CA CAYENNE (ch. com.), 11 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5583
CA CAYENNE (ch. com.), 11 avril 2016 : RG n° 12/00179 ; arrêt n° 18
Publication : Jurica
Extrait : « Alors qu'en première instance M. X. et les sociétés Rexea et Rexma se fondaient sur l'article 1134 du code civil et « la jurisprudence en matière de rupture abusive de relations commerciales établies », ils fondent, dans leurs dernières conclusions, leurs demandes relatives à la rupture des relations commerciales sur les articles 1134 du code civil et L. 442-6 du code de commerce.
Même s'ils n'ont pas répondu sur les difficultés procédurales entraînées par ce nouveau fondement, elles sont dans les débats, « l'impact procédural de ces nouvelles dispositions (cf. notamment article D. 442-3 du code de commerce) » ayant été expressément soulevé par M. Y. et les sociétés Inter Invest, Antilles Investissements et Etoile Courcelles.
Le décret du 11 novembre 2009 ayant créé notamment l'article D. 442-3 du code de commerce qui organise des règles de compétence particulières pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du même code est entré en vigueur le 1er décembre 2009 ; en son alinéa 1, ce texte renvoie à un tableau annexe 4-2-1 déterminant les tribunaux de commerce compétents, réduits au nombre de huit et regroupant chacun plusieurs ressorts de cours d'appel, pour statuer sur l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, tableau en exécution duquel les procédures relevant normalement du ressort territorial de la cour d'appel de Cayenne doivent être engagées devant le tribunal de commerce de Fort de France. En son alinéa 2, le même article dispose que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. Cette dernière disposition, telle qu'elle est rédigée, a pour conséquence, quelle que soit la juridiction spécialisée compétente en première instance en application de l'alinéa 1, de priver toute autre cour d'appel que celle de Paris de tout pouvoir pour statuer sur des actions fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce.
Ainsi, la cour d'appel de Cayenne se trouve dépourvue de tout pouvoir pour connaître de toute action fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, engagée postérieurement au 1er décembre 2009 ; se trouvant saisie sur ce fondement nouveau en cause d'appel, elle ne peut se trouver investie du pouvoir de statuer au seul motif que le jugement critiqué a été rendu par le tribunal mixte de commerce de Cayenne situé dans son ressort. En conséquence, les prétentions de M. X. et des sociétés Rexma et Rexea, en ce qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, doivent être déclarées irrecevables.
Elles peuvent en revanche parfaitement être examinées sur le fondement de l'article 1134 du code civil ».
COUR D’APPEL DE CAYENNE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00179. Arrêt n° 18.
APPELANTS :
Monsieur X.
représenté par Maître Boris C. S., avocat au barreau de GUYANE
SAS RECHERCHE ET EXPLOITATION MINIÈRE AURIFÈRE (REXMA)
représentée par Maître Boris C. S., avocat au barreau de GUYANE
SASU REXEA
représentée par Maître Boris C. S., avocat au barreau de GUYANE
INTIMÉS :
Monsieur Y.
représentée par Maître Michaël B., avocat au barreau de GUYANE
SAS INTER INVEST
représentée par Maître Michaël B., avocat au barreau de GUYANE
SARL ANTILLES INVESTISSEMENTS
représentée par Maître Michaël B., avocat au barreau de GUYANE
SNC ETOILE COURCELLES
représentée par Maître Michaël B., avocat au barreau de GUYANE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : L'affaire a été débattue le 22 février 2016 en audience publique et mise en délibéré au 11 Avril 2016, devant la Cour composée de : M. Renaud SOUBELET, Président de chambre, Monsieur François GENICON, Président de Chambre, Mme Fabienne RAYON, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER : Mme Cécile PAUILLAC, Greffier, présente lors des débats ; Mme Cécile BINARD, Greffier, présente lors du prononcé
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le dispositif législatif dit « Girardin Industriel » est destiné à aider les entreprises ultra-marines. L'opération consiste pour les contribuables de la métropole à investir, pendant une durée de cinq ans, par le biais d'une société en nom collectif (SNC) ou d'une société anonyme simplifiée (SAS), dans des biens industriels destinés à être loués à des entreprises éligibles situées outre-mer. En contrepartie de cet investissement, le contribuable bénéficie d'une réduction de son impôt sur le revenu, égale à un pourcentage de son investissement, dont une partie devra être rétrocédée à l'exploitant.
La SAS Recherche Exploitation Minière Aurifère (Rexma) a pour activité principale l'exploration, la recherche de gisements miniers et l'exploitation de mines.
La SASU Rexea, filiale de la société Rexma vend des matériels et équipements pour l'extraction minière, la construction et le génie civil.
Le président de ces deux sociétés est M. X.
La SAS Inter Invest est une société spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine, en particulier au moyen du dispositif fiscal « loi Girardin industrielle ». Elle gère les SNC créées pour acquérir les biens d'équipement.
La SARL Antilles Investissements est une société de montages d'opérations de défiscalisation et a un établissement en Guyane identifié sous l'enseigne Guyane Investissements.
La SNC Etoile Caraïbes, devenue par la suite Etoile Courcelles, dont le capital est détenu par les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements, cette dernière en assurant aussi la gérance, a pour objet la « réception des apports en compte courant des fournisseurs, réception et paiement de toutes sommes ».
