CA METZ (1re ch. civ.), 6 avril 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6812
CA METZ (1re ch. civ.), 6 avril 2017 : RG n° 15/00413 ; arrêt n° 17/00157
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En l’espèce, les intimés sollicitent à titre principal le prononcé de la nullité des prêts pour violation des règles sur le démarchage bancaire et financier puis demandent à la Cour, à titre subsidiaire, de la prononcer en raison de l’illicéité des prêts résultant de l’obligation de remboursement en francs suisses. Ce faisant, ils forment une seule et même prétention d’annulation des contrats qui est fondée sur des moyens distincts visant directement le même objectif d’annulation. Partant, la Cour examinera d’abord la prétention en ce qu’elle est fondée sur l’existence d’une obligation de paiement en monnaie étrangère, d’autant plus que la nullité d’une telle clause doit être relevée d’office par le juge. Cela suppose de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par le Crédit Agricole avant d’apprécier le mérite du moyen en cas de rejet de la fin de non-recevoir. »
2/ « Il s’évince de ce qui précède que le franc suisse a été utilisé comme monnaie de paiement et que, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, les emprunteurs n’avaient pas le droit de se libérer à leur choix en euros mais devaient impérativement le faire en francs suisses. La clause espèces étrangères de chacun des prêts litigieux est donc frappée de nullité absolue. Elle a pour effet d’entraîner la nullité de l’ensemble des contrats de prêt car il s’agit d’une clause déterminante des contrats sans laquelle ceux-ci n’auraient pas été conclus. Il convient donc de prononcer la nullité des contrats de prêt. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 AVRIL 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00413. Arrêt n° 17/00157.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE
Représentée par Maître Gilles R., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Olivier H. et Maître Dominique L., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants
INTIMÉS :
Monsieur X.
Appel Incident - Représenté par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants
Madame Y. épouse X.
Appel Incident - Représenté par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants
SCP E.
représentée par son représentant légal- Appel Incident
Représenté par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller, Madame BOU, Conseiller entendu en son rapport
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Camille SAHLI
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 24 janvier 2017
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 6 avril 2017.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant diverses offres ci-dessous listées, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine, ci-après le Crédit Agricole, a consenti cinq prêts à M. X. et à son épouse, Mme Y. ;
- offre n° 127618 émise le 14 novembre 2005 et acceptée le 15 novembre 2005 : prêt ayant pour objet selon l’offre de financer l’acquisition d’une résidence principale à [ville S.] mais ayant en réalité eu pour objet le financement d’un contrat d’assurance-vie, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 80.000 euros, soit à titre indicatif 123.800,01 CHF selon le cours de l’euro devise au 25 novembre 2005, d’une durée de 96 mois au taux d’intérêt de 1,89 % ; la contre-valeur en francs suisses de la somme de 12.096 euros, remboursable en 96 échéances mensuelles comprenant pour les intérêts 95 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 126 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 80.126 euros ;
- offre n° 127636 émise le 14 novembre 2005 : prêt ayant pour objet de financer une opération immobilière à usage locatif à [ville S.], in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 307.500 euros, soit à titre indicatif 476.317,57 CHF au 30 novembre 2015, d’une durée de 144 mois au taux d’intérêt de 2,35 % ; la contre-valeur en francs suisses de la somme de 86.715 euros, remboursable en 12 échéances annuelles comprenant pour les intérêts 11 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 7.226,25 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 314.726,25 euros ;
- offre n° 141874 émise le 7 février 2006 ; prêt ayant pour objet de financer de la trésorerie et des contrats d’assurance vie, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 120.000 euros, soit à titre indicatif 186.432,011 CHF au 8 février 2006, d’une durée de 96 mois au taux d’intérêt de 1,86 % ; la contre-valeur en francs suisses de la somme de 17.856 euros, remboursable en 96 échéances mensuelles comprenant pour les intérêts 95 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 186 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 120.186 euros ;
- offre n° 154751 émise le 27 novembre 2006 ; prêt ayant pour objet de financer l’achat de parts de SCI, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 865.000 euros, soit à titre indicatif 1.382.962 CHF au 15 décembre 2006, d’une durée de 120 mois au taux d’intérêt révisable égal au taux du franc suisse à 1 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge, remboursable en 120 échéances mensuelles comprenant pour les intérêts 119 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 1.953,46 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 866.953,46 euros, le montant des échéances étant indicatif ;
- offre n° 210579 émise le 3 octobre 2007 ; prêt ayant pour objet de financer l’achat d’une maison à [ville L.] construction à usage locatif, amortissable, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 368.000 euros, soit à titre indicatif 613.051,23 CHF au 2 octobre 2007, d’une durée de 180 mois hors anticipation au taux d’intérêt révisable égal au taux du franc suisse à 1 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge, remboursable en 180 échéances mensuelles comprenant pour les intérêts 24 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 1.036,53 euros et pour les intérêts et le capital, 179 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 2.609,14 euros et 1’échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 2.608,04 euros, le montant des échéances étant indicatif.
Suivant deux contrats ci-dessous listés, le Crédit Agricole a en outre consenti à la société E. dont le gérant est M. X. les prêts suivants :
- prêt n° 127127 émis le 25 novembre 2005 et accepté le 26 novembre 2005 : prêt ayant pour objet de financer un contrat d’assurance vie, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 250.000 euros, soit 387 650,03 CHF au 24 novembre 2005, d’une durée de 120 mois au taux d’intérêt annuel de 2,35 %, remboursable en 10 échéances annuelles comprenant pour les intérêts 9 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 5.875 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 255.875 euros ;
- contrat n° AM1139 émise le 28 août 2009 : prêt ayant pour objet de financer l’achat d’une résidence secondaire, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 670.000 euros, soit 1.016.725,13 CHF au 2 septembre 2009, d’une durée de 144 mois au taux d’intérêt révisable égal au taux du CHF à 1 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds, remboursable en 144 échéances mensuelles comprenant pour les intérêts 143 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 628,13 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 670.628,13 euros, le montant des échéances étant indicatif.
Les investissements ainsi financés permettaient une défiscalisation.
A la suite de la dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse qui a débuté en 2010, les époux X. et la société E., prétendant avoir été démarchés pour réaliser ces investissements et arguant que les financements se sont révélés ruineux, ont, par acte d’huissier du 27 janvier 2012, fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Metz.
Dans le dernier état de leurs prétentions, les époux X. et la société E. ont demandé au tribunal de :
à titre principal :
- prononcer la nullité des prêts pour violation des règles sur le démarchage et en raison de l’irrégularité résultant de l’obligation de remboursement en francs suisses ;
- déchoir le Crédit Agricole de son droit à obtenir le remboursement du capital en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
- condamner sinon le Crédit Agricole à leur verser une indemnité de 1.740.500 euros pour les époux X. et de 920.000 euros pour la société E. ;
- dire qu’ils ne sont plus débiteurs ni du capital emprunté, ni des intérêts ou commissions de change ;
- ordonner en conséquence la restitution en leur faveur de la totalité des sommes versées, la déchéance des intérêts conventionnels pour l’avenir, la prise en charge par le Crédit Agricole de la perte de change et la perte par le Crédit Agricole du droit à restitution des sommes prêtées ;
à titre subsidiaire :
- si après restitution réciproque, il existe un solde en faveur du Crédit Agricole, leur accorder un délai de paiement de 2 ans
à titre plus subsidiaire, faute de nullité du contrat,
- dire que le Crédit Agricole a commis des fautes qui ont causé la perte de change et condamner le Crédit Agricole à leur verser au titre de celle-ci la somme de 391.866,12 euros pour les époux X. et celle de 200.116,12 euros pour la société E. ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions du code de la consommation et condamner en conséquence le Crédit Agricole à leur payer la somme de 203.947,68 euros représentant les commissions de change et intérêts conventionnels versés pour les époux X. et celle de 83.606,46 euros pour la société E. ;
en toute hypothèse, condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et ordonner l’exécution provisoire.
Le Crédit Agricole a demandé au tribunal de :
- ordonner le retrait des débats des pièces adverses communes sauf pour certaines d’entre elles et des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu’elles se réfèrent auxdites pièces et, à titre subsidiaire, ordonner le retrait des pièces susvisées ;
sur la demande de nullité :
- rejeter la demande de nullité pour démarchage
- à titre principal déclarer prescrite la demande de nullité pour clause imposant le remboursement en francs suisses et, à titre subsidiaire, la rejeter
- en cas de prononcé de la nullité : rejeter la demande de dommages et intérêts liée à l’obligation de restituer les sommes prêtées et l’application de l’adage l’adage nemo auditur, dire que les époux X. et la société E. doivent restituer l’intégralité des sommes prêtées au cours euro franc suisse du jour de la restitution avec intérêts légaux à compter du jugement, dire que le risque de change pèsera sur les emprunteurs et rejeter la demande de délai ;
- rejeter les demandes fondées sur l’action en responsabilité ;
- rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts ;
- déclarer prescrites les demandes adverses additionnelles relatives au taux d’intérêt contractuel et à titre subsidiaire les rejeter ;
- condamner in solidum les époux X. et la société E. aux dépens et à la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Metz a statué comme suit :
« Sur les demandes présentées à titre principal,
Prononce la nullité des contrats de prêt immobilier consentis par le CREDIT AGRICOLE à M. et Mme X., d’une part, à la SCP E., d’autre part, sous les n° Financement 127618 Contrat N° 86409386701, N° Financement 127636 Contrat N° 86409385691 et N° Financement 127127 Contrat N° 86409363648 et de tous leurs accessoires en ce y compris les contrats d’assurance-décès ;
En conséquence,
Condamne solidairement M. X. et Mme X. née Y. à payer à la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal ;
1°) la contre-valeur en euros de la somme de 123.800,01 francs suisses au cours de l’euro à la date du 16 décembre 2005 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
2°) la contre-valeur en euros de la somme de 476.317,57 francs suisses au cours de l’euro à la date du 27 décembre 2005 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Condamne la SCP E. prise en la personne de son représentant légal à payer à la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal la contre-valeur en euros de la somme de 387.650,03 francs suisses au cours de l’euros à la date du 13 décembre 2005 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à régler à M. X. et Mme X. née Y. ;
1°) la somme de 115.070,72 euros selon décompte arrêté au 4 mars 2014 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
2°) la somme de 54.141,84 euros selon décompte arrêté au 4 mars 2014 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à régler à la SCP E. prise en la personne de son représentant légal la somme de 46.633,48 euros selon décompte arrêté au 4 mars 2014 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Condamne le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à supporter le coût des frais de nantissement résultant de l’annulation des trois prêts suivants ; d 127618 Contrat N° 86409386701, N° Financement 127636 Contrat N° 86409385691 et N° Financement 127127 Contrat N° 864093648 ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à payer à M. X. et Mme X. née Y. la somme de 10.000 euros, à titre de dommages-intérêts, outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à payer à la SCP E. prise en la personne de son représentant légal la somme de 8.000 euros, à titre de dommages-intérêts, outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Déboute M. et Mme X., d’une part, la SCP E., d’autre part, du surplus de leurs demandes ;
Rejette la demande de délais de paiement présentée tant par M. et Mme X. que par la SCP E. prise en la personne de son représentant légal ;
Ordonne la compensation partielle des créances réciproques des parties ;
Rejette les demandes de nullité des autres prêts souscrits tant par M. et Mme X. (N° FINANCEMENT 141874, N° FINANCEMENT 154751, N° FINANCEMENT 210579) que par la SCP E. (N° FINANCEMENT AM 1139) du chef de démarchage illicite ainsi que les demandes accessoires de dommages-intérêts relatives aux conséquences préjudiciables de l’annulation rejetée, y compris sur le fondement de l’adage nemo auditur ;
Sur les demandes présentées à titre subsidiaire,
Dit et juge prescrites les demandes de nullité des contrats de prêt N° FINANCEMENT 141874, 154751 et 210579 souscrits par M. et Mme X. présentée sur le fondement de la clause contractuelle stipulant un remboursement en francs suisses ainsi que celles relatives à la déchéance des intérêts contractuels pour irrégularités de l’offre sur le calcul du taux et sur les modalités de variation du taux d’intérêts, y compris celles de variation future du taux ;
En conséquence,
Déclare ces demandes irrecevables ;
Écarte le moyen tiré de la prescription de la demande de nullité du contrat de prêt N° FINANCEMENT AM 1139 Contrat N° 86448966675 ;
Déclare en conséquence recevable la demande de nullité du contrat de prêt N° FINANCEMENT AM 11319 Contrat N° 86448966675 souscrit par la SCP E. présentée sur le fondement de la clause contractuelle stipulant un remboursement en francs suisses ;
Prononce la nullité de la clause d’indexation stipulant un remboursement en francs suisses du prêt N° FINANCEMENT AM 1139 Contrat 86448966675 ;
Dit et juge que ce prêt devra être considéré comme ayant été définitivement souscrit par la SCP E. pour le montant de 670.000,00 euros en capital et devra être remboursé en euros ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à rembourser à la SCP E. toute somme perçue au-delà des mensualités, c’est-à-dire tant les indemnités de conversion EUROS/ FRANCS SUISSE que les frais de change perçus depuis l’origine du prêt jusqu’à la date du présent jugement ;
Déclare responsable la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal pour le prêt N° FINANCEMENT AM 1139 Contrat N° 86448966675 pour avoir présenté à sa cliente une offre puis lui avoir consenti un prêt bancaire comportant une clause illicite et évalue le préjudice de la SCP E. à la somme de 8000 euros ;
Écarte l’application au présent litige des règles du droit monétaire et financier relatives aux instruments financiers ;
Déboute en conséquence tant M. et Mme X. que la SCP E. de leurs demandes de condamnation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE pour violation des règles relatives à classification du client, aux prises d’informations sur ses connaissances et sur son expérience en matière d’investissement et de celles portant sur l’obligation de proposer une opération adaptée aux besoins du client et ce, titre des contrats portant les N° de FINANCEMENT suivants : 14187 154751, 210579 et AM 1139 ;
Accueille la demande présentée par M. et Mme X. au titre de la perte chance de ne pas contracter et l’évalue comme suit :
- Offre de prêt Financement 141874 Contrat 86412277602 : 6.000 euros ;
- Offre de prêt Financement 154751 Contrat 86418729847 : 43.250,00 euros ;
- Offre de prêt Financement 210579 Contrat 86424848123 :18.400 euros,
Soit un montant total de 67.650,00 euros ;
Déboute la SCP E. de sa demande d’indemnisation au titre d’une perte de chance de ne pas contracter fondée sur l’obligation d’information du banquier dispensateur de crédit au titre du prêt FINANCEMENT N° 1271 ; Contrat n° 86409363648 ;
Déboute tant M. et Mme X. que la SCP E. de leur demande d’indemnisation au titre d’une perte de chance de ne pas contracter fondée sur l’obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit ;
Déclare recevable la demande relative au FINANCEMENT N° AM 1139 Contrat N° 86448966675 tendant à la déchéance des intérêts contractuels aux motifs que le taux d’intérêt conventionnel stipulé dans l’offre de prêt ne serait pas celui appliqué en réalité par la banque, d’autre part que l’offre serait irrégulière s’agissant des modalités de variation du taux d’intérêts, d’autre part encore que la clause relative aux intérêts ne comporterait pas d’éléments objectifs permettant de déterminer les modalités de variation future du taux ;
Au fond, la rejette ;
Vu les dispositions des articles L. 312-7 et 312-33 du Code de la consommation ;
Prononce la déchéance partielle du droit aux intérêts du FINANCEMENT N °AM 1139 Contrat 86448966675 à hauteur de la somme de 10.000 euros que le prêteur devra lui régler ;
Rejette pour le surplus les demandes formées au titre du non-respect des règles formelles fondées sur les dispositions des articles L. 312-7 et L. 312-10 du Code de la consommation ;
Prononce la déchéance partielle du droit aux intérêts soit la somme de 13000 euros pour le FINANCEMENT N° 154751 (commissions de change, année civile), de 13.000 euros pour le FINANCEMENT N° 210579 (commissions de change, année civile), de 13.000 euros pour le FINANCEMENT N° 141874 (commissions de change) et de 13.000 euros pour le FINANCEMENT AM 1139 (commissions de change) ;
Condamne en conséquence la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à régler :
- à M. X. et Mme X. la somme de 106.650,00 euros outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
- à la SCP E. prise en la personne de son représentant légal la somme de 31.000,00 euros outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;
Rejette les autres demandes de déchéances du taux d’intérêts présentées par M. et Mme X. et par la SCP E. ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à régler à M. X. et Mme X. la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à régler à la SCP E. prise en la personne de son représentant légal la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE au même titre ;
Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ».
