cet effet acquis une maison d'habitation dans la région d'Avignon pour un prix de l'ordre de 470.000 euros, alors que le montant de leurs économies était très réduit et qu'ils avaient la charge d'autres prêts en cours qui obéraient ces revenus.
- clients du Crédit Agricole en Lorraine, ils ont été dirigés vers le Crédit Agricole Alpes Provence avec lequel ils ont souscrit le 8 avril 2005 deux prêts :
* un prêt relais d'un montant de 270.658 euros dont le remboursement était différé à un an, le contrat précisant que leur apport personnel était égal à zéro et qu'ils bénéficiaient d'un crédit extérieur d'un montant de 200.000 euros,
* un prêt de 200.000 euros remboursable en 240 mensualités de 1.278,66 euros avec l'indication d'un apport personnel de 265.698 euros, soit pratiquement le montant du prêt relais ci-dessus évoqué,
- il ressort de l'acte notarié, établi le 9 mai 2005, relatif à l'acquisition de la maison d'hôte financée à l'aide de ces prêts que la première et dernière échéance de ce prêt de 270.658 euros était fixée au 9 mai 2006.
Il faut constater que cette curieuse opération a eu pour effet, sinon pour but, de masquer le fait que M. et Mme X. ne disposaient d'aucun apport personnel.
Cependant l'exploitation des chambres d'hôtes n'a pas eu le succès escompté, de sorte que M. et Mme X. se sont révélés incapables de rembourser la somme prêtée à l'échéance du mois de mai 2006 (portant sur la somme de 270.658 euros augmentée des intérêts capitalisés sur le capital prêté) et que dès le 16 mai 2006 la caisse de Crédit Agricole Alpes Provence leur a adressé un courrier leur demandant de lui payer sous huit jours la somme de 280.891,74 euros, mise en demeure renouvelée en termes identiques le 25 juillet 2006.
En réponse à la première mise en demeure, M et Mme X. ont le 22 mai 2006 sollicité le renouvellement du crédit et la banque, au lieu de se conformer aux dispositions de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, leur a effectivement fait de nouvelles offres de prêts, lesquelles ont abouti à la conclusion le 24 juillet 2006 d'un prêt relais de 270.658 euros (soit le même montant que celui prêté le 8 avril 2005) comprenant un différé cette fois de 24 mois et d'un second prêt relais le 8 juillet 2006 d'un montant de 45.000 euros avec un même différé de 24 mois, dont l'objet n'est pas précisé dans l'acte de prêt, et selon les débiteurs à l'effet de régulariser de précédents impayés, avec cette indication que ce sont ces deux derniers prêts qui font l'objet de l'actuelle demande de l'intimée.
Il faut constater que cette offre de nouveaux prêts a eu pour effet, sinon pour but, de masquer le fait que M et Mme X. n'ont pas été en mesure, dès l'origine, de respecter leurs engagements et de supporter la charge que représentait pour eux les prêts contractés le 8 avril 2005, ce que la banque ne pouvait ignorer.
En effet, étant à l'origine de ce montage, la CRCAM connaissait les ressources et la situation patrimoniale des emprunteurs, le coût et les risques de l'opération envisagée, tout en se trouvant dans l'impossibilité de rapporter la preuve d'une part qu'elle s'est inquiétée préalablement des revenus et de la consistance du patrimoine de ses cocontractants, et pas davantage de la faisabilité de l'opération qui exigeait que dans l'année suivant leur installation dans le sud de la France les intéressés soient en mesure de dégager un bénéfice tel qu'il leur permettrait à la fois de vivre, de rembourser le 9 mai 2006 la somme de 270.658 euros majorée des intérêts contractuels capitalisés et la mensualité de 1.278,66 euros due au titre du prêt de 200.000 euros également conclu le 8 avril 2005 et d'autre part qu'elle a avisé M. et Mme X. du risque d'endettement qu'ils encouraient.