M. Y. dirige les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements.
Le 22 juin 2011, M. X., ès nom et pour le compte des sociétés Rexma et Rexea d'une part et M. Y. ès nom et pour le compte des sociétés Inter Invest et Antilles Investissements d'autre part, ont signé un protocole d'accord par lequel ils s'engageaient « à établir les différents contrats et documents juridiques devant régir leurs rapports ». Ainsi :
- M. X., promettant, s'engageait à céder 20,1 % du capital de la société Rexma, à M. Y. ès nom, lequel se réservait le droit de lever l'option après réalisation de certaines conditions (article 1) ;
- en cas de levée d'option, M. Y. s'engageait au nom des sociétés Inter Invest et Antilles Investissements à consentir un prêt de 500.000 euros à la société holding détentrice des participations dans les sociétés contrôlées par M. X., en vue du développement des affaires de ces sociétés (article 1-7) ;
- M. Y. s'engageait au nom et pour le compte des sociétés qu'il représente à faire ses meilleurs efforts en vue de trouver les financements de l'ensemble des investissements nécessaires au lancement de l'exploitation du permis d'exploitation (PEX) sur la crique Limonade par la société Rexma et du fonds de roulement nécessaire au lancement de cette exploitation dans la mesure où le PEX et l'agrément de la DGFIP seraient délivrés à la société Rexma (article 3) ;
- les parties convenaient, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction moyennant faculté pour chaque partie d'y mettre fin avec un préavis de trois mois, d'un accord commercial visant à faciliter le développement des affaires de la société Rexea (article 4) ; à cet effet :
* la société Rexea s'engageait à confier tous les financements de ses ventes et toutes les opérations de défiscalisation dans le cadre des ventes à ses clients aux sociétés Inter Invest et/ou Antilles Investissements et M. Y. ès qualité s'engageait en contrepartie à faire tous ses efforts pour permettre le financement des ventes que Rexea soumettrait aux sociétés Intervest et/ou Antilles Investissements ;
* dans le cadre des affaires qui seront financées par les SNC gérées par Inter Invest et/ou Antilles Investissements, leur dirigeant s'engageait à verser à la société Rexea ou au fournisseur une avance égale à 30 % du prix de vente du matériel et si une société financière acceptait d'assurer le financement, à régler immédiatement la partie financée du prix de vente (et se faire rembourser par la société de financement).
Aux termes de trois courriers des 26 et 28 octobre 2011 adressées à M. X. ainsi qu'aux sociétés Rexea et Rexma, M. Y. et les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements ont mis fin « immédiatement à toute collaboration » avec M. X. et ses sociétés « dont celles découlant du protocole en date du 22 juin 2012. »
Par acte en date du 3 janvier 2012, les sociétés Inter Invest, Antilles Investissement et Etoiles Caraïbes ont fait assigner devant le tribunal mixte de commerce M. X. et les sociétés Rexma et Rexea en paiement de diverses sommes consécutivement à la dénonciation du protocole du 22 juin 2011.
M. Y. est intervenu volontairement le 2 mars 2012.
Par jugement en date du 16 mai 2012, le tribunal mixte de commerce a :
- dit que les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements avaient de manière légitime rompu l'ensemble des relations contractuelles entretenues avec les sociétés Rexma et Rexea, en ce compris le protocole d’accord du 22 juin 2011 ;
- dit en conséquence que les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements et SNC Etoile Caraïbes étaient bien fondées à solliciter la restitution des avances de trésorerie consenties ;
- condamné la société Rexma à payer à la SNC Etoile Caraïbes la somme de 296.460,64 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;
- condamné les sociétés Rexma et Rexea à payer in solidum à la SNC Etoile Caraïbes la somme de 1.453.360 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;
- condamné les sociétés Rexma et Rexea à payer in solidum à la SNC Etoile Caraïbes et aux sociétés Inter Invest et Guyane Investissements globalement la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- rejeté les demandes reconventionnelles en indemnisation de leurs préjudices présentées par M. X. et les SAS Rexma et Rexea ;
- annulé le gage sur stock constitué le 16 juin 2011 et inscrit au RCS de Cayenne le 27 juin 2011 par la SARL Guyane Investissements sur deux pelles hydrauliques acquises par la société Rexea pour une valeur de 219.000 euros ;
- rejeté les demandes d’annulation des gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 ;
- rejeté la demande d'exécution provisoire ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de délais de paiement :
- rejeté tous autres chefs de demande ;
- condamné M. X., la SAS Rexma et la SAS Rexea in solidum aux dépens.
M. X., les sociétés Rexea et Rexma ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 25 mai 2012.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 7 octobre 2015, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et en conséquence de :
- à titre principal :
* réformer le jugement déféré ce qu'il a conclu qu'il existait deux causes légitimes de résiliation du protocole du 22 juin 2011, à savoir une fraude à la défiscalisation dans le cadre de l'opération de décembre 2010 visant le « bulldozer Aténor » et un détournement de gage au travers de la vente d'un bulldozer à la SNC Cap Nord 193 en août 2011 ;
* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'aucune faute ne saurait leur être reprochée relativement au prétendu non-respect de la clause improprement qualifiée d'exclusivité stipulée au terme du protocole ;
* dire que M. Y., les sociétés Inter Invest, Antilles Investissements et la SNC Etoile Caraïbes ont rompu à tort le protocole du 22 juin 2011, sans motif valable ; que l'absence totale de préavis de résiliation alors que les parties entretenaient des relations commerciales établies depuis 15 ans est une faute grave ouvrant droit à réparation du préjudice que cette résiliation leur a causé ;
* débouter en conséquence les intimés de leur demande en paiement de la somme de 750.000 euros, au titre de la clause pénale visée à l'article 6 du protocole ;
* constater au surplus que l'engagement de porte-fort invoqué par M. Y. est nul pour défaut de cause, qu'on ignore la nature et la portée contractuelle recherchée par cet engagement, qu'en tout état de cause un engagement de porte-fort ne peut conduire à une condamnation solidaire du porte-fort, et en conséquence écarter toute solidarité fondée sur un tel engagement ;
- à titre reconventionnel :
* condamner solidairement les intimés à verser :
o une somme de 2.419.718,31 euros à la société Rexea,
o une somme de 50.000 euros à la société Rexma,
en réparation des préjudices découlant pour elles de l'inexécution fautive par les intimés des engagements souscrits par eux aux termes du protocole du 22 juin 2011, de sa rupture abusive, des manœuvres de concurrence déloyale, des fausses déclarations faites dans les contrats de gage factices, du caractère abusif de l'assignation et du préjudice moral découlant de la volonté manifeste de nuire ;
o une somme de 80.000 euros à M. X. pour les préjudices personnels découlant pour lui de l'assignation abusive, celle-ci masquant une rupture abusive du protocole d'accord du 22 juin 2011 ;
* dire que la clause pénale édictée à l'article 6 du protocole du 22 juin 2012 n'est pas applicable, qu'aucune des sociétés intimées n'est fondée à en demander le bénéfice et l'application dès lors qu'aux termes du protocole, le bénéficiaire de ladite clause était M. Y. qui ne s'est substitué personne dans le bénéfice de cette clause ; que cette clause est au demeurant inapplicable tant en raison de ses stipulations que par suite de la résiliation intempestive du protocole par M. Y. et ses sociétés ;
* dire nul le gage sur stock en date du 16 juin 2011 inscrit le 27 juin 2011 pris par les intimés sur les stocks de la société Rexea dès lors que Guyane Investissements SARL n'est pas une banque ni un établissement de crédit et que le gage de stocks est réservé à de tels établissements, que la société inscrite comme gagiste n'est pas créancière, que les 3 pelles hydrauliques Hitachi visées par le gage ont été vendues avant l'inscription dudit gage en sorte que même s'il était valable, le gage ne serait pas opposable ;
* dire nuls les gages des 16 juin 2011, du 21 juillet 2011 et du 13 septembre 2011 car ils ont été inscrits au nom de la société Guyane Investissements qui ne dispose d'aucune créance à l'encontre des sociétés Rexma et Rexea, la société Guyane Investissements ayant faussement déclaré dans chacun de ces contrats de gage qu'elle avait versé les sommes devant être garanties par lesdits gages afin d'obtenir l'inscription frauduleuse de gages à son nom
* condamner solidairement la SNC Etoiles Courcelles, la SAS Inter Invest et la SARL Antilles Investissements à leur verser une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamner les intimés aux dépens de première instance et d'appel ;
- à titre subsidiaire :
* dire que les prétendues fautes retenues par les intimés aux termes des courriers de rupture d'octobre 2011 à les supposer avérées ne justifient aucunement la résiliation du protocole du 22 juin 2011, la première ayant été commise avant sa conclusion et la seconde n'étant restée qu'au stade de la tentative et l'opération stoppée en amont par les sociétés intimées en vertu du pouvoir discrétionnaire leur appartenant stipulé aux termes du protocole ;
* constater que les intimés ne fournissent aucun justificatif des créances alléguées par eux ni aucun décompte explicatif des sommes réclamées, qu'ils ne tiennent pas compte des paiements faits par les sociétés Rexma et Rexea qui contestent le montant de leur créance et dire que les intimés n'établissent pas qui est la société créancière des sommes qu'ils réclament ;
* en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes contenues dans l'assignation du 3 janvier 2012 et toutes celles prononcées par le jugement du 16 mai 2012 et renvoyer les intimés à préciser en les justifiant toutes les sommes qu'ils visent, opération par opération.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 27 juillet 2015, la SAS Inter Invest, la SARL Antilles Investissements, la SNC Etoile Courcelles et M. Y. demandent à la cour de :
- sur les créances fondant les poursuites :
* constater l'indépendance entre les demandes principales et reconventionnelles, constater que l'imputabilité de la rupture n'impacte par leur créance reconnue, certaine, liquide et exigible, constater la validité des promesses de porte-fort et l'indivisibilité du protocole du 22 juin 2011 ;
* en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a
o condamné in solidum les sociétés Rexma et Rexea à payer à la SNC Etoile Courcelles une somme de 1 453 360 euros au titre des avances en fond de roulement réalisées au profit de Rexea, constatées à la date de la rupture du protocole du 22 juin 2011, outre les intérêts légaux attachés à cette somme depuis la date de l'acte introductif d'instance ;
o condamné la société Rexma à payer à la SNC Etoile Courcelles une somme de 168 660,50 euros au titre des avances en fond de roulement réalisées au profit de Rexma, constatées à la date de la rupture du protocole du 22 juin 2011, outre les intérêts légaux attachés à cette somme depuis la date de l'acte introductif d'instance ;
- sur la rupture du protocole :
* constater la modification des relations entre les parties à compter de janvier 2011, constater les négociations et protocoles antérieurs, constater l'absence d'obligation contractuelle des intimés quant au financement des dossiers proposés par les appelants, constater l'absence totale de fautes imputables aux intimés, constater l'absence de brutalité liée à la rupture au regard des actes et négociations antérieurs ainsi que les manquements contractuels et l'exécution de mauvaise-foi du protocole du 22 juin 2011, justifiant rupture sans préavis ;
* en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
o constaté les manquements contractuels graves des appelants ;
o jugé la rupture du protocole justifiée et fondée, imputable aux appelants ;
o corrélativement rejeté les demandes reconventionnelles présentées par les appelants ;
- sur la validité des gages :
* confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 ;
* le réformer en ce qui concerne la validité du gage du 16juin 2011 et statuant à nouveau, juger valable ce gage ;
- sur la clause d'exclusivité, réformer le jugement déféré :
* constater l'obligation contractuelle de Rexea de confier tout dossier aux intimés et que le choix libre des clients finaux, non signataires, ne remet pas en cause cette obligation de présentation exclusive des dossiers aux intimés ; constater que Rexea n'apporte pas la preuve, à sa charge, d'une présentation de dossier de financement Inter Invest refusée par le client utilisateur final ; constater les manquements de Rexea à cette obligation d'exclusivité ;
* statuant à nouveau, juger que la société Rexea a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de la rupture de l'exclusivité attachée au protocole du 22 juin 2011 ;
- sur la clause pénale, réformer la décision déférée et, statuant à nouveau, condamner M. X. à verser à la société Inter Invest, substituant M. Y. et à M. Y. une somme de 750.000 euros au titre de la clause pénale visée à l'article 6 du protocole, outre les intérêts légaux attachés ;
- en tout état de cause :
* condamner in solidum les appelants à payer aux sociétés Etoile Courcelles, Inter Invest et Guyane Investissements, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 15.000 euros par intimée ;
* ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de l'acte introductif d'instance ;
* condamner in solidum les appelants aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP B. C.
La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 8 octobre 2015.
Par ordonnance en date du 14 octobre 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par les appelants.
Par ordonnance du 7 janvier 2016, le conseiller de la mise en état a :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 8 octobre 2015 à la seule fin de permettre la communication régulière de l’arrêt de la cour de cassation du 16 décembre 2015 ;
- ordonné une nouvelle clôture à effet au 15 janvier 2016.
Par ordonnance du 20 janvier 2016, le conseiller de la mise en état a rejeté une nouvelle demande des appelants tendant à la révocation de la clôture.
Par arrêt en date du 25 janvier 2016, la cour a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture des appelants et a renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 22 février 2016.
Par bordereau en date du 19 février 2016, M. X., les sociétés Rexea et Rexma ont communiqué de nouvelles pièces (n°83 à 94).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la communication de pièces du 19 février 2016 :
En application de l'article 783 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable en appel par renvoi de l'article 907 du même code, « après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée et aucune pièce produite, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ».
Il en résulte que les pièces produites le 19 février 2016 postérieurement à l'ordonnance de clôture du 7 janvier 2016 à effet au 15 janvier 2016 seront déclarées irrecevables.
Sur la rupture des relations commerciales :
Alors qu'en première instance M. X. et les sociétés Rexea et Rexma se fondaient sur l'article 1134 du code civil et « la jurisprudence en matière de rupture abusive de relations commerciales établies », ils fondent, dans leurs dernières conclusions, leurs demandes relatives à la rupture des relations commerciales sur les articles 1134 du code civil et L. 442-6 du code de commerce.
Même s'ils n'ont pas répondu sur les difficultés procédurales entraînées par ce nouveau fondement, elles sont dans les débats, « l'impact procédural de ces nouvelles dispositions (cf. notamment article D. 442-3 du code de commerce) » ayant été expressément soulevé par M. Y. et les sociétés Inter Invest, Antilles Investissements et Etoile Courcelles.
Le décret du 11 novembre 2009 ayant créé notamment l'article D. 442-3 du code de commerce qui organise des règles de compétence particulières pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du même code est entré en vigueur le 1er décembre 2009 ; en son alinéa 1, ce texte renvoie à un tableau annexe 4-2-1 déterminant les tribunaux de commerce compétents, réduits au nombre de huit et regroupant chacun plusieurs ressorts de cours d'appel, pour statuer sur l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, tableau en exécution duquel les procédures relevant normalement du ressort territorial de la cour d'appel de Cayenne doivent être engagées devant le tribunal de commerce de Fort de France.
En son alinéa 2, le même article dispose que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Cette dernière disposition, telle qu'elle est rédigée, a pour conséquence, quelle que soit la juridiction spécialisée compétente en première instance en application de l'alinéa 1, de priver toute autre cour d'appel que celle de Paris de tout pouvoir pour statuer sur des actions fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce.
Ainsi, la cour d'appel de Cayenne se trouve dépourvue de tout pouvoir pour connaître de toute action fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, engagée postérieurement au 1er décembre 2009 ; se trouvant saisie sur ce fondement nouveau en cause d'appel, elle ne peut se trouver investie du pouvoir de statuer au seul motif que le jugement critiqué a été rendu par le tribunal mixte de commerce de Cayenne situé dans son ressort.
En conséquence, les prétentions de M. X. et des sociétés Rexma et Rexea, en ce qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, doivent être déclarées irrecevables.
