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6642 - Contrat de restaurant : pénalité en cas de restitution d’une assiette vide

Nature : Clauses (extrait)
Titre : 6642 - Contrat de restaurant : pénalité en cas de restitution d’une assiette vide
Pays : France
Cat organisme : Restaurant
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CERCLAB - ANALYSE DE CLAUSE - DOCUMENT N° 6642

CONTRAT DE RESTAURANT : CLAUSE PÉNALE EN CAS D’ABSENCE DE RESTITUTION D’UNE ASSIETTE VIDE

Auteur : X. Henry – Tous droits réservés

 

CONTENU DE LA CLAUSE

La presse et certains sites internet ont évoqué l’existence d’une clause incluse dans certains contrats de restauration qui sanctionne le client lorsque celui-ci ne termine pas son assiette. Dans cette hypothèse, il pourrait se voir appliquer une pénalité d’un montant modique (quelques euros).

 

LOCALISATION ET PRÉSENTATION DE LA CLAUSE   

En tout état de cause, la clause ne peut être opposable au client que si celui-ci en a connaissance au plus tard à la conclusion du contrat. Les éléments recueillis ne permettent pas de savoir quels sont les supports matériels permettant de réaliser cette information. La clause peut-être valablement affichée en vitrine, de façon apparente par affichage (notamment au début de la chaîne d’un libre-service) et éventuellement sur le ticket de caisse (libre-service) ou sur le menu (si on considère que le contrat est formé lorsque le client a passé sa commande).

 

APPRÉCIATION CRITIQUE DE LA CLAUSE   

L’appréciation du caractère abusif de cette stipulation peut diffèrer selon les modalités du contrat de restauration.

 

A. RESTAURANT TRADITIONNEL (À LA COMMANDE)

Nature du contrat. La qualification du contrat de restauration est discutée, l’hésitation pouvant être permise entre une vente et un contrat d’entreprise avec fourniture de matière. Si on applique les critères actuels de la Cour de cassation pour distinguer ces deux contrats, il faudrait a priori plutôt considérer que le contrat est une vente puisque l’élaboration du plat se fait selon les critères établis par le restaurateur.

Droit commun. La nourriture livrée par le restaurateur est à compter de sa « livraison » (présentation et acceptation, voir dégustation) la propriété du client. La règle ne serait pas radicalement différente pour un contrat d’entreprise, l’effet translatif ne pouvant s’appliquer que lorsque le plat a été présenté et accepté par le client. A partir de là, le client peut par conséquent en disposer comme il le désire, notamment en ne terminant pas son assiette (pour les bouteilles de vin, le client est en droit de les emporter, pour les autres plats aussi, sauf demande illégitime et absence de fourniture d’emballage par le client). Le refus correspond à une non-conformité (ex. viande trop cuite) ou un vice apparent ou caché (ex. présence dans le plat d’éléments non désirés, produits avariés, vin bouchonné, etc.).

Appréciation du caractère abusif. Une pénalité des assiettes semble contestable à plusieurs titres.

Sous l’angle des droit fondamentaux, elle porte atteinte à la vie privée du client qu’elle force à manger et à son droit de propriété qu’il peut exercer comme il le souhaite. Avancer l’argument d’une consommation éthique, inscrite dans le développement durable pourrait aussi constituer une atteinte à la liberté de pensée, sauf à ce que le restaurant affiche clairement cette caractéristique (un peu comme une entreprise de « tendance » en matière religieuse).

La clause est aussi abusive en ce qu’elle impose au consommateur une sanction financière en l’absence de tout manquement de sa part. Par ailleurs, la clause est également critiquable si elle est rédigée de façon générale, en incluant des situations ne correspondant à aucun manquement du consommateur (mauvaise qualité du plat, cas de force majeure l’obligeant à partir, malaise, etc.).

 

B. RESTAURANT LIBRE-SERVICE « À VOLONTÉ

La situation est différente lorsque le restaurant pratique une restauration en libre-service avec la mention que le client peut se servir « à volonté ». En effet, ce n’est plus la date du transfert de propriété qui est ici en cause, mais la détermination de la quotité de la chose. Dans un contrat classique à l’assiette, c’est le restaurateur qui détermine la quantité des plats. En revanche, dans un libre-service à volonté, c’est le client (ou ses capacités digestives…) qui fixe la quantité livrée. Il s’agit d’une détermination de la quotité de l’objet selon un critère indépendant du vendeur, puisque c’est l’acheteur qui la réalise et qui est admise depuis longtemps (traditionnellement, on donne l’exemple de la vente d’avoine pour un âne pendant un mois). L’équilibre économique du contrat et l’obligation de bonne foi interdisent à l’acheteur d’emporter des produits.

Dès lors, la clause peut se justifier au regard des contraintes du professionnel, qui s’apprécient au regard de l’ensemble des contractants. L’équilibre économique est global et repose sur la capacité réelle de tous les clients. En prélever plus qu’il ne peut ingérer compromet cet équilibre.

Contrairement au cas précédent, la clause ne réalise aucune atteinte au droit de propriété du consommateur. Elle réalise en revanche une atteinte à la vie privée. Sa validité suppose la mesure : réserver les hypothèses légitimes (maladie, malaise, intolérance alimentaire, départ précipité pour une cause légitime) et ne sanctionner que les dépassements manifestes.