La banque prêteuse de deniers, qui fait l'aveu express qu'elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation et s'est ainsi en toute connaissance de cause soustraite aux dispositions d'ordre public instituées en vue de la protection du consommateur personne physique face à un établissement bancaire, ne peut valablement et de bonne foi prétendre que sa manière de faire n'a causé aucun grief à ses cocontractants, alors que c'est précisément sur la base des deux contrats conclus en juillet 2006 avec un différé de paiement de 24 mois qu'elle s'oppose au moyen de prescription ici soumis à la cour en avançant que le premier incident de paiement non régularisé doit être fixée respectivement aux 7 et 8 août 2008, lequel a fait l'objet de ses mises en demeure des 16 septembre 2008 et 15 mars 2010, avec cette conséquence que selon elle sa demande n'est pas prescrite et cette conséquence pour les débiteurs, si une telle prétention était admise, de les priver du bénéfice des dispositions de l'article L. 132-7 [N.B. lire 137-2] du code de la consommation.
La fraude dans ces conditions caractérisée à deux reprises commise par cet établissement bancaire doit au contraire avoir pour effet, comme l'ont fait valoir à bon droit les appelants, de l'empêcher d'invoquer le bénéfice d'une situation volontairement et illégalement créée par elle.
Il est à cet égard nécessaire d'insister sur le fait qu'en réalité le premier incident de paiement afférent au prêt relais du 8 avril 2005 n'a jamais été régularisé, sinon par l'adoption d'un procédé contrevenant aux dispositions de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, et sur la considération que les deux opérations menées par cette banque doivent être analysées comme constituant une seule et unique convention, y compris en ce qui concerne le prêt dit relai de 45.000 euros dont l'objet et l'intérêt ne sont aucunement justifiés au regard de l'acquisition un an auparavant (mai 2005) de la maison d'hôtes des époux X., et qui a ainsi accru indûment et de façon inutile la charge d'emprunts de ces personnes.
La cour juge par suite que les demandes et prétentions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence doivent être rejetées comme irrecevables car prescrites, les indications figurant dans les conclusions des appelants en date du 5 mars 2015 ne pouvant être regardées comme ayant valeur d'aveu judiciaire interruptif d'une prescription qui était déjà acquise à la date desdites écritures.
Sur la prescription de la demande tendant à la nullité des contrats de prêt pour dol :
M et Mme X. ont formé de demande reconventionnelle tendant à l'annulation des contrats souscrits par eux et de leurs accessoires en exposant que leur consentement a été vicié par les manœuvres dolosives de la banque.
Celle-ci n'a pas discuté le mérite de cette demande et s'est bornée à faire valoir qu'une telle demande, formée pour la première fois par conclusions du 29 septembre 2014, était prescrite en application de l'article 1304 alinéa 2 du code civil s'agissant des prêts souscrits les 8 juillet 2006 et 24 juillet 2006, que la prescription ne peut être soulevée par voie d'exception, cette faculté n'étant ouverte que lorsque le créancier demande l'exécution de l'acte après l'expiration du délai de prescription de l'action et que l'exception ne peut non plus être invoquée pour faire obstacle à l'exécution d'un acte qui a déjà reçu un commencement d'exécution.
M et Mme X. ont répliqué que leurs demandes de ce chef ne sont pas prescrites, compte tenu de ce que le délai de la prescription quinquennale n'a pu commencer à courir, selon les dispositions de l'article 1304 alinéa 2 du code de civil, qu'à compter du jour où ils ont découvert le dol dont ils ont été victimes de la part de leur cocontractant, cette découverte ayant été réalisée par eux courant 2014 lorsqu'ils ont consulté une association de consommateurs qui les a renseignés sur les droits qui leur étaient ouverts.
[*]
Cependant il ne résulte ni des écritures des appelants ni de leurs pièces qu'ils ont effectivement pris conscience des manœuvres dolosives de la CRCAM et de ce que leur consentement dans ces conditions aurait été surpris à une date bien postérieure aux dernières mises en demeure de la CRCAM et à l'engagement par celle-ci d'une procédure en paiement le 30 juin 2010, de sorte qu'il n'est pas possible de reporter le point de départ du délai de prescription quinquennale au-delà de la date de conclusion des contrats souscrits le 8 avril 2005 et les 8 juillet et 24 juillet 2006, contrats dont les termes étaient suffisamment clairs pour que les emprunteurs se rendent compte de la portée et surtout du poids de leurs engagements, et alors qu'il faut observer que les deux prêts relais de 270.658 euros des 8 avril 2005 et 24 juillet 2006 sont établis en termes strictement identiques à l'exception du délai à l'expiration duquel le capital prêté et les intérêts capitalisés devaient être payés à la banque.
M. et Mme X. ne peuvent non plus être admis à soulever ce moyen de nullité par voie d'exception puisqu'il ne peut être contesté en l'espèce que les contrats querellés ont reçu un commencement d'exécution, notamment par le versement à leur profit des sommes prêtées.
Cette demande doit être jugée irrecevable pour avoir été émise postérieurement à l'expiration du délai de prescription institué par le texte susvisé.
Sur la prescription de la demande d'indemnisation formée au titre du devoir de mise en garde :
M et Mme X. ont formé une autre demande reconventionnelle tendant à voir reconnaître la responsabilité de la banque en raison de la faute commise par elle découlant de ce qu'elle a failli dans son devoir de mise en garde et tendant à se voir allouer en réparation de leur préjudice une indemnité d'un montant équivalent aux montants de la créance mise en compte par la CRCAM.
La CRCAM a pareillement résisté à cette demande en objectant que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès l'octroi du prêt ;
elle s'est référée aux dispositions de l'article de 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 selon laquelle les actions personnelles ou mobilières se prescrivent se passent cinq ans, loi d'application immédiate entrée en vigueur le 19 juin 2008, ce qui implique que les époux X. auraient dû former leur action en responsabilité aux plus tard le 19 juin 2013.
M. et Mme X. ont affirmé que leur demande ne pouvait être déclarée prescrite, compte tenu de ce que le point de départ de la prescription quinquennale devait se situer à la date de manifestation du dommage, celui-ci s'étant effectivement manifesté, non pas le 16 septembre 2008 date du premier courrier leur faisant connaître la déchéance du terme, puisque le Crédit Agricole avait apparemment renoncé à cette mesure et avait poursuivi l'exécution des contrats, mais le 15 mars 2010 date à laquelle leur a été notifiée à nouveau la déchéance du terme et à laquelle ils ont su de façon certaine et irrévocable qu'ils ne pourraient plus obtenir d'autres délais et à laquelle se sont concrétisées les menaces d'exécution sur l'ensemble de leur patrimoine, y compris leur maison d'habitation.
[*]
L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Sur le fondement de ce texte il est jugé que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
Toutefois, de même que pour ce qui concerne les affirmations de M. et Mme X. concernant la date à laquelle ils auraient découvert des manœuvres dolosives de leur cocontractant, force est de constater que les appelants, alors que cette preuve leur incombe, ne fournissent pas la démonstration de ce qu'ils n'auraient eu connaissance du préjudice encouru par eux en raison de la faute commise à leur détriment par le Crédit Agricole pour non-exécution au devoir de conseil auquel il était tenu envers des emprunteurs non avertis à une date postérieure aux secondes conventions souscrites les 8 juillet et 24 juillet 2006, alors que s'étant rendus compte qu'ils étaient dans l'incapacité d'honorer le premier prêt relais du 8 avril 2005, ils se sont par courrier du 22 mai 2006 adressé à la CRCAM dans le but d'obtenir, selon leurs propres termes, un renouvellement des crédits antérieurement consentis.
Cette demande doit être également jugée irrecevable pour avoir été formulée postérieurement à l'expiration du délai de prescription prévu par le texte précité.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, dont la demande en paiement est ici jugée prescrite et irrecevable, doit supporter les entiers dépens d'appel et la charge au profit de M et Mme X. d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer pour la défense de leurs intérêts dans le cadre de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition publique
* Juge l'appel recevable en la forme et partiellement fondé ;
* Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines ;
* Statuant à nouveau, juge irrecevable comme prescrite la demande en paiement formée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence en exécution des contrats souscrits les 8 juillet 2006 et 24 juillet 2006 par M. et Mme X. ;
* Juge irrecevables comme prescrites les demandes reconventionnelles présentées par M. et Mme X. aux fins d'annulation des contrats de prêts souscrits par eux et aux fins de condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à les indemniser du préjudice subi à la suite du manquement par cet bancaire à son devoir de mise en garde ;
* Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence aux dépens d'appel et à payer M. Jean-Paul X. et à Mme Viviane Pontes épouse X. une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 10 novembre 2015, par Monsieur HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Mme HOFF, Greffier, et signé par eux.