5713 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Contrôle de la demande
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5713 (7 août 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME
ACTION D’UN CONSOMMATEUR - PROCÉDURE
OFFICE DU JUGE - QUALIFICATION DE LA DEMANDE
Rappel des textes. Aux termes de l’art. 12 CPC., al. 1 à 3, « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. » Selon l’art. 13 CPC, « le juge peut inviter les parties à fournir les explications de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige ».
L’application de ces textes est envisageable lorsque le demandeur invoque un déséquilibre significatif ou le caractère abusif d’une clause, sans préciser exactement le fondement juridique d’une telle demande (ex. : nouvel art. L. 212-1 C. consom. ou art. L. 442-1-I-2° C. com., anciennement L. 442-6-I-2°).
Pour le rappel du principe selon lequel, en application des art. 12, 13 et 16 CPC, le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, devant restituer et même donner aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée, ce qui lui octroie, en respectant le contradictoire, le pouvoir facultatif de changer la dénomination ou le fondement juridique des demandes des parties. CA Lyon (3e ch. A), 9 juin 2022 : RG n° 19/06093 ; Cerclab n° 9656 (contradictoire respecté par l’envoi d’une note en délibéré aux parties, qui y ont répondu sans solliciter de délai supplémentaire), sur appel de T. com. Saint-Étienne, 9 juillet 2019 : RG n° 2016j00659 ; Dnd.
Fondement juridique absent. Pour une illustration : le demandeur ne spécifiant pas le fondement juridique de sa demande, tendant à déclarer une clause abusive, la cour donnera donc aux faits qui lui sont soumis la qualification juridique qu'ils comportent. CA Nîmes (1re ch. civ. A), 9 juillet 2014 : RG n° 13/02080 ; Cerclab n° 4842 (arrêt retenant l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom., avant de le juger inapplicable à un contrat ayant un rapport direct avec l’activité), sur appel de TGI Mende, 11 février 2013 : RG n° 12/00198 ; Dnd.
Fondement juridique imprécis ou incomplet. * Référence à une recommandation. Le moyen tiré de la méconnaissance des recommandations de la Commission des clauses abusives, qui ne constituent pas des décisions administratives, est sans influence sur la légalité de la clause litigieuse ; compte tenu de son argumentation, le requérant doit être regardé comme invoquant également la méconnaissance de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. TA Nice (1re ch.), 28 avril 2006 : requête n° 0202584 ; Cerclab n° 3065 ; Juris-Data n° 2006-300017.
* Demande visant la nullité d’une clause abusive. Le moyen tiré du caractère abusif d’une clause n'est pas un moyen de nullité de la stipulation d'intérêts, dès lors que la sanction du caractère abusif d'une clause est qu'elle doit être réputée non-écrite conformément à l’anc. art. L. 132-1 al. 6 C. consom. CA Douai (8e ch. 1), 23 septembre 2021 : RG n° 19/01364 ; arrêt n° 21/976 ; Cerclab n° 9140 (rejet de la demande de nullité en raison du caractère abusif), sur appel de sur appel de TGI Lille, 29 mars 2019 : Dnd.
* Demande visant à réputer la clause non écrite. En indiquant, dans le corps de ses conclusions, et même si cette intention n'est pas reprise dans le dispositif des dites conclusions que la clause litigieuse du règlement du service des eaux doit être réputée non écrite, le syndicat des copropriétaires formule bien cette prétention tendant à ce que la dite clause soit réputée non écrite (N.B. conforme au texte de l’arrêt, comprendre sans doute abusive). CA Aix-en-Provence (4e ch. A), 13 avril 2007 : RG n° 04/09988 ; arrêt n° 2007/191 ; Cerclab n° 2379, infirmant TI Grasse, 13 avril 2004 : 11-03-000222 ; jugt n° 268/04 ; Cerclab n° 3604 (absence de preuve du caractère abusif). § V. aussi : CA Paris (pôle 1 ch. 2), 5 mars 2015 : RG n° 13/21497 ; Cerclab n° 5164 (« bien qu'elle s'en défende, la société […] se réfère manifestement au droit de la consommation et aux clauses abusives pour tenter de faire admettre que certaines doivent être réputées non écrites »), sur appel de T. com. Paris (réf.), 12 septembre 2013 : RG n° 2013035323 ; Dnd.
* Référence à un numéro d’article inexact. La succession de réformes et la recodification du Code de la consommation par l’ord. du 14 mars 2016 entraîne parfois le visa inexact d’un texte inapplicable, rationae temporis. L’erreur est parfois commise par les juges (cf. les notices sur l’application dans le temps), mais aussi par les avocats. Les juges ont dans ce cas le pouvoir de les rectifier. Pour une illustration : CA Lyon (3e ch. A), 9 juin 2022 : RG n° 19/06093 ; Cerclab n° 9656 (rectification implicite du visa des textes sanctionnant le dol), sur appel de T. com. Saint-Étienne, 9 juillet 2019 : RG n° 2016j00659 ; Dnd - CA Paris (pôle 4 ch. 9-A), 1er décembre 2022 : RG n° 21/00299 ; Cerclab n° 9964 (rectification du visa erroné des art. L. 212-1 et 2 C. consom., s’agissant d’un contrat conclu en 2015, mais rectification et application de l’anc. art. L. 132-1), sur appel de TI Auxerre, 5 février 2018 : RG n° 11-17-000492 ; Dnd - CA Grenoble (ch. com.), 2 février 2023 : RG n° 21/02587 ; Cerclab n° 10086 (« l'article L. 212-1 dans la rédaction existant à cette époque, est relatif à la conformité des produits mis en vente sur le marché, et ne vise pas les clauses abusives », l’arrêt visant ensuite l’art. L. 132-1), sur appel de T. com. Grenoble, 21 mai 2021 : RG n° 2019J00388 ; Dnd - CA Colmar (3e ch. civ. A), 5 juin 2023 : RG n° 21/05015 ; arrêt n° 23/287 ; Cerclab n° 10336 (rectification du visa erroné de l’art. L. 221-1 par celui de l’art. L. 211-1), sur appel de TJ Colmar, 29 octobre 2021 : Dnd. § Rappr. dans le cadre du démarchage : si les textes des art. L. 221-1 et R. 221-1 s. C. consom., initialement visés par le demandeur, ne sont pas applicables au litige pour être postérieurs à la date de signature du bon de commande, cette circonstance est indifférente dès lors que les mêmes textes préexistaient sous une numération différente, aux art. L. 121-17 s. et R.121-1 s. du même code antérieurs à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. CA Poitiers (2e ch. civ.), 18 janvier 2022 : RG n° 20/00121 ; arrêt n° 53 ; Cerclab n° 9370 (installation de panneaux solaires), sur appel de TI Fontenay-le-Comte, 19 décembre 2019 : Dnd.
Pourtant certaines décisions font preuve d’une exigence déplacée. V. par exemple : CA Versailles (12e ch.), 16 juin 2022 : RG n° 21/00719 ; Cerclab n° 9689 (arrêt semblant reprocher aux emprunteurs de viser l’art. L. 212-1 au lieu de l’art. L. 132-1), sur appel de T. com. Pontoise (5e ch.), 27 novembre 2020 : RG n° 2019F00045 ; Dnd - CA Douai (3e ch.), 23 juin 2022 : RG n° 21/01697 ; Cerclab n° 9682 (contrat conclu avant 2010 ; arrêt reprochant au consommateur de viser l’art. L. 132-1 C. consom. qui concerne le délit de pratique commerciale trompeuse, alors qu’il s’agissait de l’exacte numérotation, même s’il aurait fallu préciser qu’il s’agissait de l’ancienne numérotation), sur appel de TJ Valenciennes, 21 janvier 2021 : RG n° 20/01596 ; Dnd. § Pour un arrêt écartant l’art. L. 132-1 C. consom. aux motifs qu’à la date de conclusion du contrat ce texte avait été abrogé par l’ord. du 14 mars 2016, et que l’invocation du caractère abusif relevait désormais des nouvelles dispositions du droit des contrats. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 27 juin 2022 : RG n° 20/17629 ; Cerclab n° 9695 (contrat conclu le 23 février 2017 pour des prestations de garde d'enfant avec une société exploitant des crèches), sur appel de T. com. Paris, 25 novembre 2020 : RG n° 2019058492 ; Dnd. § N.B. La solution retenue est discutable à plusieurs titres. Tout d’abord, les dispositions de l’art. L. 132-1 ont été déplacées à l’art. L. 212-1 et le juge peut rectifier ce visa erroné ; ce n’est donc pas la disposition de droit commun, implicitement l’art. 1171 C. civ. qui a pris la suite du texte. Ensuite, les deux affirmations sont en l’espèce tout à fait contradictoires avec la constatation préalable de l’arrêt que la société pouvait revendiquer la qualité de non-professionnel, dès lors que le contrat conclu n’avait pas de rapport direct avec l’activité.