CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 6 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6158
CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 6 octobre 2016 : RG n° 15/11617 ; arrêt n° 2016/395
Publication : Jurica
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
ONZIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/11617. Arrêt n° 2016/395. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en date du 20 janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 11-14-0005.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Sandra J. de la SCP B. S.-T. J., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté par Maître Diane D.-F., avocat au barreau de TOULON
INTIMÉES :
Madame X.
demeurant [adresse], défaillante
SOCIETE SUD IMMO PROMOTION
Pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [adresse], représentée par Maître Pierre-André W.-F. de l'ASSOCIATION W.-F. F., avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Françoise FILLIOUX, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, Mme Brigitte PELTIER, Conseiller, Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2016
ARRÊT : Défaut, Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2016, Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS :
Par acte du 14 décembre 2007, la société Sud Immo Promotion a donné à bail à Madame X. un appartement situé [adresse] moyennant un loyer de 1.000 euros par mois, Monsieur X., son père, se portant caution solidaire pour une durée de 6 ans et pour un montant maximum de [36.000] euros.
Le 18 décembre 2013, la société Sud Immo Promotion a fait délivrer à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 10.803,62 euros, acte dénoncé à la caution le 30 décembre 2013.
Par jugement contradictoire du 20 janvier 2015, rectifié le 30 juillet 2015, le tribunal d'instance de Brignoles a constaté la résiliation du bail au 18 février 2014, ordonner l'expulsion de la locataire faute pour elle d'avoir quitté les lieux dans un délai de deux mois et l'a condamnée à payer au bailleur 10.696,73 euros, somme due au 30 avril 2014 au titre des loyers et 692 euros au titre des charges, ainsi qu'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer en cours et a condamné Monsieur X. à régler solidairement la dette locative, sur ses biens propres et la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a estimé que la clause résolutoire était acquise eu égard à l'existence de la dette locative régulièrement dénoncé dans un commandement de payer, que faute pour la bailleresse de justifier des charges locatives, aucune somme autre que la taxe d'ordure ménagère, ne pourra être exigée à ce titre, que l'engagement de caution, valablement souscrit, a été régulièrement dénoncé à la caution, qu'un tel engagement était proportionné à ses ressources et revenus tels que déclarés par la caution, que faute d'avoir informé la caution de la défaillance du débiteur principale dès le premier incident, la bailleresse ne pouvait exiger le paiement d'intérêt de retard ou de pénalités.
Le 20 août 2015, Monsieur X. a interjeté appel du jugement du 30 juillet 2015, puis par déclaration du 31 août 2015, du jugement du 20 janvier 2015.
Par conclusions du déposées et signifiées le 19 janvier 2016, Monsieur X. demande à la cour de :
- infirmer la décision de première instance,
- déclarer irrecevables les conclusions de la société Sud Immo Promotion,
- déclarer nul l'acte de cautionnement,
- condamner la société Sud Immo Promotion à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
à titre subsidiaire :
- déchoir la société Sud Immo Promotion du droit de se prévaloir de l'acte de cautionnement,
à titre infiniment subsidiairement :
- dire que le cautionnement ne peut porter que sur les arriérés de loyers courants jusqu'au 10 février 2013 ou à défaut jusqu'au 18 février 2014,
- lui octroyer les plus larges délais de paiement,
En tout état de cause : - condamner la bailleresse au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 interdit le cumul par le bailleur d'un cautionnement et d'une garantie de paiement de loyers, que la société Sud Immo Promotion qui avait souscrit une telle garantie auprès de la société Cilgère, ne pouvait exiger un acte de cautionnement, que de surcroît, l'article 22-1 de la loi de 1989 dispose que le bailleur doit remettre à la caution un exemplaire du contrat de location, à peine de nullité de l'acte de cautionnement, que l'acte de caution ne comporte aucune mention de cette remise et que le contrat de bail mentionne avoir été établi en deux exemplaires, un pour le bailleur et un pour la locataire, que cette absence de remise du contrat doit entraîner la nullité du cautionnement, que le fait que la caution, qui disposait d'un pouvoir de représentation, a signé pour la locataire le contrat de bail et donc en a reçu un exemplaire à ce titre est sans conséquence sur l'absence de remise en sa qualité de caution.
Il fait également valoir que l'acte de caution comporte de nombreuses erreurs et contradictions démontrant une absence d'information suffisante qu'en au montant maximum et à la durée de l'engagement.
Il indique que l'arriéré locatif porte sur la période du 1er janvier 2011 au 30 avril 2014, mais que le bailleur ne l'a pas avisé des incidents de paiements, que cette situation lui a été préjudiciable et ce d'autant qu'il n'avait plus de contact avec la locataire, qu'en réalité, l'arriéré locatif date du mois d'octobre 2008, mais la garantie de paiement des loyers a joué pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 soit pendant 18 mois.
A titre subsidiaire, il fait valoir que le bailleur a délivré un premier commandement de payer le 10 décembre 2012, que les causes de ce commandement n'ont pas été apurées mais que le bailleur n'a pas poursuivi la procédure, préférant délivrer un second commandement en décembre 2013, que néanmoins, la délivrance du commandement initial a eu pour effet de résilier le bail deux mois après sa délivrance soit le 10 février 2013, que l'engagement de caution qui prenait fin à la date de résiliation du bail s'est terminé le 10 février 2013.
Il soutient que le jugement initial et rectificatif semble retenir une somme de 10.696,73 euros au titre des loyers dus et 692 euros au titre de la taxe d'ordures ménagères, soit un total de 11 388,73 euros et non 11.338,73 euros comme indiqué à tort dans le jugement rectificatif.
Il soutient que le bailleur ne produit pas de décompte exact et précis des sommes dues ainsi que le relève la juridiction, qu'ainsi, la bailleresse réclame le loyer du mois de novembre 2013 alors qu'elle indique que la quote-part de loyer pour cette période a été régulièrement versée par la locataire, que d'octobre 2009 à septembre 2010, la bailleresse mentionne un trop perçu, qu'elle ne justifie pas des taxes d'ordures ménagères pour les années 2010 à 2014, que le total des versements locatifs s'élève à 35.303,27 euros alors qu'elle ne crédite le compte que de 29 303,27euros.
Enfin, il fait valoir que la bailleresse a violé l'article L. 341-1 du code de la consommation en ne l'avertissant pas des premiers incidents de paiement et l'article L. 341-4 du code de la consommation en acceptant un engagement de caution manifestement disproportionné à ses revenus puisque à l'époque de l'engagement, il percevait une pension de retraite de 1.258,58 euros par mois et 600 euros au titre d'indemnité d'occupation.
Par conclusions du 20 novembre 2015, la société Sud Immo Promotion demande à la cour de :
- confirmer la décision de première instance,
- condamner la locataire au paiement d'une somme de 24.058,95 euros au titre des réparations locatives, et une indemnité d'occupation jusqu'au mois d'octobre 2015,
- la condamner solidairement avec Monsieur X. à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'appelant sollicite l'application des dispositions de la loi Alur alors que ce texte n'était pas entré en vigueur lors de la souscription du bail et de l'acte de caution litigieux, qu'il convient d'appliquer l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version découlant de la loi du 13 juillet 2006, qui ne fait pas référence à la nullité de l'engagement de caution en cas de souscription d'une assurance de loyers impayés, que de surcroît, la pièce n° 11 visée par la partie adverse est un engagement de caution et non pas une assurance de loyers impayés.
Elle fait valoir que Monsieur X. avait reçu de sa fille, la locataire, pouvoir de s'engager et signer en son nom, que Monsieur X. a donc signé le contrat de bail et reçu un exemplaire du contrat de bail, qu'il ne peut dès lors se prévaloir d'un défaut de remise d'un exemplaire de ce contrat en sa qualité de caution.
Elle indique que l'absence d'information de la caution sur les difficultés financières de la locataire qui était sa propre fille, ne l'exonère que du règlement des pénalités ou intérêts de retard, mais nullement du paiement des sommes dues, qu'aucune somme n'est sollicitée au titre des pénalités ou intérêt de retard.
Elle précise que dès le mois de décembre 2012, elle a avisé la caution des difficultés existantes par la dénonce d'un premier commandement de payer.
Enfin, elle ajoute que Monsieur X., propriétaire de son logement, arguait de ressources annuelles de 15.103 euros et de 600 euros d'indemnité d'occupation mensuelle, de sorte que l'engament de caution n'était nullement disproportionné, que l'engament manuscrit de Monsieur X. est dénué de toute ambiguïté, le terme étant fixé à la date de résiliation du bail, soit le 18 février 2014.
Elle s'oppose à tout délai de paiement au motif que Monsieur X. n'a réglé aucune somme, nonobstant l'exécution provisoire dont bénéficie la décision de première instance.
Madame X. n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur Ce :
Attendu que la société Sud Immo Promotion, qui sollicite dans des conclusions du 20 novembre 2015, la condamnation de la locataire à lui payer la somme de 24.058,95 euros au titre des réparations locatives en raison des dégradations qui seraient intervenues dans les lieux loués pendant leur occupation, ne justifie pas avoir porté à la connaissance de Madame X. de telles demandes ;
Attendu qu'il résulte des articles 15 et 16 du code de procédure civile que les parties doivent se mettre mutuellement en mesure d'organiser leur défense et que le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, que dès lors la partie défaillante doit, en conséquence, être avisée des demandes présentées par son adversaire ; qu'il doit donc résulter de la procédure que la partie a été avisée de la modification des premières demandes et des demandes nouvelles ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'il ne résulte pas des éléments de la procédure que Madame X. a été régulièrement informée de cette demande et que dès lors il convient d'écarter ces prétentions qui n'ont pas été régulièrement portées à la connaissance de l'adversaire ;
Attendu que le 14 décembre 2007, la bailleresse a donné en location un appartement situé [adresse] à Madame X., moyennant un loyer de 1.000 euros par mois, son père, Monsieur X. se portant caution solidaire pour un montant limité à 36.000 euros ;
Attendu que la bailleresse sollicite la condamnation de la locataire à lui régler la somme de 10.696,73 euros au titre des loyers dus au 30 avril 2014 et 642 euros au titre des charges locatives ; que conformément aux clauses du bail, la locataire est tenue de régler le loyer et les charges ;
Attendu que le commandement de payer délivré le 18 décembre 2013 incluait les taxes foncières pour les années 2009 et 2013, que faute de produire les justificatifs de ces charges, la bailleresse doit être déboutée de sa demande présentée à ce titre ;
Attendu qu'il résulte du décompte établi le 2 septembre 2014 par la bailleresse qu'elle a encaissé pour la période du 4 janvier 2011 au 7 avril 2014 la somme 29.303,27 euros au titre des loyers alors que le montant des loyers dus s'élevait à 40 000euros, que la dette locative est incontestablement de 10.696,73 euros, que Madame X., qui est redevable des loyers, ne justifie d'aucun versement autre que ceux déjà comptabilisés par le bailleur ;
Attendu que Madame X. doit être condamnée à régler cette somme, que le juge de première instance a, avec raison, constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire le 18 février 2014, soit deux mois après le commandement de payer infructueux et ordonné l'expulsion de la locataire des lieux loués, que cette dernière reste redevable d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer en cours jusqu'à son départ des lieux intervenu le 31 octobre 2015 ;
Attendu que l'acte de caution du 14 décembre 2007 signé par Monsieur X. prévoit un engament limité à 36.000 euros, qu'il justifie avoir perçu en 2007 des revenus annuels de 15.374 euros, être propriétaire de sa résidence principale, percevoir la somme de 600 euros mensuels au titre de l'indemnité d'occupation versée par une personne de sa famille qu'il héberge à son domicile et ne pas avoir de contrat de crédit en cours ;
Attendu que la Sarl Sud Immo Promotion, société spécialisée dans le secteur des activités des marchands de biens immobiliers, est un créancier professionnel, que la créance de loyer dont elle sollicite paiement, est née dans l'exercice de sa profession et se trouve en rapport direct avec ses activités professionnelles, de sorte que les dispositions de l'article L. 341-2 et suivant du code de la consommation se trouvent applicables, que le caractère profane de la caution n'est pas discuté, que le créancier professionnel doit démontrer le caractère proportionné de l'engagement par rapport aux ressources et patrimoine de la caution ;
Attendu que le taux d'endettement de Monsieur X. en raison son engagement de caution s'élevait à 53 % de ses ressources, que la société Sud Immo Promotion n'apporte pas la preuve que Monsieur X., propriétaire de son logement mais dont la juridiction ignore la valeur, possédait un patrimoine lui permettant de faire face à son obligation, alors que l'endettement souscrit était supérieur au taux de 33 % habituellement admis en la matière ; que dès lors le cautionnement conclu par Monsieur X. doit être considéré comme manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus et doit être annulé ;
Attendu que le droit d'agir ou de résister en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par la bailleresse n'est pas constitutive d'une faute ; que s'estimant lésée dans ses droit, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur ses demandes ; que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Attendu que la décision des premiers juges sur l'article 700 du code de procédure civile et à l'égard de Madame X. doit être confirmée ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposées en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Par arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la locataire et ses conséquences, et l'a condamné au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer jusqu'à sa restitution des locaux et à la somme de 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Infirme pour le surplus,
Condamne Madame X. à payer à la société Sud Immo Promotion la somme de 10.696,73 euros au titre de la dette locative au 7 avril 2014 et la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclare nul l'acte de cautionnement et déboute la société Sud Immo Promotion de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur Jean X.,
Déboute Monsieur X. du surplus de ses demandes,
Condamne la société Sud Immo promotion aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT