CA LYON (3e ch. A), 7 janvier 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5465
CA LYON (3e ch. A), 7 janvier 2016 : RG n° 15/01256
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les intimés ne soutiennent plus que la clause serait nulle comme abusive ou opérant un déséquilibre significatif entre les parties, de sorte que les développements de l'appelante sur ce point sont inopérants. »
2/ « Il résulte des termes clairs et dénués d'ambigüité de cette clause que l'indemnité de 5 % sur l'ensemble des montants dus, échus et à échoir, est destinée à indemniser, forfaitairement mais proportionnellement aux encours, la LYONNAISE DE BANQUE de ses frais de recouvrement, ou de production en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Contrairement à ce qu'affirment les intimés, cette clause n'est pas nulle, en tant qu'elle serait dénuée de cause au sens de l'article 1131 du code civil, cette cause étant l'engagement pris par la banque de prêter des fonds et par l'emprunteur d'en assurer, en contrepartie, le remboursement, sans que cette indemnité de recouvrement ou de production, nécessairement aléatoire, soit déjà incluse dans le TEG ou ait à l'être. Comme l'observe la LYONNAISE DE BANQUE, le créancier est bien dans l'obligation, en application des dispositions de l'article L. 622-25 du code de commerce de déclarer cette créance indemnitaire de frais de production dés le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, même si le sort du contrat de prêt (dénonciation ou poursuite) n'est pas connu, mais cette indemnité forfaitaire, calculée sur l'ensemble des obligations du contrat, est inopposable à celle-ci en ce qu'elle contrevient à l'interdiction résultant des articles L. 622-13 et L. 631-14,I du code de commerce, d'aggraver les obligations, de surcroît non échues, du débiteur, du seul fait de sa mise en redressement judiciaire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 7 JANVIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01256. Décision du Tribunal de Commerce de LYON, Au fond, du 7 janvier 2015 : R. G. n° 2014j00705.
APPELANTE :
SA LYONNAISE DE BANQUE
immatriculée au RCS de LYON sous le n° XXX, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, siège social : [adresse], Représentée par la SELARL B2R & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMÉES :
SA PLYMOUTH FRANCAISE
inscrite au RCS de Lyon sous numéro le n° B YYY, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, siège social : [adresse],Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON,Assistée de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître WALCZAK es qualité de mandataire judiciaire de la société PLYMOUTH
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, Assistée de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
SELARL BUISINE NANTERME représentée de Maître Olivier BUISINE, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA PLYMOUTH FRANCAISE
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, Assisté de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 8 septembre 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 novembre 2015
Date de mise à disposition : 7 janvier 2016
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Christine DEVALETTE, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Pierre BARDOUX, conseiller,
assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier
A l'audience, Christine DEVALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Christine DEVALETTE, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suite à la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société PLYMOUTH FRANCAISE par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 septembre 2012, la LYONNAISE DE BANQUE a déclaré, le 22 octobre 2012, une créance au passif de cette société, au titre d'un prêt comprenant une indemnité contractuelle de recouvrement de 5 %, liquidée à 20,44 euros échus et 14.532,53 euros à échoir.
Le mandataire judiciaire, Maître WALCZAK, a contesté la validité de cette indemnité conventionnelle de recouvrement et le juge-commissaire, constatant qu'il s'agissait d'une question de droit excédant sa compétence, a, par ordonnance du 6 janvier 2014, sursis à statuer jusqu'à qu'elle soit tranchée par le juge du fond.
La LYONNAISE DE BANQUE a alors saisi le tribunal de commerce de Lyon aux fins de fixation des créances contestées au passif.
Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 11 mars 2014, a été arrêté le plan de redressement par continuation de la société PLYMOUTH FRANCAISE, la SELARL BUISINE NANTERME étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement en date du 7 janvier 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :
- jugé que la clause querellée insérée dans le contrat de crédit conclu le 5 juin 2012 entre la LYONNAISE DE BANQUE et la société PLYMOUTH FRANCAISE ne constitue pas une clause pénale pouvant faire l'objet d'une réduction judiciaire,
- jugé recevable la déclaration de créance au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE déposée le 22 octobre 2012 par la LYONNAISE DE BANQUE pour un montant d'intérêts conventionnels échus de 429,34 euros, en ce comprise l'indemnité conventionnelle de 5 % des montants échus dus,
- jugé recevable la déclaration de créance au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE déposée le 22 octobre 2012 par la LYONNAISE DE BANQUE pour un montant de 290.650,58 euros représentant le capital restant dû au titre du contrat de crédit, et de 40.942,48 euros représentant les intérêts contractuels,
- rejeté la demande de fixation au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE de la somme de 14.532,53 euros représentative de l'indemnité de recouvrement réclamée au titre des paiements non échus,
- condamné la LYONNAISE DE BANQUE à payer à la société PLYMOUTH FRANCAISE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la LYONNAISE DE BANQUE aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue le 10 février 2015, la LYONNAISE DE BANQUE a relevé appel de ce jugement, intimant la société PLYMOUTH FRANCAISE, la SELARL MJ SYNERGIE, es qualités de mandataire judiciaire, et la SELARL BUISINE NANTERME, es qualités de commissaire à l'exécution du plan.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 30 avril 2015, la LYONNAISE DE BANQUE demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LYON le 7 janvier 2015 en ce qu'il a refusé d'admettre au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE la créance de la LYONNAISE DE BANQUE de 15.532,53 euros correspondant à l'indemnité conventionnelle de recouvrement de 5 %,
par conséquent,
- rejeter la contestation de la créance formulée par la société PLYMOUTH FRANCAISE,
- dire et juger que la clause de recouvrement stipulée au contrat de prêt du 5 juin 2012 est valable et insusceptible de faire l'objet d'une révision judiciaire,
- dire et juger que la LYONNAISE DE BANQUE a, à l'encontre de la société PLYMOUTH FRANCAISE, une créance privilégiée d'un montant total de 346.554,93 euros, correspondant au contrat de crédit soit :
* 429,34 euros échus et 346.125,59 euros à échoir :
* capital restant dû : 290.650,58 euros à échoir,
* intérêts échus : 408,90 euros échu/exigible,
* indemnité de recouvrement de 5 % : 20,44 euros échu/exigible et 14.532,53 euros à échoir,
* intérêts au taux de 3,95 % : 40.942,48 euros à échoir.
* outre intérêts au taux de 3,95% (article L622-28 du Code de commerce),
- fixer le montant de la créance privilégiée de la LYONNAISE DE BANQUE au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE à la somme de 346.554,93 euros,
- condamner Me WALCZACK es qualités à payer à la LYONNAISE DE BANQUE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
La LYONNAISE DE BANQUE fait valoir que l'indemnité forfaitaire n'est stipulée qu'à titre de dédommagement des frais de recouvrement et qu’elle n'est pas une clause pénale susceptible de faire l'objet d'une révision judiciaire, comme ne représentant pas, pour elle, le dédommagement forfaitaire de la méconnaissance par l'emprunteur de son obligation,
Elle soutient que quand bien même le contrat de prêt n'a pas été résilié du seul fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, elle se trouvait dans l'obligation de déclarer sa créance au titre des sommes à échoir afin de pouvoir les recouvrer, conformément à l'article L. 622-25 du code de commerce, peu important le sort ultérieur du contrat.
Elle prétend que l'indemnité contractuelle de recouvrement ne modifie pas les conditions de poursuite du contrat de prêt, celle-ci n'ayant pas pour objet d'aggraver le passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE, ni de faire un profit sur le redressement judiciaire de cette société mais ayant pour but de la dédommager forfaitairement des frais de production.
Elle affirme que la société PLYMOUTH FRANCAISE ne peut alléguer une violation des règles applicables aux procédures collectives alors que la clause est limitée à 5 % des montants dus et que cette société n'a jamais prétendu que son consentement ait été obtenu par erreur, dol, ou par violence.
Elle soutient que la société PLYMOUTH FRANCAISE ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives car le contrat de prêt avait pour objet le renforcement du fonds de roulement de cette société, objet en lien direct avec l'activité professionnelle de celle-ci.
Elle soutient également que les dispositions de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce relatives à l'interdiction des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, n'ont pas à s'appliquer au litige et qu'en tout état de cause l'indemnité de recouvrement n'est pas susceptible de créer un tel déséquilibre dès lors qu'elle est limitée à 5 % des sommes restant dues et qu'elle a pour objet de la dédommager de ses frais de recouvrement.
Elle estime que la clause de recouvrement a bien une cause, puisqu'elle trouve sa cause dans l'obligation souscrite par le prêteur de remettre les fonds à l'emprunteur et que ni l'article L. 313-1 du code de la consommation, ni la jurisprudence n'imposent que soit inclus dans le calcul du TEG le montant de l'indemnité de recouvrement.
Dans leurs dernières conclusions, déposées le 26 mai 2015, la société PLYMOUTH FRANCAISE, la SELARL MJ SYNERGIE et la SELARL BUISINE NANTERME demandent à la cour de :
relevant et jugeant que la clause litigieuse intitulée « indemnité de recouvrement » doit être réputée non écrite et inopposable au redressement judiciaire de la société PLYMOUTH FRANCAISE,
- confirmer le jugement entrepris,
y ajoutant,
- condamner la LYONNAISE DE BANQUE à payer à la société PLYMOUTH FRANCAISE la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ceux d'appel distraits au profit de la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET.
La société PLYMOUTH FRANCAISE, la SELARL MJ SYNERGIE et la SELARL BUISINE NANTERME font valoir que le placement obligé de la société PLYMOUTH sous la protection de la loi, destiné à résoudre ses difficultés économiques par un mécanisme juridique d'ordre public, ne saurait aggraver les obligations de cette société vis-à-vis de la LYONNAISE DE BANQUE.
Ils estiment que la clause litigieuse, en ce qu'elle prévoit un versement automatique d'une indemnité dite de recouvrement, est radicalement contraire aux articles L. 631-1 et L. 622-13 du code de commerce, notamment en ce qu'elle suppose que l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une sauvegarde conduit par nature à la résiliation d'une convention en cours.
Ils soutiennent que la LYONNAISE DE BANQUE calcule, par application de la clause litigieuse, l'indemnité à lui revenir sur l'intégralité du contrat et notamment des sommes à échoir et non pas sur les éventuelles échéances impayées au jour du jugement déclaratif.
Ils affirment que la clause litigieuse est dépourvue de cause au sens de l'article 1131 du code civil et de la jurisprudence, en l'absence de toute contrepartie, service commercial, préjudice réel, frais effectivement exposés et alors que la rémunération du banquier dispensateur de crédit est nécessairement intégralement incluse dans le TEG.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2015
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société PLYMOUTH FRANCAISE, assistée des organes de la procédure collective du redressement judiciaire ne critique pas le jugement en ce qu'il a retenu que la clause litigieuse n'était pas une clause pénale, susceptible de réduction judiciaire. Elle ne forme pas appel incident en ce qu'il a déclaré recevable la déclaration de créance au passif pour un montant d'intérêts conventionnels échus de 429,34 euros, en ce comprise l'indemnité conventionnelle de 5% et en ce qu'il a déclaré recevable la déclaration de créance pour un montant de 290 650,58 euros représentant le capital restant dû et de 40.942,48 euros représentant les intérêts contractuels.
Les intimés ne soutiennent plus que la clause serait nulle comme abusive ou opérant un déséquilibre significatif entre les parties, de sorte que les développements de l'appelante sur ce point sont inopérants.
Malgré la déclaration d'appel total, la cour n'est donc saisie que de la demande en fixation de créance au passif de la société PLYMOUTH FRANCAISE, d'une somme de 14.532,53 euros représentative de l'indemnité de recouvrement de 5 % sur le capital non échu, comme stipulée au contrat.
La clause querellée en ce qu'elle s'applique aux échéances non échues au moment du jugement d'ouverture est ainsi rédigée : « si le prêteur se trouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, l'emprunteur aura à payer une indemnité de 5 % des montants dus. Cette indemnité sera également due si le prêteur est tenu de produire à un ordre de distribution judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l'emprunteur. »
Il résulte des termes clairs et dénués d'ambigüité de cette clause que l'indemnité de 5 % sur l'ensemble des montants dus, échus et à échoir, est destinée à indemniser, forfaitairement mais proportionnellement aux encours, la LYONNAISE DE BANQUE de ses frais de recouvrement, ou de production en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Contrairement à ce qu'affirment les intimés, cette clause n'est pas nulle, en tant qu'elle serait dénuée de cause au sens de l'article 1131 du code civil, cette cause étant l'engagement pris par la banque de prêter des fonds et par l'emprunteur d'en assurer, en contrepartie, le remboursement, sans que cette indemnité de recouvrement ou de production, nécessairement aléatoire, soit déjà incluse dans le TEG ou ait à l'être.
Comme l'observe la LYONNAISE DE BANQUE, le créancier est bien dans l'obligation, en application des dispositions de l'article L. 622-25 du code de commerce de déclarer cette créance indemnitaire de frais de production dés le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, même si le sort du contrat de prêt (dénonciation ou poursuite) n'est pas connu, mais cette indemnité forfaitaire, calculée sur l'ensemble des obligations du contrat, est inopposable à celle-ci en ce qu'elle contrevient à l'interdiction résultant des articles L. 622-13 et L. 631-14,I du code de commerce, d'aggraver les obligations, de surcroît non échues, du débiteur, du seul fait de sa mise en redressement judiciaire.
Le jugement qui a rejeté la demande de fixation au passif de la somme de 14.532,53 euros représentative de la mise en œuvre de cette clause inopposable à la procédure collective, doit être confirmé, y compris sur l'indemnité de procédure mise à la charge de la Lyonnaise de Banque, qui doit être complétée en appel à hauteur de 5.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne la LYONNAISE DE BANQUE à payer une indemnité de procédure de 5000 euros aux intimés ;
Condamne la LYONNAISE DE BANQUE aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT