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CA NANCY (2e ch. civ.), 17 novembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 17 novembre 2016
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 15/02596
Date : 17/11/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/09/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6542

CA NANCY (2e ch. civ.), 17 novembre 2016 : RG n° 15/02596 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu en l'espèce, que le contrat de prêt souscrit par Mme X. stipule sous la clause intitulée « exigibilité immédiate », que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles sans formalité ni mise en demeure, dans les cas suivants : si l'emprunteur est en retard de plus de 30 jours avec le paiement d'une échéance, s'il est inscrit au fichier de la Banque de France visé par l'article L 333-4 du code de la consommation, si les déclarations faites par l'emprunteur tant dans les présentes que dans la demande de crédit sont reconnues fausses ou inexactes, en cas de décès de l'emprunteur ou du co-emprunteur, en cas de clôture du compte par l'emprunteur » ;

Attendu qu'une telle clause qui permet au prêteur d'exiger un remboursement anticipé hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur, seule visée au modèle-type prévu à l'annexe à l'ancien article R. 311-6, et qui aggrave ainsi la situation de l'emprunteur, ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation rappelées ci-dessus ; Qu'il y a lieu, par application de l'article L. 311-33 du même code et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen opposé par Mme X. tiré du manquement du prêteur à l'obligation d'information prévue par l'article L. 311-9, de déclarer la banque déchue de son droit aux intérêts, Mme X. étant tenue au seul remboursement du capital, les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02596. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de BRIEY, R.G. n° 11-14-0004, en date du 10 mars 2015.

 

APPELANTE :

Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL HAGONDANGE MONDELANGE

prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, demeurant [adresse], Représenté par Maître Stéphanie G., avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉE :

Madame X.

demeurant [adresse], Représenté par Maître Clarisse M. de la SELARL L. Y. M. L., avocat au barreau de NANCY (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de Chambre, chargée du rapport et Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, Madame Konny DEREIN, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2016, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 17 novembre 2016, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 5 avril 2007, la Caisse de crédit mutuel Hagondange Mondelange a consenti à Mme X. épouse Y. une ouverture de crédit utilisable par fractions pour un découvert autorisé d'un montant maximum de 14.000 euros et une utilisation minimale d'un montant de 1.500 euros.

Les échéances n'ayant pas été respectées, la société de crédit a prononcé la déchéance du terme le 11 octobre 2013.

Par acte en date du 23 juillet 2014, la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange a fait assigner Mme X. devant le tribunal d'instance de Briey aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 4.971,34 euros restant due au titre du crédit, majorée des intérêts conventionnels au taux de 9,1 % l'an à compter du 11 octobre 2013 ainsi qu'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement convoquée, Mme X. n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts en invitant la demanderesse à justifier du respect des obligations d'information imposées par les articles L. 311-9 et L. 311-9-1 du code de la consommation, applicables aux contrats signés avant le 1er mai 2011.

Par jugement du 10 mars 2015, la Caisse de Crédit Mutuel d'Hagondange Mondelange a été déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme X. et condamnée aux dépens.

Le premier juge, relevant en premier lieu que la banque ne justifie pas avoir rempli ses obligations d'informations annuelles et mensuelles concernant les conditions de renouvellement du contrat, imposées par les articles L. 311-9 et L. 311-9-1 du Code de la consommation de sorte qu'elle encourt la déchéance de son droit à intérêts, a rejeté sa demande au motif qu'à défaut de produire les relevés du compte de Mme X. depuis le 5 avril 2007, elle ne rapporte pas ainsi la preuve de sa créance, au regard des sommes financées dans le cadre du crédit et des échéances réglées par la défenderesse.

Suivant déclaration reçue le 22 septembre 2015, la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, concluant à la condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 4.971,34 euros avec intérêts au taux conventionnel de 9,1 % l'an à compter du 11 octobre 2013, ainsi que la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

L'appelante a indiqué produire aux débats les relevés de compte depuis le 3 janvier 2008, qui établissent que Mme X. qui a reçu les fonds prêtés à hauteur de 14.000 euros le 18 octobre 2008, n'a jamais honoré la moindre échéance, alors que son époux, M. Y. s'est acquitté des échéances du prêt du 10 novembre 2008 au 10 août 2012 avant de saisir la commission de surendettement d'une demande de traitement de sa situation de surendettement qui a été déclarée recevable le 25 octobre 2012.

La Caisse de Crédit Mutuel a prétendu par ailleurs que Mme X., qui n'a émis aucune réclamation, est réputée avoir reçu les documents d'information exigés par l'article L. 311-9-1 du code de la consommation et ce, conformément au contrat qui stipule que « si les documents d'information ne parvenaient pas à l'emprunteur à la bonne date, il lui appartiendra de les réclamer immédiatement au prêteur, faute de quoi il est censé les avoir reçus ».

Elle a fait valoir enfin, que l'intimée ne peut utilement soutenir que sa situation aurait été aggravée en raison de l'insertion dans le contrat, de clauses d'exigibilité immédiate du prêt qui ne figurent pas dans le modèle type, alors qu'il s'agit simplement d'une information supplémentaire, explicitant les cas d'exigibilité immédiate des sommes dues.

Mme X. a conclu à la confirmation du jugement entrepris, au rejet de l'appel et des demandes de la Caisse de Crédit Mutuel. Subsidiairement et dans l'hypothèse où une somme resterait à sa charge, elle a demandé à la cour de dire que cette somme ne portera pas d'intérêts et de lui accorder un délai de 24 mois pour s'en acquitter. En toute hypothèse, elle a sollicité la condamnation de la banque à verser à Me M., avocat, une somme de 2000 euros en application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et condamner la banque aux dépens.

Mme X. a exposé que la clause figurant au contrat, qui prévoit qu'il appartient à l'emprunteur, s'il ne reçoit pas l'information prévue par le texte, de la réclamer, conduit à inverser la charge de la preuve du respect de l'article L. 311-9-1 du Code de la consommation, qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article R. 132-1 du Code de la consommation ; qu'il en va de même de la clause du contrat qui prévoit différentes causes d'exigibilité immédiate alors que le modèle type vise uniquement comme cause de déchéance, la défaillance de l'emprunteur ; qu'il y a lieu dès lors à déchéance de la banque de son droit aux intérêts..

L'intimée a soutenu par ailleurs que du fait de la déchéance du droit aux intérêts, elle n'est tenue que du seul capital restant dû, les montants versés au titre des intérêts venant en déduction ; qu'or, la cour n'est toujours pas en mesure, au vu des pièces produites par la Caisse de Crédit Mutuel, de déterminer les montants versés tant par elle que par M. Y. et donc le montant de la créance de la banque.

A titre très subsidiaire, Mme X. a demandé à la cour de dire que la somme restant due ne produira pas d'intérêts conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, et de lui accorder des délais de paiement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les conclusions déposées le 13 juin 2016 par la Caisse de Crédit Mutuel et le 28 juin 2016 par Mme X., auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 6 juillet 2016 ;

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Attendu qu'en application de l'article L. 311-13 ancien du code de la consommation, applicable au contrat litigieux, l'offre préalable de crédit est établie selon l'un des modèles types, le non-respect de cette obligation étant sanctionné, suivant l'article L. 311-33 du même code, par la déchéance du droit aux intérêts ;

Attendu en l'espèce, que le contrat de prêt souscrit par Mme X. stipule sous la clause intitulée « exigibilité immédiate », que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles sans formalité ni mise en demeure, dans les cas suivants : si l'emprunteur est en retard de plus de 30 jours avec le paiement d'une échéance, s'il est inscrit au fichier de la Banque de France visé par l'article L 333-4 du code de la consommation, si les déclarations faites par l'emprunteur tant dans les présentes que dans la demande de crédit sont reconnues fausses ou inexactes, en cas de décès de l'emprunteur ou du co-emprunteur, en cas de clôture du compte par l'emprunteur » ;

