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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 janvier 2017

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 janvier 2017
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 14/03387
Date : 10/01/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/07/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6715

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 janvier 2017 : RG n° 14/03387

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement. Il n'est aucunement contesté que les panneaux photovoltaïques n'ont jamais été livrés par la Sarl CONFORT DE l'HABITAT 26. Le contrat de vente doit donc être résolu.

En application des dispositions de l'article L. 311-32 (anciennement L. 311-21) du code de la consommation, la résolution judiciaire du contrat principal entraîne la résolution de plein droit du contrat de crédit accessoire et, par conséquent, l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital versé au titre du contrat de crédit affecté.

Les époux X. s'opposent à cette restitution, en invoquant les fautes commises par la SA DOMOFINANCE dans la remise des fonds. Le prêteur qui a délivré les fonds au vendeur ou au prestataire de services sans s'assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l'égard de l'emprunteur, des effets de la résolution du contrat principal. En l'occurrence, la SA DOMOFINANCE a débloqué les fonds au vu d'une « fiche de réception des travaux » datée du 16 septembre 2011.

Or il convient de relever que non seulement ce document vise un bon de commande dont le numéro (20541) ne correspond pas à celui du bon de commande signé par M. X. (0349) mais que la facture produite par la SA DOMOFINANCE datée du 25 août 2011 ne comporte aucune référence de commande.

Le prêteur, en acceptant de libérer les fonds au vu de documents aussi imprécis et alors qu'en sa qualité de partenaire habituel de la Sarl CONFORT DE L'HABITAT 26 il ne pouvait ignorer la situation financière obérée de celle-ci, dont la procédure collective sera ouverte douze jours plus tard, a fait preuve d'une négligence fautive qui exclut le remboursement du capital emprunté. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 JANVIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/03387. Appel d'un jugement (R.G. n° 11-13-001993) rendu par le Tribunal d'Instance de GRENOBLE, en date du 15 mai 2014, suivant déclaration d'appel du 9 juillet 2014.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [...], de nationalité Française, Représenté et plaidant par Maître Pascale H., avocat au barreau de GRENOBLE

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [...], de nationalité Française, Représentée et plaidant par Maître Pascale H., avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉS :

Maître Alain M. Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL CONFORT DE L'HABITAT 26 »

de nationalité Française, Défaillant

SA DOMOFINANCE

immaticulée au Registre du Commerce et des sociétés de PARIS, sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, Représentée et plaidant par Maître Bernard B., avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES, Président de chambre, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistées lors des débats de Madame Laetitia GATTI, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 22 novembre 2016, Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 14 juin 2011 M. X. et Mme Y. épouse X. ont passé commande auprès de la Sarl CONFORT DE l'HABITAT 26 de panneaux photovoltaïques pour leur habitation, au prix de 19.500 euros TTC.

Ils ont, le même jour, souscrit auprès de la SA DOMOFINANCE un crédit de 19.500 euros remboursable en 144 mensualités de 190,12 euros.

Le déblocage des fonds a été effectué au vu d'une « fiche de réception des travaux » datée du 16 septembre 2011.

Les panneaux photovoltaïques n'ont pas été posés et la Sarl CONFORT DE l'HABITAT 26 a été placée en redressement judiciaire le 28 septembre 2011, puis en liquidation judiciaire le 30 novembre 2011.

Par acte du 13 juin 2013, les époux X. ont assigné la SA DOMOFINANCE et Maître Alain M., liquidateur de la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26, devant le tribunal d'instance de Grenoble en annulation du contrat de crédit, subsidiairement en résolution du contrat principal et du contrat de crédit.

Par jugement du 15 mai 2014, le tribunal les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer à la SA DOMOFINANCE la somme de 150 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

 

Les époux X. ont relevé appel de cette décision le 9 juillet 2014.

Au dernier état de leurs conclusions notifiées le 6 juillet 2016, ils demandent à la cour, au visa des articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-13, L. 311-31, L. 311-36, L. 311-48 et L 132-1 du code de la consommation, 1316-4, 1324, 1109 et suivants, et 1184 du code civil, d'infirmer le jugement et de :

- prononcer la nullité ou la résolution du contrat de vente conclu avec la Sarl CONFORT DE l'HABITAT 26 et la nullité ou la résolution corrélative du contrat de crédit accessoire,

- ordonner au besoin une expertise graphologique,

- condamner la SA DOMOFINANCE à leur restituer toutes les sommes qu'ils lui ont versées en exécution du crédit, avec intérêts au taux légal à compter de chaque versement,

- débouter la SA DOMOFINANCE de sa demande de restitution du capital versé à la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26,

- à tout le moins, dire que la SA DOMOFINANCE ne peut se prévaloir des intérêts au taux contractuel sur le remboursement du capital,

- prononcer la compensation entre les sommes dues par chacune des parties,

- à titre infiniment subsidiaire, prononcer la déchéance des intérêts du contrat de crédit et dire que les intérêts versés à tort s'imputeront sur le capital, outre intérêts de droit à compter de chaque paiement,

- débouter la SA DOMOFINANCE de l'ensemble de ses demandes,

- dire la décision opposable à Maître M. ès-qualité,

- condamner la SA DOMOFINANCE à leur verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Ils font valoir que :

- ils ont des difficultés à comprendre les termes techniques français et ont été les victimes naïves d'un vendeur indélicat de la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26 qui les a démarchés à leur domicile,

- ils n'ont pas signé le bon de commande,

- le bon de commande versé aux débats ne comporte ni adresse ni date de signature et ne mentionne pas la faculté de rétractation,

- la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26 n'a jamais livré les panneaux photovoltaïques ni réalisé les travaux commandés,

- l'offre préalable de prêt est irrégulière, faute de bordereau de rétractation et de décision du prêteur de leur accorder le crédit,

- les signatures qui figurent tant sur l'offre de prêt que sur l'attestation de réception des travaux sont des faux grossiers,

- la SA DOMOFINANCE ne pouvait se contenter de la fiche de réception pour débloquer les fonds et devait préalablement s'assurer de la délivrance d'une attestation de conformité de l'installation,

- ils n'ont jamais contesté avoir souhaité faire l'acquisition de panneaux photovoltaïques mais ils contestent avoir donné leur consentement à l'opération de crédit accessoire et estiment avoir été victimes d'un dol,

- la SA DOMOFINANCE, partenaire habituel de la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26, ne pouvait pas ignorer les difficultés financières de celle-ci,

- elle a transmis les fonds à la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26 alors que la procédure collective était déjà ouverte.

 

Par conclusions notifiées le 5 juillet 2016, la SA DOMOFINANCE demande à la cour, au visa des articles 1134, 220 et 1382 du code civil, et du code de la consommation, de :

- confirmer le jugement,

- subsidiairement, si le contrat de crédit devait être déclaré nul, condamner solidairement les époux X. à lui restituer la somme de 19.500 euros outre intérêts à compter de la date du versement,

- en tout état de cause, dire que les époux X. ne sont pas recevables à invoquer l'absence de livraison de la chose et qu'ils devront exécuter le contrat de prêt conformément à l'offre préalable souscrite le 14 juin 2011,

- subsidiairement, si la vente devait être résolue, statuer ce que de droit sur la résolution du contrat de crédit affecté et condamner solidairement les époux X. à lui restituer la somme de 19.500 euros outre intérêts à compter de la date du versement,

- dire qu'elle ne peut être déchue de son droit aux intérêts,

- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes,

- dire la décision opposable à Maître M. ès-qualité,

- condamner solidairement les époux X. à lui verser les sommes de 3.000 euros pour appel abusif et de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- les fonds ont été mis à disposition au-delà du délai de sept jours, ce qui vaut agrément de l'emprunteur,

- les signatures des époux X. sont changeantes,

- ils ne démontrent pas avoir signé la fiche de réception des travaux sous la contrainte,

- ils lui ont transmis cette fiche sans aucune réserve et ne sauraient se prévaloir de leur propre turpitude,

- le prêteur n'a pas à contrôler les achats et prescriptions souscrits par ses clients, ni à vérifier le sérieux du prestataire de service,

- la réception sans réserve prive l'acquéreur de la faculté d'invoquer une absence de délivrance ou une délivrance non-conforme.

Maître M., assigné en sa qualité de liquidateur de la Sarl CONFORT de l'HABITAT 26 par acte du 27 novembre 2014 remis à une personne présente n'a pas constitué avocat. Il sera statué par défaut en application de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Les époux X. demandent la nullité du contrat de vente.

Ils contestent tout d'abord avoir signé les différents documents afférents à la vente et au financement des panneaux photovoltaïques devant équiper leur maison.

Or, c'est au terme d'une analyse complète et minutieuse de l'ensemble des pièces produites et par des motifs que la cour adopte, que le tribunal a constaté, sans qu'il y ait lieu de recourir à une mesure d'expertise, que la preuve était rapportée de la sincérité de la signature attribuée à M. X.

Le tribunal a également justement constaté que cette preuve n'était pas rapportée en ce qui concerne la signature attribuée à Mme Y., mais que cette dernière était solidairement tenue de l'engagement souscrit par son époux, sur le fondement des dispositions de l'article 220 du code civil, s'agissant d'une dépense liée aux besoins du ménage.

Les époux X. soutiennent, subsidiairement, que le bon de commande n'est pas conforme aux dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation.

La copie du bon de commande n° 0349 versé aux débats par la SA DOMOFINANCE comporte, comme l'exige ce texte :

- les noms du fournisseur et du représentant,

- l'adresse du fournisseur,

- l'adresse du lieu de conclusion du contrat,

- la désignation précise de la nature et des caractéristiques du bien (« Kit photovoltaïque puissance 3 kw de marque SCHUCCO »),

- les conditions d'exécution du contrat (« livraison, installation et mise en conformité, démarches administratives : montage des dossiers mairie et ERDF à notre charge, frais de raccordement aux réseaux ERDF à la charge du client »),

- le prix global à payer et les modalités de paiement (« Financement personnalisé soumis à une offre préalable de crédit Domofinance d'un montant de 19.500 euros au TEG de 5,69 % soit 144 mensualités de 190,12 euros. Coût total du crédit : 27.377,28 euros »),

- la faculté de renonciation (« Le signataire reconnaît pas sa signature avoir pris connaissance de la faculté de renoncer à la présente commande durant un délai de 7 jours »).

Les époux X. ne sont donc pas fondés en leur contestation.

Ils estiment avoir été victimes d'un dol.

Aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il convient de relever que les époux X. procèdent par affirmations mais ne rapportent pas la preuve de manœuvres dolosives ayant vicié leur consentement.

Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité du contrat de vente.

Les époux X. sollicitent, subsidiairement, la résolution du contrat de vente.

Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

Il n'est aucunement contesté que les panneaux photovoltaïques n'ont jamais été livrés par la Sarl CONFORT DE l'HABITAT 26.

Le contrat de vente doit donc être résolu.

En application des dispositions de l'article L. 311-32 (anciennement L. 311-21) du code de la consommation, la résolution judiciaire du contrat principal entraîne la résolution de plein droit du contrat de crédit accessoire et, par conséquent, l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital versé au titre du contrat de crédit affecté.

Les époux X. s'opposent à cette restitution, en invoquant les fautes commises par la SA DOMOFINANCE dans la remise des fonds.

Le prêteur qui a délivré les fonds au vendeur ou au prestataire de services sans s'assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l'égard de l'emprunteur, des effets de la résolution du contrat principal.

En l'occurrence, la SA DOMOFINANCE a débloqué les fonds au vu d'une « fiche de réception des travaux » datée du 16 septembre 2011.

Or il convient de relever que non seulement ce document vise un bon de commande dont le numéro (20541) ne correspond pas à celui du bon de commande signé par M. X. (0349) mais que la facture produite par la SA DOMOFINANCE datée du 25 août 2011 ne comporte aucune référence de commande.

Le prêteur, en acceptant de libérer les fonds au vu de documents aussi imprécis et alors qu'en sa qualité de partenaire habituel de la Sarl CONFORT DE L'HABITAT 26 il ne pouvait ignorer la situation financière obérée de celle-ci, dont la procédure collective sera ouverte douze jours plus tard, a fait preuve d'une négligence fautive qui exclut le remboursement du capital emprunté.

Le jugement doit par conséquent être infirmé.

La SA DOMOFINANCE qui succombe supportera les dépens d'appel.

L'équité commande qu'elle verse aux époux X. une indemnité de procédure pour les frais qu'ils ont exposés dans cette instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

- Prononce la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit accessoire,

- Déboute la SA DOMOFINANCE de sa demande en restitution du capital emprunté,

- Condamne la SA DOMOFINANCE à payer aux époux X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SA DOMOFINANCE aux dépens de première instance et d'appel avec application, pour ces derniers, de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Pascale H. qui en a demandé le bénéfice.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame GATTI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT