CASS. CIV. 1re, 29 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6800
CASS. CIV. 1re, 29 mars 2017 : pourvoi n° 13-18042 ; arrêt n° 431
Publication : Legifrance
Extrait : « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, à quelle date Mme Y. avait pu ou aurait dû connaître, personnellement, le vice affectant le taux effectif global, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés [Vu l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, applicable à la cause, devenu l’article L. 313-2 du code de la consommation, puis L. 314-5 du même code en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016] ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 13-18042. Arrêt n° 431.
DEMANDEUR à la cassation : Madame Y.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Madinina créances
Mme Batut (président), président. SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par actes authentiques des 17 et 20 mars 1986, et 13 et 20 février 1987, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Martinique a consenti trois prêts à M. X.et Mme Y., son épouse ; que, le 14 octobre 2008, Mme Y. a assigné la société Madinina créances, cessionnaire de la créance de remboursement, en vue d’obtenir, notamment, l’annulation de la stipulation des intérêts conventionnels de chacun des prêts, en raison d’une erreur affectant le taux effectif global ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, applicable à la cause, devenu l’article L. 313-2 du code de la consommation, puis L. 314-5 du même code en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour déclarer prescrite l’action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, l’arrêt retient que Mme Y. ne peut valablement soutenir que le délai de prescription commence à courir au moment où l’erreur commise par l’organisme bancaire a été révélée, soit lors du dépôt du rapport de l’expertise amiable, dès lors que les emprunteurs, qui ont signé les contrats de prêts en 1986 et 1987, ont eu connaissance, dès cette époque, du taux effectif global pratiqué par l’organisme bancaire et qu’ils étaient ainsi à même de vérifier sa régularité ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, à quelle date Mme Y. avait pu ou aurait dû connaître, personnellement, le vice affectant le taux effectif global, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France ;
Condamne la société Madinina créances aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme Y.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Madame Y. de sa demande tendant à voir constater l’acquisition de la prescription du paiement des intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE s’agissant de la prescription de l’action en paiement du capital et des intérêts, invoquée par l’appelante, c’est par une exacte appréciation des faits et du droit que les premiers juges ont considéré que la prescription quinquennale dont nul ne conteste qu’elle s’applique au présent litige, a été interrompue par des actes interruptifs de prescription, de sorte que l’action en paiement de la société créancière est recevable ; que le tribunal a énuméré les actes interruptifs de prescription, à savoir la reconnaissance de la créance par le paiement du prix de vente de l’habitation des débiteurs le 30 décembre 1997, le commandement aux fins de saisie-vente du 22 mai 2002, le commandement de payer du 24 avril 2006, la citation devant le juge de la saisie des rémunérations du 3 janvier 2006 ; que le tribunal a justement retenu que conformément à la législation applicable au cas d’espèce, la prescription est interrompue par le paiement partiel de la créance qui vaut reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel invoque la prescription ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE en application de l’ancien article 2277 du code civil applicable, les actions en paiement des intérêts des sommes prêtées se prescrivent par 5 ans ; que l’article 2244 du code civil prévoit qu’une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription, ainsi que les délais pour agir ; que selon l’article 2248 du même code, la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre qui il prescrivait ; qu’en l’espèce, Madame Y. oppose que la prescription des intérêts est acquise ; que la cessation des règlements est intervenue le 5 mai 1997 selon décompte versé ; que le délai de prescription a été interrompu par les actes suivants : la reconnaissance de la créance par le paiement du prix de vente de l’habitation par les époux X. le 30 décembre 1997, le commandement aux fins de saisie-vente du 22 mai 2002, le commandement de payer du 24 avril 2006, la citation devant le juge de la saisie des rémunérations du 3 octobre 2006 ; que dès lors, la prescription des intérêts n’est pas acquise et Madame Y. sera condamnée à paiement outre le principal, les intérêts au taux de 18, 45 % à compter du 18 janvier 2008 ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ; qu’en jugeant que le paiement des intérêts se prescrivait par cinq ans et que ce délai avait pu être interrompu, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 2277 dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ensemble l’article L. 137-2 au code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme du droit de la prescription en matière civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la compensation ne produit de plein droit l’effet extinctif du paiement qu’à condition d’avoir été invoquée par le créancier ; que Madame Y. faisait valoir dans ses dernières conclusions (p. 4 et s.) que le versement du produit de la vente de l’immeuble vendu en 1997 s’analysait en une compensation et que celle-ci n’avait jamais été invoquée par la SA Madinina Créances ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions opérantes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Madame Y. de sa demande tendant à voir constatée la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE s’agissant de la demande en nullité de la stipulation d’intérêts, au motif que le taux effectif global, qui n’a pas été calculé sur 365 jours est faux, il ne peut qu’être constaté que cette demande en nullité, s’éteint par prescription si elle n’a pas été exercée pendant cinq ans à compter de la signature du contrat sur lequel figure le taux effectif global ; que Mme Y. ne peut valablement soutenir que le délai de prescription commence à courir au moment où l’erreur commise par l’organisme bancaire a été révélée, soit lors du dépôt du rapport d’expertise amiable, dès lors que les emprunteurs, qui ont signé les contrats de prêts en 1986 et 1987, ont eu connaissance dès cette date du taux effectif global pratiqué par l’organisme bancaire ; qu’ils étaient ainsi à même de vérifier sa régularité ; que la décision qui a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts en raison de la nullité de la clause de stipulation de l’intérêt conventionnel comme étant prescrite sera confirmée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la pertinence du rapport d’expertise comptable communiqué, ni même sur la demande de communication de tableaux
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l’article 1907 du code civil, l’intérêt est légal ou conventionnel ; que l’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas ; que le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ; que la sanction du TEG erroné est la substitution du taux légal au taux conventionnel prévu et la restitution par la banque à l’emprunteur des sommes trop versées en remboursement du principal et des intérêts à l’exclusion de tous les frais et accessoires liés au prêt ; que la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel en raison d’une erreur affectant le TEG est enfermée dans le délai de 5 ans ; que ce délai court à compter de la signature de l’acte de prêt immobilier dans la mesure où l’offre de prêt mentionne un TEG dont le caractère erroné ressort des énonciations même de l’acte ; qu’en l’espèce, Madame Y. soutient que les taux nominaux ainsi que les TEG stipulés aux contrats sont faux et verse aux débats une analyse financière réalisée par un expert-comptable ; que les contrats de prêt ont été consentis aux époux X. par acte des 17 et 20 mars 1986 (505.000 F remboursable en 240 mensualités au taux d’intérêt de 13,45 %, - 275 000 F remboursable en 240 mensualités au taux d’intérêt de 13,45 %,), par acte des 13 et 20 février 1987 200.000 F remboursable en 240 mensualités au taux d’intérêt de 10,70 % ; que la demande de nullité a été formulée par assignation le 14 octobre 2008 de sorte qu’il convient de constater que l’action est prescrite respectivement depuis les 21 mars 1991 et 21 février 1992 ; qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner le contenu de l’analyse financière effectuée par Madame B. puisque les taux conventionnels doit être appliqués
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel court à dater du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ; qu’en jugeant que « cette demande en nullité s’éteint par prescription si elle n’a pas été exercée pendant cinq ans à compter de la signature du contrat sur lequel figure le taux effectif global », la cour d’appel a violé l’article 1304 du code civil, ensemble les articles L 132-1 et R 132-1 du code de la consommation.