Attendu qu'une telle clause qui permet au prêteur d'exiger un remboursement anticipé hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur, seule visée au modèle-type prévu à l'annexe à l'ancien article R. 311-6, et qui aggrave ainsi la situation de l'emprunteur, ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation rappelées ci-dessus ;

Qu'il y a lieu, par application de l'article L. 311-33 du même code et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen opposé par Mme X. tiré du manquement du prêteur à l'obligation d'information prévue par l'article L. 311-9, de déclarer la banque déchue de son droit aux intérêts, Mme X. étant tenue au seul remboursement du capital, les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ;

 

Sur le montant de la créance :

Attendu qu'il ressort de l'examen de l'historique du compte ouvert dans les livres de la Caisse de crédit Mutuel au nom de M. Y., que la somme de 14.000 euros a été créditée le 18 octobre 2008 en exécution de l'offre préalable acceptée le 5 avril 2007 par M. Y. et Mme Y. en qualité de co-emprunteurs ; que M. Y. s'est acquitté du paiement des mensualités du prêt n° XX, pour la somme de 273,46 euros en novembre 2008, puis de décembre 2008 à août 2012 pour la somme de 300 euros, soit un paiement total de 13.773,46 euros ;

Que Mme X., dont l'historique du compte ouvert dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel ne révèle aucun paiement, n'allègue ni ne justifie que d'autres versements que ceux pris en compte ci-dessus auraient été opérés ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner Mme X., en sa qualité de co-emprunteuse, au paiement de la somme de 326,54 euros (14.000 euros - 13.773,46 euros), laquelle produira intérêts au taux légal à compter de le la mise en demeure recommandée du 11 octobre 2013, conformément aux dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du code civil ;

Qu'il sera rappelé, sur la demande de Mme X. tendant à être exonérée du paiement des intérêts, que selon l'article 23 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 du Parlement européen et du conseil de l'UE concernant les contrats de crédit aux consommateurs, les Etats membres définissent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées, les sanctions devant être effectives, proportionnées et dissuasives ; que par application de l'article 27 de la directive, les Etats membres doivent adopter et publier avant le 11 juin 2010 les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive et appliquer ces dispositions à compter du 11 juin 2010 ; que l'article 30 relatif aux mesures transitoires précise que la directive ne s'applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d'entrée en vigueur des mesures nationales de transposition ;

Or attendu que la loi 2010/737 du 1er juillet 2010 ayant transporté en droit français la directive 2008/48/CE est entrée en vigueur le 1er mai 2011 ;

Que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne invoquée par l'appelante, et notamment l'arrêt du 27 mars 2014, ne peut trouver à s'appliquer au présent contrat de crédit signé le 5 avril 2007 ;

 

Sur les délais de paiement :

Attendu qu'eu égard à la situation financière de Mme X. qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, par application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil, de l'autoriser à s'acquitter de sa dette en 10 versements mensuels, consécutifs et égaux de 32 euros, le dernier versement incluant les intérêts ;

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu, en équité et compte tenu de la situation économique de la débitrice, de faire droit à la demande de la Caisse de Crédit Mutuel tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que Mme X., qui reste devoir un solde à l'appelante au titre du contrat de crédit, sera également déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Qu'eu égard à l'issue du litige, la Caisse de Crédit Mutuel succombant pour une large part en son appel, chaque partie supportera ses propres dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Déclare recevable l'appel formé par la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange contre le jugement rendu le 10 mars 2015 par le tribunal d'instance de Briey ;

Infirme ce jugement et statuant à nouveau ;

Déclare la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange déchue de son droit aux intérêts ;

Condamne Mme Magalie C. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange la somme de trois cent vingt-six euros et cinquante-quatre centimes (326,54 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013 ;

Dit que Mme X. pourra se libérer de sa dette en 10 versements mensuels, consécutifs et égaux, le dernier incluant les intérêts, étant précisé qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité de la somme due sera immédiatement et de plein droit exigible ;

Déboute la Caisse de Crédit Mutuel Hagondange Mondelange de sa demande tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme X. de sa demande tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages.