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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 26 mai 2016

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 26 mai 2016
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 15/01231
Date : 26/05/2016
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/02/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6546

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 26 mai 2016 : RG n° 15/01231 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Ces dispositions, d'ordre public, donnent compétence, pour le ressort de la cour d'appel de Douai, au tribunal de commerce de Lille Métropole, et en appel à la cour d'appel de Paris, conformément aux article D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce. Le non-respect des dispositions précitées est sanctionné par une fin de non-recevoir, d'ordre public.

Aux termes des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs. Les décisions de jonction ou de disjonction d'instance, sont des mesures d'administration judiciaire, insusceptibles de recours. »

2/ « Au vu des développements, ci-dessus rappelés, effectués par M. X., même ceux qu'il utilise pour s'opposer à la demande de résolution à ses torts du contrat de bière se trouvent nécessairement imbriqués et ne peuvent être examinés séparément, sans créer un risque de contradiction de décision. Dès lors, aucune disjonction ne peut raisonnablement être prononcée en l'espèce. Au vu de cette fin de non-recevoir relevée d'office, la cour ne peut que déclarer l'appel de M. X. irrecevable. »

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 26 MAI 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01231. Jugement (R.G. n° 2013020168), rendu le 8 janvier 2015, par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE.

 

APPELANT :

M. X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Roger C., avocat au barreau de DOUAI, Assisté de Maître Anne V., avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

SA BRASSERIE DU COQ HARDI

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Jean-François C., avocat au barreau de LILLE

 

DÉBATS à l'audience publique du 8 mars 2016 tenue par Nadia CORDIER magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse ZANDECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pascale FONTAINE, Président de chambre, Stéphanie ANDRE, Conseiller, Nadia CORDIER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président et Maryse ZANDECKI, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 février 2016

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X. a acheté un fonds de commerce situé [adresse], contractant pour ce faire, le 6 décembre 2006 un prêt de 30.000 euros auprès de la SA Brasserie du Coq hardi (le brasseur), à rembourser sous la forme de 84 mensualités de 438,26 euros.

L'acte de cession comprenait les engagements des parties concernant le remboursement du prêt, et notamment une clause d'exclusivité imposée à M. X. par le brasseur, lui imposant de se fournir à titre exclusif chez le fournisseur (la brasserie L.), obligation de fourniture exclusive contractée pour une durée de 7 ans et portant sur un quota minimum de 490 hectolitres de bières en fût à atteindre sur cette période, soit 70 hectolitres par an.

La bière était alors vendue pour un montant de 2,59 euros le litre.

Jusqu'au mois de septembre 2013, M. X. a toujours respecté ses obligations tenant au remboursement du prêt et à la clause d'exclusivité.

Il a toutefois effectué des approvisionnements de façon sporadique chez un autre fournisseur et précisé avoir demandé au fournisseur de procéder à la réparation de différentes pompes à bière et verrerie, afin de respecter ses obligations de délivrance.

 

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 8 janvier 2015, le tribunal de commerce de Lille- Métropole a :

- constaté les manquements de M. X. et prononcé la résolution judiciaire à ses torts du contrat d'approvisionnement,

- condamné le même à verser à la SA Brasserie du Coq hardi la somme de 7.187,78 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2013,

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la date d'assignation,

- condamné le même à verser à la SA Brasserie du Coq hardi la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. X. aux entiers frais et dépens, outre le coût du constat en date du 05 septembre 2013.

Par déclaration en date du 25 février 2015, M. X. a interjeté appel de la décision.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 8 février 2016, M. X. demande à la cour de :

- dire bien appelé, mal jugé,

- débouter la société SA Brasserie du Coq hardi de toutes ses demandes, frais et conclusions,

- condamner la même au paiement de la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice du fait du déséquilibre subi pendant l'exécution du contrat, outre 48.265,04 euros en réparation du préjudice financier,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt,

- condamner la SA Brasserie du Coq hardi au paiement de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître C.

Il fait valoir que le contrat de prêt a causé au distributeur un déséquilibre significatif justifiant la modification du contrat, et qu'ainsi le fournisseur n'est pas justifié à demander que soit prononcée la résiliation judiciaire dudit contrat à ses torts exclusifs.