Elles peuvent en revanche parfaitement être examinées sur le fondement de l'article 1134 du code civil. En effet, si dans les contrats à exécution successive dans lesquels un terme a été prévu, le contrat doit en principe être exécuté jusqu'à son terme, la gravité du comportement d'une partie peut toutefois justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls peu important les modalités de résiliation prévues contractuellement. La résiliation fautive d'un contrat à exécution successive à durée déterminée engage la responsabilité de son auteur et donne lieu à des dommages et intérêts.
En l'espèce, l'accord commercial développé à l'article 4 du protocole du 22 juin 2011 était applicable pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, moyennant faculté pour chaque partie d'y mettre fin avec un préavis de trois mois.
Les motifs de rupture des relations entre les parties tels que libellés dans les courriers des 26 et 28 octobre 2011 sont les suivants :
- « il y a quelques jours, j'ai découvert à l'occasion d'un échange de correspondance entre Monsieur X. et notre directeur Monsieur Z. que votre société avait présenté comme neuf et fourni à la location en décembre 2010 un matériel fabriqué en 2008 et présentant plus de 1.700 heures au compteur. »
- « courant septembre 2011, nous avons été contraints de refuser de financer le dossier d'un locataire relatif à un bulldozer Komatsu D65PX15, fourni par la société REXEA comme prétendument neuf, alors que ce matériel était d'occasion pour avoir plus de 2.000 heures au compteur. Cet état nous a été confirmé par le fournisseur. »
Il sera considéré que seuls doivent être pris en considération ces motifs énoncés dans la lettre de rupture et non d'autre motifs que les sociétés intimées ont invoqués dans le cadre judiciaire. Dès lors, il est indifférent de rechercher si les sociétés appelantes ont violé la clause dite d'exclusivité insérée dans le protocole (article 4) ou si les sociétés appelantes ont commis un détournement de gage.
Sur le premier motif :
Les appelantes soulèvent l'autorité de la chose jugée au civil sur le pénal.
Par arrêt du 3 avril 2014, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Cayenne a relaxé X., lequel était poursuivi « en sa qualité de chef d'entreprise » du chef d'escroquerie pour avoir : « à Cayenne entre décembre 2010 et septembre 2011, par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, l'abus d'une qualité vraie ou l'emploi de manœuvres frauduleuses, en l'espèce, en ayant vendu un tracteur sur chenille de marque KOMATSU DEX 65, facturé comme neuf, alors que cet engin fabriqué en 2008 indiquait 1.690 heures d'utilisation, trompé l'organisme de défiscalisation Inter Invest - Guyane Investissement - en le déterminant ainsi, au préjudice de l'acquéreur, des investisseurs (SNC) et des services fiscaux, à remettre des fonds, valeurs, ou bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation de décharge, en l'espèce, permettre l'octroi d'avantages fiscaux sur un engin non éligible à la défiscalisation ».
Par arrêt de la cour de cassation du 16 décembre 2015, le pourvoi des intimés a été rejeté de sorte que l'arrêt du 3 avril 2014 est irrévocable en ce qui concerne la relaxe du chef d'escroquerie.
L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.
En particulier, la décision de la juridiction pénale qui relaxe un prévenu, fût-ce au bénéfice du doute, établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie.
En l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt du 3 avril 2014 que la chambre des appels correctionnels a considéré qu'il existait « à tout le moins un doute sur la réalité de la tromperie », les parties invoquant « des thèses contraires étayées par des consultations d'éminents fiscalistes relativement à la définition du matériel neuf au regard des dispositions fiscales concernées ».
Il en ressort que la cour ne peut dans le cadre de la présente instance considérer que la société Rexea dirigée par M. X. a trompé les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements en fournissant en décembre 2010 un matériel présenté comme neuf, qui était en réalité d'occasion, alors que le juge pénal a considéré qu'il n'y avait pas tromperie, même au bénéfice du doute.
Dans ces conditions, la cour ne peut considérer ce premier motif comme pouvant légitimer la rupture des relations commerciale.
Sur le second motif :
Aucune autorité de la chose jugée au pénal ne peut être soulevée, le juge pénal n'ayant pas eu à connaître de ces faits, de sorte que le juge commercial retrouve son entière liberté.
Il résulte des pièces produites qu'aux termes d'un échange de courriels du 14 septembre 2011 entre la société BMTP-EOM et la société Inter Invest au sujet de la livraison d'un bulldozer Komatsu D65PX15 commandé à la société BMTP-EOM par la société Rexea en vue de la livraison par celle-ci à une des SNC créées par la société Antilles Investissement, la société Inter Invest a appris que le matériel était « de démonstration année 2007 » et a obtenu une photographie du compteur de cet engin de chantier, portant mention de 1.957 heures d'utilisation.
La société Rexea dont les relations avec les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements étaient anciennes et bien antérieures à la signature du protocole du 22 juin 2011 savait parfaitement que les sociétés intimées étaient spécialisées dans les montages d'opérations de défiscalisation et que dans ce cadre les dispositions fiscales subordonnent la réduction d'impôts accordée aux investisseurs privés au caractère « neuf » des « investissements productifs ».
Les intimés produisent :
- le commentaire des dispositions fiscales applicables, publié au Bulletin Officiel des Impôts (5 B-2-07) n° 15 du 30 janvier 2007 qui précise : « Conformément aux dispositions du 1er alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition... est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. (...)
Doit être considéré comme neuf, un bien qui vient d'être fabriqué ou construit et qui n'a pas encore été utilisé En règle générale, les biens neufs doivent donc être achetés directement à des fabricants ou des commerçants revendeurs. (...)
Toutefois, dans l'hypothèse où elle serait rachetée à une entreprise, une immobilisation devrait être regardée comme ayant conservé son état neuf, bien qu'elle ait déjà fait l'objet d'une première vente à un utilisateur, si le rachat a eu lieu peu de temps après la première utilisation et avant toute mise en service. »
- trois réponses des 21, 23 avril et 20 août 2015 des directions régionales des Finances Publiques de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion qui reprenant la documentation administrative susvisée précisent clairement qu'un bulldozer Komatsu fabriqué deux ans avant sa date de commercialisation et présentant 1.700 heures d'utilisation ne peut être considéré comme un bien neuf.
Ces documents émanant directement de l'administration fiscale seront évidemment préférés à la consultation du cabinet d'avocat D. du 11 septembre 2013, obtenu pour les besoins de l'instance pénale par M. X.
Ainsi, la société Rexea ne peut légitimement soutenir qu'elle a pu penser qu'un matériel datant de 2007, soit quatre ans avant la date prévue pour sa commercialisation, et ayant été utilisé déjà 1.957 heures est un matériel neuf.
Dès lors, en essayant d'obtenir des sociétés Inter Invest et Antilles Investissements le financement de la vente d'un tel matériel, elle a tenté en toute connaissance de cause de les tromper, le fait que le financement n'ait pas été obtenu du fait de la vigilance de la société Inter Invest qui s'est aperçue de la supercherie est indifférent. Est également sans importance le fait qu'à réception de la photographie du compteur, le directeur administratif et financier de la société Inter Invest n'ait pas immédiatement refusé le financement de la vente et se soit initialement étonné en interrogeant le fournisseur sur le point de savoir si un tel nombre d'heures d'utilisation devait amener à considérer que le matériel était « neuf » ou « d'occasion ». Un tel questionnement ne peut aucunement être analysé comme la reconnaissance par la société Inter Invest de ce que qu'un « matériel de démonstration, non encore immobilisé comptablement (est) éligible à la défiscalisation » comme les appelants le soutiennent.
Ce comportement déloyal, exempt de la bonne foi qui devait présider aux relations contractuelles entre les parties en application de l'article 1134 du code civil, constitue une faute caractérisée suffisamment grave pour justifier à elle seule la rupture immédiate des relations commerciales.
En outre, l'imbrication des relations entre les parties tant avant qu'après la signature du protocole du 22 juin 2011 est telle qu'il ne saurait y avoir de rupture limitée aux relations entre les sociétés Antilles Investissements et Inter Invest et la seule société Rexea. D'ailleurs selon l'article 7 du protocole du 22 juin 2011 stipule : « les parties déclarent chacune pour ce qui la concerne que le présent protocole constitue un tout unique et indivisible ».
Sur le fait que les sociétés intimées auraient manqué à leurs obligations découlant du protocole, force est de constater que les appelants n'en tirent aucune conséquence précise sur la rupture des relations commerciales, se bornant à réclamer des dommages et intérêts.
Ainsi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que la rupture des relations contractuelles était légitime.
Sur les sommes dues aux sociétés intimées :
La demande des intimés tendant au remboursement des sommes avancées aux sociétés appelantes dans le cadre de leurs relations commerciales est justifiée en son principe eu égard à la rupture de ces relations.
Sur les sommes réclamées par la société Etoile Courcelles au titre des avances en fonds de roulement effectuées au bénéfice de la société Rexea :
Il est réclamé par la société Etoile Courcelles une somme de 1.453.360 euros au titre des avances en fonds de roulement effectuées au profit de la société Rexea (et non de 1.469.860 euros comme soutenu par les appelants).
M. X. et ses sociétés contestent d'abord que le créancier soit la société Etoile Courcelles. Or, il est établi que cette société dont les associées sont les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements a pour objet social la réception des apports en compte courant, le paiement des fournisseurs et le paiement de toute somme. Dans ce cadre, elle a procédé, pour le compte de ses associées dans le cadre de l'exécution du protocole du 22 juin 2011 (article 4) et avant même la signature de ce protocole, à des avances en fonds de roulement à la société Rexea ou aux fournisseurs de matériels commandés par cette dernière. Il est donc légitime qu'elle en réclame le remboursement.
Sur le montant de la créance, il est établi que la société Étoiles Courcelles a versé une somme globale de 3.288.224 euros soit :
- à la société Rexea au titre des besoins en fonds de roulement de cette dernière à la date du 21 janvier 2011 une somme de 1 057 414 euros, montant admis par M. X., dirigeant de la société Rexea ainsi que le démontre sa signature précédée de la mention « OK », les sommes mentionnées comme venant en déduction étant simplement des prévisions pour l'année 2011 (sous pièce 1-1 de la pièce 18-1 produite par les intimés) ;
- à la société Rexea une somme de 941.140 euros correspondant à cinq virements de 100.000 euros, 150.000 euros, 240.000 euros, 76.140 euros et 375.000 euros les 12 septembre, 2 août, 24 juin, 15 juin et 11 février 2011, les ordres de virements étant versés aux débats ;
- aux divers fournisseurs une somme de 1.289.670 euros correspondant à cinq virements de 47.640 euros, 813.850 euros, 119.500 euros, 89.680 euros et 219.000 euros des 15 septembre 2011, 21 juillet 2011, 13 juillet 2011 et 5 avril 2011, les ordres de virement étant produits.
Il convient d'en déduire les sommes de 79.000 euros au titre du paiement de huit billets à ordre par la société locataire ATENOR et de 1.755.864 euros correspondant au remboursement obtenu de la quote-part financée par les SNC, l'ensemble de ces sommes étant justifiées par les documents produits (sous-pièces 4-1 à 4-6, 5-1 à 5-17 de la pièce 18-1 produite par les intimés).
Il en résulte un solde dû par la société Rexea de 1.453.360 euros, étant précisé que dans un mail du 21 octobre M. X. « président du groupe Rexma » reconnaissait devoir une somme approchante de 1.468.860 euros, supérieure de 15.500 euros à la somme réclamée par la société Etoile Courcelles.
Il convient donc de retenir une dette de la société Rexea d'un montant de 1.453.360 euros que la société Rexea ne conteste pas utilement.
S'agissant de la condamnation in solidum de la société Rexma avec la société Rexea, les sociétés intimées produisent pour la fonder une « attestation de porte-fort » du 21 juillet 2011 par laquelle la société Rexma « déclare... se porter fort, en application de l'article 1120 du code civil, des avances de trésorerie au titre du Besoin en Fonds de Roulement et d'une façon générale des engagements pris par la société Rexea... auprès des sociétés Inter Invest,... Antilles Investissements... et Etoile Caraïbes... ».
Il en résulte que la société Rexma s'est engagée à faire en sorte que la société Rexea exécute son obligation de rembourser les avances de trésorerie.
Il est d'abord manifeste, contrairement à ce que soutiennent les appelants que cet engagement de porte-fort a une cause. En effet, faisant partie du même groupe de sociétés et également signataire du protocole du 22 juin 2011, la société Rexma avait un intérêt économique à ce que des avances de trésorerie soient consenties à la société Rexea.
En outre, l'engagement de porte-fort pris par la société Rexma constitue un engagement de faire, de sorte que l'article 1326 du Code civil ne lui est pas applicable.
Enfin, force est de constater en l'espèce que la société Rexma, porte-fort, n'a pas satisfait à son obligation puisque la société Rexea n'a pas remboursé les avances de trésorerie perçues. Il convient donc qu'elle répare le préjudice ainsi causé à la société Etoile Courcelles et qui doit être chiffré au montant de la dette de la société Rexea soit 1.453.360 euros, qu'elle sera condamnée à payer in solidum avec la société Rexea.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012, date de l'assignation devant le tribunal mixte de commerce, s'agissant de la condamnation de la société Rexea et à compter du 16 mai 2012, date du jugement déféré, s'agissant de la condamnation de la société Rexma, tenue au paiement d'une indemnité. Il convient par ailleurs d'autoriser la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
La décision déférée sera donc confirmée de ce chef, sauf pour ce qui concerne le point de départ des intérêts sur l'indemnité due par la société Rexma.
Sur les sommes réclamées par la société Etoile Courcelles à la société Rexma :
Il s'agit d'une somme de 168.660,50 euros que la société Rexma a expressément reconnu devoir dans le courriel de son dirigeant X. du 21 octobre 2011, dans les termes suivants « A aujourd'hui : (...) REXMA : montant BFR : 168 660,50 euros. »
La société Rexma se borne à contester cette somme sans justifier des paiements qui auraient pu la réduire.
Ainsi, il convient de réformer le jugement déféré en portant la somme due par la société Rexma à la société Etoile Courcelles à la somme de 168.660,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012, date de l'assignation devant le tribunal mixte de commerce et capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Sur l'application de la clause pénale :
L'article 6 intitulé « clause pénale » du protocole du 22 juin 2011 stipule que :
« En cas de non-respect par Monsieur X. de sa promesse de cession d'actions prise aux termes de l'article 1 ci-dessus, c'est-à-dire au cas où Monsieur X. refuserait de céder ou ferait échouer volontairement la cession des 201 actions objet de la promesse de vente ci-dessus, ou ne respecterait pas son engagement d'agréer l'acquéreur, Monsieur X. sera tenu de verser à Monsieur Y. ou à toute personne physique ou morale qu'il se serait substitué, une indemnité forfaitaire définitive de 750.000 euros. »
Cette clause prévoit son application dans trois cas :
- M. X. refuse de céder les actions ;
- M. X. fait échouer volontairement la cession des actions ;
- M. X. n'agrée pas l'acquéreur.
En l'espèce, il est manifeste que M. X. n'a ni refusé de céder les actions, ni refusé d'agréer l'acquéreur. Il n'a pas plus cherché directement à faire échouer la cession des actions.
Le jugement déféré qui a débouté la société Inter Invest et M. Y. de leur demande en paiement au titre de la clause pénale sera donc confirmé.
Sur les gages :
Il est demandé par les appelants la nullité des gages consentis par la société Rexea les :
- 25 janvier 2011 à la SNC Etoile Caraïbes devenue Etoile Courcelles (pièce 9-2 des intimées) ;
- 16 juin 2011 à la société Guyane Investissements (qui est en réalité l'établissement en Guyane de la SARL Antilles Investissements (pièce 9-3 des intimées) ;
- 21 juillet 2011 à la société Guyane Investissements ;
- 13 septembre 2011 à la société Guyane Investissements.
Ils font valoir en premier lieu que les gages inscrits au nom de la société Guyane Investissements sont nuls, cette dernière n'étant pas créancière de la société Rexea puisque c'est la société Etoile Courcelles qui a acquitté le prix des matériels.
L'article 2333 du code civil dispose que :
« Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde au créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs.
Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent déterminables. »
En l'espèce, il est constant que le prix des matériels sur lesquels des gages ont été inscrits au bénéfice de l'établissement guyanais de la société Antilles Investissements a été payé aux fournisseurs de la société Rexea par la société Etoile Caraïbes devenue Etoile Courcelles. C'est donc cette dernière qui est créancière de la société Rexea et qui a d'ailleurs demandé et obtenu ci-dessous le remboursement des avances de trésorerie effectuées.
La société Antilles Investissements n'étant pas créancière ne pouvait donc se faire consentir les gages litigieux et il importe peu que :
- la société Etoile Courcelles cède « ultérieurement » ses créances à la société Antilles Investissements ; il ne s'agit pas en l'état d'une créance future de la société Antilles Investissements mais d'une créance seulement éventuelle ;
- le protocole du 22 juin 2011 prévoit la constitution de gages au profit d'Inter Invest ou d'Antilles Investissements : en effet si cet acte prévoyait le nantissement au profit de ces deux sociétés des matériels financés c'était en garantie des avances de fonds qu'elles feraient aux fournisseurs de la société Rexea ; or, force est de constater que les avances ont été faites par une société tierce, même si elle fait partie du même groupe.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le gage du 16 juin 2011, de le réformer en ce qui concerne le rejet de la demande d'annulation des gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 et en conséquence d'annuler ces gages.
S'agissant du gage du 25 janvier 2011, la société Rexea fait valoir qu'il est nul en raison de la disproportion entre le montant garanti (375.000 euros) et la valeur des matériels gagés (1.250.000 euros) et qu'en outre, la convention de gage n'est pas signée de la société Etoile Courcelles.
L'examen de l'acte de constitution de gage du 25 janvier 2011 montre effectivement que s'il est porté en fin d'acte le cachet de la SNC Etoile Caraïbes, aucune signature ne figure. Dès lors, le gage est nul.
Le jugement qui avait omis de statuer sur la validité de ce gage sera donc complété en ce sens.
Sur les demandes indemnitaires de M. X. et des sociétés Rexma et Rexea :
La société Rexea réclame une indemnité de 2.419.718,31 euros et la société Rexma une indemnité de 50.000 euros.
Force est de constater que si elles visent dans le dispositif de leurs dernières conclusions les « préjudices découlant pour elles de l'inexécution fautive par les intimés des engagements souscrits par eux aux termes du protocole du 22 juin 2011, de sa rupture abusive, des manœuvres de concurrence déloyale, des fausses déclarations faites dans les contrats de gage factices, du caractère abusif de l'assignation et du préjudice moral découlant de la volonté manifeste de nuire », elles ne développent dans le corps de ces écritures que le préjudice qui découlerait de la rupture sans préavis des relations commerciales.
Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus que la rupture des relations commerciales n'était pas abusive, le jugement qui a débouté les sociétés Rexma et Rexea de leurs demandes indemnitaires sera donc confirmé.
M. X. réclame une indemnité de 80.000 euros au titre des « préjudices personnels résultant pour lui de l'assignation abusive, celle-ci masquant une rupture abusive du protocole d'accord du 22 juin 2011 ».
La rupture des relations commerciales n'étant pas abusive, le jugement déféré qui a rejeté la demande indemnitaire sera en conséquence confirmé.
Sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré de ces chefs.
En outre, les appelants succombant sur l'essentiel de leurs demandes seront condamnés in solidum aux dépens.
Enfin, il convient de les condamner à payer in solidum à la SNC Etoiles Courcelles, à la SAS Inter Invest et à la SARL Antilles Investissements une somme de 1 500 euros à chacune, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont été contraintes d'exposer en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE irrecevables les pièces produites par M. X., les sociétés Rexea et Rexma par bordereau du 19 février 2016 ;
DÉCLARE irrecevable la demande tendant à voir dire abusive la rupture des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- fixé le point de départ des intérêts au taux légal dus par la société Rexma sur la somme de 1.453.360 euros à la date de l'assignation devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne ;
- condamné la société REXMA à payer à la SNC Etoile Caraïbes la somme de 296.460,64 euros ;
- rejeté la demande d'annulation des gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 ;
Statuant à nouveau,
DIT que les intérêts courront sur la somme de 1.453.360 euros due par la société Rexma à compter du jugement du 16 mai 2012 ;
CONDAMNE la société Rexma à payer à la SNC Etoile Courcelles la somme de 168.660,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière et pour la première fois le 3 janvier 2013 pour les intérêts échus entre le 3 janvier 2012 et le 3 janvier 2013 ;
ANNULE les gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 ;
Y ajoutant :
ANNULE le gage du 25 janvier 2015 ;
CONDAMNE in solidum X., la SAS Rexma et la SASU Rexea à payer à la SNC Etoiles Courcelles, à la SAS Inter Invest et à la SARL Antilles Investissements une somme de 1.500 euros à chacune ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Rexma et Rexea et M. X. aux dépens d'appel.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier Le Président
Cécile BINARD Renaud SOUBELET