CA BOURGES (ch. civ.), 20 février 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 569
CA BOURGES (ch. civ.), 20 février 2006 : RG n° 05/01165 ; arrêt n° 178
Publication : site CCAB
Extraits : 1/ « Attendu que la demande tendant à voir qualifier d'abusive une clause d'intérêts, a un caractère indéterminé ; qu'il s'ensuit que le jugement qui s'est prononcé sur cette demande est susceptible d'appel ; Que le moyen d'irrecevabilité soulevé de ce chef sera écarté ».
2/ « Attendu que la demande présentée par M. X. tend à voir déclarer abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, la clause figurant dans l'offre préalable de crédit en date du 14 janvier 2003 par laquelle la société C. lui a consenti une ouverture de crédit utilisable par fractions dans la limite d'un maximum autorisé, assortie d'une carte de formule [L.] ; Que la juridiction civile est parfaitement compétente apprécier de la licéité de ladite clause ; Que le Tribunal a justement écarté le moyen d'incompétence soulevé ».
3/ « Attendu que selon les termes du contrat, il était convenu que « le taux est révisable et suivra les variations et plus et en moins du taux de base que C. applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse auprès du public » ; Que cette clause résulte de l'application parfaitement licite des dispositions prévues par le modèle type n° 4 annexé initialement au décret n° 78-509 du 24 mars 1978 et désormais annexé à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation ; Que ce modèle type prévoit en effet que le taux effectif global suit les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public ; Que l'offre préalable de crédit acceptée reproduisant en l'espèce les indications précitées et énonçant clairement les modalités de détermination du montant des échéances de remboursement et du taux effectif global, il ne peut être valablement soutenu que le coût du crédit est indéterminé ;
Que l'appelant fait néanmoins référence aux mentions complémentaires figurant dans l'offre de crédit et indiquant à l'emprunteur le taux d’intérêt en fonction du montant du solde débiteur du compte, pour prétendre que la clause litigieuse ne serait pas la reproduction exacte du modèle type ; Mais attendu que cet ajout ne modifie en rien la clause-type puisqu'il ne fait que préciser à l'emprunteur la portée exacte de ses engagements et qu'il n'est fait ici que l'application du contrat-type ;
Qu'il convient de rappeler à cet égard que la clause de variation du taux des intérêts a été déclarée abusive par la Commission des Clauses Abusives, uniquement en raison du fait qu'elle ne soumettrait pas cette variation à des critères objectifs préalablement convenus, mais non en ce qu'elle détaille, comme en l'espèce, le taux d'intérêt en fonction de l'utilisation qui est faite du crédit par l'emprunteur ; Qu'il doit être encore rappelé que le prêteur n'est nullement tenu à la reproduction servile du modèle-type et qu'il a toujours la possibilité de le compléter dès lors que les mentions exigées par ledit modèle figurent bien dans l'offre préalable soumise à l'emprunteur :
Attendu que l'appelant soutient en dernier lieu que la mention du contrat de crédit prévoyant qu'en cas de variation du taux d'intérêt l'emprunteur peut demander par courrier recommandé dans les 30 jours à compter de la notification à amortir le solde débiteur, constitue une disposition non prévue au modèle-type et qui a été considérée comme abusive par la Commission des Clauses Abusives du fait que l'emprunteur n'aurait pas la possibilité d'opter pour le maintien des conditions initiales du crédit ; Mais attendu qu'en prévoyant cette faculté pour l'emprunteur l’organisme de crédit ne fait qu'appliquer les dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation exigeant que l'offre de crédit mentionne « les modalités du remboursement, qui doit être échelonné, sauf volonté contraire du débiteur demande à ne plus bénéficier de son ouverture de crédit » ; qu'en aucun cas une disposition légale reproduite dans un contrat ne peut constituer une clause pouvant être qualifiée d'abusive ;
Que le premier juge a pu dans ces conditions justement énoncer que la clause contestée n'était pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ».
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/01165. Arrêt n° 178.
Décision déférée à la Cour : JUGEMENT rendu par le Tribunal d'Instance de BOURGES en date du 20 juin 2005.
PARTIES EN CAUSE :
I - M. X.
né le [date] à [ville], [adresse], représenté par Maître Hervé RAHON, avoué à la Cour, assisté de Maître Valérie JAMET-MOREL, avocat au Barreau de BOURGES, membre de la SCP ALLEZARD, JAMET-MOREL et THEVENARD (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date]). APPELANT suivant déclaration du 04 juillet 2005
II - SA C.
agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par Maître Jacques-André GUILLAUMIN, avoué à la Cour, assistée de Maître André JACQUET, avocat au barreau de BOURGES. INTIMÉE
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 janvier 2006 en audience publique, la Cour étant composée de : M. PUECHMAILLE, Président de Chambre, Mme LE MEUNIER-POELS, Conseiller, Mme BOUTET, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par M. PUECHMAILLE, Président de Chambre, assisté de Mme MINOIS, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Vu le jugement dont appel rendu entre les parties le 20 juin 2005 par le Tribunal d'Instance de BOURGES ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2005 par l'appelant, M. X., tendant à voir :
- confirmer le jugement en ce que le Tribunal s'est déclaré compétent pour connaître du litige,
- réformer celui-ci pour le surplus et constater le caractère abusif de la clause de variation du taux d'intérêt contenue dans l'offre de crédit […] formule [L.] acceptée par M. X. le 14 janvier 2003,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société C. dans le cadre du prêt litigieux,
- condamner la société C. au paiement des entiers dépens avec distraction au profit de l'avoué.
Vu les dernières conclusions signifiées le 09 novembre 2005 par l'intimée, la société C., tendant à voir :
- déclarer l'appel irrecevable pour avoir été régularisé contre une décision rendue en dernier ressort,
- réformer le jugement en ce qu'il s'est déclaré matériellement compétent pour connaître de la demande de M. X. la clause contestée ayant valeur réglementaire et seule la juridiction administrative ayant pouvoir se prononcer sur sa validité,
- subsidiairement, constater que cette clause n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
- très subsidiairement, dire que la sanction ne pourrait être en aucun cas la déchéance du droit aux intérêts, la clause étant seulement réputée non écrite, de sorte que le taux applicable au crédit serait alors celui en vigueur au moment de la conclusion du contrat sans possibilité de variation même à la baisse.
- [minute page 4] condamner M. X. au paiement d'une de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 04 janvier 2006 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LA COUR :
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que la demande tendant à voir qualifier d'abusive une clause d'intérêts, a un caractère indéterminé ; qu'il s'ensuit que le jugement qui s'est prononcé sur cette demande est susceptible d'appel ;
Que le moyen d'irrecevabilité soulevé de ce chef sera écarté ;
Sur la compétence du juge judiciaire pour connaître du litige :
Attendu que la demande présentée par M. X. tend à voir déclarer abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, la clause figurant dans l'offre préalable de crédit en date du 14 janvier 2003 par laquelle la société C. lui a consenti une ouverture de crédit utilisable par fractions dans la limite d'un maximum autorisé, assortie d'une carte de formule [L.]
Que la juridiction civile est parfaitement compétente apprécier de la licéité de ladite clause ;
Que le Tribunal a justement écarté le moyen d'incompétence soulevé ;
Sur le fond :
Attendu que selon les termes du contrat, il était convenu que « le taux est révisable et suivra les variations et plus et en moins du taux de base que C. applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse auprès du public » ;
[minute page 5] Que cette clause résulte de l'application parfaitement licite des dispositions prévues par le modèle type n° 4 annexé initialement au décret n° 78-509 du 24 mars 1978 et désormais annexé à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation ;
Que ce modèle type prévoit en effet que le taux effectif global suit les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public ;
Que l'offre préalable de crédit acceptée reproduisant en l'espèce les indications précitées et énonçant clairement les modalités de détermination du montant des échéances de remboursement et du taux effectif global, il ne peut être valablement soutenu que le coût du crédit est indéterminé ;
Que l'appelant fait néanmoins référence aux mentions complémentaires figurant dans l'offre de crédit et indiquant à l'emprunteur le taux d’intérêt en fonction du montant du solde débiteur du compte, pour prétendre que la clause litigieuse ne serait pas la reproduction exacte du modèle type ;
Mais attendu que cet ajout ne modifie en rien la clause-type puisqu'il ne fait que préciser à l'emprunteur la portée exacte de ses engagements et qu'il n'est fait ici que l'application du contrat-type ;
Qu'il convient de rappeler à cet égard que la clause de variation du taux des intérêts a été déclarée abusive par la Commission des Clauses Abusives, uniquement en raison du fait qu'elle ne soumettrait pas cette variation à des critères objectifs préalablement convenus, mais non en ce qu'elle détaille, comme en l'espèce, le taux d'intérêt en fonction de l'utilisation qui est faite du crédit par l'emprunteur ;
Qu'il doit être encore rappelé que le prêteur n'est nullement tenu à la reproduction servile du modèle-type et qu'il a toujours la possibilité de le compléter dès lors que les mentions exigées par ledit modèle figurent bien dans l'offre préalable soumise à l'emprunteur :
[minute page 6] Attendu que l'appelant soutient en dernier lieu que la mention du contrat de crédit prévoyant qu'en cas de variation du taux d'intérêt l'emprunteur peut demander par courrier recommandé dans les 30 jours à compter de la notification à amortir le solde débiteur, constitue une disposition non prévue au modèle-type et qui a été considérée comme abusive par la Commission des Clauses Abusives du fait que l'emprunteur n'aurait pas la possibilité d'opter pour le maintien des conditions initiales du crédit ;
Mais attendu qu'en prévoyant cette faculté pour l'emprunteur l’organisme de crédit ne fait qu'appliquer les dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation exigeant que l'offre de crédit mentionne « les modalités du remboursement, qui doit être échelonné, sauf volonté contraire du débiteur demande à ne plus bénéficier de son ouverture de crédit » ; qu'en aucun cas une disposition légale reproduite dans un contrat ne peut constituer une clause pouvant être qualifiée d'abusive ;
Que le premier juge a pu dans ces conditions justement énoncer que la clause contestée n'était pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
Que le jugement entrepris qui a débouté M. X. de sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la société C. dans le cadre de l'offre de prêt [L.] acceptée le 14 janvier 2003 pour un montant de 1.300 €, doit être confirmé ;
Que l'équité ne commandant pas de faire bénéficier de la société C. des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il convient de rejeter sa prétention de ce chef ;
Que l'appelant qui succombe aura la charge des dépens de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare l'appel recevable,
Au fond,
Confirme en toutes dispositions le jugement entrepris ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions dont celle de la société C. fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne M. X. aux dépens d'appel ;
Accorde à Maître GUILLAUMIN, avoué, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
L'arrêt a été signé par M. PUECHMAILLE, Président de Chambre et par Mme MINOIS, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
A. MINOIS G. PUECHMAILLE