CA DOUAI (3e ch.), 10 mars 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5534
CA DOUAI (3e ch.), 10 mars 2016 : RG n° 15/00097 ; arrêt n° 16/242
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-004499
Extrait : « La notion de reconstruction n'est pas définie par le contrat. Selon le contrat la reconstruction doit être achevée dans un délai de deux ans à compter du sinistre. Ce délai constitue une condition à laquelle est subordonnée le paiement de l'indemnité complémentaire correspondant à la vétusté et la clause l'instituant n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient l'appelant qui procède sur ce point par affirmation, de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 MARS 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00097. Arrêt n° 16/242. Jugement (RG n° 14/01037) rendu le 7 novembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de SAINT OMER.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Représenté par Maître Éric DHORNE, avocat au barreau de SAINT-OMER, Assisté de Maître KHAYAT, avocat au barreau de DUNKERQUE substituant Maître DHORNE avocat au barreau de SAINT OMER
INTIMÉE :
SA GENERALI
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée et assistée par Maître Jacques SELLIER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 18 novembre 2015 tenue par Françoise GIROT magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony POYTEAU
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Françoise GIROT, Président de chambre, Cécile ANDRE, Conseiller, Sara LAMOTTE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 mars 2016 après prorogation du délibéré en date du 21 janvier 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et 25 février 2016 et signé par Françoise GIROT, Président et Harmony POYTEAU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2015
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. est propriétaire d'une maison d'habitation située [adresse] assurée auprès de la société Generali qui a été incendiée le 20 mars 2011.
Une expertise a été organisée contradictoirement et un accord est intervenu entre les parties sur le versement d'une indemnité immédiate d'un montant de 108.626 euros et d'une indemnité différée de 70.341 euros après reconstruction et sur présentation de factures, tenant compte de l'application d'une règle proportionnelle pour inoccupation.
La société Generali ayant entendu limiter le montant de l'indemnité différée à 23.348 euros, M. X. a saisi tribunal de grande instance de Saint-Omer qui, par un jugement rendu le 7 novembre 2014 l'a débouté de ses demandes, a débouté la société Generali de sa demande fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de ses demandes plus amples ou contraires et a condamné M. X. aux dépens.
Le tribunal a retenu que les travaux de reconstruction n'avaient pas été achevés dans le délai prévu par le contrat et que l'immeuble n'avait pas été reconstruit à l'identique.
Par une déclaration du 7 janvier 2015, M. X. a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de régularité formelle non critiquées.
Par ses dernières conclusions notifiées le 17 juillet 2015 il demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 1134 du code civil, de :
- réformer le jugement,
- à titre principal condamner la société Generali à lui payer la somme de 70.341 euros au titre du solde de l'indemnité d'assurance et celle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- à titre subsidiaire condamner la société Generali à lui payer la somme de 23.348 euros au titre du solde de l'indemnité d'assurance et celle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Generali à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. X. fait valoir pour l'essentiel que les multiples changements dans l'argumentation de la société Generali entre la phase pré contentieuse et la phase judiciaire montrent le peu de sérieux de son refus de lui payer le solde de l'indemnité lui revenant, que la notion de reconstruction figurant au contrat n'implique nullement une reconstruction à l'identique, que si par extraordinaire la cour estimait comme le tribunal que la reconstruction devait porter sur un bâtiment identique elle devrait retenir un manquement contractuel de la société Generali à son obligation d'information lors de la souscription du contrat.
Sur le délai de deux ans prévu par le contrat pour la reconstruction il soutient que la clause instituant ce délai est une clause abusive, que la société Generali a renoncé à s'en prévaloir d'une part en lui versant une somme de 23.348 euros qu'il a refusée d'encaisser et d'autre part en participant à une expertise au mois de février 2014.
Enfin il soutient qu'aucun élément ne démontre que l'offre de verser la somme de 23.348 euros était faite par l'assureur dans un souci commercial de conciliation.
