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CA PARIS (pôle 5 ch. 1 ), 18 novembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 1 ), 18 novembre 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5
Demande : 14/20268
Décision : 057/2015
Date : 18/11/2015
Nature de la décision : Rejet annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/07/2014
Numéro de la décision : 57
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5437

CA PARIS (pôle 5 ch. 1 - ord.), 18 novembre 2015 : RG n° 14/20268 ; ord. n° 057/2015

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 1

ORDONNANCE DU 18 NOVEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/20268. Ordonnance n° 057/2015 (20 pages). Recours contre les conditions de visite domiciliaire et de saisies qui se sont déroulées les 22 et 23 juillet 2014 dans les locaux et dépendances sis : [adresse].

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Philippe FUSARO, conseiller à la cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier président de ladite cour pour exercer les attributions résultant de l'article L. 450-4 du code de commerce ;

assistée de Karine ABELKALON, greffier présent lors des débats et lors du prononcé de la décision par mise à disposition ;

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

 

ENTRE :

LA SAS ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro XXX, agissant en la personne de son président, M. M., domicilié en cette qualité au siège social, Représentée et ayant pour avocat plaidant par Maître Yann U. de l'AARPI G. L. N. AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque T03, Demanderesse au recours

 

ET :

LA DIRECTION RÉGIONALE DES ENTREPRISES, DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION, DU TRAVAIL (DIRECCTE)

Représentée par Messieurs S. et F., inspecteurs, munis de pouvoirs spéciaux du 24 septembre 2015, Défenderesse au recours

 

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC,

auquel l'affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Madeleine G., avocat général, qui a fait connaître son avis,

 

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 30 septembre 2015, l'avocat de la demanderese, les représentants de la défenderesse et le ministère public, les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 18 novembre 2015 pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 462 du Code de procédure pénale.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La requête s'inscrivait dans le cadre de l'enquête demandée par le Ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

La présente requête était recevable au vu de l'emploi occupé par M. L. G. des D.

Cette ordonnance a été établie suite à une requête de l'administration dans laquelle la Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) indiquait que la société susmentionnée serait présumée se livrer à des pratiques prohibées par l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Dans sa requête l'Administration fait état d'informations selon lesquelles la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (ITM AI) aurait demandé depuis le mois de mars 2014 à ses fournisseurs des avantages financiers ou commerciaux supplémentaires non prévus à la convention annuelle au titre de la « compensation de sa perte de rentabilité due à la « guerre des prix » actuelle dans le secteur de la grande distribution ; que les principaux distributeurs cherchent à vendre toujours moins chers leurs produits aux consommateurs, cette politique de « prix bas » étant elle-même destinée pour chaque enseigne à conserver, voire à gagner, des parts de marchés sur leurs concurrents dans le secteur de la grande distribution, (…), qu'en outre, ces demandes de compensation faites aux fournisseurs seraient accompagnées, dans certains cas, de pressions formalisées par des arrêts de commande ou des déréférencements, ou par des menaces d'arrêts de commande ou de déréférencement.'

L'enquête a commencé par une lettre ouverte de l'Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA), de la Fédération Nationale des Syndicats d'exploitants Agricoles (FNSEA) et COOP de France, représentant les producteurs et fournisseurs de la grande distribution publiée dans le magazine LSA et envoyée au Premier Ministre. Parallèlement, l'Institut de Liaison et d'Etude des industries de la Consommation (ILEC) a également écrit au Premier Ministre et aux Ministres chargés de l'économie et de l'agriculture et à la secrétaire d'Etat chargée du commerce.

Aux fins de contrôler la réalité de ces déclarations, l'administration a interrogé l'ensemble des distributeurs et quelques fournisseurs. Les informations ont été recueillies sous couvert d'anonymat afin d'éviter des représailles de la part des clients dont les distributeurs et fournisseurs sont économiquement dépendants. Sur 46 fournisseurs d'INTERMARCHE, l'administration a interrogé un panel de 9 fournisseurs dont les propos ont été retranscrits dans trois rapports rédigés par trois DIRRECTE régionales, à savoir celle de Bourgogne, celle du Nord-Pas-de-Calais et celle du Rhône-Alpes.

Ces pratiques, si elles étaient avérées, seraient susceptibles de porter atteinte à l'ordre public économique.

Les constats effectués par l'Administration ont révélé l'existence de la part de cette enseigne vis-à-vis de ces fournisseurs, de demandes, postérieures au 1er mars 2014, de remises supplémentaires sur facture ou de baisses de tarif variables sur quelques produits ou l'intégralité de la gamme de fournisseurs ou de budgets supplémentaires.

Selon les rapports établis par l'Administration les demandes de la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL ont été faites oralement, les fournisseurs ayant été convoqués par téléphone à des réunions de renégociations.

L'Administration soutient que ces demandes étaient justifiées par les acheteurs de l'enseigne INTERMARCHE par la nécessité de compenser les pertes de marges de l'enseigne résultant de la guerre des prix que mènent depuis la fin de l'année 2013 les enseignes de la grande distribution.

Selon les rapports établis par l'Administration, ces demandes ont été accompagnées de menaces orales ou en cas de refus, de pressions avérées ou de mesures de rétorsion telles que des arrêts de commandes ou des déréférencements, temporaires ou définitifs.

Les opérations de contrôle réalisées auprès d'ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL par l'Administration n'ont pas permis de recueillir des informations ou documents nécessaires pour vérifier la réalité des informations obtenues par l'enquête menée auprès des fournisseurs. Dans ses déclarations du 9 juillet 2014, d'ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL affirme qu'il n'y a pas de politique générale de recontacter les fournisseurs en vue de faire baisser les prix.

Il existerait selon l'Administration de fortes présomptions que depuis le mois de mars 2014, ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL demande de manière généralisée à l'ensemble de ses fournisseurs des avantages financiers ou commerciaux supplémentaires non prévus au contrat, au titre de la compensation de sa perte de rentabilité, sous la menace d'arrêts de commande ou de déréférencement.

Les éléments recueillis par l'Administration tendant à démontrer que ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL a effectué des demandes d'avantages financiers ou commerciaux, en remettant en cause de manière significative l'économie et l'équilibre du contrat, postérieurement au 1er mars 2014, et sans aucune contrepartie.

Selon l'Administration, la recherche de meilleures conditions d'achat de la part d'un distributeur ne pouvait autoriser des pressions sur les fournisseurs, sous la menace d'un déréférencement, pour qu'ils acceptent de revenir sur des accords commerciaux conclus régulièrement et c'est au vu de ces éléments exposés que l'Administration a estimé que la portée des présomptions était suffisante au regard des qualifications prévues à L. 446 du code de commerce.

L'utilisation des pouvoirs de l'administration prévus à L. 450-3 du code de commerce était insuffisante au vu des pratiques essentiellement orales d'ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL et comme les fournisseurs demandant la préservation de leur anonymat, le recours à l'article L. 450-4 du code de commerce constituerait le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés.

Les opérations de visite et de saisie ne seraient pas disproportionnées compte tenu de ce que les intérêts de l'entreprise ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL concernés sont garantis dès lors que les pouvoirs de l'administration sont utilisés sous le contrôle du Juge.

Selon la DIRECCTE Ile de France, les documents utiles à la preuve recherchée se trouveraient vraisemblablement dans les locaux de la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL et ses établissements sur le site du Parc de T. (6 locaux différents sur le même site), que l'administration a demandé au Juge des libertés et de la détention d'EVRY de visiter ces lieux et à saisir tous les documents et supports d'information nécessaires.

Le Juge des libertés et de la détention d'Evry a délivré une ordonnance en date du 16 juillet 2014 autorisant Monsieur André L. G. DES D., directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi d'Ile de France, responsable du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie, à procéder ou à faire procéder dans les locaux de l'entreprise suivante, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements d'ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL relatif aux demandes d'avantages financiers et commerciaux hors convention et aux menaces d'arrêts de commandes et de déréférencements, qui entrent dans le champ des pratiques prohibées de l'article L. 442-6 du code de commerce ainsi que toute manifestation de ces agissements prohibés :

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Présidence) : [...],

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Etablissement principal) : [...],

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Service juridique) : [...],

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Groupe épicerie) : [...],

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Groupe frais) : [...],

ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (Groupe DPH) : [...].

Il désignait :

- le lieutenant B., commandant de la brigade territorial de la Gendarmerie ;

- le commissaire divisionnaire M., chef du Service de Police Nationale détaché auprès de la Direction Générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Il était mentionné que « les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de son choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; […] et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, […] que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation [...]. »

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 22 et 23 juillet 2014. Elles ont été retranscrites dans un procès verbal en date du 23 juillet 2014 auquel ont été annexées les observations des avocats présents.

Le 25 juillet 2014, le Premier Président de la Cour d'appel de Paris a été saisi d'un appel contre cette ordonnance par la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL et d'un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie.

Par conclusions déposées le 1er avril 2015 lors de l'audience, la société ITM AI a déposé des conclusions tendant à l'annulation des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 22 et 23 juillet 2014.

Le Ministre de l'Economie représenté par le Directeur Régional de la DGCCRF élisant domicile DIRECCTE Ile de France a répondu par conclusions récapitulatives et en réplique enregistrées le 7 septembre 2015.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 septembre 2015 à 9 heures et mise en délibéré pour être rendue le 18 novembre 2015.

I - Sur la nullité à raison des conditions de notification de l'ordonnance

La société ITM AI soutient que selon l'article L. 450-4 alinéa 5 du code de commerce, l'ordonnance aurait été notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal.

Or en l'espèce, l'ordonnance ayant autorisée les opérations de visite et de saisie viserait la seule entreprise ITM AI, et devrait être notifiée à cette dernière. Dans les faits, l'ordonnance aurait été notifiée verbalement de manière irrégulière à la société ITME, société non concernée par l'ordonnance, puis aurait été notifiée dans un second procès-verbal à la société ITM AI. Cette notification se serait faite dans les locaux d'ITME et non d'ITM AI.

Une telle situation méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 5 précité, la notification de l'ordonnance à la société ITME constituant une irrégularité affectant nécessairement la validité du procès-verbal de notification à ITME. En se fondant sur un acte nul, le procès-verbal de visite et de saisie serait nécessairement contaminé et devrait subir le même sort.

L'administration rappelle, d'une part, que le bâtiment dans lequel se situe la société ITME abrite également les bureaux de la présidence de la société ITM AI, la société ITME n'étant autre que la holding dont ITM AI est une filiale et, partant la divulgation à ce tiers de l'ordonnance apparaîtrait d'une gravité toute relative.

D'autre part, quelle que soit les circonstances de l'erreur commise, il est certain que le procès-verbal de notification signé par Monsieur V. est dépourvu de toute valeur juridique. Cette erreur de notification ne saurait avoir pour conséquence la nullité du Procès-verbal de visite et de saisie, dès lors que la situation a été régularisée conformément aux instructions orales du juge des libertés et de la détention, une nouvelle notification de l'ordonnance à un salarié de la société ITM AI ayant été effectuée par la suite comme le relate un second procès-verbal de notification.

II. La violation des droits de la défense de la requérante à raison de l'absence d'accès effectif au juge

- Sur le nécessaire respect des droits de la défense dans le cadre de mesures d'enquêtes lourdes

La société appelante affirme que les mesures d'enquêtes lourdes constitueraient une ingérence dans les droits et libertés fondamentales et devraient nécessairement s'inscrire dans le respect des droits de la défense des entreprises concernées.

La jurisprudence la plus récente concernant les articles 56 du code de procédure pénale et L. 450-4 du code de commerce affirmerait que les droits de la défense devraient être respectés dès le début de l'enquête et imposeraient à l'officier de police judiciaire de provoquer toute mesure utile afin de sauvegarder les droits de la défense.

S'agissant de l'exercice des droits de la défense, la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), affirmerait que l'accès au Juge des libertés et de la détention serait plus théorique qu'effectif lors des visites domiciliaires.

La référence dans le texte de loi à un contrôle du Juge des libertés et de la détention durant le déroulement des opérations ne suffirait pas à lui seul à s'assurer du respect des droits de la défense de l'entreprise et d'un contrôle juridictionnel effectif en pratique.

Or, en l'espèce, la société ITM AI a été privée d'accès au Juge des libertés et de la détention lors de la visite domiciliaire.

L'article L. 450-4 du code de commerce, lorsqu'il renvoie à l'article 56 du code de procédure pénale, et dispose que « les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du code de procédure pénale », ne vise aucun alinéa en particulier. L'administration ne peut décider de manière arbitraire que seule la disposition relative aux inventaires et mises sous scellés, soit l'alinéa 4, serait applicable à la procédure de l'article L. 450-4 précité, à l'exclusion de toutes les autres dispositions protectrices qu'il prévoit.

L'article 56 est donc applicable au cas d'espèce.

L'administration s'oppose à l'application de la totalité de l'article 56 du code de procédure pénale à la procédure de visite domiciliaire effectuée par l'administration. En effet, l'article L. 450-4 du code de commerce renvoi à l'article 56 du code de procédure pénale uniquement en ce qui concerne l'alinéa 4 sur l'inventaire et la mise sous scellés ce qui implique nécessairement que les autres dispositions de l'article 56 ne sont pas applicables.

Mais la DIRECCTE ne nie pas que les droits de la défense doivent être respectés dès le stade de l'enquête.

Ensuite, l'administration souligne le manque d'objectivité des attestions produites par l'appelante puisqu'elles proviennent toutes de ses salariés et ne constitueraient pas des preuves par écrit ou par témoin au sens de l'article 537 du code de procédure pénale et de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim, 28 mai 2014, n°13-83053).

La société appelante se prévaut de l'arrêt RAVON de la CEDH qui a provoqué la modification de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et l'introduction d'un recours devant le Premier Président de la Cour d'appel en matière fiscale. Or, pour le contentieux du déroulement des opérations de visite et de saisie tel qu'organisé en France par le code de commerce un tel recours existait déjà et la procédure n'a jamais été censurée par la CEDH. Ses exigences auraient toujours été satisfaites. Donc, la jurisprudence RAVON ne pourrait être utilement invoquée pour le contentieux du déroulement des opérations de visite et de saisie tel que prévue par les dispositions du code de commerce.

2. Sur l'absence d'accès effectif au juge

Un rappel des jurisprudences de la CEDH est effectué, notamment concernant l'arrêt RAVON c/France, afin de constater l'absence d'accès effectif au juge au cas d'espèce.

a) L'absence de discussion contradictoire avec le juge au sujet de la validité et la poursuite des opérations

(i) Les atteintes aux droits de la défense

La société ITM AI affirme que l'ordonnance aurait été notifiée de manière irrégulière. A la suite de cette notification irrégulière, l'officier de police judiciaire aurait contacté le Juge des libertés et de la détention hors de la présence de l'occupant des lieux, qui n'aurait pas été informé au préalable de cette discussion téléphonique, et n'en aurait pas eu connaissance que lorsque le procès-verbal de visite et de saisie lui sera soumis pour relecture, soit après plus de 20h d'opérations.

Le fait qu'à aucun moment une discussion contradictoire n'aurait eu lieu ferait nécessairement grief à la requérante puisque c'est de cet échange que dépendrait la validité et la poursuite des opérations.

Une telle situation méconnaîtrait l'article 6 § 1 de la CESDH, des droits de la défense mais aussi les prescriptions des articles L. 450-4 alinéa 3 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale.

Donc, les opérations de visite et de saisie se seraient déroulées sur la base d'une simple autorisation orale et non contradictoire du magistrat de permanence.

En outre, aucun écrit de la part du Juge n'a été adressé à ITM AI pour confirmer cette autorisation verbale donnée à l'enquêteur.

Au surplus, l'autorisation a été donnée par Madame F., magistrat de permanence et non pas Monsieur P. le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance autorisation la visite domiciliaire au sein de la société ITM AI. Donc, les opérations de visite et de saisie n'auraient pas conséquent à aucun moment été effectuées « sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisés » en violation manifeste de l'article L. 450-4 du code de commerce, de l'article 6 § 1 de la CESDH et 56 du code de procédure pénale.

Enfin, le Juge des libertés et de la détention a donné autorisation orale de poursuivre les opérations de saisie seulement concernant l'enquêteur « Monsieur B. », avec l'assistance de l'officier de police judiciaire « Monsieur B. ». Aucun autre enquêteur ou officier de police judiciaire n'a été autorisé par le juge à poursuivre les opérations.

Pour toutes ces raisons, les opérations de visite et de saisie devaient être annulées.

En réponse, l'administration fait valoir que le respect des droits de la défense, dont la jurisprudence de la CEDH a consacré le respect dès le stade de l'enquête, ne saurait être confondu avec une obligation de recueillir l'assentiment des personnes visées par une opération de visite et de saisie quant à l'opportunité de procéder à ces opérations.

Aussi, le fait de prendre les ordres du magistrat sous le contrôle et l'autorité duquel sont placées les opérations ne justifie pas que s'instaure un débat contradictoire à ce moment de l'enquête.

En l'espèce, la société requérante ne caractérise à aucun moment à quel moment, les droits de la défense auraient été bafoués. De plus, cette dernière déforme le procès-verbal de saisie et de visite lorsqu'elle affirme que le juge aurait donné l'autorisation orale de poursuivre les opérations seulement à l'enquêteur « Monsieur B. », avec l'assistance de l'officier de police judiciaire « Monsieur B. ». En effet, la Juge des libertés et de la détention a simplement indiqué à l'officier de police judiciaire qui l'avait sollicitée qu'il convenait de poursuivre les opérations telles qu'elle les avait autorisées.

b) L'impossibilité de la requérante de contacter le juge pendant les opérations

(i) Les atteintes aux droits de la défense et à l'égalité des armes

- Sur l'existence d'une difficulté au cours des opérations et l'impossibilité de contacter le juge

La société appelante soutient que le mardi 22 juillet 2014 aux environs de 21 h, au moment de l'inventaire par les enquêteurs, ces derniers auraient refusé que la société visitée prenne connaissance des pièces saisies avant la mise sous scellés, ce à quoi cette dernière s'est s'opposée. Elle a donc tenté d'appeler le Juge des libertés et de la détention d'Evry via le standard qui était fermé. A l'appui de ces propos, la société ITM AI produit un constat d'huissier afin de prouver que le standard est fermé pendant les horaires de fermeture. La requérante aurait demandé à l'officier de police judiciaire les coordonnées directes du juge qui lui aurait proposé de lui fournir le numéro de téléphone du standard du Tribunal de grande instance d'Evry.

La société requérante fait valoir qu'il serait impossible et impensable que l'officier de police judiciaire ne possède pas les coordonnées directes du magistrat au regard du caractère intrusif d'une perquisition et ce faisant les officiers de police judiciaire n'auraient pas rempli leur mission de protection des droits de la défense. L'absence d'accès effectif au juge durant la visite domiciliaire rendrait inexistant tout contrôle des opérations en cours.

L'administration indique que la société requérante se perdrait en conjoncture dans le but de mettre en cause la parole et l'intégrité de l'officier de police judiciaire Monsieur B. qui n'a constaté aucune difficulté susceptible de constituer une atteinte au respect des droits de la défense de l'entreprise et justifier d'informer le juge.

Elle soutient qu'une défaillance ne serait pas à exclure mais ne pourrait pas être imputée ni aux enquêteurs, ni aux officiers de police judiciaire, ni au Juge des libertés et de la détention. Au surplus, le juge a pu estimer que les faits n'étaient pas de nature à justifier son intervention.

- Sur l'absence de réponse au juge à la télécopie d'ITM AI de 00h03

La société appelante indique qu'en l'absence de réponse du standard entre 21 h 00 et minuit, elle aurait été contrainte d'envoyer une télécopie sur un numéro de fax qui aurait été trouvé sur internet. Les opérations de visite et de saisie se sont poursuivies jusqu'à 7h sans que la requérante n'obtienne de réponse alors même qu'elle avait laissé son numéro de téléphone et avait demandé dans sa télécopie au juge de bien vouloir « intervenir pour trancher cette difficulté ».

En conséquence, en raison de l'absence de réponse entre minuit et 7 h (l'heure de la fin des opérations) de la part du Juge des libertés et de la détention, les droits de la défense de la requérante n'auraient pas été garantis et cela constituerait une rupture dans l'égalité des armes.

La DIRECCTE fait valoir que la société appelante ne caractérise jamais son préjudice et qu'un recours contre les opérations de visite et de saisie permet à la société ITM AI de contester la régularité des opérations et de dénoncer les prétendues atteintes aux droits de la défense.

En tout état de cause, il ne s'agirait pas d'un moyen sérieux puisqu'en cas de difficulté sérieuse l'officier de police judiciaire aurait pu parfaitement suspendre les opérations jusqu'à ce que le Juge des libertés et de la détention puisse être joint.

En duplique la société requérante fait valoir, sur la possibilité d'effectuer un recours devant Monsieur le Président de la Cour d'appel de Paris, qu'il serait évident qu'un tel recours n'offre pas les mêmes garanties qu'une intervention du Juge des libertés et de la détention.

Enfin, l'administration reconnaît-elle même qu'aucun accès effectif au juge n'a été permis à la requérante et qu'aucun contrôle sur les opérations n'aurait été effectué.

En conclusion, les droits de la défense de la requérante auraient été bafoués à de nombreuses reprises, la requérante ne se serait vu à aucun moment offrir un accès effectif au juge et les officiers de la police judiciaire n'auraient pas préservé les droits de la défense de la requérante et ont au contraire contribué à ces graves irrégularités.

III - Sur le caractère illicite des saisies effectuées à raison du refus opposé à la requérante de prendre préalablement connaissance des documents papier et données informatiques

a) Sur les dispositions applicables

Selon la société appelante, les dispositions des articles L. 450-4 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale mettraient à la charge de l'officier de police judiciaire « l'obligation de provoquer préalablement toute mesure utile » au respect des droits de la défense.

En réponse, l'administration soutient que les dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale ne seraient pas applicables aux visites domiciliaires effectuées par la DIRRECTE faute de dispositions spécifiques puisque que l'article L. 450-4 du code de commerce ne renvoie qu'à l'alinéa 4 de l'article 56 du code de procédure pénale.

b) Sur la violation des dispositions applicables

La société ITM AI fait valoir qu'elle n'aurait pu à aucun moment prendre connaissance des pièces avant leurs saisies effectives (aussi bien les saisies informatiques que les saisies de documents physiques) ce qui viderait de tout sens les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce imposant la présence de l'occupant des lieux.

Ensuite, la société appelante souligne le fait que les officiers de police judiciaire n'auraient jamais veillé au respect des droits de la défense et n'auraient en fait jamais eu comme souci de faire respecter les droits de la défense puisqu'ils auraient noté que les conseils de la société ITM AI harcelaient les enquêteurs de la Concurrence afin d'entraver le bon déroulement et la sérénité des opérations.

S'agissant des saisies informatiques, la requérante n'aurait pas été mise en mesure de vérifier ce que les agents de l'administration saisissaient puisque les fichiers « copiés » sur le disque dur remis à l'issue de la visite domiciliaire seraient illisibles, comme le prouve un constat d'huissier en date du 28 juillet 2014.

Aussi, la requérante n'a pas été mise en mesure de vérifier la teneur et la quantité de l'ensemble des fichiers informatiques avant et après leur saisie.

En conséquence, les opérations de saisies et les mises sous scellés devraient être annulées.

En réponse, la DIRECCTE rappelle qu'il serait nécessaire que les opérations de visite et de saisie se déroulent rapidement afin de gêner le moins possible l'activité de la société. Par conséquent, montrer aux représentants des sociétés occupées chaque document avant sa saisie, retarderait excessivement les opérations et gênerait de la même manière l'activité économique de la société. D'ailleurs, cette position est confirmée par la jurisprudence.

De surcroît, ces demandes apparaissent d'autant plus artificielles qu'à ce jour, la société ITM AI n'a identifié aucun document sortant du champ d'application de l'ordonnance ou protégé par le secret professionnel.

Concernant les saisies informatiques, l'administration indique qu'aucune disposition du droit actuellement applicable aux opérations de visites domiciliaire ne l'oblige à expliquer à l'occupant des lieux la méthode de saisie et cite à l'appui de son argumentation deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation et un arrêt de la CEDH. Elle rajoute que les saisies informatiques ne constitueraient pas des saisies au sens strict mais à la prise d'une copie sécurisée des données figurant sur le serveur et les ordinateurs de l'entreprise visée. La société visée n'est nullement dépossédé de ces fichiers qui demeurent stockés sur les serveurs et les ordinateurs.

La société requérante ne nie pas elle-même avoir reçu une copie des fichiers copiés ainsi que l'inventaire qu'elle a pu lire. L'occupant des lieux a ainsi reçu toutes les informations lui permettant d'identifier et de prendre connaissance des fichiers copiés par les enquêteurs, qui sont en toute hypothèse demeurés en possession de l'entreprise sur ses propres supports informatiques.

En duplique, la société requérante fait valoir que la formule type dont se prévaut la DIRECCTE ne serait pas en mesure d'écarter le grief invoqué pour les raisons suivantes :

- le fait que l'occupant des lieux n'aurait pas été mesure de prendre connaissance des pièces avant leurs saisies a justifié la demande d'intervention du Juge ;

- la requérante a fait part de cette mesure dans la télécopie envoyée aux alentours de minuit ;

- l'officier de police B. reconnaîtrait lui-même que la requérante n'a pas été en mesure de prendre connaissance des documents avant leurs saisies ;

- les documents copiés sur le disque dur remis par l'Administration ne seraient pas lisibles ;

- la requérante disposerait du droit de prendre connaissance des documents saisis avant leurs saisies ;

- la copie de fichiers/données informatiques constituerait une saisie au sens de l'article 56, alinéa 5 du code de procédure pénale au même titre que la saisie du support physique lui-même et aucune distinction ne devraient être effectuée.

Au surplus, il ressort des dispositions de l'article 56 alinéa 3 du code de procédure pénale et de l'article L. 450-4 du code de commerce que la copie de fichiers/données informatiques constitue une véritable saisie. Ces articles ne permettent pas à l'administration de s'affranchir de son obligation de laisser la société visitée de prendre connaissance des fichiers avant leur saisie ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

En conséquence, les opérations de saisies devraient être annulées.

IV - Sur l'irrégularité du procès-verbal à raison de son caractère incomplet

1. Sur les textes applicables et la jurisprudence en la matière

Selon la société ITM, les articles L. 450-4, R. 450-2 du code de commerce disposeraient que le procès-verbal doit être rédigé, relater le déroulement de la visite et être signé par l'occupant des lieux ou son représentant.

La jurisprudence en la matière citée par la requérante obligerait les agents de l'Administration à relater tout le déroulement des opérations. Dans la négative, le procès-verbal devrait être annulé.

2. Sur le caractère incomplet du procès-verbal de visite et de saisie

a) Le procès-verbal de visite et de saisie ne relate pas toutes les opérations

La société appelante fait valoir que plusieurs faits qui se seraient déroulés lors des opérations de visite et de saisie n'auraient pas été relatés dans le procès-verbal. Il s'agirait, d'une part, de la consultation par les enquêteurs de plusieurs téléphones portables appartenant à des personnes non salariées de l'entreprise visitée.

D'autre part, il s'agirait de l'intervention de Monsieur Pascal T. au titre des opérations informatiques.

En réponse, la DIRECCTE indique que les téléphones portables n'auraient pas été saisis mais seulement examinés sans que les enquêteurs ne trouvent d'éléments intéressants à saisir. Ainsi, comme aucune saisie n'aurait été effectuée, ces consultations n'ont pas été décrites dans le procès-verbal.

En duplique, la société requérante faite valoir que l'argumentation de la DIRECCTE serait inopérante puisque l'article R. 450-2 du code de commerce imposerait à l'administration de relater tous les événements, ce qu'elle n'aurait pas fait comme elle le reconnaîtrait.

b) Le procès-verbal de visite et de saisie vise des opérations et déclarations intervenus sans qu'aucun occupant des lieux ne soit présent

Selon ITM, le procès-verbal retranscrirait des déclarations effectuées par Monsieur V. Or, le Procès-verbal ne pouvait pas relater cet événement car le témoin n'était pas concerné par l'enquête et l'exactitude des retranscriptions n'aurait pas pu être vérifiée puisqu'il n'a pas signé le Procès-verbal.

c) Le procès-verbal de visite et de saisie ne comporte pas la signature d'une des représentantes de l'occupant des lieux

Selon ITM, Madame C., représentante de l'occupant de lieux, aurait quitté les locaux alors que les opérations étaient en cours. Donc, elle n'aurait pas été mesure de vérifier l'exactitude du procès-verbal qu'elle aurait du signer.

L'administration fait valoir que si Madame C. avait constaté des anomalies dans le déroulement des opérations auxquelles elle avait assisté, elle en aurait informé la personne qu'elle désignait pour la représenter.

Le raisonnement opéré par la DIRECCTE ne serait pas sérieux en ce qu'il serait impossible d'anticiper les commentaires, réserves et contestations du procès-verbal qu'elle ne connaissait pas. Une tel manquement aurait pour conséquence, la nullité du procès-verbal.

V. Sur le caractère illicite des saisies informatiques effectuées par les enquêteurs

1. Des conditions matérielles de saisies contraires aux dispositions applicables

a) Les conditions de saisie et l'ensemble des scellés de données informatiques sont irrégulières en ce que les éléments saisis n'ont pas été placés sous « main de justice »

Selon ITM, en matière de saisies informatiques, les alinéas 6 et 7 de l'article 56 du code de procédure pénale obligeraient les enquêteurs à placer « sous main de justice » les supports informatiques. Or, l'Administration disposerait dans ses locaux desdits supports et se serait substituée à l'autorité judiciaire puisqu'ils seraient stockés dans les locaux de la DIRECCTE.

La DIRECCTE renvoie à sa démonstration sur l'absence d'applicabilité de la totalité de l'article 56 du code de procédure pénale.

En duplique, la société requérante affirme que cet argument ne résisterait pas à l'analyse, puisque comme cela aurait été prouvé auparavant, l'article 56 du code de procédure pénale serait tout à fait applicable.

b) Les conditions de déroulement de saisies informatiques sont illicites dans la mesure où ces saisies ont été effectuées par une personne non habilitée et hors de la présence de l'occupant des lieux, d'un officier de police judiciaire et d'un enquêteur

(i) Rappel des conditions dans lesquelles se sont déroulées les saisies des scellés n° 22 à n° 37

Selon ITM, les enquêteurs auraient demandé à Monsieur V. de contacter Monsieur Pascal T., employé par la société STIM, filiale de ITME afin qu'il concoure à la saisie des fichiers informatiques.

Or, la requérante soutient que le procès-verbal ne retranscrirait, ni de manière complète, ni de manière totalement fidèle les saisies informatiques puisque selon une attestation de Monsieur Gilles R. (l'occupant des lieux), Monsieur T., personne totalement étrangère à ITM AI, aurait copié les fichiers informatiques sans aucune personne présente à ses côtés.

Selon ITM, l'intervention de Monsieur T. invaliderait les opérations de saisies aux motifs que d'une part, cette personne aurait été appelée par Monsieur V. qui n'aurait aucune compétence pour le faire venir. D'autre part, selon l'attestation de Monsieur T., ce dernier aurait copié les fichiers informatiques seuls.

L'administration, en réponse, fait valoir que Monsieur T. serait salarié de la société STIME qui est une filiale de la société ITM AI et le prestataire de services informatiques du groupe INTERMARCHE. De surcroît, la société ITM AI confondrait la mise à disposition des fichiers et saisies au sens strict. Enfin, si l'opération de mise à disposition des fichiers a été effectuée depuis le poste de travail de Monsieur T., les fichiers en question étaient disponibles depuis les postes de travail des salariés de la société ITM AI via le serveur.

(ii) Des conditions matérielles de saisies qui affectent la validité de celles-ci

La jurisprudence citée par la société requérante censure inévitablement de telles conditions de saisies puisque Monsieur T., employé par la société STIME, ne serait évidemment pas un fonctionnaire de catégorie A habilité à procéder aux saisies.

Enfin, le fait que la société STIME soit une filiale de la société ITME ne saurait couvrir cette irrégularité.

(iii) La position de la DIRECCTE Ile de France est inopérante

Cette position de l'administration est contraire aux dispositions applicables car faire une distinction entre une opération de saisie durant laquelle la présence des enquêteurs est indispensable et une opération de copie de fichiers durant laquelle leur présence ne serait pas obligatoire est contraire aux dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce. Cela conduirait les enquêteurs à déléguer les opérations de saisies à des tiers et viderait de sens l'article L. 450-4 du code de commerce.

L'argument selon lequel, seule la dernière opération de copie constituerait une véritable saisie serait inopérant puisque l'administration reconnaîtrait elle même qu'elle est la seule habilitée à effectuer les opérations de saisies dans le procès-verbal. Même à supposer que les opérations de copies de fichiers ne sont pas des opérations de saisies, elles constitueraient au moins des opérations de visite qui imposeraient la présence de l'administration.

2. Des saisies excédant manifestement le champ de l'ordonnance

a) La méconnaissance de l'article 8 de la CESDH

Selon la requérante, il ressort de l'article 8 de la CESDH et de la jurisprudence afférente, notamment un arrêt ROBATHIN contre AUSTRIA, que l'ingérence de l'administration doit être proportionnée au but légitime qu'elle poursuit en fonction des circonstances. La CEDH a déjà eu l'occasion de censurer un Etat dans lequel l'administration avait effectué une saisie dépassant l'acte d'autorisation.

(i) Des saisies concernant des entreprises tierces

Selon ITM, l'ordonnance autorise les enquêteurs à rechercher la preuve des agissements de la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL. Or, la requérante a relevé dans les annexes au procès-verbal que la saisie concernait des sociétés d'exploitation de Messieurs M. et C. qui sont des sociétés tierces à la société ITM AI.

ii) Sur la saisie de documents inutiles antérieurs aux faits visés par l'ordonnance

Selon la requérante, l'ordonnance autorise les enquêteurs à rechercher les agissements ayant commencé en mars 2014. Or, il ressortirait de l'inventaire que l'Administration a saisi des fichiers antérieurs à cette période. Donc, les fichiers saisis sont sans lien avec les agissements recherchés.

(iii) Sur l'existence de saisies massives

Selon ITM, les enquêteurs auraient effectué une saisie massive en saisissant 173 Go de données soit des millions de pages de documents ce qui contredirait le principe de proportionnalité et rendrait illusoire tout contrôle par les officiers de police présents.

b) Les arguments de la DIRECCTE Ile de France

Concernant la prétendue saisie de données informatiques de sociétés autres que celles visées par l'ordonnance, l'Administration fait valoir que les dirigeants des sociétés concernées sont Monsieur M. et Monsieur C., qui sont également respectivement Président et Directeur de l'offre alimentaire d'ITM AI. En effet, comme il serait d'usage dans les groupements de distributeurs indépendants, ce sont des adhérents exploitants de points de vente qui occupent des fonctions au sein des sociétés du groupement.

S'agissant du volume prétendument excessif des données saisies, l'administration indique que la société ITM AI entretiendrait une confusion entre mise à disposition et saisie puisqu'il ressortirait du procès-verbal que c'est après avoir constaté que les documents mis à disposition contenaient des fichiers entrant dans le champ d'application de l'ordonnance que les agents de l'Administration auraient procédé à leur saisie. De surcroît, les fichiers saisis concernent 8 personnes sur un effectif total de 830 salariés. Enfin, la société ITM ne caractériserait pas le caractère prétendument excessif de la saisie.

La société requérante répond que cette argumentation reviendrait à nier le principe général en droit français selon lequel chaque société a sa propre personnalité morale même si elle fait partie d'un groupe de société.

S'agissant des fichiers saisis, ils sont antérieurs à la preuve des agissements recherchés.

Au surplus, la requérante nierait la possibilité de vérifier préalablement à leurs saisies les documents au vu du volume de données saisies.

Il serait manifeste que les enquêteurs ont excédé les pouvoirs qui leurs sont confiés en violation de l'article 8 de la CESDH, des dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale.

Les opérations de saisies informatiques devront être annulées et les scellés n° 22 à n° 37 restitués.

Madame l'Avocat Général demande à ce que les opérations de visite et de saisie soient déclarées régulières.

En conséquence, la société ITM AI demande l'annulation des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 22 et 23 juillet 2014 ainsi que la restitution des pièces saisies, et à titre subsidiaire, l'annulation des scellés susmentionnés ainsi que la condamnation de l'Administration aux entiers dépens.

L'Administration demande la confirmation de l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 22 et 23 juillet 2014 ainsi que la condamnation de la société ITM AI aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

I - Sur la nullité à raison des conditions de notification de l'ordonnance :

Si dans un premier temps le procès-verbal de visite et de saisie a été notifié par erreur à un représentant de la société ITME, holding dont la société ITM AI est une filiale, étant précisé que les deux sociétés sont domiciliées dans le même lieu, le Juge des libertés et de la détention informé de cette méprise a immédiatement donné des instructions pour que ledit procès-verbal soit notifié au représentant de la société ITM AI et a de ce fait couvert l'irrégularité de cette première notification en demandant aux agents de l'administration sur place de notifier à la personne ad hoc représentant de la société ITM AI le procès-verbal.

Ce moyen ne saurait prospérer et sera donc écarté.

 

II. La violation des droits de la défense de la requérante à raison de l'absence d'accès effectif au juge pendant les opérations :

Cette violation serait fondée sur plusieurs sous-moyens ou branches à savoir :

- Sur le nécessaire respect des droits de la défense dans le cadre de mesures d'enquêtes lourdes

- Sur l'absence d'accès effectif au juge

- L'absence de discussion contradictoire avec le juge au sujet de la validité et la poursuite des opérations

- Les atteintes aux droits de la défense

- L'impossibilité de la requérante de contacter le juge pendant les opérations

- Les atteintes aux droits de la défense et à l'égalité des armes

- Sur l'existence d'une difficulté au cours des opérations et l'impossibilité de contacter le juge

- Sur l'absence de réponse au juge à la télécopie d'ITM AI de 00 h 03

Ces moyens dans leur ensemble concernent les droits de la défense de la requérante qui auraient été bafoués à de nombreuses reprises, la requérante ne se serait vue à aucun moment offrir un accès effectif au juge et les officiers de la police judiciaire n'auraient pas préservé les droits de la défense de la requérante et auraient au contraire contribué à ces graves irrégularités.

Elle fait valoir qu'elle n'a pu contacter directement le juge de permanence, seul moyen efficace, selon elle, pour le joindre, l'officier de police judiciaire n'ayant pas le pouvoir de décider, en opportunité, quels incidents doivent être déférés au juge des libertés et de la détention.

Etant précisé que tous ces moyens sont relatifs à l'accès au juge des libertés et de la détention des parties faisant l'objet d'opérations de visite et saisie ;

Il résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 450-4 du code de commerce que « La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne le chef du service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement. Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite. »

La loi ne prévoit pas l'assistance personnelle du juge aux opérations, mais la faculté, pour les officiers de police judiciaire chargés d'assister à celles-ci, de le saisir en cas de difficultés d'exécution ; qu'en cas de saisine du juge par l'officier de police judiciaire, aucune procédure contradictoire permettant aux parties d'exposer elles-mêmes leurs arguments n'est prévue par la loi ;

Par ailleurs, la loi ne prévoit nullement que les entreprises faisant l'objet de visite et saisie puissent directement saisir le juge, seul l'officier de police judiciaire disposant de cette faculté ; que les impératifs d'efficacité de l'enquête lourde, qui doit se dérouler dans une certaine urgence, seraient définitivement compromis si toute contestation portant sur le déroulement des opérations pouvait être sur le champ portée devant le Juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire, alors qu'existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le Premier Président de la cour d'appel, après les opérations ; que, d'ailleurs, la mention selon laquelle les parties pourraient en référer au juge pendant le déroulement des opérations ne figure pas parmi les mentions de l'ordonnance d'autorisation, prescrites à peine de nullité, seule l'étant la mention selon laquelle celles-ci peuvent user des voies de recours ; que les coordonnées du juge n'ont pas davantage à figurer sur l'ordonnance, seul important le fait que le juge soit joignable en son tribunal ; que l'officier de police judiciaire est juge de l'opportunité de la saisine du juge des libertés et de la détention ; que tenu de l'obligation de le tenir informé et de veiller au respect des droits de la défense, il doit en référer au juge en cas de problème, mais c'est lui seul qui en décide ;que seule la méconnaissance des droits de la défense pourraient ainsi être reprochée à l'officier de police judiciaire et pourrait être de nature à entraîner l'annulation des opérations ;

La CEDH dans l'arrêt Ravon, dont excipe la société ITM AI, ne s'est pas prononcée sur la conformité du contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations à l'article 6 § 1 de la CESDH ; qu'elle n'a statué que sur la conformité du contentieux de l'autorisation et a estimé le recours existant à l'époque insuffisant pour garantir son effectivité, après avoir souligné, parmi d'autres indices, que le contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations ne saurait y pallier ;

En l'espèce, en premier lieu, les parties ont bien pu faire valoir leurs arguments devant le juge ; que celui-ci a a été contacté par téléphone au moins dès le début des opérations en la personne de Madame F., vice-président, Juge des libertés et de la détention de permanence au Tribunal de grande instance d'Evry ; que lors de l'audience, il a été soulevé qu'il ne s'agissait pas du juge signataire de l'ordonnance mais du juge de permanence ; que cet élément est inopérant dans la mesure où il s'écoule un certain délai entre la signature et la date réelle des opérations (en l'espèce six jours) ; que c'est méconnaître l'organisation type des services des Juges des libertés et de la détention que de soutenir que le Juge des libertés et de la détention signataire aurait dû être le juge qui aurait dû suivre les opérations, étant précisé que ces magistrats sont d'astreinte également le week-end, notamment sur des attributions pénales et qu'ils doivent prétendre comme personne exerçant notamment une activité aux responsabilités multiples à un repos réparateur légitime. Madame F., vice-président, juge des libertés et de la détention de permanence au tribunal de grande instance d'Evry était bien ce jour-là l'interlocuteur légitime par le biais de l'officier de police judiciaire de la société visitée ; qu'elle a été tenue au courant que l'opération se déroulait dans cette société et a pu donner ses instructions sur le déroulement de celle-ci.

La circonstance que la société n'ait pu le faire contradictoirement ne saurait être contraire au droit à un recours effectif et aux droits de la défense ; en effet, les coordonnées, et encore moins le numéro de téléphone portable du Juge des libertés et de la détention n'ont pas à figurer dans l'ordonnance de visite et de saisie et n'ont pas à être communiqués.

L'enquête lourde, qui requiert une certaine urgence, ne permet pas de déférer toute contestation (au risque de paralyser les opérations) portant sur l'exécution de l'ordonnance directement devant le Juge des libertés et de la détention, dans le cadre d'un débat contradictoire entre la société et le Juge, alors qu'il existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le Premier Président de la Cour d'appel, après les opérations.

Le refus de communication des coordonnées téléphoniques personnelles du juge, n'a pas porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées ; que la circonstance que la discussion avec le juge ait été conduite par les enquêteurs de la DIRECCTE en présence de l'officier de police judiciaire et non directement par l'officier de police judiciaire ne leur a pas fait grief, les modalités d'appel du juge n'étant pas davantage réglementées par la loi.

L'interprétation du procès-verbal de saisie et de visite par la société demanderesse est erronée lorsqu'elle affirme que le juge aurait donné l'autorisation orale de poursuivre les opérations seulement à l'enquêteur Monsieur B., avec l'assistance de l'officier de police judiciaire Monsieur B. En effet, la Juge des libertés et de la détention saisie a simplement indiqué à l'officier de police judiciaire qui l'avait sollicitée qu'il convenait de poursuivre les opérations telles qu'elles avaient été autorisées.

La société requérante indique qu'elle a essayé de joindre le Juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance à 21 h pour lui signaler qu'elle n'avait pas été en mesure d'exercer ses droits de la défense et de vérifier si les documents saisis entraient dans le champ d'application de l'ordonnance. Un fax a été envoyé à 00 h 03, le 23 juillet au Tribunal de grande instance d'Evry et un constat d'huissier aurait été établi aux fins de constater que le standard ne répondait pas après les horaires d'ouverture.

Il y a lieu de relever que l'exercice de droits de la défense ne consiste pas à vérifier lors des opérations de saisie si celles-ci entrent ou pas dans le champ d'application de l'ordonnance. Les enquêteurs et les officiers de police judiciaires disposent de logiciels leur permettant de discriminer toute atteinte au secret professionnel de l'avocat et toute atteinte à la vie privée. Ils n'ont pas à communiquer les mots clés dont ils font usage pour faire le tri entre les documents entrant dans le champ d'application de l'ordonnance et les autres. Les locaux visités pendant les opérations n'ont pas vocation à devenir un lieu où un débat contradictoire doit s'instaurer sur chaque pièce saisie pour savoir si elle entre ou non dans le champ d'application de l'ordonnance avant d'être cotée. Par ailleurs, un constat d'huissier établissant qu'en dehors des heures d'ouverture un standard ne répond pas était superfétatoire dans la mesure où dans toute société, cabinet ou étude le même constat pourrait être effectué, à savoir un message préenregistré indiquant les horaires d'ouverture. Il est fort probable que Madame F., magistrat de permanence qui dès la matinée a eu connaissance des premières difficultés de cette visite domiciliaire en ait référé à Monsieur P. le Juge des libertés et de la détention, signataire de l'ordonnance (même si celui-ci se trouvait en congés) et que par la suite et avant de terminer son service de permanence elle a pu donner des consignes à l'officier de police judiciaire présent sur les lieux. Comme il a été indiqué précédemment le débat contradictoire relatif au champ d'application d'une pièce saisie s'exerce devant la Cour et non pas comme il a été indiqué dans un courrier faxé dans la nuit au Tribunal de grande instance avant que les pièces ne fassent l'objet d'une cotation et d'un inventaire. Enfin, il est par ailleurs constant que seuls sont présents la nuit dans un Tribunal les magistrats, auxiliaires de justice, greffiers et justiciables participant à des audiences tardives et un fax envoyé à 00h03 n'aurait trouvé aucun destinataire.

Le Juge des libertés et de la détention sous le contrôle duquel est effectué la visite domiciliaire et la saisie n'est pas dans l'obligation de donner des instructions écrites à l'officier de police judiciaire exerçant sous son contrôle, ni de se déplacer personnellement. Il lui suffit de donner des consignes à celui-ci.

Ces moyens seront rejetés.

 

III - Sur le caractère illicite des saisies effectuées à raison du refus opposé à la requérante de prendre préalablement connaissance des documents papier et données informatiques :

Il est constant que la société requérante a reçu une copie des fichiers copiés ainsi que l'inventaire qu'elle a pu lire. L'occupant des lieux a ainsi reçu toutes les informations lui permettant d'identifier et de prendre connaissance des fichiers copiés par les enquêteurs, qui sont en toute hypothèse demeurés en possession de l'entreprise sur ses propres supports informatiques.

La comparaison entre l'inventaire de la copie des documents informatiques saisis et les documents informatiques restés en possession de la société permettait de vérifier ce qui avait été appréhendé par l'administration.

Il a par ailleurs été répondu aux autres moyens.

Concernant le constat d'huissier sur le disque dur effectué le 28 juillet 2014 soit six jours après les opérations par l'huissier lui-même, selon lequel suite à l'installation du logiciel FTK il ne serait pas parvenu à lire les données relatives aux documents saisis. Il y a lieu d'indiquer sans préjuger des compétences informatiques dont dispose l'huissier qu'il existe trois logiciels FTK (Forensic ToolKit, Forensic ToolKit International et FTK imager) dont aux moins un nécessite une manipulation particulière à savoir installer le logiciel sur l'espace de destination des fichiers et non pas sur l'espace de provenance desdits fichiers comme semble l'avoir fait l'huissier (page 11 du mode d'emploi du logiciel FTK IMAGER) ; que ces éléments recueillis dans les conditions sus-mentionnées ainsi que les attestations fournies par la société ITM AI ne sont pas probants.

Ces moyens seront écartés.

 

IV - Sur l'irrégularité du procès-verbal à raison de son caractère incomplet :

Il y a lieu de constater que les opérations de visite et de saisie ont débuté le 22 juillet à 9h45 et ce sont terminées le lendemain 23 juillet à 7 heures et ont donc duré 21 heures et 15 minutes. Force est de constater qu'établir un procès-verbal relatant dans le menu détail toutes les opérations effectuées sur une telle durée est difficilement conciliable avec la nécessité d'effectuer une visite efficace tout en respectant les droits de la défense, de procéder à des saisies puis à leur cotation et d'établir les copies des documents saisis. Les enquêteurs et les officiers de police judiciaire ne peuvent pas être tenus pour responsable du départ de Madame Ozgul C., représentante de l'occupant de lieux et du fait qu'elle n'ait pas signée le procès-verbal.

S'agissant des déclarations de Monsieur Xavier V. qui ne serait pas concerné par les opérations, il convient de les canceller étant précisé qu'il s'agit de quatre paragraphes descriptifs et figurant en page 2 du procès-verbal.

Concernant les téléphones portables, force est de constater que ceux-ci n'ont pas été saisis.

Rejetons ces moyens à l'exception des déclarations de Monsieur Xavier V. (page 2 du procès-verbal qu'il conviendra de canceller).

 

V. Sur le caractère illicite des saisies informatiques effectuées par les enquêteurs :

La pratique décrite par la société ITM AI qui invoque les alinéas 6 et 7 de l'article 56 du code de procédure pénale, à savoir celle des scellés provisoires n'est qu'une faculté pour l'Administration. Il convient encore une fois de rappeler que la société conserve l'original des documents saisis dont il est tiré que deux copies, l'une remise à la société et l'autre conservée par l'administration.

- Les conditions de déroulement de saisies informatiques sont illicites dans la mesure où ces saisies ont été effectuées par une personne non habilitée et hors de la présence de l'occupant des lieux, d'un officier de police judiciaire et d'un enquêteur

Sur ce sous-moyen, il convient de rappeler que la saisie des fichiers informatiques est faite exclusivement par les enquêteurs et les officiers de police judiciaire. Si un certain Monsieur T., salarié de la société STIME qui serait intégrée au sein du groupe INTERMARCHE serait intervenu pour mettre à la disposition des enquêteurs les zones utilisateurs des fichiers de messageries lesquelles se trouvaient sur les serveurs. Il est indiqué sur le procès-verbal que « ces fichiers ont été mis à notre disposition sur un disque dur externe vierge de l'entreprise et nous avons examiné le contenu de ces fichiers et avons procédé à leur authentification numérique et copié une sélection de fichiers informatiques issus de ce disque dur [...] nous avons élaboré un inventaire informatiques des fichiers sélectionnés lesquels ont été copiés sur des DVD vierge avant d'être placé sous scellés. »

Il ressort de ces éléments que le rôle de Monsieur T. a été un rôle subalterne de mise à disposition et non pas un rôle de sélection des copies et de mise sous scellés qui n'appartient qu'aux enquêteurs et aux officiers de police judiciaire.

Concernant les scellés n° 22 à n° 37, qui sont les scellées susvisés, la société ne rapporte pas la preuve qu'ils sont extérieurs au champ d'application de l'ordonnance et comme nous l'avons rappelé précédemment, ceux-ci ont été analysés, saisis et placés sous scellés une fois des copies effectuées étant précisé une nouvelle fois que le rôle de Monsieur T. était insignifiant dans ces opérations.

Il y a lieu de rappeler que l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention concernait tout document en rapport avec les agissements répréhensibles et permettant ainsi de procéder à la saisie de pièces concernant des sociétés en lien avec les sociétés visées par l'ordonnance ; que ces documents peuvent provenir de sociétés en relations d'affaires avec la société visée, en l'espèce ITM AI, et peuvent être utiles à la recherche de la preuve des agissements répréhensibles ou susceptibles de se rattacher aux pratiques prohibées.

 

- Sur la saisie de documents inutiles antérieurs aux faits visés par l'ordonnance

Si des éléments antérieurs à la période des agissements prohibés présumés ont été saisis, il peut s'agir d'actes préparatoires et dans cette hypothèse rien ne s'oppose à ce qu'ils soient saisis et dans le cas contraire, dans la mesure où la société ITM AI indique elle-même qu'ils sont inutiles l'administration les restituera d'elle-même à la société.

 

- Sur l'existence de saisies massives et indifférenciées

Il y a lieu de remarquer qu'il a été saisi les comptes de messageries de 8 personnes physiques ou morales ainsi que tout ou partie de leur fichier alors que la société ITM AI comporte 830 salariés ; que ces comptes de messageries sont par nature insécables.

Il y a, par ailleurs, été procédé au moyen d'un logiciel de recherches de preuves avec les mots-clés permettant d'exclure au maximum tout élément n'entrant pas dans le champ d'application de l'ordonnance et respectant le secret professionnel attaché à la profession d'avocat, le respect de la vie privée ; qu'il n'a aucunement été pratiqué une 'pêche aux informations’sans discernement et si le chiffre de 173 Go est avancé, celui-ci doit être mis en perspective avec le volume total des données informatiques de la société visitée et ne représente qu'un pourcentage très réduit. Il s'en déduit que le principe de proportionnalité a été respecté.

Ces moyens seront rejetés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Ordonnons la cancellation des déclarations de Monsieur V. en page 2 du procès-verbal de visite et de saisie en date du 23 juillet 2014 à partir du huitième paragraphe jusqu'au onzième paragraphe : « Après que Monsieur V. ait déclaré [...] [...] » ;

Rejetons les autres demandes ;

Confirmons l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 22 et 23 juillet 2014 ;

Disons que la charge des dépens sera supportée par la société requérante.

LE GREFFIER                     LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Karine ABELKALON          Philippe FUSARO