CASS. CIV. 1re, 12 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5694
CASS. CIV. 1re, 12 mai 2016 : pourvoi n° 15-12120 ; arrêt n° 509
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel a exactement déduit, d’une part, du caractère suffisamment précis du paragraphe III bis inséré dans l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales par l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, d’autre part, de l’absence d’indication que l’entrée en vigueur de cette disposition aurait été subordonnée à celle du décret en Conseil d’Etat dont elle prévoyait l’adoption aux fins de préciser ses modalités d’application, que le paragraphe III bis de l’article L. 2224-12-4, dont l’exécution ne nécessitait pas une telle mesure d’application, était entré en vigueur dès la publication de la loi du 17 mai 2011 ;
Attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que la commune n’avait pas avisé Mme X. de la consommation d’un volume d’eau de 5.610 m3, manifestement sans proportion avec les relevés ou les estimations antérieurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche visée par la deuxième branche, qui ne lui était pas demandée, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, a légalement justifié sa décision de limiter au paiement de la part de la consommation n’excédant pas le double de la consommation moyenne de Mme X., la somme à laquelle celle-ci était tenue ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 MAI 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 15-12120. Arrêt n° 509.
DEMANDEUR à la cassation : Commune de Bussière-Boffy
DÉFENDEUR à la cassation : Madame X.
Mme Batut (président), président. SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 3 décembre 2014), que la commune de Bussière-Boffy (la commune) lui ayant adressé, le 9 mars 2012, une facture par laquelle elle lui réclamait, sur le fondement d’un relevé constatant une consommation d’eau de 5.610 m3, le paiement de la somme de 8.154,50 euros, Mme X. a assigné la commune aux fins de voir prononcer l’annulation du titre de recettes exécutoire délivré à son égard ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la commune fait grief à l’arrêt de déclarer valable le titre de recettes exécutoire, mais à concurrence de la somme de 2,90 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu’aux termes de l’article 1er du code civil, l’entrée en vigueur des dispositions d’une loi dont l’exécution nécessite des mesures réglementaires d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; qu’en jugeant que l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 est explicite, clair et précis, de sorte qu’il est entré en vigueur le 19 mai 2011, lendemain du jour de sa publication, aux motifs que la loi définit le fait générateur de l’obligation d’information pesant sur le service des eaux, c’est-à-dire la constatation par le service d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé, que la loi impose au service des eaux d’informer l’abonné dès qu’il constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, que la loi fixe le volume d’eau au-delà duquel la consommation doit être considérée comme anormale et que le décret d’application du 24 septembre 2012 est succinct, alors que l’article 2 de la loi du 17 mai 2011, qui renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour préciser ses modalités d’application, ne se suffit pas à lui-même et comporte plusieurs incertitudes sur le champ d’application et le contenu de l’obligation d’information pesant sur le service des eaux, sur la date limite à laquelle ce dernier doit remplir son obligation et sur le mode de calcul de la redevance prévue à l’article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales, de sorte que les dispositions de l’article 2 de la loi du 17 mai 2011 n’ont pu entrer en vigueur immédiatement, mais seulement au jour de l’entrée en vigueur du décret d’application prévu par le texte lui-même, la cour d’appel a violé l’article 1er du code civil, ensemble l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
2°/ qu’en vertu de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, dès que le service des eaux constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation, susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné ; qu’à défaut de cette information, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne ; qu’au cas présent, en jugeant que la commune n’avait pas avisé Mme X. de la consommation de 5.610 m3, manifestement sans proportion avec les relevés ou estimations antérieures, sans rechercher s’il ne résultait pas de l’attestation émanant de M. Bernard Y., ainsi que des énonciations de la facture du 9 mars 2012 adressée par la commune à Mme X. que Mme X. avait été informée de l’existence d’une fuite et d’une consommation anormale d’eau, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales ;