Par dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2015 la société Generali demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. X. à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'essentiel la société Generali fait valoir que les dispositions du contrat n'ont pas été respectées, que la reconstruction n'a pas été effectuée dans le délai de deux ans, qu'elle n'a à aucun moment renoncé à se prévaloir de ce délai, qu'au surplus l'immeuble n'a pas été reconstruit à l'identique M. X. ayant reconstruit un immeuble comprenant deux logements à but lucratif social, qu'enfin la proposition amiable qu'elle a pu faire est devenue caduque.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce :
Selon les conditions générales de la police versées aux débats le bâtiment détruit par un sinistre est évalué en valeur à neuf en cas de reconstruction ou de remise en état achevée dans les deux ans à compter de la date du sinistre sur l'emplacement d'origine du bâtiment sinistré sauf en cas d'impossibilité légale découlant d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, pour un usage d'habitation privée et la valeur à neuf est réglée en deux temps, dans un premier temps l'assureur verse la valeur d'usage (valeur à neuf moins vétusté) du bien sinistré dans la limite de la valeur économique et cette indemnité est versée hors taxes, le complément d'indemnité étant versé sur présentation des factures justifiant de l'achèvement des travaux de réparation ou de remplacement du bien sinistré et correspond à la vétusté sans pouvoir excéder 25 % de la valeur à neuf.
Le bâtiment est défini au lexique comme étant « les biens immeubles dans lesquels vous habitez : le bâtiment ou la partie de bâtiment à usage d'habitation situé à l'adresse indiquée aux conditions particulières... » et la valeur à neuf est définie pour le bâtiment comme étant la valeur de reconstruction à l'identique au prix du neuf le jour du sinistre.
La notion de reconstruction n'est pas définie par le contrat.
Selon le contrat la reconstruction doit être achevée dans un délai de deux ans à compter du sinistre.
Ce délai constitue une condition à laquelle est subordonnée le paiement de l'indemnité complémentaire correspondant à la vétusté et la clause l'instituant n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient l'appelant qui procède sur ce point par affirmation, de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il est établi par les pièces produites et non contesté que la société Generali a accepté un report du délai de reconstruction jusqu'au 3 octobre 2013.
Le tribunal a exactement retenu qu'en l'absence de toute autre pièce telle un procès-verbal de réception ou un certificat d'achèvement des travaux la date de fin des travaux pouvait être fixée à la date de la facture de l'entreprise G., soit le 14 avril 2014.
Il s'ensuit que le délai contractuel de deux ans prorogé par accord entre les parties au 3 octobre 2013 était expiré à la date de l'achèvement.
Toutefois l'examen des pièces produites fait apparaître que par une lettre datée du 9 mai 2014, l'agent général de la société Generali a transmis à M. X. la proposition de la compagnie de lui verser à tire d'indemnité complémentaire une somme de 23.348 euros.
Il est précisé dans cette lettre que l'offre de la compagnie a été faite après examen de la facture définitive des travaux et d'un rapport d'expertise complémentaire du 1er avril 2014.
L'offre de la société Generali a été formulée sans aucune réserve notamment relative à l'expiration du délai de reconstruction et aucun élément ne permet de la considérer comme une offre « commerciale dans un souci de conciliation ».
Il y a lieu de retenir qu'en effectuant une d'expertise au début de l'année 2014 et en formulant une offre d'indemnité sans réserve ni condition la société Generali a renoncé à se prévaloir de l'expiration du délai de reconstruction.
S'agissant de la différence existant entre le bâtiment détruit par l'incendie et le bâtiment reconstruit force est de constater que le contrat n'impose pas à l'assuré une reconstruction à l'identique puisque la valeur à neuf est définie avant reconstruction et correspond à la valeur vénale du bâtiment détruit à la date du sinistre.
La société Generali ne peut par conséquent se prévaloir du fait que le bâtiment n'a pas été reconstruit à l'identique et dès lors qu'il y a eu reconstruction elle est tenue de verser l'indemnité complémentaire convenue par les parties au vu des conclusions du rapport de l'expert qu'elle a mandaté et qui a un caractère contradictoire, dans la limite des facture acquittées.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et dès lors que la société Generali ne conteste pas les factures de l'entreprise G. qui font apparaître un montant total de travaux supérieur à celui de l'indemnité globale convenue il y a lieu d'infirmer le jugement et de condamner la société Generali à payer à M. X. la somme 70.341 euros.
Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014.
M. X. ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui né du retard de paiement compensé par l'allocation des intérêts au taux légal en sorte que sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour résistance abusive sera rejetée.
En revanche il serait inéquitable de laisser à sa charge la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés devant le tribunal et devant la cour en compensation desquels la société Generali devra lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Generali, qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La cour
Infirme le jugement
Statuant à nouveau :
Condamne la société Generali assurances à payer à M. X. la somme de 70.341 euros représentant le solde de l'indemnité due après l'incendie de son immeuble avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2014.
Condamne la société Generali assurances à payer à M. X. la somme 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Generali assurances aux entiers dépens
Le Greffier Le Président
H. POYTEAU F. GIROT