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CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 16 janvier 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 16 janvier 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 15/11969
Date : 16/01/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6706

CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 16 janvier 2017 : RG n° 15/11969 

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 16 JANVIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/11969 (7 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 avril 2015 -Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 2014005045.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

demeurant [adresse], né le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

demeurant [adresse], née le [date] à [ville]

SA HYDRO VITI

ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentés par Maître Alain F. de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, Ayant pour avocat plaidant le CABINET D. ET ASSOCIEES, Société interbarreau de REIMS et de CHALONS EN CHAMPAGNE

 

INTIMÉE :

SAS CMC - CONSTRUCTIONS MÉCANIQUES CHAMPENOISES

ayant son siège social [adresse], N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Marc-olivier S., avocat au barreau de PARIS, toque : D0574, Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Paul V., avocat au barreau de REIMS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, rédacteur, qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société constructions mécaniques champenoises (la société CMC) a pour objet la conception et la fabrication de machines agricoles et particulièrement, de tracteurs enjambeurs et d'outillages agricoles, viticoles et industriels.

Ces matériels, fabriqués sur commande, sont commercialisés par des distributeurs agréés dans les différentes régions viticoles du pays.

La SA Hydro Viti, représentée par M. X., était le distributeur exclusif de la marque CMC dans un secteur géographique précis. Mme X., administrateur de la société, s'est portée caution aux côtés de M. X. d'une créance de la société CMC.

En 2006, la société CMC était cédée au groupe EXEL INDUSTRIES, et un nouveau contrat de distributeur agréé était mis en place, d'une durée d'un an. Ce contrat était renouvelé d'année en année jusqu'au mois d'août 2013.

Le 6 novembre 2012, la société CMC mettait en demeure la société Hydro Viti de payer 2 tracteurs - enjambeurs, qu'elle avait revendus, sans s'acquitter du prix auprès de son fournisseur.

Par courrier recommandé du 26 août 2013, la société CMC dénonçait l'absence totale de commande depuis 28 mois. Cette lettre, constatait la rupture de fait de la relation commerciale en l'imputant à la société Hydro Viti et confirmait la cessation définitive du contrat au 1er septembre 2013.

Cette rupture des relations commerciales est à l'origine de la présente instance engagée par la société Hydro Viti, M. X. et Mme X.

 

Par jugement rendu le 14 avril 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole, a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare Hydro Viti et les époux X. recevables, mais mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions,

- Les en déboute purement et simplement.

- Condamne conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, et Monsieur et Madame . à payer à la SAS société constructions mécaniques champenoises, la somme de 56.922,69 euros pour solde de la facture N° 11775 du 10 mai 2012, ladite somme majorée de l'intérêt de retard au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points, conformément à l'article L. 441-6 alinéa 8 du Code de Commerce,

- Dit et juge que cet intérêt sera dû depuis le 6 novembre 2012, date de la mise en demeure jusqu'au paiement intégral de la créance.

- Déboute la société CMC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Condamne solidairement la SA Hydro Viti, et M et Mme X. à payer à la société CMC une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC et condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance.

La SA Hydro Viti, M. X. et Mme Y. X., ont relevé appel du jugement.

 

Par conclusions signifiées le 7 septembre 2015, M et Mme X., la société Hydro Viti demandent de :

Recevoir la société Hydro Viti, M X. et Mme X. née Y. en leur appel dirigé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole et les y déclarer bien fondés,

Infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau,

Constater que la société CMC s'est comportée anormalement et déloyalement, notamment en violant l'article L. 442-6-5° du code de commerce,

Constater que la société CMC Viti a créé de très importants préjudices, la condamner à l'indemniser à hauteur des sommes suivantes :

- Préjudice résultant de sa perte commerciale : 433.910 euros (HT) soit 520.692 euros TTC

- Préjudice résultant de la désorganisation subie : 87.000 euros

Constater que la société CMC a créé de très importants préjudices financiers à M. et Mme X. et corrélativement prononcer la nullité des cautions données au profit de la société CMC pour manœuvres dolosives,

Subsidiairement condamner la société CMC à leur verser le solde des sommes cautionnées au profit de la société CMC, soit 56.923 euros

Condamner la société CMC à leur rembourser les indemnisations payées à la Caisse d'Epargne en leur qualite de cautions, soit 152.410,57 euros outre les frais de procédure pour mémoire,

Condamner la société CMC à verser à Hydro Viti la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocats dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Par conclusions récapitulatives signifiées le 5 octobre 2016, la SAS Constructions mécaniques champenoises (CMC) demande à la Cour de :

Voir déclarer la SA Hydro Viti et les époux X. recevables mais mal fondés en leur appel du jugement rendu le 14 avril 2015

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société CMC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Statuant à nouveau,

Condamner conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, Monsieur X. et Madame X. née Y. son épouse, à payer à la SAS société constructions mécaniques champenoises la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Condamner les mêmes, et sous la même solidarité, à payer à la société CMC une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner conjointement et solidairement la SA Hydro Viti, Monsieur X. et Madame X. née Y. son épouse, aux entiers dépens d'appel dont distraction est requise au profit de Maître Marc-Olivier S., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la rupture des relations :

La société Hydro Viti reproche à la société la SAS Constructions mécaniques champenoises, « CMC », un défaut de loyauté sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. Elle fait valoir que la société CMC a résilié le contrat, le 26 août 2013, sans mise en demeure préalable, sans préavis, alors que le 14 février 2013 la société CMC confirmait que le contrat de concession était toujours valable.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a affirmé que l'absence de vente pendant 18 mois constituait la cause de résiliation du contrat alors qu'elle justifie s'être pleinement investie dans un marché champenois difficile et perturbé. Entre 2011 et 2013, elle a vendu 9 véhicules d'occasion, et proposé 38 devis pour des véhicules neufs et une vente en 2013 n’a pu être réalisée, du fait du refus de la société de livrer le tracteur.

La société CMC rétorque que le droit au nouvellement d'un contrat de distributeur résulte d'un droit discrétionnaire du fournisseur ; il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article L. 442-I-6-5ème du code de commerce, qui autorisent la résiliation de la relation commerciale sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations.

Elle fait valoir que la société Hydro Viti n'avait pas réalisé son objectif de vente annuel de 10 ventes de tracteur-enjambeurs en 2012 et de 5 en 2013, qu’aucune vente n'a été réalisée pendant 28 mois, à compter du mois de mai 2011 ; que l'absence de tout objectif fixé dans le contrat, ne signifiait pas que l'absence de vente était sans conséquence sur le plan contractuel.

Elle soutient que les devis allégués n'ont jamais donné lieu à des commandes ; que les griefs de la société Hydro Viti relatifs à un défaut d'assistance commerciale ne sont pas prouvés ; que la garantie constructeur est accordée pour les vices de construction mais se limite aux pièces défectueuses sans prendre en charge les heures de main d'oeuvre et d'intervention du distributeur ; les délais de fabrication sont demeurés invariables depuis l'origine de leurs relations.

Elle reproche enfin des retards de paiement, et notamment l'absence de paiement d'une facture du 10 mai 2012 malgré deux protocoles d'accord de moratoire.

 

Il ressort des éléments du dossier que le contrat initial liant les parties a été conclu en 2003. Il visait un objectif de vente de 12 tracteurs enjambeurs chaque année. En 2006, la société CMC a été reprise par le groupe Exel Industrie, le nouveau contrat de distribution liant les parties prévoyait un contrat d'une durée annuelle. Le contrat était renouvelé jusqu'en 2013.

Aux termes de l'article 442-6 du code de commerce, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, en tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage la responsabilité de son auteur. Il est toutefois prévu la possibilité de résilier sans préavis une relation commerciale établie en cas d'inexécution.

En l'espèce, il est établi que la société Hydro Viti n'a réalisé aucune vente de matériel neuf, à compter du mois de mai 2011, avant la rupture qui est intervenue en août 2013.

C'est donc par une appréciation pertinente des éléments du dossier que les premiers juges ont considéré qu'indépendamment de tout objectif fixé dans le contrat de distributeur agréé, le fait pour la société Hydro Viti de n'avoir réalisé aucune vente dans la période de 28 mois précédant la rupture du contrat, constituait une cause de résiliation du contrat sans préavis, pour inexécution de ses obligations conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 précitées.

Au surplus, le défaut de paiement répété de la société Hydro Viti constitue un manquement supplémentaire à ses obligations, pour justifier la rupture des relations commerciales.

Les griefs de la société Hydro Viti relatifs à un défaut d'assistance commerciale ne reposent sur aucun élément probant. A contrario, il apparaît, au regard des procès-verbaux de réunions d'associés de la société Hydro Viti, des délais de paiement accordés par la société CMC, que les difficultés financières de l'entreprise ne provenaient pas d'un défaut d'assistance commerciale.

Concernant les délais de fabrication, la société Hydro Viti ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le prétendu retard de livraison avec l'absence de vente entre 2011-2013.

De même, la société CMC justifie de ce que le contrat prévoit que la garantie est accordée pour les vices de construction et se limite aux pièces défectueuses, sans prise en charge des heures de main d'œuvre et d'intervention du distributeur, ce qui clôt le débat sur la prise en charge des interventions critiquées par le distributeur.

Le comportement déloyal de la société CMC n'étant pas établi, les demandes de ce chefs seront rejetées.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a dite justifiée la résolution du contrat.

 

Sur le cautionnement de M. et Mme X. :

La société Hydro Viti reproche à la société CMC des manœuvres dolosives à l'égard des cautions, sur le fondement de l'article 1116 du code civil.

Elle prétend caractériser la mauvaise foi de la société CMC en ce qu'elle confirmait, par courrier du 15 février 2013, que le contrat était en cours et obtenait ainsi la signature de la caution du dirigeant. M. X., président de la société et Mme X., acceptaient de cautionner la créance de CMC alors que, en décembre 2012, l'engagement de caution était disproportionné avec les capacités financières de M. X.

La société CMC conteste les manœuvres dolosives qui lui sont reprochées en se prévalant du protocole d'accord conventionnel du 21 décembre 2012, de l'acte de cautionnement consenti par M. X., assisté de son conseil qui confèrent à ces actes la garantie des droits des intéressés.

 

Il ressort des pièces versées aux débats que :

Le contrat de distributeur agréé, prévoit à l'article 5 que les règlements interviennent par traite à retourner acceptée sous 48 heures, soit un paiement à 30 jours fin de mois.

Le 13 août 2012, la société CMC adressait une sommation de payer à la société Hydro Viti la somme de 177.012,38 euros pour une la commercialisation de 2 tracteurs en 2011-2012, facturés en 2012 ;

Le 6 novembre 2012, la société CMC mettait en demeure la société Hydro Viti de lui payer la somme de 183.017,05 euros ;

Le 9 janvier 2013, la société Hydro Viti recevait par l'intermédiaire de son conseil le protocole d'accord transactionnel conclu entre les parties et l'acte de cautionnement signés par M et Mme X.

Il est indéniable que la société Hydro Viti n'a pas respecté les modalités de paiement prévues au contrat et a, de fait, contraint la société CMC de lui accorder des délais de paiement. Ce soutien financier ne pouvait qu'être temporaire, la vocation de la société CMC étant de vendre et non de prêter des fonds à son distributeur. La société Hydro Viti devait donc impérativement régler son fournisseur, sans pouvoir exiger en contrepartie, une poursuite du contrat.

Au vu de ces documents, tant la pression financière, que la mauvaise foi alléguée à l'encontre de la société CMC ne sont pas démontrées.

Par ailleurs, la preuve que l'engagement de caution de M. X. était disproportionné au mois de décembre 2012, n'est pas rapportée dès lors que celui-ci, s'est engagé au moment de la formation du contrat en qualité de dirigeant de société qu'il était assisté de son conseil et qu'enfin il ne fournit pas d'information sur son patrimoine.

Pas davantage n'est démontrée un prétendue collusion avec la caisse d'épargne, partie étrangère à la présente procédure.

 

Sur la demande reconventionnelle :

Ainsi que le tribunal l'a jugé, la société CMC est créancière de la SA Hydro Viti, au titre du solde de la facture n° 11755 du 10 mai 2012, pour une somme de 56.922,69 euros, étant précisé que cette créance n'était pas contestée par la société Hydro Viti en première instance.

Dans ces conditions, la décision des premier juges sera confirmée en toutes ses dispositions. le jugement en toutes ses dispositions.

 

Sur les dommages et intérêts :

La société CMC demande la condamnation de la SA Hydro Viti, Monsieur X. et Madame X. née Y., à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Le débouté des demandes des parties appelantes, ne suffit pas à caractériser l'abus de procédure. La société CMC sera déboutée de sa demande de ce chef.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il n'y a pas lieu d'allouer une somme complémentaire à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE la société CMC de sa demande de dommages et intérêts,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE solidairement la SA Hydro Viti, M. X. et Mme Y. épouse X., aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Marc-Olivier S., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

C. BURBAN                         E. LOOS