3°/ qu’en vertu de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, dès que le service des eaux constate une augmentation anormale du volume d’eau susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé que la commune n’avait pas avisé Mme X. de la surconsommation, aux motifs que « L’information prévue légalement devait, en raison, du texte de la loi précité, aviser l’abonné, au moins en substance, des dispositions de l’article L. 2224-12-4-III bis alinéa 2 (l’abonné n’est pas tenu au paiement… s’il présente au service d’eau potable, dans un délai d’un mois… une attestation…indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations). » ; qu’en se déterminant ainsi, alors que l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales ne définit pas le contenu de l’information devant être fournie par le service des eaux à l’abonné et renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour préciser ses modalités d’application, la cour d’appel a ajouté à la loi et, par suite, violé l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel a exactement déduit, d’une part, du caractère suffisamment précis du paragraphe III bis inséré dans l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales par l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, d’autre part, de l’absence d’indication que l’entrée en vigueur de cette disposition aurait été subordonnée à celle du décret en Conseil d’Etat dont elle prévoyait l’adoption aux fins de préciser ses modalités d’application, que le paragraphe III bis de l’article L. 2224-12-4, dont l’exécution ne nécessitait pas une telle mesure d’application, était entré en vigueur dès la publication de la loi du 17 mai 2011 ;
Attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que la commune n’avait pas avisé Mme X. de la consommation d’un volume d’eau de 5.610 m3, manifestement sans proportion avec les relevés ou les estimations antérieurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche visée par la deuxième branche, qui ne lui était pas demandée, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, a légalement justifié sa décision de limiter au paiement de la part de la consommation n’excédant pas le double de la consommation moyenne de Mme X., la somme à laquelle celle-ci était tenue ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Bussière-Boffy aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la commune de Bussière-Boffy.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR déclaré valable le titre exécutoire émis le 18 avril 2012 par le maire de la commune de BUSSIERE-BOFFY, mais à concurrence de 2,90 euros ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Cela étant, la loi du 17 mai 2011 (article 2) a inséré dans l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales un article III bis dont le contenu est le suivant : Dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. Une augmentation du volume d’eau consommé est anormale si le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d’eau moyen consommé par l’abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d’habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d’eau moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation de taille et de caractéristiques comparables. L’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de l’information prévue au premier alinéa du présent III bis, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations. L’abonné peut demander, dans le même délai d’un mois, au service d’eau potable de vérifier le bon fonctionnement du compteur. L’abonné n’est alors tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne qu’à compter de la notification par le service d’eau potable, et après enquête, que cette augmentation n’est pas imputable à un défaut de fonctionnement du compteur. A défaut de l’information mentionnée au premier alinéa du présent III bis, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. Cette loi a été publiée au Journal Officiel le 18 mai 2011, ses dispositions sont donc entrées en vigueur le 19 mai 2011. Si la loi (article 2) dispose qu’un décret précisera les modalités d’application du présent III bis, elle n’indique pas que son entrée en vigueur sera retardée ou conditionnée à ce décret. Il est alors considéré qu’en l’absence d’une telle précision, la loi est immédiatement applicable, même si elle prévoit des actes réglementaires pour son application, à condition qu’elle se suffise à elle-même (en ce sens Cour de cassation, 3° civile, 2 décembre 1981). Il ressort de l’article précité que le fait générateur des obligations des services d’eau potable est constitué par la constatation par le service gestionnaire d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé par un usager. La loi détermine que dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, il en informe sans délai le client. Elle fixe le volume d’eau au-delà duquel la consommation doit être considérée comme anormale. Il résulte ainsi de ces éléments que compte tenu de leur caractère explicite, suffisamment clair et précis, les dispositions de la loi du 17 mai 2011 étaient applicables dès le lendemain de la publication de celle-ci, nonobstant l’absence encore du décret d’application dont elle faisait état. Il ne s’agit pas d’une application rétroactive de la loi mais d’une application immédiate de celle-ci, laquelle date du 17 mai 2011, et alors que la situation litigieuse est postérieure. Le décret intervenu (le 24 septembre 2012) est d’ailleurs assez succinct. En l’espèce, la consommation antérieure était de 1 m3 (relevé 20/06/2008 : 1 ; relevé 24/06/09 : 1 ; estimé 22/06/10 : 1 ; estimé 23/06/11 : 1). La commune n’a pas avisé Mme X. de la consommation de 5610 m3 manifestement sans proportion avec les relevés ou estimations antérieures. La douille de purge est un simple accessoire de la canalisation d’eau et la législation susvisée s’applique donc à une fuite l’affectant. L’information prévue légalement devait, en raison du texte de la loi précité, aviser l’abonné, au moins en substance, des dispositions de l’article L. 2224-12-4-III bis alinéa 2 (l’abonné est pas tenu au paiement… s’il présente au service d’eau potable, dans un délai d’un mois… une attestation…indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations). A défaut de cette information, la sanction légale est celle de la limitation du paiement au double de la consommation moyenne. En l’espèce, ce montant est donc le suivant : 8.154,50 euros : 5610 m3 = 1,45 euros/m2 x 2 = 2,90 euros. Mme X. est donc tenue au paiement, en vertu du titre exécutoire du 18/04/2012, validé dans le principe, de la seule somme de 2,90 euros, et non de selle de 8.154,50 euros. Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles. » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1. ALORS QU’aux termes de l’article 1er du Code civil, l’entrée en vigueur des dispositions d’une loi dont l’exécution nécessite des mesures réglementaires d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; qu’en jugeant que l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 est explicite, clair et précis, de sorte qu’il est entré en vigueur le 19 mai 2011, lendemain du jour de sa publication, aux motifs que la loi définit le fait générateur de l’obligation d’information pesant sur le service des eaux, c’est-à-dire la constatation par le service d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé, que la loi impose au service des eaux d’informer l’abonné dès qu’il constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, que la loi fixe le volume d’eau au-delà duquel la consommation doit être considérée comme anormale et que le décret d’application du 24 septembre 2012 est succinct, alors que l’article 2 de la loi du 17 mai 2011, qui renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour préciser ses modalités d’application, ne se suffit pas à lui-même et comporte plusieurs incertitudes sur le champ d’application et le contenu de l’obligation d’information pesant sur le service des eaux, sur la date limite à laquelle ce dernier doit remplir son obligation et sur le mode de calcul de la redevance prévue à l’article L. 2224-12-2 du CGCT, de sorte que les dispositions de l’article 2 de la loi du 17 mai 2011 n’ont pu entrer en vigueur immédiatement, mais seulement au jour de l’entrée en vigueur du décret d’application prévu par le texte lui-même, la Cour d’appel a violé l’article 1er du Code civil, ensemble l’article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’en vertu de l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales, dès que le service des eaux constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation, susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné ; qu’à défaut de cette information, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne ; qu’au cas présent, en jugeant que la commune n’avait pas avisé Madame X. de la consommation de 5.610 m3, manifestement sans proportion avec les relevés ou estimations antérieures, sans rechercher s’il ne résultait pas de l’attestation émanant de Monsieur Bernard Y., ainsi que des énonciations de la facture du 9 mars 2012 adressée par la commune à Madame X. que Madame X. avait été informée de l’existence d’une fuite et d’une consommation anormale d’eau, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales.
3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’en vertu de l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales, dès que le service des eaux constate une augmentation anormale du volume d’eau susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a jugé que la commune de BUSSIERE-BOFFY n’avait pas avisé Madame X. de la surconsommation, aux motifs que « L’information prévue légalement devait, en raison, du texte de la loi précité, aviser l’abonné, au moins en substance, des dispositions de l’article L. 2224-12-4-III bis alinéa 2 (l’abonné n’est pas tenu au paiement… s’il présente au service d’eau potable, dans un délai d’un mois… une attestation…indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations). » (arrêt attaqué, p.5 §13) ; qu’en se déterminant ainsi, alors que l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales ne définit pas le contenu de l’information devant être fournie par le service des eaux à l’abonné et renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour préciser ses modalités d’application, la Cour d’appel a ajouté à la loi et, par suite, violé l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales.