TI METZ, 4 janvier 1983
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 666
TI METZ, 4 janvier 1983 : RG inconnu
Publication : D. 1983. 591, note J.-P. Pizzio
Extrait : « Attendu en l'espèce que la clause incluse dans les conditions générales du contrat de vente intervenu entre la SA Global et M. X., rédigée en ces termes : « les délais de livraison sont donnés à titre indicatif. Un dépassement de ces délais ne peut en aucun cas constituer un motif d'annulation ou donner lieu à des dommages et intérêts » doit être déclarée abusive au sens de l'art. 2 du décret du 24 mars 1978 susvisé ; que cette clause, qui a pour effet d'exclure le droit de résoudre le contrat et de réclamer une indemnité en cas de retard dans la livraison, contrevient en effet aux dispositions des art. 1610 et 1611 c. civ. … ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE METZ
JUGEMENT DU 4 JANVIER 1983
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DEMANDERESSE :
SA GLOBAL
DÉFENDEUR :
M. X.
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
L'ASSOCIATION UNION FÉMININE CIVIQUE ET SOCIALE,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE TRIBUNAL ;
Attendu que l'opposition à l'injonction de payer délivrée le 20 juillet 1982, formée dans le délai de un mois à compter de sa signification, est recevable en la forme ;
Attendu aux termes de l'art. 47 de la loi du 27 déc. 1973, que les associations régulièrement déclarées, ayant pour objet statutaire explicite la défense des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer devant toutes les juridictions l'action civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;
Attendu que l'Union féminine civique et sociale, reconnue organisation de consommateurs et agréée par arrêté du 19 déc. 1980, est recevable en son intervention volontaire tendant à la réparation du préjudice collectif occasionné aux consommateurs par l'insertion dans les contrats de vente de la Société Global de la clause dont l'analyse sera faite ci-après ;
Attendu qu'aux termes de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janv. 1978 sur l'information et la protection du consommateur « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs peuvent être interdites, limitées ou réglementées par décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la commission des clauses abusives, ... les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, de résolution ou reconduction des conventions, lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ; de telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précèdent, sont réputées non écrites ... » ;
Attendu qu'il résulte de la jurisprudence que cette loi subordonnant à l'initiative du gouvernement l’interdiction ou la réglementation des clauses abusives, en l'absence de décret pris en Conseil d'Etat, une clause, bien que répondant aux critères de l'art. 35 susvisé, demeure parfaitement valable ;
Attendu qu'actuellement un décret a été promulgué en application de la loi susvisée : le décret n° 78-464 du 24 mars 1978, entré en vigueur le premier octobre 1978 et applicable aux contrats conclus après cette date, qui dispose : art. 2 : « dans les contrats de vente conclus entre des professionnels d'une part, et d'autre part, des non-professionnels ou des consommateurs, est interdite comme clause abusive au sens de l'art. 35 de la loi du 10 janv. 1978, la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ... » ;
Attendu qu'il appartient aux tribunaux d'assurer l'application de ce décret et en cas de litige entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, de déclarer nulles les clauses abusives qui entrent dans les prévisions dudit texte ;
Attendu en l'espèce que la clause incluse dans les conditions générales du contrat de vente intervenu entre la SA Global et M. X., rédigée en ces termes : « les délais de livraison sont donnés à titre indicatif. Un dépassement de ces délais ne peut en aucun cas constituer un motif d'annulation ou donner lieu à des dommages et intérêts » doit être déclarée abusive au sens de l'art. 2 du décret du 24 mars 1978 susvisé ; que cette clause, qui a pour effet d'exclure le droit de résoudre le contrat et de réclamer une indemnité en cas de retard dans la livraison, contrevient en effet aux dispositions des art. 1610 et 1611 c. civ. lesquels disposent :
Art. 1610 : que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra à son choix demander la résolution de la vente ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur ;
Art. 1611 : que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance du terme convenu ;
Attendu qu'il échet d'observer que, dans la majorité des ventes proposées aux consommateurs et notamment en matière de vente de meubles, il n'existe aucun obstacle à ce qu'au moment de la commande, un délai ferme soit définitivement et clairement énoncé ; que même les contraintes qui peuvent apparaître dans les ventes de produits personnalisés, ne sauraient enlever son caractère essentiel du contrat et délier, à cet égard, le vendeur de ses obligations dans la mesure où il est possible audit vendeur de vérifier auprès de ses fournisseurs la date de disponibilité de la marchandise ; qu'il convient à cet égard de rappeler à la SA Global la recommandation n° 8006 émise le 26 nov. 1980 par la Commission des clauses abusives et de l'inviter à se soumettre à ses prescriptions ;
Sur la demande principale :
Attendu qu'il n'est pas contesté que M. X. reste devoir à la SA Global la somme de 1.000 Francs correspondant au solde de la facture n° 1345/82 du 18 avril 1982 ; qu'il échet de le condamner au paiement de cette somme ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu qu'il échet de tirer les conséquences de l'annulation de la clause litigieuse incluse dans le contrat de vente liant M. X. à la SA Global, notamment au niveau de la réparation de son préjudice réclamée par le défendeur ;
Attendu qu'il était prévu lors de la commande passée par M. X. que la livraison et l'installation de la cuisine, objet du contrat, seraient effectuées à la fin du mois de février ou au début du mois de mars 1982 ; qu'en fait cette livraison et cette installation ont eu lieu le 17 et le 18 avril 1982 ;
Attendu que le défendeur justifie que le déménagement de son appartement à la maison dans laquelle a été installée la cuisine n'a en conséquence pu avoir lieu qu'à cette dernière date ; qu'il a dû payer un mois de loyer supplémentaire au propriétaire du logement qu'il occupait, soit la somme de 1.337 Francs ; qu'il échet en conséquence, sur le fondement de l'art. 1611 c. civ., de condamner la SA Global à payer cette somme de 1.337 Francs au défendeur en réparation du préjudice subi par lui du fait du retard apporté à la livraison du matériel commandé ;
Sur la demande présentée par l'Union féminine civique et sociale :
Attendu qu'il échet d'enjoindre à la SA Global de mettre en conformité le contrat type actuel dont les stipulations sont contraires à l'art. 2 du décret du 24 mars 1978 ;
Attendu par ailleurs que les infractions aux dispositions des art. 1610 et 1611 c. civ. ainsi qu'aux dispositions de l'art. 2 du décret du 24 mars 1978 causent un préjudice à l'ensemble des consommateurs, qu'il y a lieu en conséquence de condamner la SA Global à payer à l'Union féminine civique et sociale la somme de 1.000 Francs à titre de dommages-intérêts ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs : (dispositif conforme).