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CA MONTPELLIER (2e ch.), 21 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch.), 21 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch.
Demande : 14/09556
Date : 21/06/2016
Nature de la décision : Avant dire droit
Date de la demande : 20/12/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5672

CA MONTPELLIER (2e ch.), 21 juin 2016 : RG n° 14/09556 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est aussi de principe, d'autre part, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 24 septembre 2013, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5 et D.442-3 du code de commerce que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir. Ceci car les cours d'appel autres que Paris, par l'effet des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, se trouvent dépourvues du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de ce texte, qui sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixées par décret. Or ni le tribunal de commerce de Montpellier ni la cour d'appel de Montpellier ne sont désignés comme juridictions auxquelles ces litiges sont attribués et elles sont donc dépourvues du pouvoir juridictionnel de statuer de ce chef, par le législateur.Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 125 du code de procédure civile que le juge doit relever d'office les fins de non-recevoir ayant un caractère d'ordre public.

Il convient donc d'ordonner le renvoi de l'affaire à la mise en état et d'enjoindre aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts et sur la recevabilité de l'appel, alors que la pratique commerciale prohibée était aussi invoquée comme moyen de défense face à la demande principale.

Il y a lieu aussi d'interroger les parties sur une éventuelle disjonction des instances entre la demande principale et la demande reconventionnelle. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 21 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/09556. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 NOVEMBRE 2014, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 14/10341.

 

APPELANTE :

SARL IPP

(RCS XX) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié au siège social, représentée par Maître Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

INTIMÉE :

SARL GROUPE Y. P.

représentée par Maître Jean Luc V. de la SELARL V. SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Maître Sébastien V. (Cabinet V.), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 26 avril 2016

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 MAI 2016, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, président, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 11 décembre 2013 la SARL IPP, établie à [ville P.], a donné en location à la SARL Groupe Y. P., établie également à [ville P.], un stand au salon professionnel de l'ongle « Nail Art & Manucure », qu'elle organisait à Palavas (34) les 20 et 21 avril 2014.

La SARL IPP a émis deux factures de location, pour une somme totale de 6.267,86 euros, que la SARL Groupe Y. P. a refusé de payer, alléguant de difficultés survenues lors du salon, quand à la qualité de son emplacement, quant au nombre des exposants censés attirer le public, inférieur à ce qui avait été annoncé dans la publicité, notamment, outre une surfacturation du mètre carré et le fait que la seconde facture concernait la location d'un stand supplémentaire, qui n'avait jamais été commandé.

La SARL IPP l'a alors fait assigner par acte d'huissier délivré le 23 mai 2014 devant le tribunal de commerce de Montpellier, lui réclamant le paiement des factures avec intérêts de retard au taux contractuel de la Banque de France majoré de deux points depuis la date de chaque facture, en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, outre une somme de 600,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement contradictoire en date du 17 novembre 2014, le tribunal de commerce de Montpellier a notamment :

- dit et jugé que la société IPP n'avait pas exécuté l'intégralité de ses obligations et annulé le contrat du 11 décembre 2013, entre les parties,

- rejeté les autres demandes des parties,

- condamné la société IPP à payer à la société Group(e) Y. P. une somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1.500,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

Par déclaration d'appel parvenue au greffe de la cour d'appel de Montpellier le 20 décembre 2014, la SARL IPP a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 9 mars 2015, la SARL IPP sollicite la condamnation de la SARL Groupe Y. P. à lui payer les sommes suivantes :

- la somme de 6.267,86 euros,

- les intérêts de retard au taux contractuel de la Banque de France majoré de deux points depuis la date de chaque facture, en application de l'article L. 441-6 du code de commerce,

- une somme de 600,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1.800,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 6 mai 2015, la SARL Groupe Y. P. sollicite notamment :

- l'annulation du contrat de location pour dol, erreur et absence de cause, outre que la seconde facture relative à un deuxième stand non commandé n'est pas due,

- que le règlement général du salon, qu'il n'a pas signé, lui soit déclaré inopposable, ainsi que les conditions générales de la société IPP,

- subsidiairement la résolution du contrat de location pour inexécution par le loueur de ses obligations contractuelles, en application de l'article 1184 du code civil,

- à titre reconventionnel, la condamnation de la SARL IPP à lui payer une somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice causé par son comportement discriminatoire, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce.

- la condamnation de la SARL IPP à lui payer une somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, comprenant les frais de poursuite que pourrait exposer la société Groupe Y. P. en application des articles 8 et 10 du décret du 12 décembre 1996.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 avril 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

La SARL IPP soutient que :

- le nombre d'exposants au salon, plus faible que celui annoncé dans les publicités qu'elle avait diffusées (18 ou 24 au lieu de 57) ne peut être retenu comme inexécution de ses obligations contractuelles car il était stipulé que les plans des stands prévus n'avaient aucun caractère contractuel,

- le contrat de location conclu entre les parties prévoyait un tarif de 220 euros le mètre carré, ramené à 154 euros après remise de 30 %, peu important donc le fait, allégué, qu'un autre exposant n'ait payé qu'une somme de 132 euros le mètre carré,

- aucune manœuvre ni réticence dolosive ne peut lui être reprochée et la preuve n'en est pas rapportée,

- le contrat de location n'est pas dépourvu de cause, la locataire ayant bien eu un stand comme prévu au salon, qui a eu lieu à l'endroit et la date convenue, peu important que le nombre d'exposants attendus ait été inférieur aux prévisions initiales,

- l'accord sur la location d'un second stand au prix 2.000,00 euros HT résulte d'un échange de mails entre les parties les 9, 11 et 15 avril 2014, à ce propos, et a été mis en œuvre, effectivement,

- le nombre de bons d'achat à gagner par tirage au sort qui était convenu, élément d'attractivité du salon pour la clientèle, n'a pas été respecté, à hauteur de 40 % de moins, certes, mais cela ne justifie pas la résolution du contrat de location en son entier pour inexécution de cette seule prestation,

- il n'est nullement prouvé que le stand fourni aurait été dépourvu de moquette, contrairement à ce qui était convenu,

- les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts sont injustifiées.

Ces moyens doivent être appréciés au vu des pièces produites et en appliquant les dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce, entre ces deux sociétés commerciales, permettant de prouver les actes de commerce par tous moyens.

Mais tant comme moyen de défense pour refuser de payer la facture (page 7 des conclusions), qu'en tant que demande reconventionnelle de dommages et intérêts, la SARL Groupe Y. P. invoque expressément les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, alléguant d'une pratique commerciale qu'elle juge discriminatoire du fait d'un tarif de location plus cher qu'un autre exposant.

Il s'avère que le 1er paragraphe de l'article L. 442-6 du code de commerce visant particulièrement les pratiques d'achat ou de vente discriminatoires entre partenaires économiques avait été abrogé depuis la loi du 4 août 2008, soit avant les faits litigieux.

En l'absence de conclusions des parties relatives à cette abrogation, il convient donc de se référer, quant aux moyens soutenus au visa de ce texte dans les conclusions des parties, au paragraphe 2 de l'article L. 442-6 ; celui-ci prévoit quant à lui l'interdiction de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; il est donc enjoint à la SARL Groupe Y. P. de préciser le fondement juridique exact de ses moyens de ce chef.

S'agissant d'une disposition d'ordre public, la cour d'appel doit relever d'office la fin de non-recevoir tirée des dispositions combinées des articles L. 442-6-I, 2°, L. 442-6-III et D.442-3 du code de commerce, donnant compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître en appel des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, dès lors que sont invoquées ces dispositions légales.

En effet, il est de principe, d'une part, que les lois spéciales, telles les dispositions de l'article L. 442-6 dernier alinéa du code de commerce, renvoyant la connaissance des litiges relatifs à l'application de cet article aux seules juridictions désignées à l'article D. 442-3 du code de commerce, dérogent aux lois générales, y compris en matière de procédure civile, telles les dispositions invoquées de l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire concernant la dévolution territoriales des jugements de première instance aux cours d'appel, de façon générale.

Il s'ensuit que comme énoncé au dernier alinéa de l'article D. 442-3 du code de commerce, la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par les juridictions commerciales spécialement compétentes en métropole dans ces litiges, désignées en annexe 4-2-1 de ce texte, est celle de Paris, uniquement.

Le fait que le tribunal de commerce de Montpellier se soit prononcé en première instance, en méconnaissance éventuelle des règles d'attribution particulière de ces litiges au seul tribunal de commerce de Marseille, ne saurait avoir pour effet de déroger à la règle de compétence nationale d'ordre public réservant à la seule cour d'appel de Paris la connaissance de tous les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce.

Il est aussi de principe, d'autre part, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 24 septembre 2013, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5 et D.442-3 du code de commerce que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir. Ceci car les cours d'appel autres que Paris, par l'effet des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, se trouvent dépourvues du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de ce texte, qui sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixées par décret.

Or ni le tribunal de commerce de Montpellier ni la cour d'appel de Montpellier ne sont désignés comme juridictions auxquelles ces litiges sont attribués et elles sont donc dépourvues du pouvoir juridictionnel de statuer de ce chef, par le législateur.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 125 du code de procédure civile que le juge doit relever d'office les fins de non-recevoir ayant un caractère d'ordre public.

Il convient donc d'ordonner le renvoi de l'affaire à la mise en état et d'enjoindre aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts et sur la recevabilité de l'appel, alors que la pratique commerciale prohibée était aussi invoquée comme moyen de défense face à la demande principale.

Il y a lieu aussi d'interroger les parties sur une éventuelle disjonction des instances entre la demande principale et la demande reconventionnelle.

 

SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Il y a lieu de réserver en fin d'instance tous autres droits et moyens des parties, ainsi que les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et avant dire droit,

Vu les articles 12, 125, 367, 368, du code de procédure civile,

Vu les articles L. 442-6, dans rédaction issue de la loi du 27 juillet 2010, et D.442-3 du code de commerce,

Relève d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée des dispositions combinées des articles L. 442-6-I, 2°, L. 442-6-III et D.442-3 du code de commerce, donnant compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître en appel des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, notamment en ce qu'il concerne la soumission d'un partenaire économique à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

Ordonne le renvoi de l'affaire à la mise en état,

Enjoint aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir de la demande de dommages et intérêts de la société Groupe Y. P., de ce chef, ainsi que du moyen de défense qu'elle invoque, relevée d'office, et ses conséquences procédurales, notamment quant à la recevabilité de l'appel,

Réserve tous autres droits et moyens des parties, ainsi que les dépens, en fin d'instance ;

Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 21 juin 2016.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT