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CASS. CIV. 3e, 9 février 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 3e, 9 février 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 3
Demande : 16-10350
Décision : 17-180
Date : 9/02/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C300180
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 180
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6758

CASS. CIV. 3e, 9 février 2017 : pourvoi n° 16-10350 ; arrêt n° 180

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu l’article L. 145-7-1 du code de commerce, issu de la loi du 22 juillet 2009, ensemble l’article 2 du code civil ; Attendu que l’article L. 145-7-1 précité, d’ordre public, s’applique aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur […] ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-10350. Arrêt n° 180.

DEMANDEUR à la cassation : Société Capimo 121

DÉFENDEUR à la cassation : Société Resid’Ever, aux droits de laquelle se trouve la société MMV résidences

M. Chauvin (président), président. SCP Le Bret-Desaché, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :  

 

Sur le premier moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 145-7-1 du code de commerce, issu de la loi du 22 juillet 2009, ensemble l’article 2 du code civil ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l’article L. 145-7-1 précité, d’ordre public, s’applique aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 10 novembre 2015), que, par actes séparés des 20 et 22 février 2007, la société Capimo 121 (la société Capimo) a donné à bail à la société Resid’Ever, aux droits de laquelle se trouve la société MMV résidences, deux appartements pour l’exploitation d’une résidence de tourisme ; que, le 26 décembre 2012, la société locataire a donné congé pour le 1er juillet 2013, à l’expiration de la deuxième période triennale ; que, le 20 septembre 2013, la société Capimo a assigné la société MMV résidences en nullité des congés ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour valider les congés, l’arrêt retient que les baux, conclus avant l’entrée en vigueur de l’article L. 145-7-1 du code de commerce, sont régis par les dispositions de l’article L. 145-4 du même code prévoyant une faculté de résiliation triennale pour le preneur, le bailleur disposant de la même faculté s’il entend invoquer les seules dispositions des articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 du même code et déduit que l’article L. 145-7-1 créé par la loi du 22 juillet 2009, qui exclut toute résiliation unilatérale en fin de période triennale pour l’exploitant d’une résidence de tourisme, n’est pas applicable au litige ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que les baux étaient en cours au 25 juillet 2009, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne la société MMV résidences aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MMV résidences et la condamne à payer à la société Capimo 121 la somme de 3.000 euros ;  

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept. 

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Capimo 121.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré réguliers et valides les congés délivrés par la société MMV Résidences à la société Capimo 121, le 26 décembre 2012 à effet du 1er juillet 2014, relatifs aux baux conclus les 20 et 22 février 2007, à effet du 2 juillet 2007, sur un appartement de type 3 n° A1 et un appartement de type 1 n° B8, situés Domaine C., avenue du C., Bâtiment B, à [ville L.] ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « l’article L. 145-7-1 du code de commerce qui exclut la faculté de résiliation triennale concernant les baux relatifs aux résidences de tourisme, n’est pas applicable au litige ; qu’en effet, les baux litigieux ayant été conclus avant son entrée en vigueur, ils sont régis par les dispositions de l’article L. 145-4 du code de commerce qui prévoit que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, mais qu’à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, dans les formes et délais de l’article L. 145-9 du même code ; que le bailleur dispose de la même faculté s’il entend invoquer les dispositions de l’article L. 145-8, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 du code de commerce (reconstruction, restauration des locaux ou démolition dans le cadre d’un aménagement urbain) » (arrêt p. 4 in fine) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que le droit du preneur de donner congé à l’issue d’une période triennale tire son existence des dispositions du statut légal des baux commerciaux, de sorte qu’il est un effet légal du contrat de bail ; que, par conséquent, les dispositions impératives nouvelles de l’article L. 145-7-1 du code de commerce, excluant la faculté de résiliation triennale du preneur, exploitant de résidences de tourisme, doivent s’appliquer à la résiliation triennale des contrats de bail qui étaient en cours lors de son entrée en vigueur et qui se sont poursuivis après celle-ci ; qu’en jugeant néanmoins que les baux litigieux ayant été conclus avant l’entrée en vigueur, le 25 juillet 2009, de l’article L. 145-7-1, celui-ci n’était pas applicable lorsque la société MMV Résidences, exploitante de résidences de tourisme, avait fait délivrer congés pour le 1er juillet 2013, date d’expiration de la deuxième période triennale, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré réguliers et valides les congés délivrés par la société MMV Résidences à la société Capimo 121, le 26 décembre 2012 à effet du 1er juillet 2014, relatifs aux baux conclus les 20 et 22 février 2007, à effet du 2 juillet 2007, sur un appartement de type 3 n° A1 et un appartement de type 1 n° B8, situés Domaine C., avenue du C., Bâtiment B, à [ville L.] ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs qu’en l’espèce le bail conclu entre les parties précise : « Le présent bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter de la date de prise de possession du bien par le bailleur, telle que résultant du procès-verbal de livraison établi avec le promoteur. À la fin de cette même période, le présent bail sera renouvelable par période de neuf ans. Le bailleur aura la même faculté s’il entend invoquer les dispositions de l’article L. 145-18, L. 145-21, et L. 145-24 du même code, afin de construire, de reconstruire l’immeuble existant, de le surélever ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une restauration immobilière. La partie qui voudra mettre fin au bail dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus prévus, devra donner congé à l’autre par acte extra judiciaire, au moins six mois avant l’expiration de la période triennale en cours le tout conformément à l’article L. 145-57 du Code de commerce » ; qu’il est manifeste à la lecture de cette clause qu’elle a repris partiellement une clause préétablie laquelle a été tronquée de façon à en altérer l’équilibre ; qu’en effet la formule figurant au 3èmealinéa commençant par « Le bailleur aura la même faculté .... » est incompréhensible puisque l’alinéa précédent ne fait référence à aucune autre faculté ouverte au preneur ; qu’ainsi la société Capimo 121 ne peut pas valablement soutenir que la clause relative à la durée du bail énumère limitativement les cas de résiliation ouverts aux parties ; que le 4ème paragraphe de la clause, précise seulement dans quelles conditions de forme la partie qui souhaite résilier le bail devra informer l’autre de cette volonté ; qu’il ne stipule aucune restriction à la faculté de résiliation du preneur, mais se réfère à l’article L. 145-57 du code de commerce qui ne traite pas des conditions de forme des résiliations mais des conditions de fixation du loyer du bail révisé ou renouvelé, ce qui est étranger au litige dont la cour est saisie ; que la référence au règlement de copropriété sur lequel la société Capimo 121 fonde son argumentation sur la commune intention des parties est inopérante en l’espèce, car si elle prévoit des baux de 9 ans, elle ne contient aucune clause d’interdiction d’user de la faculté légale évoquée ci-dessus ; qu’en outre les dispositions de l’article L. 145-4 du code de commerce applicables aux baux litigieux conclus avant l’entrée en vigueur des dispositions spéciales prévues pour les résidences de tourisme par l’article L. 145-15 du code de commerce, donnent par l’effet de la loi la possibilité au preneur de résilier le bail à l’issue d’une période triennale ; que la renonciation à un droit ne peut qu’être dénuée de toute équivoque qu’elle soit expresse ou implicite ; qu’il ne peut être déduit de l’énonciation générale de la durée du bail 9 ans, conforme à la loi, une renonciation à la faculté de renonciation triennale qui ne peut en aucun cas se présumer mais être l’expression de la volonté de la partie se privant de ce droit ; qu’aucune clause ne prévoit explicitement la renonciation du preneur à la faculté légale, qu’il n’est en effet pas mentionné que le bail est conclu pour une période ferme ou irréductible de 9 ans comme certains baux peuvent le prévoir en dérogation expresse aux dispositions légales ; que les développements de la société Capimo 121 sur l’intention des propriétaires originaires des appartements objets du bail qui auraient souhaité anticiper les dispositions légales ne relèvent que de spéculations ne reposant sur aucun élément concret ; qu’il s’ensuit que rien ne s’oppose dans les conventions liant les parties à l’exercice par le preneur de sa faculté de résiliation triennale ; qu’il n’est pas discuté par ailleurs que la société MMV Résidences a délivré les congés litigieux dans les formes et délais prescrits par les dispositions de l’article L. 145-9 du code de commerce ; qu’en conséquence, les congés délivrés par acte d’huissier du 26 décembre 2012, par la société MMV Résidences, locataire commercial des deux lots appartenant à la société Capimo 121, à effet du 1er juillet 2013, précisant que ces congés sont donnés pour la fin de la deuxième période triennale seront déclarés valides, en infirmation de la décision attaquée ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) Alors que le juge ne doit pas dénaturer les documents de le cause ; que la clause intitulée « Durée » des contrats de bail conclus les 20 et 22 février 2007 reprenait, en son troisième paragraphe, des termes de l’article L. 145-4, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, s’agissant des cas légaux de résiliation triennale ouverts au bailleur, mais ne reprenait pas les dispositions de l’article L. 145-4 s’agissant du droit de résiliation du preneur ; que le quatrième paragraphe de la clause prévoyait ensuite les conditions de résiliation lorsqu’il serait mis « fin au bail dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus prévus » ; qu’il résultait clairement de ces deux paragraphes successifs de ladite clause que le bail ne reconnaissait pas au preneur de faculté de résiliation triennale, et n’octroyait ce droit qu’au bailleur, pour certains motifs limitativement énumérés ; qu’en interprétant néanmoins la volonté des parties pour la circonstance que son « équilibre » était « altér[é] » et qu’il ne ressortait pas de la clause litigieuse que le preneur avait renoncé à sa faculté de résiliation triennale, la cour d’appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

2°) Alors, en tout état de cause, que la renonciation à un droit n’est pas nécessairement expresse et peut être tacite, pourvu qu’elle soit sans équivoque ; que le preneur, en concluant un bail commercial pour l’exploitation de résidences de tourismes dont il n’ignorait pas que la rentabilité économique était soumise à la condition que le bail soit stipulé pour une durée ferme d’au moins 9 années, et en donnant son consentement à une clause qui reprenait les termes exacts de l’article L. 145-4 du code de commerce prévoyant les cas de résiliation ouverts au bailleur sans reprendre, en revanche, le droit de résiliation du preneur prévu par cette même disposition, a, de façon non-équivoque, renoncé à sa faculté de résiliation triennale ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil.