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CA RENNES (2e ch.), 17 mars 2017

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 17 mars 2017
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 14/00922
Décision : 17/142
Date : 17/03/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/02/2014
Numéro de la décision : 142
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6781

CA RENNES (2e ch.), 17 mars 2017 : RG n° 14/00922 ; arrêt n° 142 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mme X. répond à tort que la société Locam n'ayant pas saisi le conseiller de la mise en état de cette exception de procédure, la cour serait incompétente pour statuer sur ce point.

En effet, les articles D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce fixent le siège et le ressort des juridictions de première instance compétentes pour l'application de l'article L. 442-6 du même code et précisent que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ; la cour d'appel de Rennes étant donc dépourvue du pouvoir juridictionnel pour statuer sur ce nouveau moyen, il s'agit non pas d'une exception d'incompétence mais d'une fin de non-recevoir, au surplus tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris d'un pouvoir juridictionnel exclusif que la cour d'appel de Rennes aurait en tout état de cause dû soulever d'office.

Par conséquent la demande de nullité du contrat formée par Mme X. sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est irrecevable ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 MARS 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00922. Arrêt n° 142.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller, rédacteur,

GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 27 janvier 2017, devant Madame Pascale DOTTE- CHARVY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 17 mars 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], Représentée par Maître Stéphanie P. de la SELARL B./ T./P., avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

 

INTIMÉE :

LOCAM SAS (LOCATION AUTOMOBILES ET MATÉRIEL)

dont le siège social est [adresse], Représentée par Maître Christophe L. de la SCP G./ L., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par la SELARL L. CONSEIL ET DÉFENSE, Plaidant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé du 30 juillet 2009, Mme X. a souscrit, pour les besoins de son activité professionnelle, un contrat dit « de licence d'exploitation de site internet », prévoyant la création d'un site, son hébergement, administration et maintenance, le fournisseur étant la Cortix SA et les bailleurs potentiels les sociétés Parfip France, Locam ou KBC Lease France, pour une durée totale de 60 mois et moyennant des mensualités de 149,50 euros TTC.

Mme X. a signé le même jour un procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement « clients-cortix.com/decoration-renovation-interieur.com » ès qualités de gérante de l'entreprise X.

Selon facture du 13 août 2009, la société Cortix a cédé ses droits afférents à ce contrat à la SAS Locam, laquelle a adressé à Mme X. le 17 août 2009 une « facture unique de loyers ».

Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 18 novembre 2009, Mme X. a demandé à la société Cortix de procéder à la résiliation de son contrat de financement pour fin d'exercice le 1er octobre 2009, ce à quoi la société Cortix lui a demandé par courrier du 24 novembre 2009 de communiquer le document de l'administrateur judiciaire attestant de sa cessation d'activités et l'a invitée à se rapprocher de la société Locam ; Mme X. a renvoyé pour justificatif un courrier de la Maison des Artistes (association agréée pour la gestion des assurances sociales), en date du 6 juillet 2009, prenant acte de sa cessation d'activité et ce à compter d'octobre 2009.

Par courrier du 1er décembre 2009, la société Locam a accusé réception de la résiliation et a rappelé à Mme X. les termes du contrat ; celle-ci par courrier du 7 décembre 2009 a réitéré sa demande de résiliation, demandé le « restant dû » de son contrat et précisé mettre fin aux prélèvements à compter du 30 décembre 2009 inclus.

Par lettre recommandée du 12 mars 2010 avec avis de réception signé le 15 mars, la société Locam a mis Mme X. en demeure de lui régler sous huit jours la somme de 586,84 euros au titre des échéances impayées du 30 décembre 2009 au 30 février 2010 et pénalités de retard, à défaut de quoi la déchéance du terme interviendrait et Mme X. serait redevable d'une somme totale de 9.302,69 euros.

Faute de tout règlement, la société Locam a par acte du 29 juin 2010 fait assigner Mme X. en paiement de la somme principale de 9.209,20 euros, et par jugement en date du 9 octobre 2013 le tribunal d'instance de Rennes a :

- déclaré recevable la demande de la société Locam,

- condamné Mme X. à lui payer la somme de 8.373 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

- débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, ni à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X. aux dépens.

 

Mme X. a relevé appel de cette décision le 6 février 2014, et au terme de ses dernières conclusions elle demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions :

- à titre principal, au motif que la société Locam est irrecevable à agir,

- subsidiairement, au motif que son consentement à la conclusion du contrat du 30 juillet 2009 a été obtenu par dol et/ou violence, et en conséquence prononcer la nullité du contrat,

- très subsidiairement, au motif que les stipulations du contrat créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et en conséquence prononcer la nullité du contrat,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que le paiement de la somme de 8.373 euros sera échelonnée sur une durée de deux ans et que les sommes dues porteront intérêts au taux légal,

- en tout état de cause, condamner la société Locam au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Au terme de ses conclusions la SAS Locam - Location Automobiles et Matériel (la société Locam) demande à la cour de débouter Mme X. de toutes ses demandes, fins et conclusions et de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné Mme X. à lui régler la somme principale de 8.373 euros, et y ajoutant :

- condamner Mme X. à payer la somme de 837,20 euros au titre de la clause pénale de 10 %,

- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière,

- condamner Mme X. à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 21 novembre 2014, et pour la société Locam le 22 septembre 2014.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la société Locam à agir :

Comme en première instance, Mme X. soutient à titre principal l'irrecevabilité des demandes de la société Locam pour défaut de qualité à agir faute de rapporter la preuve de la cession du contrat à son profit, en faisant valoir que seuls les droits de propriété intellectuelle relatifs au site internet auraient été cédés et non pas l'ensemble des droits tels que visés par l'article 1 des conditions générales et notamment la licence d'exploitation.

C'est par de justes motifs que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir de Mme X. en considérant que l'article 1 des conditions générales du contrat stipule que le client reconnaît au fournisseur la possibilité de céder ses droits au profit d'un cessionnaire, accepte le transfert et sera informé de la cession par tout moyen notamment le libellé de la facture de l'échéancier ou l'avis de prélèvement émis, que la première page du contrat fait expressément référence aux bailleurs potentiels au nombre desquels figure la société Locam, étant précisé en outre que cette société cessionnaire a adressé la facture échéancier à Mme X. le 17 août 2009, et qu'enfin la société Locam produit la facture du 13 août 2009 émise par la société Cortix de « cession de tous les droits du site internet » suivie du nom du domaine de Mme X., celle-ci étant désignée comme la locataire, et le prix de la cession.

Par conséquent la recevabilité de la demande sera confirmée.

 

Sur la nullité du contrat :

Comme en première instance Mme X. soutient la nullité du contrat sur le fondement du dol, et devant la cour rajoute et/ou la violence.

Contrairement à ce que soutient la société Locam, l'appelante est en droit d'invoquer la nullité du contrat contre le tiers qui s'en prévaut.

Il lui revient de prouver les manœuvres dolosives ainsi que les violences dont elle aurait été victime, sans lesquelles elle n'aurait pas signé le contrat.

Elle expose dans le rappel des faits et ses moyens avoir été démarchée par téléphone au cours du mois de juillet 2009 par un commercial de la société Cortix, avoir accepté un rendez-vous par curiosité, qu'une semaine plus tard, soit le 30 juillet 2009, le commercial s'est présenté chez elle pour lui proposer différents modèles de sites internet, qu'elle hésitait à contracter dans la mesure où la continuation de son entreprise était incertaine, que le commercial lui a affirmé que cela ne posait pas de problème puisque le contrat deviendrait caduc en cas de cessation d'activité, qu'elle a néanmoins décidé de ne pas contracter, que malgré son refus le commercial est revenu à la charge et a sollicité un autre rendez-vous le jour-même, que Mme X. étant indisponible, car elle devait emmener son fils à la gare de Rennes, le commercial sans aucune gêne lui a proposé un rendez-vous à la gare, qu'à la gare elle a discuté de cette proposition avec M. Y., le père de son fils, lequel lui a conseillé de refuser de signer un quelconque engagement, ce dont elle a fait part au commercial, mais que celui-ci, poursuivant sa traque, lui a proposé de discuter à nouveau du contrat autour d'un café, et est parvenu, au bout d'une heure, à obtenir sa signature en lui affirmant une fois de plus que le contrat deviendrait caduc en cas de cessation d'activité, et qu'elle a signé dans la crainte d'être à nouveau pourchassée par le commercial, y compris en présence de son fils.

Mme X. produit comme unique justificatif l'attestation de M. Y. aux termes de laquelle Mme X., venue lui amener leur fils commun à la gare de Rennes, lui a parlé de la société Cortix et de la venue du commercial, qu'elle était surprise et inquiète par cette démarche, qu'il lui a déconseillé de signer ce contrat, mais qu'elle est partie rejoindre cette personne au café de la gare.

Il sera observé que Mme X., âgée de 39 ans et qui exerçait son activité professionnelle sous forme d'entreprise individuelle depuis l'année 2000 selon ses écritures, avait déjà effectué les démarches pour la cessation de son activité auprès de la Maison des Artistes, qui en avait pris acte à compter d'octobre 2009 selon son courrier du 6 juillet 2009, a néanmoins et « par curiosité » accepté de rencontrer le commercial de la société Cortix à plusieurs reprises fin juillet 2009, pour finalement signer le contrat de licence d'exploitation alors que M. B. venait de l'en dissuader, et alors qu'elle avait confié son fils à son père.

Le cadre de signature précise que le client reconnaît avoir pris connaissance intégralement avant signature des conditions générales, lesquelles précisent que la durée de 60 mois est indivisible et irrévocable, ainsi que les causes et conséquences de la résiliation.

Rien ne prouve que le commercial avait assuré Mme X. de la caducité du contrat en cas de cessation d'activité, et quand bien même il ne s'agirait en l'occurrence que d'un simple mensonge.

L'appelante est par conséquent défaillante à prouver tant le dol que la violence, le tribunal ayant à juste titre rejeté sa demande de nullité fondée sur le dol.

Devant la cour Mme X. soulève, pour voir prononcer la nullité du contrat à titre très subsidiaire, le moyen nouveau fondé sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ce en application de l'article L. 442-6 du code de commerce.

Dans le dispositif de ses conclusions, la société Locam conclut à la confirmation de la décision et au débouté de toutes les demandes de Mme X., et relève dans le corps de ses écritures, à titre liminaire, que ce grief relèverait de la compétence exclusive de certaines juridictions et que les demandes reconventionnelles sur ce chef ne seraient pas recevables, et qu'en tout état de cause le contrat de mise à disposition de site internet est une opération ponctuelle, à objet et durée limitées, ne générant aucun courant d'affaires entre les parties.

Mme X. répond à tort que la société Locam n'ayant pas saisi le conseiller de la mise en état de cette exception de procédure, la cour serait incompétente pour statuer sur ce point.

En effet, les articles D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce fixent le siège et le ressort des juridictions de première instance compétentes pour l'application de l'article L. 442-6 du même code et précisent que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ; la cour d'appel de Rennes étant donc dépourvue du pouvoir juridictionnel pour statuer sur ce nouveau moyen, il s'agit non pas d'une exception d'incompétence mais d'une fin de non-recevoir, au surplus tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris d'un pouvoir juridictionnel exclusif que la cour d'appel de Rennes aurait en tout état de cause dû soulever d'office.

Par conséquent la demande de nullité du contrat formée par Mme X. sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est irrecevable.

 

Sur la demande en paiement de la société Locam :

Mme X. demande à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour confirmait le jugement dont appel, la confirmation de sa condamnation à verser la somme de 8.373 euros ; la société Locam conclut dans le même sens à titre principal.

Il ressort des pièces versées qu'en application des dispositions contractuelles, la société Locam est en droit d'obtenir les sommes de 448,50 euros au titre des loyers impayés et de 7.923,50 euros au titre de l'indemnité de résiliation, soit au total 8.372 euros.

Estimant que l'indemnité forfaitaire de 10 % portant sur les loyers impayés et ceux non échus devait être qualifiée de clause pénale, le premier juge a considéré par de justes motifs qu'elle apparaissait manifestement excessive au regard du montant des sommes dues et devait être réduite à 1 euros.

La décision dont appel sera confirmée et la société Locam déboutée de sa demande tendant à voir condamner Mme X. à lui verser une somme de 837,20 euros au titre de la clause pénale.

Devant la cour, la société Locam sollicite dans ses uniques conclusions déposées le 22 septembre 2014 la capitalisation des intérêts, ce à quoi Mme X. n'oppose aucun élément contraire dans le corps de ses écritures ; il sera fait droit à cette demande à compter du 22 septembre 2014.

 

Sur les délais de paiement :

L'appelante reprend sa demande fondée sur l'ancien article 1244-1 du code civil dont les dispositions sont reprises dans le nouvel article 1343-5, qui avait été rejetée par le premier juge au motif que Mme X. se contentait de produire divers documents remontant aux années 2009 à 2011, de sorte que sa situation était inconnue au jour où il statuait.

Devant la cour, Mme X. produit son avis d'impôt 2013 sur les revenus de l'année 2012, sa déclaration préremplie de ses revenus 2015 et sa déclaration complémentaire, et la décision sur son recours lui accordant l'aide juridictionnelle totale (23 avril 2014).

La décision dont appel, en date du 9 octobre 2013, n'est pas assortie de l'exécution provisoire ; compte tenu des délais de la procédure d'appel, et Mme X. ne justifiant pas de ses possibilités de pouvoir s'acquitter de la somme dans un délai de deux ans à venir, le rejet de sa demande sera confirmé.

 

Sur les dépens et les frais :

La décision entreprise étant confirmée dans ses dispositions principales, celles afférentes aux dépens mis à la charge de Mme X. et au rejet des frais irrépétibles le seront également.

Appelante qui succombe, Mme X. sera tenue aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande de frais irrépétibles ; elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale en appel et la demande de la société Locam au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare irrecevable la demande de nullité du contrat formée par Mme X. sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, et ce à compter du 22 septembre 2014 ;

Condamne Mme X. aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,