Il soutient notamment que créée par la loi LME, la notion de déséquilibre significatif est un système de sanction dissuasif visant à empêcher les abus de puissance d'achat ou de vente, le déséquilibre significatif visant les pratiques émanant d'un professionnel profitant d'une situation de force pour contraindre son partenaire à accepter des conditions ; qu'en l'espèce, plusieurs obligations contractuelles lui étaient imposées, à savoir, d'une part, l'obligation de se fournir en bière chez la société Brasserie du Coq Hardi alors que celle-ci vendait sa bière à un prix bien supérieur à la moyenne, en l'absence de toute clause de révision ou prise en compte de ses difficultés, d'autre part la durée de l'engagement avec un montant fixe ; que la comparaison des avantages octroyés à la société et les inconvénients subis par lui-même permettent d'établir ce déséquilibre (remboursement d'un prêt de 30.000 euros et majoration d'1/5 de ce prix de vente au bénéficie du prêteur ; obligation d'approvisionnement).

Il sollicite dès lors le paiement de dommages et intérêts au titre du déséquilibre significatif et la révision du contrat. Il ajoute que cela lui a causé un préjudice moral et financier qu'il convient de réparer ; qu'il a subi des difficultés dans le remboursement du prêt mais a également enduré une pression morale de la part du fournisseur, dont l'obligation d'approvisionnement à un prix excessif, sans pouvoir s'en libérer, outre le défaut de réparation des machines par le fournisseur qui a causé un manque à gagner important, ne permettant pas la commercialisation de l'ensemble des marchandises en stock au débit de boissons.

 

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 17 février 2016, la SA Brasserie du coq hardi demande à la cour, au visa articles 1153, 1153-1, 1154 et 1183 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 8 janvier 2015.

- constater les manquements graves et répétés de M. X. à l'obligation essentielle d'approvisionnement exclusif ;

- prononcer la résolution judiciaire du contrat d'approvisionnement exclusif conclu aux torts de ce dernier,

- subsidiairement,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'approvisionnement exclusif conclu aux torts de ce dernier,

- en tout état de cause :

- constater que les manquements graves de M. X. à ses engagements rendent exigible de plein droit le remboursement du capital et des intérêts restant dus au titre de l'emprunt consenti,

- en conséquence,

- condamner M.B. à lui verser la somme de 7.189,78 euros au titre des indemnités contractuelles, majorée des intérêts au taux légal et capitalisés,

- fixer le point de départ des intérêts au jour de la mise en demeure, soit le 18 septembre 2013,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de la présente assignation,

- débouter M.B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le même à hauteur d'appel au paiement d'une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en confirmant la condamnation de première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, outre le coût du constat en date du 5 septembre 2013.

Elle souligne essentiellement que la gravité de l'inexécution de l'obligation s'apprécie par rapport à l'économie du contrat, l'obligation inexécutée devant ainsi être déterminante de la volonté des parties ; qu'en l'espèce, l'obligation de fourniture exclusive constituait l'obligation principale de la relation contractuelle des parties ; que d'ailleurs, les parties au contrat d'approvisionnement exclusif ont expressément reconnu que toutes les clauses afférentes aux obligations des parties étaient « déterminantes et essentielles » ; qu'il est d'ailleurs rappelé que c'est une condition « essentielle et déterminante « sans laquelle le prêt dont il s'agit n'aurait pas été consenti, l'Emprunteur s'engageant formellement et expressément à se fournir à la brasserie ; que les manquements ont d'ailleurs été reconnus.

Elle conteste l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties.

Elle précise qu'il fonde son argumentation sur l'article L. 442-6 du code de commerce qui ne se rapporte absolument pas au cas d'espèce ; qu'il n'établit pas la présence d'un déséquilibre et n'apporte pas la preuve de ce que les prix pratiqués par la Brasserie L. auraient été d'une particulière excessivité par rapport aux prix pratiqués sur le marché ; que les factures versées d'autres fournisseurs établissent le manquement de M. X. à l'exclusivité prévue contractuellement, aucune comparaison ne pouvant être faite entre des produits de qualité, d'origine et de réputation différentes ou des factures de déstockage ; que le contrat comporte une possibilité de révision ; que les difficultés financières dont argue M. X. ne sont pas prouvées, ce dernier ayant dès 2010 demander un remboursement anticipé du prêt.

* * *

Par note en délibéré en date du 9 mars 2016, la cour a relevé, d'une part, que M. X., en réponse à la demande en résolution du contrat à ses torts, invoque le déséquilibre significatif des relations contractuelles et les dispositions de l'article L 442-6-I-2° du code de commerce, d'autre part, ces dispositions d'ordre public donnent compétence, pour le ressort de la cour d'appel de Douai, au tribunal de commerce de Lille Métropole, et, en appel, à la cour d'appel de Paris.

Les parties ont été invitées à formuler leurs observations sur l'irrecevabilité éventuelle des demandes sur ce fondement, sur le caractère indissociable ou non des différentes demandes et la possibilité d'une éventuelle disjonction.

Par note RPVA en date du 29 mars 2016, M. X. maintient ses prétentions au visa des dispositions de l'article L 442-6-I-2° du code de commerce, s'incline sur le moyen soulevé d'office et sollicite le renvoi à la cour d'appel de Paris. Il s'oppose alors à une disjonction.

Par note RPVA en date du 12 avril 2016, faisant suite à la réponse de la société, il précise qu'il y aura lieu de procéder à une disjonction du litige, les demandes formées au titre des articles 11183 et suivants du code civil demeurant de la compétence de la cour d'appel de Douai.

Par note RPVA du 8 avril 2016, la société souligne la compétence de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les prétentions formées au visa des dispositions de l'article L 442-6-I-2° du code de commerce, la compétence de la cour d'appel de Douai pour statuer sur les prétentions fondées sur l'article 1183 du code civil, l'absence de demande de disjonction et la nécessité en conséquence de déclarer l'appel irrecevable pour le tout.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers... de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Ces dispositions, d'ordre public, donnent compétence, pour le ressort de la cour d'appel de Douai, au tribunal de commerce de Lille Métropole, et en appel à la cour d'appel de Paris, conformément aux article D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce.

Le non-respect des dispositions précitées est sanctionné par une fin de non-recevoir, d'ordre public.

Aux termes des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.

Les décisions de jonction ou de disjonction d'instance, sont des mesures d'administration judiciaire, insusceptibles de recours.

* * *

Comme moyen de défense à la demande de résolution du contrat à ses torts, M. X., sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2°du code de commerce, invoque le déséquilibre significatif existant entre les parties, et ce, tant pour expliciter les manquements éventuels à ses obligations que pour solliciter une indemnisation.

Ainsi, il ressort des propres écritures de M. X., tant dans son résumé des relations liant les parties qu'il fait que dans l'analyse juridique qu'il apporte au soutien de la demande de résolution/résiliation du contrat, qu'il se base sur la notion de déséquilibre significatif des relations.

La cour note que dès le 5ème paragraphe, page 3 des conclusions, il entend « démontrer que le contrat de prêt a causé au distributeur un déséquilibre significatif, justifiant la modification du contrat, et qu'ainsi le fournisseur n'est pas justifié à demander la prononciation de la résiliation judiciaire dudit contrat à ses torts exclusifs ».

Il mentionne que « le cours de la bière ayant diminué ainsi que sa consommation, il s'est vu, au regard du prix extrêmement élevé de la bière demandé par la société Brasserie du coq hardi, dans l'obligation de s'approvisionner également de manière sporadique et mineure chez un autre fournisseur pour continuer le remboursement du prêt ».

Il estime ainsi justifier (paragraphe 7 de ces conclusions) son refus de procéder au règlement de la totalité du prêt et précise que si par l'impossible, la cour estimait qu'il a violé la clause d'exclusivité, « elle ne pourra que constater que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations au regard du déséquilibre existant entre les parties », l'inexécution de son obligation étant « indépendante de la volonté du distributeur ».

Au vu des développements, ci-dessus rappelés, effectués par M. X., même ceux qu'il utilise pour s'opposer à la demande de résolution à ses torts du contrat de bière se trouvent nécessairement imbriqués et ne peuvent être examinés séparément, sans créer un risque de contradiction de décision.

Dès lors, aucune disjonction ne peut raisonnablement être prononcée en l'espèce.

Au vu de cette fin de non-recevoir relevée d'office, la cour ne peut que déclarer l'appel de M. X. irrecevable.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. X. succombant à la présente instance, il convient de le condamner aux dépens d'appel.

L'équité commande toutefois de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE irrecevable l'appel formé par M. X. à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole rendu le 8 janvier 2015 ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. X. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT

M. ZANDECKI                    P. FONTAINE