Le tribunal a relevé que pour démontrer l’existence d’un démarchage qui aurait été effectué par le biais de sociétés de conseil de gestion de patrimoine, ci-après CGP, les demandeurs produisaient différentes pièces, production à laquelle s’opposait le Crédit Agricole au motif du secret professionnel et du secret des correspondances.
S’agissant du secret bancaire, le tribunal a, au visa des articles L. 511-33 et L. 571-4, dans sa version applicable au litige, du CMF, distingué :
- les informations concernant les demandeurs : le tribunal a considéré que le client peut relever le banquier du secret bancaire, ce qui était le cas des demandeurs ;
- les informations concernant des tiers : le tribunal a indiqué que la banque n’est pas autorisée à révéler une information confidentielle intéressant un tiers au procès mais que l’interdiction de divulgation du secret professionnel concernant les tiers a été érigée dans le but de les protéger et obéit à une appréciation de proportionnalité dans la mesure où l’interdiction faite à une partie de prouver un élément essentiel au succès de sa prétention est une atteinte au principe de l’égalité des armes résultant de l’article 6 de la CEDH. Or, en l’espèce, il a relevé que différentes personnes physiques ou morales ont établi une autorisation de levée du secret bancaire et estimé que les informations financières résultant d’échanges entre les tiers ayant délivré une telle autorisation et la banque étaient recevables puisque à défaut, les demandeurs se trouvaient dans l’impossibilité d’asseoir leurs prétentions ;
- les pièces relatives aux relations d’affaires entre la banque et la société de CGP : le tribunal a considéré que l’article L. 511-33 du CMF invoqué par le Crédit Agricole, issu de la loi du 4 août 2008 relatif au secret bancaire partagé, n’était pas applicable au litige concernant les époux X. car l’intervention de la société ACP était antérieure à l’offre de financement. Ainsi, il a estimé qu’à cette date, cette société n’était pas légalement tenue au secret professionnel. En toute hypothèse, il a relevé que ce texte n’interdit pas au client concerné de permettre la communication d’informations couvertes par le secret professionnel le concernant directement quand il en fait la demande, ce qui était le cas en l’espèce. En outre, il a estimé que le Crédit Agricole n’avait pas négocié, conclu ou exécuté des opérations de banque avec la société ACP au sens de l’article L. 511-33 invoqué. Par ailleurs, pour répondre au moyen tiré de la clause de la convention de partenariat souscrite entre la banque et cette société prévoyant que celle-ci était tenue au secret professionnel, il a retenu qu’une partie ne peut contractuellement ériger un secret professionnel que seuls la loi ou le règlement peuvent prévoir.
S’agissant du secret des correspondances, le tribunal a, au visa de l’article 226-15 du code pénal, considéré :
- que pour les correspondances entre la banque et les demandeurs, il n’existait pas de faute de ces derniers en vertu du droit à la preuve qui devait prévaloir sur le secret des correspondances ;
- que pour les correspondances relatives aux clients de la banque non demandeurs au litige, le moyen tiré de ce secret devait être écarté compte tenu des attestations délivrées par eux autorisant la levée du secret ;
- que pour les échanges de mails entre la banque et la société de CGP, leur production pouvait être admise puisque les demandeurs n’étaient pas entrés irrégulièrement en possession de ces pièces mais par le truchement du gérant de la société de CGP et que le recours à cette correspondance apparaissait nécessaire et indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionné aux intérêts antinomiques en présence.
Le tribunal a enfin noté que les preuves produites par les demandeurs ont été soumises à la discussion contradictoire des parties, en déduisant qu’elles étaient recevables.
Au visa de l’article L. 341-1 du CMF relatif au démarchage bancaire ou financier, le tribunal a retenu :
- pour les offres de prêt n° 127618, 127636 et 127127, que ces prêts n’avaient pas fait l’objet d’une offre après venue de lui-même du client à l’agence mais qu’il résultait d’attestations du gérant de la société de CGP, attestations dont il a estimé qu’elles présentaient des garanties suffisantes pour être retenues, et de diverses autres pièces, établissant notamment qu’en vertu d’une convention passée entre les parties, la société de CGP était chargée de prospecter des clients en contrepartie de commissions versées par la banque en fonction des prêts réalisés et que des rendez-vous avaient eu lieu avec des conseillers de la banque, que les époux X. avaient souscrit aux offres susvisées à l’issue d’un démarchage conjugué du gérant de la société de CGP et des conseillers de la banque ;
- pour les offres n° 141874 et 154751, au vu de courriers électroniques, que la banque avait répondu aux demandes de financement du client qui l’avait sollicitée dans de telles circonstances si bien que la preuve d’un démarchage n’était pas rapportée pour ces prêts ;
- pour l’offre n° 210579, que les demandeurs ne justifiaient ni dans leurs écritures, ni dans leurs pièces de circonstances caractérisant un démarchage ;
- pour l’offre n° AM 1139, qu’il résultait de courriers électroniques que X. avait pris l’initiative de rencontrer des conseillers de la banque pour son projet d’investissement élaboré par lui-même de sorte que la preuve d’un démarchage n’était pas non plus rapportée.
Le démarchage étant acquis pour trois prêts, le tribunal a d’abord examiné si le grief invoqué par les demandeurs de l’interdiction des démarchages au regard des produits en cause était fondé.
Au visa des articles L. 313-1 du code de la consommation et L. 341-40 du CMF, le tribunal a relevé qu’une telle interdiction concerne les produits dont le risque maximum n’est pas connu lors de la souscription et ceux dont le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial.
Or, il a considéré que le risque non connu au moment de la souscription est celui qui est indéterminé ou indéterminable, qu’en l’espèce, le risque maximum relatif au taux de change entre les monnaies que les emprunteurs supportaient était connu dès l’origine, l’emprunteur ayant accepté qu’il soit celui du rapport entre les monnaies, et que, même en cas de taux de change défavorable aux emprunteurs, ceux-ci ne pouvaient perdre le montant de leur apport ou de leurs droits puisqu’ils demeuraient propriétaires des actifs financés. Il a en conséquence retenu que les prêts litigieux, n’intégrant aucune opération sur produits dérivés, n’encouraient pas la nullité en vertu de l’article L. 341-10 susvisé.
Le tribunal a ensuite examiné si le grief du non-respect de l’obligation d’information et du droit de repentir invoqué était fondé.
Or, il a relevé au visa des articles L. 341-11 et L. 341-12 du CMF que la banque ne justifiait pas avoir communiqué le numéro de ses chargés de clientèle qui ne figurait pas sur tous les documents du démarcheur. Il a en outre retenu que le droit de repentir prévu par l’article L. 341-16 du même code s’applique à tous les démarchages bancaires ou financiers, y compris pour des crédits, et que la banque ne justifiait pas non plus avoir fourni l’information relative à l’existence ou non de ce droit conformément à l’article L. 341-12, ni avoir inclus un formulaire de rétraction dans le contrat de prêt, celui adressé pour l’offre n° 127127 n’étant pas régulier.
Sur le fondement de la loi de sécurité financière du 1er août 2003 dont il a considéré qu’elle a un caractère mixte, visant à la la fois à garantir le consentement des épargnants et assurés mais également à sanctionner la violation de l’ordre public économique et financier, le tribunal a énoncé que la nullité encourue du fait des manquements ci-dessus était absolue, atteignant les contrats de prêt et leurs accessoires, à savoir les contrats d’assurance décès invalidité et les frais de nantissement relativement aux garanties prises lors de la souscription des prêts.
Considérant que l’acte nul est anéanti rétroactivement, le tribunal en a déduit qu’en l’espèce, cela conduisait à retenir que les emprunteurs devaient restituer des euros, une solution contraire impliquant à tort de leur faire supporter le risque de change comme si les contrats se maintenaient dans certains de leurs effets, et à écarter la demande de la banque tendant au remboursement au jour du jugement ou de la restitution, faute de quoi elle obtiendrait plus que la somme effectivement versée, le tribunal ayant écarté l’argumentation des demandeurs tirée de l’irrégularité de la clause de paiement libellée en monnaie étrangère soulevée pour les offres n° 127636 et 127127 car une telle clause est permise quand elle est en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties co-contractantes, ce qui était le cas en l’espèce de la banque.
Le tribunal a par ailleurs retenu n’y avoir lieu à application de l’adage nemo auditur et à déchéance du droit pour la banque d’obtenir restitution du capital prêté aux motifs que cet adage n’est pas de nature à assurer mieux que la nullité l’efficacité de la sanction, que la nullité n’offre aucun avantage à la banque et alors que la non restitution du capital prêté serait de nature à créer pour les emprunteurs un enrichissement exorbitant et sans rapport avec le bénéfice attendu du contrat.
Au visa de l’article 1382 du code civil, le tribunal a estimé que l’exercice d’un démarchage illicite entraîne pour celui qui le subit un préjudice réparable, distinct des conséquences de l’annulation, et qu’en l’espèce, les demandeurs avaient subi un préjudice financier et moral découlant du démarchage irrégulier sans lequel ils n’auraient pas été convaincus de contracter les prêts en cause et de l’indisponibilité des fonds versés en exécution des contrats annulés.
Le tribunal a écarté la demande de délais de grâce, faute pour les demandeurs de justifier de leur situation et des démarches effectuées pour solliciter le financement permettant la restitution, à supposer celui-ci nécessaire.
Le démarchage n’ayant pas été retenu pour les quatre autres prêts, le tribunal a examiné les demandes de nullité de ces prêts fondées sur la clause stipulant un remboursement en francs suisses.
Sur le moyen tiré de la prescription, il a observé que la demande susvisée constituait une demande nouvelle ne se confondant pas avec la demande d’annulation fondée sur le démarchage et non un moyen, laquelle demande nouvelle avait été signifiée le 3 avril 2014 au Crédit Agricole, et que le point de départ de la prescription était la date à laquelle chaque prêt avait été contracté. Il a fait application de l’article L. 110-4 I du code de la « consommation » fixant un délai de prescription de 10 ans mais a retenu que ce délai a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 à effet du 19 juin 2008 et qu’en application de l’article 26 II de ladite loi, le délai de 5 ans avait couru à compter de cette dernière date. Il en a déduit que la demande était prescrite pour les prêts n° 141874, 154751 et 210579, respectivement contractés les 20 février 2006, 19 décembre 2006 et 19 octobre 2007, mais non pour le prêt AM 1139 conclu le 20 novembre 2009.
Sur le fond de la demande concernant ce prêt, il a considéré au vu de la clause relative au remboursement du capital et de la mention du tableau d’amortissement que le franc suisse n’était pas une monnaie de compte mais de paiement, l’emprunteur s’étant engagé à se libérer en se servant de devises étrangères, et que ladite clause avait pour but une indexation alors que l’article L. 112-2 du CMF prohibe les clauses d’indexation n’ayant pas de rapport direct avec l’activité d’une des parties et qu’en l’espèce, le recours au franc suisse était artificiel puisque l’économie du crédit relevait de l’euro. Il a dès lors prononcé la nullité de cette clause avec les conséquences y attachées et alloué à la SCP E. la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour s’être vue consenti un prêt comportant une clause illicite.
Le tribunal a ensuite examiné le moyen subsidiaire relatif aux manquements allégués du Crédit Agricole aux règles spécifiques des marchés financiers concernant les prêts pour lesquels le démarchage n’a pas été considéré comme établi.
Après avoir relevé le but du financement de chacun de ces contrats et les obligations respectives de chaque partie, il a considéré que l’existence de prêts à intérêts était caractérisée sans que le fait qu’ils soient libellés en devises étrangères et que le taux corresponde à celui de la devise sur le marché des changes majoré d’une marge ne permette de leur donner la qualification de services d’investissement au sens de l’article L. 321-1 du CMF et a donc écarté l’application desdites règles.
Le tribunal a dès lors examiné le moyen subsidiaire relatif aux manquements allégués du Crédit Agricole aux règles relatives à la responsabilité du banquier dispensateur de crédit.
Il a d’abord relevé qu’une obligation d’information pèse sur les établissements teneurs de compte comme en l’espèce, laquelle ne méconnaît pas le devoir de non-ingérence ou de non-immixtion et s’applique quelle que soit la qualité d’emprunteur averti ou non, et que les prêts litigieux étaient des prêts en devises avec un taux variable puisque adossé sur une contre-valeur en franc suisse.
Il a retenu que la notice d’information lue et approuvée par les époux X. pour les prêts n° 141874, 154751 et 210579, faisant notamment état du risque de perte éventuelle intégralement à la charge de l’emprunteur en cas d’appréciation de la devise, avait parfaitement informé les emprunteurs sur ce point mais qu’en dehors des clauses des prêts et d’informations postérieures à leur conclusion, la banque ne justifiait pas avoir délivré une information au sujet du caractère variable du taux avant que les prêts ne soient contractés. Il en a déduit qu’il existait de ce chef une perte de chance réelle et sérieuse de pas contracter ou de le faire dans d’autres conditions. Il a fixé l’indemnisation de la perte de chance à 5 % du montant de chacun des prêts compte-tenu notamment du but de l’opération, à savoir la recherche d’une solution de défiscalisation mûrement réfléchie et pour laquelle ils avaient été au moins partiellement aidés par un CGP.
Il a estimé que par la notice d’information différente lue et approuvée par M. X. pour la SCP E. pour le prêt n° AM1139, la banque avait non seulement satisfait à son obligation d’information sur le risque lié à la devise étrangère et au taux de change mais aussi sur celui concernant la variabilité du taux d’intérêt, rejetant en conséquence la demande d’indemnisation de ce chef.
Il a retenu que seuls les emprunteurs non avertis peuvent se prévaloir du défaut de respect à l’obligation de mise en garde contre un risque d’endettement excessif.
Il n’a pas considéré que les époux X. avaient la qualité d’emprunteurs avertis mais a estimé, au regard de leurs revenus, de leur patrimoine net, des réductions d’impôt attendues et du montant du capital des prêts contractés que les financements étaient adaptés à leurs capacités, l’obligation de mise en garde devant donc être écartée à leur égard. Le risque d’endettement excessif ne lui est pas apparu non plus réel s’agissant de la SCP E. pour le prêt AM1139 compte-tenu de son capital et du montant du prêt ainsi que des charges en découlant.
Le tribunal a encore examiné le moyen subsidiaire relatif aux manquements allégués du Crédit Agricole aux dispositions protectrices relatives aux offres de prêt immobilier :
- griefs tenant au taux d’intérêt conventionnel :
* sur la prescription : il a énoncé qu’en application de l’article L. 110-4 du code de commerce, la demande de déchéance des intérêts contractuels se prescrivait dans les 10 ans à compter de la date de conclusion définitive du crédit mais que ce délai a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 à effet du 19 juin 2008 et que conformément à l’article 26 II de ladite loi, le délai de 5 ans avait couru à compter de cette dernière date. La déchéance ayant été soulevée le 3 avril 2014, il en a déduit que la demande était prescrite pour les prêts n° 141874, 154751 et 210579, mais non pour le prêt AM 1139 conclu le 20 novembre 2009 ;
* sur le fond s’agissant de ce prêt : il a retenu qu’il était soumis aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, la SCP E. ne développant pas d’activité professionnelle, mais que le grief selon lequel le taux d’intérêt stipulé dans l’offre ne correspondait pas aux discussions des parties n’était pas établi ;
- griefs tenant aux articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation : le tribunal a retenu :
* qu’à défaut de figurer dans l’article L. 312-33 du code de la consommation prévoyant des sanctions pénales pour le non-respect de certaines obligations, la violation éventuelle du délai de 10 jours prévu à l’article L. 312-10 ne peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts ;
* que le prêteur ne justifiait pas de l’envoi par voie postale de l’offre n° AM 1139 prévue à l’article L. 312-7 et que par application de l’article L. 312-33, il y avait lieu de prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts, soit 10.000 euros ;
* que le grief de défaut de justification de l’acceptation de l’offre par voie postale et la question de savoir si l’acceptation a été donnée avant l’expiration du délai de 30 jours pendant lequel l’offre doit être maintenue étaient inopérants puisque le prêteur a maintenu son offre dans chacun des prêts ;
- griefs tenant à l’article L. 312-8 du code de la consommation : le tribunal a retenu :
* que les offres étaient conformes pour l’objet du prêt ;
* qu’il en était de même pour les frais de dossier ;
* qu’à défaut pour les demandeurs de rapporter la preuve d’une renégociation des contrats n° 141874, 154751 et 210579, le grief relatif à l’information sur les conditions et modalités de variation du taux d’intérêt ne pouvait être accueilli et que la notice remise pour le prêt AM 1139 répondait à l’exigence de l’article L. 312-8 pour les prêts à taux d’intérêt variable ;
* que le défaut d’information annuelle sur le montant du capital à rembourser pour les prêts dont le taux d’intérêt est variable n’est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, à défaut de renvoi des articles L. 312-8 ou L. 312-33 à l’article L. 312-14-2 ;
- griefs tenant au TEG : le tribunal a retenu :
* au visa de l’article L. 313-1 du code de la consommation, que le prêteur n’a pas mentionné dans le coût total du crédit pour déterminer le TEG les commissions de change alors que la perception de telles commissions était nécessaire à la réalisation du prêt et que le coût de la commission pouvait être déterminée dès l’offre. Le prêteur devait donc l’intégrer dans le coût total du crédit ;
* que les offres n° 154751 et 210579 mentionnaient que les intérêts sont calculés sur la base d’une année égale à 360 jours alors qu’il résultait d’un décret du 4 septembre 1985 la nécessité formelle d’un calcul du TEG sur l’année civile, la Cour de cassation s’étant prononcée en ce sens dès 1995 et le principe de l’année civile ressortant de l’article R. 313-1 alinéa 4 du code de la consommation, mais qu’aucune irrégularité n’était avérée pour les deux autres prêts ;
* que la sanction du TEG erroné, situation assimilée à l’absence totale du TEG, conduit par application de l’article L. 312-33 du code de la consommation à prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts.
Par déclaration de son avocat faite le 9 février 2015 au greffe de la cour d’appel de Metz, le Crédit Agricole a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat du 9 décembre 2016, le Crédit Agricole demande à la Cour de :
« I.- Sur l’incident de retrait de pièces soulevé par le CAL
Infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau,
Ordonner le retrait des débats des pièces adverses dites communes à l’exception des pièces n’17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 42 et 44, conformément à la numérotation des bordereaux de pièces adverses annexés aux conclusions S. de mai et de novembre 2013 ;
Ordonner le retrait des débats des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu’elles se réfèrent aux pièces précitées et notamment dans leur section préliminaire intitulée « Sur le rôle du Crédit Agricole dans la commercialisation des prêts en franc suisse » ;
Ordonner le retrait de la pièce adverse dénommée « Liste des clients du Crédit Agricole » (numérotée 89 dans le bordereau de G.).
I bis.- Sur l’incident de retrait de pièces soulevées par les emprunteurs
Rejeter la demande de retrait.
II. Sur les demandes en nullité des prêts
A. Sur les demandes en nullité des prêts pour démarchage illicite
1) Sur les demandes en nullité des trois premiers prêts pour démarchage illicite
* Débouter les consorts X. de leur appel incident et confirmer le jugement attaqué ;
- en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur l’article L. 341-10 du CMF au motif qu’il ne s’applique pas aux prêts ;
- en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur l’article L. 341-3 3° du CMF ;
* Sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a annulé les trois premiers prêts pour démarchage illicite, et statuant à nouveau
- à titre principal,
* que la réglementation du démarchage ne s’applique pas aux deuxième et troisième prêts en raison de l’article L. 341-2-5° du CMF ;
* juger que les demandes en nullité des trois premiers prêts fondées sur les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF sont prescrites et par conséquent irrecevables ;
- à titre subsidiaire, juger que les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ne s’appliquent pas à des contrats de prêt ;
- à titre plus subsidiaire ;
* en ce qui concerne l’article L. 341-16 du CMF, juger qu’il ne s’applique pas aux prêts visés par les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, selon l’article L. 341-16 III 2° du CMF ;
* juger que le CAL n’a pas violé les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ;
- à titre encore plus subsidiaire, juger qu’il n’y a pas eu démarchage des époux X. et de la SCP E. en ce qui concerne les trois premiers prêts litigieux ;
- à titre infiniment subsidiaire, juger que la sanction de la nullité n’est que facultative dans le cas d’une violation des articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ;
- en conséquence, à titre principal déclarer irrecevables et à titre subsidiaire rejeter les demandes en nullité des trois premiers prêts fondées sur un démarchage illicite ;
2) Sur les demandes en nullité des 4e au 7e Prêts
Débouter les consorts X. de leur appel incident et confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande en nullité des 4e au 7e prêts aux motifs
- à titre principal,
* que la réglementation du démarchage ne s’applique pas à ces prêts en raison de l’article L. 341-2-5° du CMF ;
* que les demandes en nullité fondées sur les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-1 du CMF sont prescrites pour les 5e et 6e prêts et sont par conséquent irrecevables ;
* que l’article L. 341-10 du CMF ne s’applique pas à des contrats de prêt ;
* que l’article L. 341-3-3° du CMF n’est pas une cause d’illicéité d’un démarchage ;
- à titre subsidiaire (à titre principal pour le 7e prêt), que les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ne s’appliquent pas à des contrats de prêt ;
- à titre plus subsidiaire,
* que l’article L. 341-16 du CMF ne s’applique pas aux prêts visés par les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, selon l’article L. 341-16 III 2e du CMF ;
* que le CAL n’a pas violé les articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ;
- à titre encore plus subsidiaire, qu’il n’y a pas eu démarchage des époux X. et de la SCP
E. en ce qui concerne les prêts litigieux ;
- à titre infiniment subsidiaire, que la sanction de la nullité n’est que facultative dans le cas d’une
violation des articles L. 341-11, L. 341-12 et L. 341-16 du CMF ;
- en conséquence, débouter les consorts X. de leur appel incident et confirmer le jugement attaqué à titre principal en raison de ce que les demandes en nullité des 4e à 6e prêts sont irrecevables en raison de la prescription (substitution de motifs), et à titre subsidiaire, en raison de ce que ces demandes sont mal fondées (rejet des demandes adverses).
B. Sur la demande en nullité des prêts pour clause imposant à l’emprunteur de payer en franc suisse
1) Sur les 4e, 5e et 6e prêts
- débouter les consorts X. de leur appel incident et confirmer le jugement attaqué à titre principal en ce qu’il a déclaré cette action prescrite
- à titre subsidiaire, rejeter cette demande ;
2) Sur le 7e prêt
- sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité de la clause d’indexation (non demandée) et statuant à nouveau rejeter la demande adverse ;
3) Sur les 1e, 2e et 3e prêts
- à titre principal, déclarer cette demande irrecevable comme prescrite ;
- à titre subsidiaire, rejeter cette demande ;
C. A titre subsidiaire, au cas où par extraordinaire la nullité des prêts serait prononcée
1)Sur les conséquences de la nullité des trois premiers Prêts
- sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement attaqué sur les restitutions consécutives à la nullité des trois premiers prêts et en conséquence condamner les époux X. et la SCP E. à restituer intégralement les sommes prêtées au à titre de ces prêts, c’est-à-dire ;
* la somme de 123.800,01 francs suisses (1e prêt aux époux X.) ;
* la somme de 476.317,57 francs suisses (3e prêt au époux X.) ;
* la somme de 387.650,03 francs suisses (2e prêt à la SCP E.) ;
dont à déduire les sommes en principal éventuellement déjà remboursées par les emprunteurs ;
Et au cas où la restitution s’effectuerait en euros, condamner les époux X. et la SCP E. à restituer la contrevaleur en euros des sommes précitées en franc suisse au cours de l’Euro / Franc Suisse du jour de la restitution et non au cours du jour de la mise à disposition des fonds, avec les intérêts légaux à compter du jugement ; dire qu’en tout état de cause, le risque de change pèsera sur les emprunteurs et non sur le CAL ;
- sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats d’assurance décès ;
- sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné le CAL à des dommages et intérêts complémentaires d’un montant de 10.000 euros pour les époux X. et 8.000 euros pour la SCP E., pour préjudice financier résultant de l’indisponibilité des fonds et préjudice moral ; et statuant à nouveau, rejeter la demande adverse ;
- débouter les consorts X. de leur appel incident et en conséquence confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a ;
* rejeté la demande de dommages et intérêts liée à l’obligation de restituer les sommes prêtées ; dire que les restitutions consécutives aux annulations ne constituent pas un préjudice ;
* rejeté l’application de l’adage « nemo auditur » ;
* rejeté la demande de délai de grâce ;
2) Sur les conséquences de la nullité des 4e au 7e prêts
- condamner les époux X. et les SCP E. à restituer les sommes prêtées les sommes de 618.497,60 francs suisses (4e prêt aux époux X.), de 188.616 francs suisses (5eprêt aux époux X.), de 1.400.348,50 francs suisses (6e prêt aux époux X.), et de 1.017.864 francs suisses (7e prêt à la SCP E.), dont il conviendra de déduire les sommes en principal éventuellement déjà remboursées ; et au cas où la restitution s’effectuerait en euros, condamner les époux X. et la SCP E. à restituer la contrevaleur en euros des sommes précitées en franc suisse au cours de l’Euro / Franc Suisse du jour de la restitution et non au cours du jour de la mise à disposition des fonds, avec les intérêts légaux à compter de l’arrêt ;
- dire qu’en tout état de cause, le risque de change pèsera sur les emprunteurs et non sur le CAL ;
- rejeter la demande en dommages et intérêts liée à l’obligation de restituer les sommes prêtées ; dire que les restitutions consécutives aux annulations ne constituent pas un préjudice ;
- rejeter l’application de l’adage « nemo auditur » ;
- rejeter la demande d’octroi d’un délai de grâce de deux ans pour exécuter leur obligation de restitution par les emprunteurs.
- rejeter toute demande de dommages et intérêts fondée sur un préjudice financier résultant de l’indisponibilité des fonds ou sur un préjudice moral
3)Sur les conséquences communes
- dire que les parties arrêteront le décompte des sommes à restituer par le CAL, en particulier le décompte des intérêts ;
- dire que les contrats d’assurance décès ne peuvent être annulés ;
- dire que les primes d’assurance n’auront pas à être restituées par le CAL ;
- dire que les sûretés réelles ou personnelles garantissant un contrat de prêt annulé (ou résolu) subsisteront jusqu’à l’extinction de l’obligation de restitution des emprunteurs.
III.- Sur l’action en nullité de clauses dites abusives
- constater le désistement des époux X. et de la SCP E. de leurs demandes en nullité et déchéance des intérêts contractuels liées aux clauses sur les intérêts ;
- à titre principal, la déclarer irrecevable en raison de la prescription et comme demande nouvelle en appel ;
- à titre subsidiaire pour les 2e et 7e prêts à la SCP E., dire que l’article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s’applique pas à la SCP E. ;
- à titre plus subsidiaire pour les 2e et 7e prêts et subsidiaire pour les autres prêts, sur les clauses autres que la clause relative aux commissions de change, rejeter les demandes adverses au motif que ces clauses relèvent de l’objet principal des contrats de prêt et qu’elles sont claires et compréhensibles ;
- à titre encore plus subsidiaire sur ces mêmes clauses, rejeter les demandes adverses en raison de l’absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; à titre plus subsidiaire pour les 2e et 7e prêts et subsidiaire pour les autres prêts, sur la clause relative aux commissions de change, rejeter la demande adverse en raison de l’absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
- à titre encore plus subsidiaire sur la clause relative aux commissions de change, dire que la nullité est limitée à la clause « Frais » des contrats de prêt.
- à titre encore plus subsidiaire sur les clauses autres que la clause relative aux commissions de change, dire que la nullité doit être étendue à l’intégralité des contrats de prêt avec les conséquences décrites supra II, C.
IV.- Sur l’action relative au caractère potestatif et indéterminé de certaines clauses
- à titre principal,
* la déclarer irrecevable comme demande nouvelle en appel pour les cours de change ;
* la déclarer irrecevable en raison de la prescription pour les cours de change et les taux d’intérêt ;
* la déclarer irrecevable pour les taux d’intérêt en raison du désistement ;
- à titre subsidiaire, rejeter les demandes adverses.
V.- Sur l’action en résolution judiciaire
- à titre principal, la déclarer irrecevable comme demande nouvelle en appel ;
- à titre subsidiaire, la déclarer partiellement irrecevable en raison de la prescription ;
- à titre plus subsidiaire, rejeter la demande.
VI.- Sur l’action en responsabilité contre le CAL du chef de ses obligations pré-contractuelles
Sur les 4e 5e 6e et 7e prêts
a) Sur le risque de change (4e à 7e prêts)
Débouter les consorts X. et la SCP E. de leur appel incident et confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande adverse en dommages et intérêts en jugeant ;
- à titre principal,
* que le CAL n’est intervenu qu’en qualité de banquier prêteur ;
* que le CAL n’était tenu d’aucune obligation d’information ;
* que les époux X. et la SCP E. sont des emprunteurs avertis (substitution de motifs) ;
- à titre subsidiaire, qu’il n’y avait aucun risque de surendettement (adoption des motifs)
- à titre plus subsidiaire, que les époux X. et la SCP E. ont été mis en garde sur le risque d’endettement, en l’espèce sur le seul risque de change
- en conséquence, que le CAL n’a commis aucune faute ;
- à titre encore plus subsidiaire, que les époux X. et la SCP E. n’ont subi aucun préjudice, même fondé sur une perte de chance ;
- en conséquence, débouter les époux X. et la SCP E. de leur demande en dommages et intérêts fondée sur le risque de change ;
b) Sur le risque de taux (4e à 6e prêts)
Sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné le CAL à des dommages et intérêts égaux à 67.650 euros au titre du risque de taux pour perte de chance de ne pas contracter les 4e, 5e et 6e prêts litigieux, et statuant à nouveau, juger ;
- à titre principal, juger que le CAL n’était pas tenu d’une obligation d’information ;
- à titre plus subsidiaire, juger que le risque de taux était inexistant et que les époux X. et la SCP E. n’ont subi aucun préjudice, même fondé sur une perte de chance ;
- dire la condamnation du CAL à des dommages et intérêts non fondée.
c) Sur le risque de taux (7e prêt)
Confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné le CAL à des dommages et intérêts aux motifs ;
- à titre principal, en raison de l’absence d’une obligation d’information ;
- à titre subsidiaire, en raison de ce que le risque de taux était inexistant ;
- à titre plus subsidiaire, en raison de l’information donnée par le CAL sur le risque de taux par la notice d’information.
Sur les 1e, 2e et 3e prêts
- juger que le CAL n’est intervenu qu’en qualité de banquier prêteur,
- juger que le CAL n’était tenu d’aucune obligation d’information ni sur le risque de change, ni sur le risque de taux ;
- juger que les époux X. et la SCP E. sont des emprunteurs avertis (par substitution de motifs),
- à titre subsidiaire, juger qu’il n’y avait aucun risque de surendettement (par adoption de motifs) ;
- à titre plus subsidiaire, juger que les époux X. et la SCP E. ont été mis en garde sur le risque de surendettement, en l’espèce sur le seul risque de change ;
- juger, en conséquence, que le CAL n’a commis aucune faute ;
- à titre encore plus subsidiaire, juger que les époux X. et la SCP E. n’ont subi aucun préjudice, même fondé sur une perte de chance, ni sur le risque de change, ni sur le risque de taux ;
- juger que l’action en responsabilité est non fondée et rejeter toutes les demandes liées à cette action.
VII.- Sur l’action en responsabilité liée à l’ADI
à titre principal, la déclarer irrecevable comme demande nouvelle en appel et en vertu de la prescription ;
à titre subsidiaire, la rejeter.
VIII.- Sur la demande de déchéance du CAL de son droit aux intérêts
1) Sur les trois premiers prêts
- juger que les premier et deuxième prêts ne sont pas soumis à l’article L. 312-33 du C. Cons. selon les articles L. 312-2 et L. 312-3 du C. Cons. ;
- juger qu’aucun des griefs n’est fondé en droit ou en fait ;
- rejeter la demande en déchéance du droit aux intérêts contractuels du CAL.
2) Sur les 4e au 7e prêts
- sur l’appel principal du CAL, infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance partielle des intérêts du CAL à hauteur de 62.000 euros sur le fondement de l’article L. 312-33 du C. Cons, et statuant à nouveau ;
* à titre principal, juger que le cinquième et le septième prêts ne sont pas soumis à l’article L. 312-33 du C. Cons, selon les articles L. 312-2 et L. 312-3 du C. Cons. ;
* à titre subsidiaire pour le 7e prêt, juger que la SCP E. a renoncé à se prévaloir des dispositions des articles L. 312-1 et suiv. du C. Cons, dans l’acte notarié du 20 novembre 2009 ;
* à titre principal pour les 4e et 6eprêts, et subsidiaire pour les 5e et 7e prêts, juger que le TEG n’était pas erroné ;
* rejeter en conséquence la demande en déchéance des intérêts contractuels ;
* débouter les consorts X. et la SCP E. de leur appel incident ;
- débouter les consorts X. et la SCP E. de leur appel incident et confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux X. et la SCP E. de leurs demandes en déchéance des intérêts contractuels fondées sur les motifs autres que le TEG erroné et, pour le 7e prêt, autres que l’envoi de l’offre de prêt par courrier.
IX. Article 700 CPC et dépens
- infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné le CAL au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens ;
- condamner in solidum les époux X. et la SCP E. à 60.000 euros au titre de l’article 700 CPC ;
- condamner in solidum les époux X. et la SCP E. aux dépens de première instance et d’appel ».
S’agissant de la demande de retrait de pièces et de conclusions qu’il forme, le Crédit Agricole se prévaut d’abord du secret bancaire et du secret des entreprises d’investissement et fait valoir :
- que la société de CGP est tenue au secret bancaire en vertu de l’article L. 511-33 du CMF et au secret professionnel en vertu de l’article L 531-12 du même code ; l’article L. 511-33 précité est applicable immédiatement, pour les informations acquises avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, et s’applique aux CGP qui rentrent dans le champ d’application de l’article L. 511-33 ;
- que les conventions de partenariat pouvaient stipuler une extension du secret bancaire ayant une valeur contractuelle ;
- que le secret bancaire est opposable par une banque dans une instance civile lorsqu’elle n’est pas une partie opposée au client bénéficiaire du secret, ce qui exclut qu’une preuve puisse être tirée de pièces couvertes par ledit secret, lequel constitue un motif ou empêchement légitime au sens des articles 10 et 11 du code de procédure civile ; que la production de pièces en violation du secret bancaire est également censurée par l’article 9 du code de procédure civile ;
- que la jurisprudence relative au droit de la preuve à laquelle le tribunal s’est référé, rendue en matière de secret des correspondances, ne saurait être étendue en matière de secret professionnel, celui-ci prévalant en cas de conflit avec la demande d’une partie de disposer de pièces couvertes par ce secret ;
- que les autorisations de levée du secret bancaire sont doublement limitées, subjectivement en ce qu’elles excluent les banques tierces, les tiers non demandeurs et les salariés ou anciens salariés de la banque et objectivement en ce qu’elles ne peuvent viser que des pièces relatives à l’objet du litige ;
- qu’il ne suffit pas de dissimuler un nom d’un tiers pour supprimer la violation du secret bancaire.
Le Crédit Agricole invoque ensuite le secret des correspondances résultant de l’article 8 CEDH et de l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et réprimé par l’article 226-15 alinéa premier du code pénal. Il fait valoir :
- que la jurisprudence relative au droit de la preuve ne peut être appliquée aux pièces également couvertes par le secret bancaire et, en toute hypothèse, a été mal appliquée par le tribunal qui s’est contenté d’une motivation stéréotypée ;
- que les autorisations de levée du secret sont sans portée à l’égard des tiers non demandeurs ;
- que la remise volontaire par la société de CGP et l’autorisation donnée par cette société sont illégales ;
- que la discussion contradictoire ne saurait couvrir l’illicéité flagrante de la production des pièces adverses.
Ainsi, le Crédit Agricole estime :
- que la communication des courriels entre la société de CGP et le Crédit Agricole relatifs à des opérations concernant d’autres caisses régionales est illicite au regard des règles concernant les correspondances confidentielles sans que les demandeurs puissent invoquer leur droit à la preuve, faute de démontrer le caractère indispensable de ces éléments et en quoi leur droit à la preuve devrait l’emporter, et alors que les autorisations de levée du secret bancaire sont sans portée ;
- que la communication des courriels entre cette société et le Crédit Agricole relatifs à des prêts en francs suisses en général est illicite au regard du secret bancaire auquel elle est tenue par la loi et par les conventions de partenariat, au regard des règles concernant les correspondances confidentielles et au regard des règles sur la production des pièces, les autorisations de levée du secret bancaire étant sans effet ;
- que la communication de courriels entre la société de CGP et le Crédit Agricole relatifs à des particuliers non demandeurs est illicite pour les mêmes raisons, la cancellation du nom des tiers ne supprimant pas l’illicéité et les autorisations de levée du secret étant sans effet ;
- que les courriels entre la société de CGP et le Crédit Agricole relatifs à des particuliers demandeurs doivent être retirés quand ils visent également des tiers non demandeurs ;
- que la lettre d’ACP à M. C. du 24 septembre 2007 est couverte par le secret bancaire de la Banque Patrimoine Immobilier et que sa communication est illicite au regard du secret bancaire partagé par la société de CGP avec cette banque ainsi que des règles concernant les correspondances confidentielles, sans que le droit à la preuve puisse être opposé par les demandeurs autres que les époux C. et sans que l’autorisation de M. C. ait un quelconque effet ;
- que les sommations interpellatives aux salariés du Crédit Agricole sont une incitation illicite à faire commettre le délit de violation du secret professionnel, l’invocation du droit à la preuve et les autorisations de levée du secret bancaire étant inopérantes.
S’agissant de la demande de retrait de pièces faite à son encontre, le Crédit Agricole s’y oppose au motif qu’elle n’est pas motivée et que ces pièces ont fait l’objet d’autorisations de levée du secret bancaire ou de renonciations à la confidentialité.
A titre subsidiaire, le Crédit Agricole fait valoir que les pièces adverses communes sont inutiles à la solution du litige et ont été utilisées pour l’énoncé de contre-vérités.
Sur le fond, à titre préalable, le Crédit Agricole relève notamment que le risque de change lié à la parité euros/franc suisse s’était concrètement manifesté avant la conclusion des prêts et que la hausse du franc suisse était imprévisible au moment de la conclusion des prêts tout en s’inscrivant dans le risque de change parfaitement connu des emprunteurs. Il note aussi que les taux variables d’intérêt des prêts litigieux en franc suisse ont toujours été substantiellement inférieurs aux taux variables des prêts en euros.
En ce qui concerne la nature juridique des prêts et ses conséquences, le Crédit Agricole soutient que la jurisprudence admet la validité des clauses définissant l’objet du prêt en devise étrangère dès lors que des paiements en euros sont également possibles et que tant le droit positif français récent que le droit récent de l’Union européenne confirment cette licéité.
Or, il fait valoir qu’il résulte des clauses des prêts litigieux (montant du crédit, montant mis à disposition, montants à rembourser, intérêts) qu’il s’agit de prêts en devise, le franc suisse, et non de prêts en euros indexés sur le franc suisse et que l’exécution des contrats de prêt corrobore cette qualification de prêts en devise. Il prétend aussi que les prêts prévoient la possibilité d’effectuer des paiements en euros tout en stipulant des clauses de paiement en monnaie étrangère et réfute la thèse adverse de l’impossibilité de payer en euros, en faisant notamment valoir que le remboursement réalisé par l’emprunteur grâce au débit de son compte en euros est libératoire pour lui.
A titre surabondant, il conclut à la validité d’une indexation sur une devise d’un prêt en euros conclu avec une banque en vertu de l’article L. 112-2 du CMF.
Il déduit de la qualification de prêt en devise qu’en cas d’annulation, l’emprunteur doit restituer le montant en francs suisses mis à sa disposition, l’opération de change en vertu de laquelle les emprunteurs ont reçu les fonds en euros étant indifférente quant à la nature de l’obligation. Il fait valoir que l’application du cours euros/franc suisse du jour de la mise à disposition aboutirait à son appauvrissement. Il conteste la thèse adverse reposant sur l’indivisibilité suivant laquelle même en cas de prêt en francs suisses, l’obligation de remboursement porterait sur un montant en euros au cours du jour de la mise à disposition.
Il s’oppose aussi à la requalification en contrat financier en raison des opérations de change, invoquant qu’elle a été écartée par un arrêt de la CJUE du 3 décembre 2015, que les contrats litigieux sont bien des prêts, sans qu’il y ait d’échanges de devises, et non un contrat financier au sens de la directive n° 2004/39/CE, les opérations de change n’étant qu’accessoires et connexes à des opérations de banque.
En ce qui concerne le démarchage, le Crédit Agricole observe que la demande est fondée sur l’article L. 341-1 alinéa 2 du CMF qui, selon lui, exige comme l’alinéa premier une prise de contact. Il en déduit que lorsqu’une réunion se tient au domicile ou sur le lieu de travail des personnes clientes ayant auparavant signé un contrat en vertu duquel se tient la réunion, il n’y a pas de démarchage. Il affirme aussi que la qualification de démarchage ne peut être retenue que pour la convention qui a fait l’objet de négociations détaillées lors de la réunion.
Or, en l’espèce, il soutient que les emprunteurs ont d’abord conclu avec leurs CGP une convention de type mandat de recherche, lesquels leur ont proposé un investissement défiscalisant, et ont alors, par l’intermédiaire de ces conseils, fait connaître au Crédit Agricole leur souhait d’obtenir un prêt pour financer l’investissement. Il estime que la prise de contact initiale, à supposer qu’elle soit prouvée, n’a pu avoir pour but que la conclusion de la convention de conseil et non de prêt, à défaut de tous documents pré-contractuels ou contractuels relatifs aux prêts à ce stade, et que les négociations menées ensuite, y compris au domicile ou sur le lieu de travail des personnes, sont des actes d’exécution des conventions de conseil. Quant aux réunions dans des hôtels, il note que cela concerne un nombre limité de dossiers et qu’il ne s’agit pas d’actes de démarchage. Il soutient que les éventuelles conventions de partenariat signées avec les CGP, en vertu desquelles ceux-ci sont des courtiers agréés par le Crédit Agricole, ne remettent pas en cause les conventions de conseil et ne constituent qu’une modalité d’exécution de l’obligation de rechercher un financement.
Il souligne l’indépendance des CGP et l’absence de convention de conseil entre les emprunteurs et lui-même. Il soutient que les conventions de partenariat excluent toute représentation de sa part par les CGP et tout démarchage pour son compte par ceux-ci. Il invoque à cet égard la jurisprudence qui, selon lui distinguait les intermédiaires en opérations de banque, IOB, mandataires de la banque de ceux agissant pour le compte de leurs clients, distinction maintenue par la loi du 22 octobre 2010.
Contestant que les CGP soient ses mandataires, il en déduit que l’affirmation suivant laquelle il serait responsable des actes fautifs des CGP est infondée, ajoutant qu’elle est contraire à la législation qui a écarté toute responsabilité civile pour autrui d’une banque du chef des IOB.
Il soutient que les demandeurs ne peuvent avoir recours à des présomptions pour établir le démarchage. Il prétend que l’allégation d’un démarchage systématique par les sociétés de CGP et d’une information de sa part des réunions entre les CGP et les emprunteurs est erronée. Il fait valoir que la preuve d’un démarchage doit résulter de pièces propres à chaque dossier.
En ce qui concerne les demandes de nullité, le Crédit Agricole conclut au rejet de la demande fondée sur l’article L. 341-10 du CMF aux motifs que le législateur a édicté de façon constante la licéité du démarchage par les banques en vue de conclure des opérations de crédit, que l’article précité exclut les prêts bancaires de son champ d’application, qu’en l’espèce, le risque de change ne crée aucune incertitude sur le montant en francs suisses à rembourser et que la requalification en contrat financier est exclue.
Il conclut également au rejet de la demande de nullité fondée sur l’article L. 341-3-3° du CMF en faisant valoir que les conseils en investissements financiers peuvent démarcher pour les opérations de banque visées à l’article L 541-1-I-2° du CMF dans sa version de la loi du 1er août 2003. A titre subsidiaire, invoquant à nouveau que les CGP n’étaient pas ses représentants et que les conventions de partenariat excluaient le démarchage pour ses crédits, il en déduit qu’un éventuel démarchage des CGP au sujet du prêt litigieux ne saurait entraîner la nullité de ce dernier.
Il conclut aussi au rejet de la demande de nullité fondée sur la violation des articles L. 341-4, 6 et 8 du CMF en faisant valoir que ses salariés ont été enregistrés auprès de la Banque de France sous un certain numéro, sont titulaires d’une carte de démarcheur et n’ont pas fourni de conseils en investissement. Il ajoute qu’il n’avait pas à enregistrer, ni à faire délivrer une carte de démarcheur aux CGP puisqu’ils n’étaient pas ses mandataires.
Il conclut à la prescription de la demande de nullité pour violation des règles de bonne conduite (L. 341-11, 12 et 16 du CMF) pour les six premiers contrats de prêt par application de la prescription quinquennale de l’article 1304 du code civil qui a couru à compter de la date de conclusion des prêts alors que la demande de nullité fondée sur ce motif date du 27 janvier 2012. Sur le fond, il prétend que ces dispositions ne sont pas applicables aux prêts et qu’à titre subsidiaire, à supposer que l’article L. 341-16 vise des prêts, les 3e, 4e, 5e et 6e prêts ont bénéficié du délai de 10 jours en vertu de l’article L. 312-10 du code de la consommation et que les offres 1 et 5 ont donné lieu à une offre similaire. A titre également subsidiaire, il fait valoir que la violation de l’article L. 341-12 retenue par le tribunal n’est pas fondée en ce que les informations sur l’objet des prêts ont été fournies et qu’il n’est pas exigé que les informations sur le démarcheur soient mentionnées par écrit.
S’agissant de la demande en nullité du prêt fondée sur une clause de paiement en monnaie étrangère, il conclut d’abord à sa prescription pour les six premiers prêts. Il relève qu’elle ressort des nullités absolues et se prescrivait donc par 10 ans à compter des prêts en application de l’article L. 110-4 ancien du code de commerce, que le délai a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 et a donc expiré le 19 juin 2013 alors que les conclusions adverses ayant soulevé cette nullité ont été signifiées le 3 avril 2014. Il conteste l’extension de l’interruption de la prescription invoquée par la partie adverse en faisant valoir que la demande en nullité initiale, pour démarchage, est fondée sur des circonstances factuelles et juridiques complètement distinctes. A titre subsidiaire, il s’oppose sur le fond à la demande en raison de ce que les prêts sont des prêts en devise et qu’ils stipulent une clause de monnaie en paiement en francs suisses non impérative.
A titre subsidiaire, il soutient que la nullité des prêts pour démarchage illicite résultant de la violation des règles de bonne conduite est une nullité relative en ce que ces règles sont exclusivement destinées à protéger les personnes démarchées. Il exclut la nullité pour des actes de démarchage qui ne lui sont pas imputables, rappelle que selon lui, l’annulation a pour conséquence le remboursement de la somme en franc suisse prêtée et, en cas de restitution en euros, l’application du cours du change au jour de la restitution, considère que le tribunal a statué ultra petita, en violation du principe du contradictoire et à tort, faute de présence de l’assureur, en prononçant la nullité de contrats d’assurance-décès et considère que les sûretés consenties subsistent jusqu’à l’extinction de l’obligation de restituer.
A titre plus subsidiaire, le Crédit Agricole s’oppose aux moyens adverses destinés à exclure les restitutions en cas de nullité en faisant valoir que la restitution due par un co-contractant par suite de l’annulation d’un contrat n’est pas par elle-même un préjudice indemnisable, qu’il n’a pas commis de faute et qu’il n’existe pas de lien de causalité entre ses prétendus manquements et l’obligation de restituer les fonds prêtés. Il soutient que l’adage nemo auditur est inapplicable car il suppose un contrat immoral.
Il s’oppose aussi à la demande de délai de grâce en soutenant que les débiteurs sont dans une situation leur permettant de restituer sans délai les sommes prêtées.
Il conteste la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et impossibilité d’investir en arguant de son absence de faute et de l’absence de préjudice matériel ainsi que moral.
Le Crédit Agricole considère que la preuve d’un démarchage n’est pas rapportée aux motifs que :
- les attestations produites de M. L., irrégulières en la forme, suspectes et en définitive mensongères, et de Mme P. doivent être écartées ;
- en application de l’article L. 341-2-5° du CMF, la réglementation du démarchage est inapplicable au moins à compter du 2ème prêt ;
- une convention de conseil a été signée entre la société de CGP et les époux X. portant sur les investissements et le financement et la société de CGP a agi exclusivement pour les époux X. ;
- la transmission des demandes de prêt est un acte d’exécution de cette convention, de même que les réunions sur le lieu de travail de M. X., à supposer leur existence et leur lien avec les prêts avérés.
En ce qui concerne la contestation de clauses qui seraient abusives, le Crédit Agricole conclut d’abord à l’irrecevabilité de la demande en raison :
- de la prescription, s’agissant d’une action s’apparentant à une action en nullité relevant d’un ordre public de protection qui se prescrit par 5 ans avant comme après la loi du 17 juin 2008 de telle sorte que le délai a expiré pour le plus tardif des prêts en 2014 alors que les demandes ont été formulées par des conclusions du 6 juillet 2015 ; la prescription n’a pas été interrompue par l’action en nullité pour démarchage illicite ayant un objet et une cause totalement différents ;
- du caractère nouveau de la demande en appel, la demande ne visant qu’à la nullité de certaines clauses et non du contrat.
A titre subsidiaire, il conclut au rejet au fond des demandes.
Il fait valoir que la SCP E. ne saurait être qualifiée de non professionnel, ce qui exclut l’application de l’article L. 132-1 du code de la consommation pour les 2e et 7e prêts. Il argue aussi qu’il n’existe pas de clause d’indexation et que la quasi-totalité des clauses contestées relèvent de l’objet principal du contrat au sens de l’article L. 132-1 alinéa 7 du code de la consommation ainsi que des prestations essentielles des contrats de prêt au sens de la jurisprudence de la CJUE et qu’elles sont rédigées de façon claire et compréhensible, la clause sur le risque de change ne portant pas sur les droits et obligations des parties. Il en déduit qu’elles ne sauraient donner lieu au contrôle du caractère abusif. A titre plus subsidiaire, il dénie l’existence d’un déséquilibre significatif en faisant valoir :
- que l’emprunteur restitue le montant en francs suisses prêté, même s’il le fait en euros, et que lui-même perçoit la somme en francs suisses ou euros lui permettant de rembourser le prêt contracté afin d’assurer la mise à disposition des fonds et son maintien pendant toute la durée du contrat ;
- qu’il n’a pas de pouvoir unilatéral de fixation dans la détermination du taux d’intérêt ;
- qu’il est de notoriété que toute opération de change donne lieu à des prestations sur le marché des changes justifiant une rémunération, que le montant de ces commissions est très modeste, que l’emprunteur peut réaliser lui-même les opérations de change, que le barème des commissions a été adressé aux emprunteurs et qu’une banque peut fixer le montant de ses commissions d’intervention ;
- qu’il n’a pas de pouvoir de fixation du cours euros/franc suisse et que la faculté pour les emprunteurs d’effectuer eux-mêmes les opérations de change exclut tout déséquilibre significatif.
A titre encore plus subsidiaire, il soutient que mise à part la clause frais relative aux commissions de change, le contrat ne pourrait subsister sans les autres clauses critiquées de telle sorte que sa nullité devrait être prononcée avec toutes les conséquences y attachées et qu’aucune disposition du droit français ne permet à la Cour de transformer un prêt en francs suisses en prêt en euros.
En ce qui concerne les demandes relatives au caractère indéterminé et potestatif de certaines clauses, demandes formées en 2014 et 2016, le Crédit Agricole conclut d’abord à leur irrecevabilité ;
- en raison de la nouveauté de la demande pour le cours de change ;
- en raison de la prescription pour le taux d’intérêt et le cours de change aux motifs que l’action en nullité de la stipulation d’intérêt fondée sur l’article 1907 du code civil se prescrit par 5 ans, si bien que les demandes au titre des six premiers prêts sont prescrites au regard de leur date de conclusion et que les époux X. s’étant désistés de leur demande, l’interruption survenue en 2014 est non avenue, ce qui rend prescrite la nouvelle demande faite en 2016 pour le 7e prêt ; celles en nullité de la stipulation du taux fondée sur son caractère potestatif ainsi qu’en nullité de la stipulation relative aux cours de change se prescrivaient par 10 ans en vertu de l’article L. 110-4 du code de commerce mais ce délai ayant été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, les demandes formées le 3 avril 2014 sont prescrites pour les six premiers prêts, celle au titre du 7e prêt l’étant également du fait du désistement de la demande qui a rendu l’interruption du délai de prescription non avenue ; le désistement résulte du fait que dans les conclusions adverses du 6 juillet 2015, les actions relatives au taux d’intérêt précédemment formées ont été remplacées par les actions fondées sur les clauses abusives.
Sur le fond, il s’oppose aux demandes relatives au taux d’intérêt aux motifs que le taux a été fixé par écrit conformément à l’article 1907 du code civil, que l’application de l’article 1174 du code civil est exclue, en l’absence de condition, de potestativité de la part du débiteur et d’influence ou de pouvoir du Crédit Agricole sur le taux de l’eurodevise CHF à 3 mois. Il fait encore valoir qu’aucune clause du contrat ne l’autorise à modifier le taux d’intérêt. De même, il s’oppose aux demandes relatives au cours de change en contestant l’application de l’article 1174 du code civil, le cours de change n’étant pas une condition et le Crédit Agricole étant sans influence sur celui-ci. Il conteste aussi avoir pu modifier unilatéralement les opérations de change.
En ce qui concerne l’action en résolution du prêt, le Crédit Agricole conclut d’abord à son irrecevabilité :
- en raison de la nouveauté de la demande que les emprunteurs ne sauraient contester en arguant de l’action en nullité du prêt exercée en première instance puisque celle-ci est prescrite en ce qu’elle est fondée sur la clause de paiement en francs suisses et qu’elle est totalement distincte en ce qu’elle repose sur le démarchage illicite ;
- en raison de la prescription de la demande qui se prescrivait par 10 ans selon l’article L. 110-4 du code de commerce dans son ancienne rédaction, délai réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008. Toute action relative à une inexécution antérieure à l’entrée en vigueur de cette loi qui n’a pas été exercée avant le 19 juin 2013 est prescrite, ce qui est le cas pour la prétendue inexécution lors de la mise à disposition des fonds et lors des échéances d’intérêts antérieures au 15 mars 2011.
A titre subsidiaire, le Crédit Agricole conteste toute inexécution de sa part relative au cours de change, au taux d’intérêt et à la fixation des dates d’échéance et s’oppose en tout cas à la demande de résolution en faisant valoir que si les critiques adverses sont fondées, elles n’ont eu qu’une influence mineure sur le prêt alors que la résolution suppose une inexécution d’une gravité suffisante.
En ce qui concerne l’action en responsabilité, le Crédit Agricole fait valoir que la législation sur les prestations de services d’investissement est inapplicable, le prêt n’étant pas un contrat financier et lui-même n’ayant eu qu’une activité de prêteur, et estime que le seul droit applicable est celui de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit en vertu duquel le banquier doit vérifier si l’emprunteur est averti et si tel n’est pas le cas, vérifier l’existence d’un risque de surendettement et mettre en garde l’emprunteur en cas de risque, à défaut de toute autre obligation pré-contractuelle.
Or, il soutient que les époux X. et la SCP E. étaient avertis, au regard notamment de leur profession, de leurs revenus, de la gestion de leur patrimoine, de leur conseil par un CGP professionnel et du but recherché, ce qui exclut toute obligation de mise en garde à sa charge. A titre subsidiaire, il invoque l’absence de risque de surendettement et, à titre plus subsidiaire, allègue avoir procédé à une mise en garde suffisante en avertissant les emprunteurs sur le risque de change par les clauses des contrats de prêt et par les notices distinctes relatives à chaque prêt. A titre subsidiaire, il conteste l’existence d’une perte de chance au regard du risque de change et considère en toute hypothèse que le pourcentage devrait être fixé à un niveau particulièrement bas en raison notamment du fait que la hausse du franc suisse n’était pas prévisible. Il conteste fermement toute perte de chance du chef d’intérêts à taux variable au motif essentiel que les taux variables des prêts en cause ont considérablement baissé. Il ajoute que le tribunal n’était pas saisi d’une demande d’indemnité fondée sur le risque de taux et qu’une telle demande n’est pas non plus présentée devant la Cour.
Il conclut à l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts relative à la non couverture de la de l’évolution du cours de change après la mise à disposition des fonds par l’assurance décès-invalidité en raison de son caractère nouveau, relevant que la demande de dommages et intérêts faite en première instance était liée à la nullité pour démarchage, ce qui est distinct. Il invoque subsidiairement la prescription. Il prétend que s’agissant d’une action en responsabilité pour perte de chance, le délai a couru à compter des prêts et a expiré le 19 juin 2013 pour les six premiers prêts, le 20 novembre 2014 pour le 7e, et qu’en tout état de cause, l’emprunteur a eu connaissance du défaut d’assurance d’une éventuelle différence de change au plus tard en 2009/2010, époque de hausse du franc suisse. Sur le fond, il soutient que le préjudice allégué n’est qu’éventuel puisque la non-assurance de la différence de change ne se réaliserait que si les risques décès invalidité se réalisaient eux-mêmes et conteste le préjudice d’anxiété invoqué. Celui-ci lui paraît inexistant en ce que les emprunteurs sont restés passifs face à cette éventualité et ne justifient pas de l’inassurabilité de la différence de change. Le préjudice d’anxiété lui paraît d’autant moins réel que la période pendant laquelle les risques pourraient se réaliser est très brève. Il note que les préjudices d’anxiété réparés concernent des circonstances exceptionnelles non comparables.
En ce qui concerne la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur l’article L. 312-33 du code de la consommation, le Crédit Agricole fait d’abord valoir que sont exclus de l’article L. 312-2, et par voie de conséquence de l’article L. 312-33, les quatre prêts consentis pour financer des contrats d’assurance-vie, peu important que l’un des prêts fasse référence à l’article L. 312-2. Les prêts accordés à la SCP E. doivent être exclus en raison de son activité professionnelle.
Il conteste le caractère erroné du TEG tiré de la non prise en compte des commissions de change au motif que celles-ci, non perçues systématiquement, ne sont pas une condition d’octroi du prêt et qu’elles correspondent à un service de change distinct du prêt. Il conteste également le grief du caractère erroné du TEG en ce qu’il est calculé sur 360 jours. Il invoque notamment la fluctuation de la jurisprudence sur ce point. Il s’oppose à l’allocation d’une indemnité à la SCP E. en raison de l’absence de justification de l’envoi de l’offre par voie postale, celle-ci ayant renoncé à l’article L. 312-2 du code de la consommation dans l’acte notarié. Il fait siens les motifs du jugement ayant écarté les autres griefs et conclut au rejet de toute autre demande, faisant notamment valoir concernant le grief tiré de la non prise en compte de la rémunération de la société de CGP qu’il n’a jamais érigé en condition d’octroi du prêt ni le recours à un CGP, ni le paiement de sa rémunération.
Par conclusions de leur avocat du 17 novembre 2016, les époux X. et la société E. demandent à la Cour de :
« - I Sur l’incident
- DEBOUTER le Crédit Agricole de ses demandes de rejet de pièces ;
- ORDONNER en revanche le retrait des débats des pièces du Crédit Agricole dénommées PJ Appel - exPJ13, pièces appels 3, 4, 9-1 à 9-5, 10, 22, 23-2 et 23-4 ;
II - Sur les demandes au fond
- CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :
* prononcé la nullité des prêts immobiliers n°86420382498 consenti par le Crédit Agricole aux époux X. et de tous ses accessoires en ce compris le contrat d’assurance-décès ;
* condamné le Crédit Agricole à payer aux époux X. la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
* condamné le Crédit Agricole à supporter les frais de nantissement résultant de l’annulation du prêt ;
* condamné le Crédit Agricole au paiement des frais irrépétibles et dépens ;
- INFIRMER le jugement en ce qu’il a :
* débouté les époux X. du surplus de leurs demandes ;
* rejeté la demande de délais de paiement des époux X. ;
Ce faisant, statuant à nouveau :
A titre principal :
- DIRE et JUGER que les époux X. et la société E. ont été démarchés ;
- DIRE et JUGER que les règles régissant le démarchage bancaire et financier ont été violées ;
- PRONONCER en conséquence la nullité du crédit souscrit par les époux X. et la société E. ;
A titre subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à la demande de nullité pour démarchage ou si le prononcé de la nullité laissait la perte de change à la charge de l’emprunteur ;
- DIRE et JUGER que les crédits sont en outre irréguliers en ce qu’ils emportent une obligation de remboursement en francs suisses ;
- PRONONCER derechef la nullité des crédit souscrit par les époux X. et la société E. ;
A titre toujours plus subsidiaire :
- DIRE et JUGER que la banque a violé les termes des prêts et a fait montre de mauvaise foi ;
- ORDONNER en conséquence la résolution des prêts litigieux aux torts exclusifs du Crédit Agricole ;
En toute hypothèse, dès lors que l’anéantissement des prêts est prononcé,
- DIRE ET JUGER que le Crédit Agricole n’est plus autorisé, à compter du 10 septembre 2015, à percevoir d’intérêts conventionnels ni de commission de change au titre du crédit conclu avec les époux X. et la Société E. ;
ORDONNER la restitution de l’intégralité des sommes versées par les époux X. au Crédit Agricole, à savoir la somme à parfaire à savoir la somme de 876.224,95 euros, selon décompte arrêté au 10 septembre 2015 pour les époux X. et la somme de 97.066,73 euros, selon décompte arrêté au 31 décembre 2014 pour la société E..
- DIRE et JUGER que le Crédit Agricole supportera seul la perte de change,
- DIRE et JUGER de manière générale que les emprunteurs ne seront le cas échéant débiteurs que de la seule différence entre les sommes débloquées en euros à leur profit lors de la mise en place du prêt, à savoir 1.740.500 euros et 920.000, et tout règlement effectué par ces derniers au titre des prêts et de leurs accessoires, à charge pour la société de crédit de justifier préalablement auprès des débiteurs des éléments de ce calcul,
- DIRE et JUGER en outre que le Crédit Agricole a commis des fautes en prenant part au démarchage subi par les époux X. et la société E. et en mettant en place un prêt dont il ne pouvait ignorer les vices ;
Ce faisant et en conséquence,
- DIRE et JUGER que le Crédit Agricole est déchu de son droit à obtenir restitution du capital en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
- CONDAMNER sinon le Crédit Agricole à verser une indemnité aux époux X. et à la société E. au titre du préjudice matériel comme moral égale au montant du capital emprunté, à savoir la somme de 1.740.500 euros pour les époux X. et la somme de 920.000 euros pour la société E. ;
- DIRE et JUGER en conséquence que les époux X. et la société E. ne sont plus débiteurs ni du capital emprunté, ni des intérêts ou commissions de change ;
Subsidiairement, si après compensation des créances réciproques. il existe un solde en faveur du Crédit Agricole ;
- DIRE ET JUGER que les époux X. et la société E. rembourseront le solde en faveur du Crédit Agricole au terme d’un moratoire de deux ans, ou à tout le moins jusqu’à la date d’échéance du prêt de 865.000 euros ;
A titre infiniment subsidiaire, si l’anéantissement des prêts n’était pas ordonné.
- DIRE et JUGER que le Crédit Agricole est responsable du défaut d’information, de classification du client, de proposition d’opérations adaptées, d’information sur les risques liés à un emprunt en devises étrangères et sur la variabilité du taux et de mise en garde envers les époux X. et la société E. lors de la souscription de leurs emprunt ;
- DIRE et JUGER en conséquence que le Crédit Agricole a commis des fautes qui ont causé la perte de change ;
- CONDAMNER le Crédit Agricole à verser une indemnité, de sorte que la perte de change soit intégralement supportée par lui et que les époux X. et la société E. ne restent débiteurs que du capital originellement prêté ; à savoir 1.740.500 euros et 920.000 euros ;
- CONDAMNER Crédit Agricole à verser au titre de la perte de change la somme de 185.212,35 euros aux époux X. au titre des prêts 86409386701, 86412277602 et 86409385691 et la somme de 109.321 euros à la société E. au titre du prêt 86409363648 ;
- CONDAMNER le Crédit Agricole à verser la somme de 174.000 euros aux époux X. et 92.000 euros à la société E., au titre des dommages-intérêts relativement à l’assurance décès invalidité ;
- DIRE et JUGER en outre que les crédits violent les dispositions légales impératives du Code de la consommation ;
-PRONONCER en conséquence la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Agricole pour les prêts ci-avant énoncés sans pour autant faire application de l’intérêt légal ;
- CONDAMNER en conséquence le Crédit Agricole à rembourser aux époux X. la somme de 224.607,85 euros correspondant aux intérêts conventionnels indûment versés, au 10 septembre 2015 ;
- CONDAMNER par ailleurs le Crédit Agricole à rembourser à la société E. la somme de 97.066 euros correspondant aux intérêts conventionnels indûment versés au 31 décembre 2014 ;
- DIRE ET JUGER que le Crédit Agricole ne sera plus autorisé à compter du 10 septembre 2015 et pour l’avenir à percevoir d’intérêts conventionnels au titre du crédit conclu avec les époux X. et la société E. ;
En toutes hypothèses :
CONDAMNER le Crédit Agricole à verser au demandeur la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER le Crédit Agricole aux entiers dépens de première instance et d’appel ».
A titre liminaire, les intimés affirment que la banque, véritable partenaire du promoteur et du CGP, a fait signer des conventions de partenariat exclusif à ces derniers auxquels elle a adressé ses propositions de crédit comprenant une formule de prêt en francs suisses ; les CGP contactaient les clients qui étaient alors souvent invités à des réunions dont le principe était connu du Crédit Agricole et auquel il était susceptible de participer ; le CGP se déplaçait ensuite au domicile ou sur le lieu de travail du client pour le convaincre sans mentionner de risque de perte de change et en cas d’écho favorable, adressait une fiche de liaison au Crédit Agricole, ensuite de quoi une nouvelle visite chez le prospect était fixée au cours de laquelle le CGP était souvent accompagné d’un membre du Crédit Agricole ; l’offre de prêt était alors envoyée par voie postale ; une fois le prêt signé, la banque versait des commissions au CGP ou percevait des rétro-commissions quand elle désignait le client à approcher au CGP.
En ce qui concerne la demande visant à ordonner le retrait de pièces et de conclusions, les intimés font valoir sur le secret bancaire :
- que les articles L. 511-33 et L. 511-12 du CMF issus de la loi du 6 août 2008 ne sont applicables qu’aux informations transmises ou recueillies avant son entrée en vigueur et qu’antérieurement à cette loi, seule la banque et ses salariés étaient débiteurs du secret professionnel ;
- que même à appliquer rétroactivement cette loi, la banque n’a ni conclu, ni exécuté, ni négocié d’opérations de crédit avec les CGP si bien qu’elle ne peut invoquer le secret bancaire partagé ;
- qu’au surplus, le bénéficiaire du partage d’informations n’est soumis qu’à une obligation civile de confidentialité ;
- qu’en vertu du dernier alinéa de l’article L. 511-33 du CMF, la banque aurait dû obtenir le consentement exprès de ses clients pour partager avec une société de CGP des informations les concernant. A défaut, elle a violé le secret professionnel et que les CGP ne peuvent être considérés comme dépositaires de ce secret ;
- que le secret professionnel du banquier a été institué aux seules fins de protéger le client de sorte que celui-ci peut le lever non seulement pour les procédures auxquelles il est partie mais pour celles auxquelles il n’est pas partie. En l’espèce, l’ensemble des demandeurs dont les noms sont cités dans les pièces dites communes ont expressément levé le secret bancaire les concernant et autorisé l’utilisation des pièces les intéressant par les autres demandeurs ;
- que ne peuvent être considérées comme confidentielles que des informations présentant un caractère suffisamment précis de nature à porter atteinte au secret des affaires ou à l’intimité de la vie privée. Tel n’est pas le cas d’un certain nombre de mails versés aux débats et, en tout état de cause, le fait d’avoir supprimé tout élément d’identification des personnes concernées protège celles-ci contre tout grief de violation du secret.
Ils relèvent sur le secret des correspondances que la violation de celui-ci suppose la démonstration de l’obtention frauduleuse des pièces alors qu’en l’espèce, les correspondances produites ont été obtenues de façon licite.
Ils observent qu’une seule des sommations interpellatives versées a été fructueuse et qu’elle ne contient aucune information couverte par le secret bancaire concernant un tiers autre que le requérant, lequel a levé le secret.
Ils se prévalent de l’existence d’atteintes licites aux secrets en ce :
- que le secret bancaire n’est pas absolu et qu’une atteinte au secret professionnel, dont fait partie le secret bancaire, et à la vie privée peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts, dont celle des droits de la défense si l’atteinte reste proportionnée au but recherché, le secret professionnel, hormis celui du notaire ou de l’avocat, s’éclipsant en vertu du droit à la preuve ;
- que de même, le droit à la preuve justifie une atteinte aux droits de la personnalité et, plus particulièrement, une atteinte à la vie privée et au secret des correspondances sous réserve de la proportionnalité et que les preuves n’aient pas été obtenues au moyen d’une infraction pénale ;
- que les pièces litigieuses s’avèrent essentielles au triomphe de leurs prétentions en ce qu’elles démontrent que les IOB du Crédit Agricole s’adonnaient de manière systématique à du démarchage, que le Crédit Agricole n’ignorait pas les actes de démarchage illicites réalisés par ses IOB, était en étroite relation avec ces derniers et participait activement à ses actes.
Ainsi ils s’opposent à la demande de retrait en reprochant au Crédit Agricole d’avoir lui-même versé des pièces relatives à des emprunteurs non parties aux procédures pendantes devant la Cour ou tiers au présent litige.
En ce qui concerne les liens juridiques unissant les différentes personnes intervenues dans la souscription des crédits, les intimés font d’abord valoir que le crédit a été souscrit via une société de CGP, qui est intervenue en qualité d’IOB. Ils prétendent qu’avant la loi du 22 octobre 2010, postérieure à l’espèce, l’IOB agissait exclusivement en qualité de mandataire de l’établissement de crédit, ce mandat ne s’appréciant pas au sens de l’article 1984 du code civil mais étant un mandat imparfait correspondant à l’accomplissement d’actes matériels, et qu’en l’occurrence, le Crédit Agricole était bien lié à la société de CGP par un contrat de mandat comme en témoigne la convention versée aux débats. Ils ajoutent que dans les rares cas où une convention a été signée entre le CGP et l’investisseur, elle n’a porté que sur la recherche d’un investissement et non d’un financement de sorte que lorsque le CGP proposait des crédits, il agissait comme mandataire de la banque.
Ils déduisent du mandat liant la banque et l’IOB le fait que la banque est responsable comme mandante des fautes commises par le mandataire, qu’elle a l’obligation de contrôler l’IOB en application du règlement 97-02 du 21 février 1997 s’agissant d’une prestation externalisée et qu’elle est responsable en vertu de l’article 1384 alinéa premier du code civil des fautes commises par ce dernier. Ils prétendent que cette responsabilité est confirmée par l’article L. 519-3-4 du CMF issu de la réforme de 2010 et invoquent encore l’article L. 311-51 du code de la consommation.
En ce qui concerne le démarchage, les intimés indiquent se fonder sur l’article L. 341-1 alinéa 7 du CMF dont ils soulignent qu’il n’exige pas l’absence de sollicitation, le critère du lieu de réalisation de l’acte étant suffisant, ni que le démarcheur obtienne ou non un accord, la simple intention permettant de soumettre le démarcheur à la législation.
Ils relèvent que l’existence d’une convention antérieurement conclue entre le CGP et l’investisseur est sans incidence sur la qualification de démarchage bancaire dès lors que, notamment, l’article L. 341-2 du CMF énonçant exclusivement les cas où les règles sur le démarchage ne s’appliquent pas n’évoque pas l’hypothèse de l’existence d’une convention signée en amont entre le démarcheur et le démarché et que l’article L. 341-1 alinéa 7 susvisé prévoit qu’il importe peu que la personne démarchée ait sollicité le démarchage. Ils affirment d’ailleurs que les époux X. n’ont jamais conclu expressément ou tacitement une convention préalablement au démarchage dont ils ont fait l’objet.
Ils soutiennent que le démarchage est avéré en ce que le Crédit Agricole et le CGP ont appelé M. X. pour lui proposer un crédit en francs suisses sans qu’il en ait fait la demande, que la prise de contact s’est réalisée dans des lieux inadaptés à la commercialisation d’un crédit, que le CGP a été souvent accompagné dans ses démarches par des salariés de la banque, lesquels se sont ensuite déplacés dans ses locaux, et qu’ainsi, l’ensemble des crédits ont été proposés à l’occasion de déplacements physiques du gérant de la société de CGP et de représentants du Crédit Agricole dans les locaux professionnels de M. X.. Ils en veulent notamment pour preuve les attestations de M. L. en rappelant que les règles prescrites par l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, que les attestations émanent de la personne la plus habilitée pour témoigner et qu’elles sont confirmées par de nombreuses autres pièces. Ils critiquent le jugement en ce qu’il a écarté le démarchage pour les prêts n° 141874 et 154751 au motif que M. X. avait sollicité la banque en faisant valoir que selon le texte invoqué, la personne à l’initiative de la démarche n’importe pas.
Ils prétendent que les règles applicables au démarchage ont été violées en ce :
- que la personne qui a procédé au démarchage n’était pas habilitée à y procéder par application des articles L. 341-3 et L. 341-1 du CMF dès lors qu’il en résulte que le conseiller en investissement financier, CIF, ne peut réaliser un démarchage que pour une prestation de conseil et investissement ;
- que cette personne n’avait pas de mandat alors qu’en application des articles L. 519-5 et L. 341-4 du CMF, le Crédit Agricole avait l’obligation de lui faire signer un mandat nominatif autorisant le démarchage ;
- que l’IOB n’avait pas de carte contrairement aux articles L. 353-1 1° et L. 341-8 du CMF, peu important à cet égard que l’IOB n’ait pas été assigné puisque notamment, l’obligation de délivrer une carte est à la charge de la banque ;
- que l’IOB n’a pas été enregistré en qualité de démarcheur en violation de l’article L. 341-6 du CMF alors en vigueur ;
- qu’il n’y a pas eu de communication par les salariés du Crédit Agricole de leur carte et numéro de démarchage, les intimés soutenant que le Crédit Agricole ne produit pas de document probant justifiant de l’enregistrement des démarcheurs ;
- qu’il y a eu non-respect de l’obligation d’informer l’investisseur et de le mettre en garde résultant de l’article L. 341-11 du CMF ;
- qu’il n’y a pas eu non plus d’écrit informatif comportant les données prévues aux articles L. 341-12 et R 341-16 du CMF qui sont applicables aux prêts ;
- que le seul bordereau de rétractation adressé était irrégulier ;
- que le démarchage était interdit en vertu de l’article L. 341-10 du CMF ; il s’agit d’abord d’un produit dont le risque n’est pas connu au moment de la souscription ; un prêt est un produit, la perte de change entre l’euros et le franc suisse est indéterminée à l’avance à défaut de couverture de change et le risque de taux n’est pas déterminable non plus à défaut de plafond. Il s’agit ensuite d’un produit pour lequel le risque de perte peut être supérieur au montant de l’apport initial ; le risque de change maximum étant inconnu, il est potentiellement supérieur à l’apport en fonds propres et au montant de l’emprunt.
Ils soutiennent que les règles sur le démarchage sont de nature mixte, visant à la fois à garantir le consentement de l’emprunteur mais également à protéger l’ordre public et financier, et que les conventions conclues à la suite de démarchages prohibés sont nulles comme contraires à l’ordre public de direction, ce dont il suit qu’il s’agit d’une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de l’article 2262 du code civil alors en vigueur. Ils en déduisent que la recherche d’un vice du consentement est inutile.
S’agissant des restitutions liées à la nullité, ils font valoir que les restitutions doivent avoir lieu en euros et non en francs suisses.
A cet effet, ils prétendent que le contrat libellé en monnaie étrangère s’analyse comme un prêt avec une clause d’indexation déguisée, s’agissant du recours à une monnaie étrangère dans un contrat interne pour faire évoluer la dette du débiteur. Ils contestent la distinction prêt libellé en devise/prêt indexé sur une monnaie étrangère et soutiennent que la jurisprudence applique les règles relatives aux clauses d’indexation quand le montant du prêt est représenté par la contrevaleur en devise de la somme en euros. Ils contestent aussi l’affirmation suivant laquelle le taux d’intérêt révisable du franc suisse serait incompatible avec une clause d’indexation.
Ils font valoir que la nullité du contrat entraîne la nullité de la clause d’indexation qu’il contient sans que la banque puisse invoquer subir la perte de change puisque cette moins-value lui est imputable et que la dépréciation d’une monnaie est comparable à celle due à la vétusté qui n’ouvre pas droit à compensation pour celui qui récupère le bien.
Quand bien même l’objet du contrat serait le franc suisse, ils s’opposent à une restitution dans cette monnaie au motif que le Crédit Agricole leur a versé des euros conformément à ce qui était prévu dans le prêt de telle sorte que le prêt et l’opération de change procèdent d’une même opération et sont indivisibles, ce qui les soumet à un régime unique, l’engagement de conversion liant l’emprunteur à la banque sans intervention d’un tiers.
Ils relèvent encore que l’obligation de restitution ne peut porter que sur les sommes mises à disposition.
Invoquant la jurisprudence suivant laquelle en versant des fonds empruntés à des emprunteurs en vertu d’un prêt dont elle ne pouvait, en sa qualité d’organisme financier professionnel, ignorer la nullité, la banque commet une faute la privant de sa créance de restitution, ils se prévalent de la perte du droit à restitution de la banque aux motifs ;
- qu’elle a laissé ses IOB démarcher illicitement les investisseurs, la convention de partenariat n’interdisant pas toute forme de démarchage, étant inopposable à l’emprunteur et ne dispensant la banque de veiller à son application ;
- qu’elle ne contrôlait pas suffisamment ses IOB ;
- qu’elle répond des fautes de son IOB en sa qualité de mandant et au titre de la responsabilité pour autrui ;
- qu’elle répond du fait de ses démarcheurs en vertu de l’article L. 341-4 du CMF ;
- qu’elle s’est livrée elle-même à des actes de démarchage illicites ;
- qu’elle a agi comme partenaire économique des CGP.
Ils prétendent que ces fautes font perdre à la banque le droit à obtenir restitution des sommes empruntées en vertu de l’adage nemo auditur et qu’en tout état de cause, elles emportent réparation du préjudice en résultant par l’octroi de dommages et intérêts égaux au montant du capital emprunté, outre le préjudice moral lié à l’inquiétude d’être livré aux mouvements de change des devises et celui financier de n’avoir plus réalisé d’investissement.
Ils sollicitent à défaut un délai de deux ans pour s’acquitter du capital laissé à leur charge afin de leur permettre de chercher un nouveau financement pour le régler.
A titre subsidiaire, les intimés invoquent l’irrégularité de la clause stipulant un remboursement en francs suisses.
Ils font valoir que selon la lettre de l’offre, le franc suisse constitue la monnaie de paiement des obligations du prêteur et des emprunteurs, qu’un compte en devises des emprunteurs est prévu et que ceux-ci percevant leurs revenus en euros, une opération de change est systématiquement réalisée à chaque échéance si bien qu’ils n’ont pas le choix de payer en euros, ce qu’aurait reconnu le Crédit Agricole en première instance. Ils se prévalent aussi des compensations que peut faire la banque entre les comptes en devises et en euros. Ils contestent à nouveau la qualification de prêt en devise invoquée par le Crédit Agricole, ajoutant qu’une telle qualification serait sans effet sur la prohibition d’un contrat interne avec paiement obligé en devise étrangère.
Ils s’opposent à la prescription de cette demande au motif que l’assignation en nullité du prêt date de 2012, que l’effet interruptif de prescription est attaché à la demande et non au moyen et que l’interruption de la prescription peut s’étendre d’une demande ou action à une autre pourvu qu’elles tendent au même but.
A titre plus subsidiaire, les intimés arguent du caractère abusif des prêts en francs suisses en ce :
- que plusieurs clauses sont abusives faute d’être intelligibles, c’est-à-dire présentées de manière claire et compréhensible (objet du crédit, clause d’indexation déguisée, durée du prêt, nature du taux, taux appliqué) ;
- qu’elles créent un déséquilibre significatif par le pouvoir unilatéral de la banque (taux d’intérêt appliqué, commissions de change) ;
- qu’elles créent un déséquilibre significatif à raison du caractère illicite de la clause obligeant l’emprunteur à un remboursement en francs suisses ;
- qu’elles créent un déséquilibre significatif sur le risque de change.
Ils font valoir que la clause d’indexation, de même que celles relatives à la fixation de l’intérêt et du risque de change ne constituent pas l’objet principal du contrat.
Ils considèrent que les clause d’indexation et d’intérêt leur sont dès lors inopposables sans rendre le contrat nul, ce dont il résulte qu’ils ne sont plus débiteurs que du capital emprunté et doivent être déchargés de l’intérêt conventionnel, sans que l’intérêt légal puisse s’y substituer, sauf à priver d’effet la sanction car il est supérieur à l’intérêt conventionnel.
Ils s’opposent à l’irrecevabilité de la demande pour cause de prescription en arguant qu’une demande tendant à faire constater le caractère abusif d’une clause n’est soumise à aucun délai de prescription et que si la sanction de la clause abusive est la nullité, la prescription a été interrompue par l’assignation, s’agissant d’une nullité absolue. Ils contestent également le caractère nouveau de la demande, faisant valoir que la finalité des moyens est la même, à savoir la décharge du fardeau lié à l’appréciation du franc suisse.
A titre plus subsidiaire, ils invoquent le caractère indéterminé et purement potestatif de certaines clauses ; la clause relative au taux d’intérêt qui ne précise pas l’indice de référence et s’avère confuse sur le caractère variable ou fixe du taux et celle sur l’indexation liée au franc suisse faute d’indication sur le cours de change pris en référence lors du déblocage et à chaque échéance de remboursement. Cette indétermination heurte l’exigence de prévisibilité contractuelle résultant de l’article 1907 du code civil et laisse la banque compléter les clauses lacunaires selon sa seule volonté, en contravention de l’article 1174 du code civil, qui s’applique même si l’obligation n’est pas affectée d’une condition ou si elle est au pouvoir du créancier, et du principe de bonne foi contractuelle fondé sur l’article 1134 du code civil. Ils en déduisent que ces clauses sont nulles, ajoutant que la prétention n’est pas nouvelle puisqu’il était déjà demandé en première instance la nullité du prêt et la décharge de la perte de change lié à l’appréciation du franc suisse.
Toujours à titre plus subsidiaire, les intimés invoquent, pour solliciter la résolution du prêt, l’inexécution des termes du contrat et la mauvaise foi du prêteur ;
- au moment du déblocage des fonds en ce que le taux de change est au-delà des plus hauts de la journée ;
- au moment de chaque remboursement en ce que la date de valeur d’échéance a été modifiée, la banque a fixé un taux de change supérieur à ceux résultant des marchés et a appliqué un taux qui n’est pas celui contractuellement fixé, en refusant d’appliquer les taux négatifs.
Ils estiment que ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat.
Ils arguent de la recevabilité de cette demande aux motifs qu’elle tend, comme l’action en nullité, à mettre le contrat à néant et qu’ils n’ont pris connaissance des manquements de la banque que par le rapport d’expertise qu’ils ont fait diligenter, ce qui s’oppose à toute prescription.
A titre encore plus subsidiaire, les intimés se prévalent d’un défaut d’information et de mise en garde imputable à la banque qui justifie que la perte de change soit supportée par le Crédit Agricole.
Ils font valoir à cet égard que l’emprunt en cause est hautement spéculatif car son coût est imprévisible et comporte de multiples risques.
Ils soutiennent que ce faisant, le Crédit Agricole leur a fourni un service relatif à un instrument financier au sens de l’article L. 321-1 du CMF. Ils déduisent de la directive 2004/39 CE, des articles L. 211-1 du CMF et D. 211-1 A du code que les instruments financiers comprennent les contrats à terme ferme et les contrats d’échange relatif à des devises. Et ils prétendent que le crédit constitue un contrat à terme ferme car il existe un décalage temporel entre la date de réalisation de l’opération et les dates successives de son exécution ainsi qu’un contrat d’échange car le Crédit Agricole a remis un capital en euros qui est remboursé en francs suisses. Ils prétendent en outre que la banque a bien exécuté un service financier en exécutant une opération de change initiale suivie d’autres.
Ils arguent de la violation par le Crédit Agricole des règles de conduite du prestataire de services financiers :
- en ne classifiant pas ses clients ;
- en ne s’enquérant pas de la connaissance de ses clients ;
- en ne leur proposant pas une opération adaptée à leurs besoins.
Ils reprochent également au Crédit Agricole des manquements aux obligations à la charge des organismes dispensateurs de crédit, à savoir ; l’obligation d’information prévue par l’article L. 533-4-5° du CMF et l’article L. 314-11 du règlement général AMF et celle à la charge de tout dispensateur de crédit, que l’emprunteur soit profane ou averti ; l’obligation de mise en garde due par tout prestataire de service d’investissement et le devoir de mise en garde du banquier fréquemment rappelé par la jurisprudence en vertu desquels un crédit en francs suisses impose un devoir d’alerte sans qu’il importe que l’emprunteur soit profane ou averti.
Ils invoquent que les manquements de la banque sont d’autant plus graves qu’ils ne sont pas des emprunteurs avertis, cette qualité ne pouvant se déduire ni de l’étendue de leur patrimoine, ni de la nature de l’opération, ni de l’intervention de M. L. alors que le Crédit Agricole ne leur a pas proposé de crédit en euros et n’a pas dispensé d’informations sur les risques. Ils estiment que les informations délivrées dans l’offre ne constituent pas l’information personnalisée et le conseil adapté requis, ni les mises en garde nécessaires. Ils contestent avoir reçu des notices pour certains prêts et font valoir que celles-ci sont en tout état de cause sans portée car déroulant une information standardisée, ne mettant pas en lumière tous les aléas inhérents à l’opération, soulignant en revanche les aspects bénéfiques de celle-ci sans évoquer les risques propres à un crédit en francs suisses. Ils font également grief au Crédit Agricole de leur avoir proposé une assurance groupe décès invalidité ne couvrant pas le risque de change, ce qui leur cause un préjudice d’anxiété face au risque de devoir supporter la perte de change tout en étant invalides ou de la léguer à leurs ayants-droit, préjudice qu’ils évaluent à 10% du capital emprunté. Ils estiment que cette demande est recevable en ce qu’elle tend aux mêmes fins que les demandes initiales.
Ils font valoir que si les fautes n’avaient pas été commises, ils n’auraient pas souscrit un crédit en francs suisses et en déduisent que leur préjudice correspond à la perte de change liée à l’échange de devises. La banque doit donc les indemniser de la différence entre le capital à rembourser au terme du prêt et celui qui aurait été remboursé si l’emprunt avait été souscrit en euros de sorte que leur remboursement sera limité au capital emprunté en euros.
Toujours à titre plus subsidiaire, les intimés font valoir que les offres, sauf le crédit n° 127127, sont soumises aux dispositions du code de la consommation à raison de leur objet ou de leur soumission volontaire à celles-ci, et qu’en violation de ces règles, il n’est pas justifié de l’envoi de l’offre par voie postale et de son acceptation par courrier pour certains prêts, ni du respect du délai de réflexion de 10 jours ou de 30 jours pour certains prêts ; les offres ne comprennent pas toujours un objet du crédit intelligible, font état pour certaine d’un coût des assurances erroné, mentionnent parfois une somme due au titre des frais de dossier sans permettre à l’emprunteur d’en déterminer l’objet, indiquent un TEG n’intégrant pas les commissions de change, ni la rémunération du CGP et calculé sur la base d’une année de 360 jours au lieu de 365 et incluent un coût du crédit minoré, voire ne l’indiquent pas pour l’une d’entre elles. Ils arguent encore que les offres auraient dû être accompagnées d’une notice présentant les conditions et modalités de variations du taux et que la banque a manqué à son obligation de les informer annuellement sur le montant du capital à rembourser. Ils se plaignent de l’absence d’avenant pour certains crédits. Ils soutiennent que la non-conformité de l’offre est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et qu’en l’espèce, chacun des manquements justifie à lui seul la déchéance des intérêts contractuels.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
Aux termes de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Selon l’article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé.
Il résulte de manière constante de ces dispositions qui organisent le principe dispositif que le juge est tenu d’examiner les demandes dans l’ordre fixé par les parties.
Toutefois, cette règle suppose que les demandes principale et subsidiaire soient distinctes. La prétention correspond à ce qui est réclamé par une partie et se différencie des moyens qui sont les éléments de fait et de droit venant au soutien de la prétention. S’agissant d’une seule et même prétention formée par une partie, le juge qui, en vertu de l’article 12 du code de procédure civile, tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, peut apprécier les moyens qui sont développés pour étayer la prétention sans être tenu par leur ordre de présentation dès lors que les moyens ainsi présentés, même hiérarchisés, tendent exactement et directement au même but.
En l’espèce, les intimés sollicitent à titre principal le prononcé de la nullité des prêts pour violation des règles sur le démarchage bancaire et financier puis demandent à la Cour, à titre subsidiaire, de la prononcer en raison de l’illicéité des prêts résultant de l’obligation de remboursement en francs suisses. Ce faisant, ils forment une seule et même prétention d’annulation des contrats qui est fondée sur des moyens distincts visant directement le même objectif d’annulation. Partant, la Cour examinera d’abord la prétention en ce qu’elle est fondée sur l’existence d’une obligation de paiement en monnaie étrangère, d’autant plus que la nullité d’une telle clause doit être relevée d’office par le juge. Cela suppose de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par le Crédit Agricole avant d’apprécier le mérite du moyen en cas de rejet de la fin de non-recevoir.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité des prêts fondées sur l’obligation de remboursement en francs suisses :
Le moyen tiré de la prescription est soulevé par le Crédit Agricole pour six prêts, c’est-à-dire pour les cinq prêts accordés aux époux X. et pour le premier des prêts accordés à la société E.
Sous l’empire de la loi antérieure à celle du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions en nullité des actes mixtes relevaient de la prescription décennale prévue par l’article L. 110-4-I du code de commerce si elles n’étaient pas soumises à des prescriptions plus courtes.
Ce délai de prescription s’appliquait aux demandes en nullité absolue.
Il a été réduit à cinq ans par la loi précitée du 17 juin 2008.
L’article 26 II de cette loi prévoit que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, les prêts litigieux conclus entre le Crédit Agricole et les intimés sont des actes mixtes. Le délai de prescription a commencé à courir à compter de la date de conclusion de chacun des prêts. S’agissant des prêts consentis aux époux X. et du premier prêt accordé à la société E. qui ont tous été conclus avant la loi précitée, le délai de 10 ans n’était pas expiré au jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008, de telle sorte que le nouveau délai de cinq ans a alors couru pour se terminer le 19 juin 2013, la durée totale n’ayant pas excédé la durée de dix ans prévue par la loi ancienne. Ainsi, pour ces prêts, la demande devait être formée au plus tard le 19 juin 2013.
Selon l’article 2241 alinéa premier du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
L’effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s’étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet. Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but.
En l’espèce, les époux X. et la société E. ont, le 27 janvier 2012, assigné le Crédit Agricole en nullité de tous les prêts en se prévalant de l’illicéité du démarchage puis, par des conclusions déposées le 3 avril 2014, ont également demandé au tribunal de prononcer la nullité des prêts au motif de l’obligation de remboursement en francs suisses.
Comme déjà indiqué, il s’agit d’une seule et même prétention d’annulation des prêts. En effet, l’objet des demandes est identique : il s’agit d’obtenir le prononcé de la nullité des prêts, les époux X. et la société E. ayant simplement, par leurs conclusions déposées le 3 avril 2014, invoqué des moyens supplémentaires afin d’étayer leur prétention. Par suite, l’assignation du 27 janvier 2012 a interrompu la prescription des demandes en nullité des prêts en ce qu’elles sont fondées sur l’obligation de remboursement en francs suisses.
En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes.
Sur le fond des demandes de nullité des prêts tirées de l’obligation de remboursement en francs suisses :
Dans les contrats internes, la clause obligeant le débiteur à payer en monnaie étrangère est nulle et de nullité absolue car portant atteinte au cours légal de la monnaie.
En l’espèce, il est constant que les contrats litigieux sont des contrats internes, s’agissant de prêts conclus entre des parties toutes domiciliées en France, destinés à financer des opérations faites en France, dont les capitaux prêtés étaient mis à disposition en France et dont les remboursements devaient s’effectuer également dans ce pays.
Selon chacune des offres, le crédit, désigné sous l’intitulé « opération devise MLT », portait sur la contre-valeur en francs suisses d’une certaine somme en euros et était remboursable par des échéances égales à la contre-valeur en francs suisses de certaines sommes en euros.
Les offres relatives aux trois premiers prêts souscrits par les époux X. et le contrat du premier prêt souscrit par la société E. indiquaient au titre des conditions de remboursement le montant des échéances comme correspondant à la contre-valeur en francs suisses de sommes en euros.
Les offres relatives aux deux derniers prêts souscrits par les époux X. portaient également cette indication mais stipulaient en outre :
* au titre de la réalisation : le montant de la devise figurant dans l’offre sera vendu sur le marché des changes au cours du jour de la réalisation. Sa contre-valeur en euros sera portée au crédit du compte en euros de l’emprunteur ou au nom du notaire chargé d’authentifier le présent acte, deux jours ouvrés après cette cession conformément aux usages bancaires ;
* au titre du remboursement : les remboursements s’effectueront dans la devise figurant dans l’offre :
- par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l’emprunteur.
L’approvisionnement du compte en devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date d’échéance.
- ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l’emprunteur.
Il supportera donc intégralement en cas d’achat de devises au comptant ou à terme le risque de change.
Si le compte en euros n’est pas suffisamment approvisionné pour permettre l’achat de devises, le prêteur transformera le montant de l’échéance en euros au cours du jour de l’échéance. Cette créance en euros produira un intérêt de retard au taux contractuel majoré de trois points, jusqu’à complet remboursement.
* au titre du remboursement anticipé ; les remboursements anticipés s’effectueront dans la devise figurant dans l’offre :
- par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l’emprunteur.
L’approvisionnement du compte en devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date de remboursement anticipé.
- ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l’emprunteur.
Il supportera donc intégralement en cas d’achat de devises au comptant ou à terme le risque de change.
Le second contrat de prêt consenti à la société E. stipulait pour sa part ;
* au titre de la réalisation :
Le montant de la devise figurant dans l’offre sera vendu sur le marché des changes au cours du jour de la réalisation. Sa contrevaleur en EUR sera portée au crédit du compte en EUR de l’Emprunteur ou au nom du notaire chargé d’authentifier le présent acte, deux jours ouvrés après cette cession, conformément aux usages bancaires ;
* au titre du remboursement du capital :
L’EMPRUNTEUR s’oblige à rembourser au le présent prêt selon les modalités prévues aux conditions particulières. Le remboursement s’opérera à chaque échéance par l’achat de devises au comptant sur le marché des changes ; le PRETEUR porte alors la contre-valeur en euros au débit du compte de l’EMPRUNTEUR. Le cours de change est celui de la devise concernée deux jours ouvrés de bourse avant la date de l’échéance (délai de mise à disposition des devises sur le marché des changes) ;
* au titre du remboursement anticipé :
Les remboursements anticipés s’effectueront dans la devise figurant dans l’offre ;
- Par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en Devises de l’Emprunteur.
L’approvisionnement du compte en Devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date de remboursement anticipé.
- Ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en EUR de l’Emprunteur.
Il supportera donc intégralement en cas d’achat de devises au comptant ou à terme, le risque de change ;
* au titre des dispositions particulières :
Il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l’EMPRUNTEUR, conformément aux dispositions de la réglementation des changes et qu’en conséquence le présent prêt ne pourra faire l’objet d’une couverture de risque de change par achat à terme par l’EMPRUNTEUR, du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l’autorise. Il reconnaît à cet égard avoir reçu une notice du PRETEUR l’avisant du risque particulier lié à ce type de prêt.
Le PRETEUR donnera suite à tout moment à une demande de remboursement anticipée à condition pour l’EMPRUNTEUR d’acquitter les frais et le coût financier de l’opération, qui ne pourront lui être communiqués que lors de la demande, et pour autant que la réglementation des changes le permette.
Pendant la durée du prêt, l’EMPRUNTEUR pourra demander à l’issue de chaque période que l’emprunt soit converti dans une monnaie étrangère autre que celle initialement choisie, à condition d’en informer le PRETEUR vingt jours avant cette échéance.
Dans l’hypothèse où, à l’issue d’une période, la devise empruntée n’est plus disponible sur le marché international pour une raison quelconque, le PRETEUR en avisera immédiatement l’EMPRUNTEUR, qui l’autorise d’ores et déjà à choisir une autre devise disponible dont les conditions d’emprunt sont les plus proches de la devise initialement empruntée.
Le PRETEUR établira tout compte-rendu requis par la réglementation des changes destinée à la Direction du Trésor.
Il résulte de l’ensemble des offres et contrats que les échéances des prêts portaient non sur des sommes en euros mais sur la contre-valeur en francs suisses d’une certaine somme d’argent en euros.
Les premiers offres et contrat se bornaient à faire état d’échéances égales à la contre-valeur en francs suisses de certaines sommes en euros. Mais les parties décrivent le mécanisme de paiement de ces prêts comme identique à celui des autres offres souscrites par les époux X.
Or ces deux dernières offres faites aux époux X. prévoyaient expressément que le remboursement des prêts tant des échéances qu’à titre anticipé devait intervenir en devises étrangères.
Deux modalités étaient à cet égard envisagées : soit l’utilisation des devises figurant au compte en devises ouvert au nom des emprunteurs, soit, à défaut d’un approvisionnement suffisant de ce compte, l’achat des devises par le biais de leur compte en euros. Il suit de là que pour assurer le paiement des échéances, les emprunteurs devaient ou alimenter leur compte en devises, en achetant au besoin par eux-mêmes les devises nécessaires et en les déposant sur ce compte, ou en les faisant acheter par la banque par débit de leur compte en euros. L’acquisition impérative de devises par le biais du compte en euros des emprunteurs faute d’un approvisionnement suffisant de leur compte en devises démontre que les prêts n’étaient remboursables qu’en monnaie étrangère, car si les prêts avaient pu être remboursés en euros, il aurait suffi de débiter le compte en euros des emprunteurs sans que ceux-ci aient à supporter l’achat de devises et l’opération de change correspondante. Les modalités ci-dessus décrites obligeaient ainsi dans tous les cas les emprunteurs à un remboursement en monnaie étrangère dès lors que la seconde imposait un change et faisait peser la charge du change sur ces derniers de sorte que c’est à tort que le Crédit Agricole prétend que la libération intervenait alors en euros.
Au demeurant, la clause selon laquelle, faute d’un approvisionnement suffisant du compte en euros pour permettre l’achat de devises, le prêteur transformera le montant de l’échéance en euros au cours du jour de l’échéance avec application d’un taux contractuel majoré confirme que le contrat obligeait au jour de l’échéance à un remboursement en francs suisses.
Le dernier contrat consenti à la société E., dont la clause intitulée «remboursement du capital» apparaît s’appliquer aussi au remboursement des échéances d’intérêts en raison de la mention y figurant « à chaque échéance » et à défaut de toute stipulation propre au paiement des intérêts, engageait aussi, comme l’a justement retenu le tribunal, la société E. à se libérer en servant des devises étrangères au créancier dans la mesure où le remboursement devait se faire systématiquement par l’achat de devises. Même si le contrat prévoyait que le prêteur portait la contre-valeur en euros au débit du compte de l’emprunteur, le paiement avait bien lieu en devises du fait de l’acquisition imposée de devises pour chaque échéance à la charge de l’emprunteur.
Les courriers du Crédit Agricole relatifs à l’exécution des prêts, du même type pour l’ensemble des contrats souscrits, corroborent l’analyse d’un paiement obligé en francs suisses. En effet, il était indiqué aux emprunteurs que la prochaine échéance en francs suisses serait prélevée à telle date et que tout rapatriement des fonds alimentant cette échéance devrait être fait au plus tard avant telle date sur le compte en devises des emprunteurs. Et les avis de débit du compte en euros des emprunteurs qui sont produits mentionnent un montant libellé en francs suisses pour chaque échéance concernée, avec l’indication d’une contre-valeur en euros suivant le cours de change appliqué, d’une commission de change et d’un net débité en euros égal à la contre-valeur majoré de la commission de change, ce qui prouve que le paiement de l’échéance a été fait en francs suisses puisqu’une opération de change a été effectivement pratiquée et que son coût a été supporté par les emprunteurs.
Il s’évince de ce qui précède que le franc suisse a été utilisé comme monnaie de paiement et que, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, les emprunteurs n’avaient pas le droit de se libérer à leur choix en euros mais devaient impérativement le faire en francs suisses.
La clause espèces étrangères de chacun des prêts litigieux est donc frappée de nullité absolue. Elle a pour effet d’entraîner la nullité de l’ensemble des contrats de prêt car il s’agit d’une clause déterminante des contrats sans laquelle ceux-ci n’auraient pas été conclus. Il convient donc de prononcer la nullité des contrats de prêt.
Sur les conséquences de l’annulation des prêts :
La nullité ayant un effet rétroactif, elle implique de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant l’acte. Elle entraîne donc l’obligation pour chacune des parties de restituer l’intégralité des prestations qu’elle a déjà reçues.
Les contrats de prêt étant nuls en leur ensemble, il n’y a pas lieu de s’attacher pour déterminer la restitution due par les emprunteurs aux stipulations des contrats puisque ceux-ci sont censés n’avoir jamais existé et qu’il ne saurait donc être donné effet à l’une quelconque de leurs clauses. Il suit de là que quand bien même les prêts portent sur la contre-valeur en francs suisses d’une somme en euros selon les contrats, cette circonstance est indifférente au regard du régime des restitutions qui s’apprécie en fonction des prestations reçues de part et d’autre, soit, pour les emprunteurs, compte-tenu de la somme qu’ils ont perçue.
Cette somme correspond aux fonds dont les époux X., d’une part, et la société E., d’autre part, ont concrètement bénéficié de la part du Crédit Agricole, soit ceux qui ont été crédités en leur faveur qui apparaissent avoir été inscrits sur leur compte en euros pour les montants ci-dessous listés. Certes, les avis de mise en place des crédits mentionnent que chacune de ces sommes est la contre-valeur en euros d’une somme en francs suisses par suite d’une opération préalable de change faite par la banque. Mais cette somme en francs suisses ne saurait représenter la mesure de l’obligation de restitution des emprunteurs puisque la mise à disposition des fonds entre les mains des emprunteurs traduite par l’inscription en compte a été faite en euros et que l’obligation de restitution ne porte que sur ce qui a été versé et reçu, soit le quantum des euros perçus respectivement par les époux X. et la société E.
En conséquence, la nullité des prêts oblige les époux X. à payer au Crédit Agricole les sommes de :
- 80.000 euros pour le prêt n° 127618 ;
- 307.500 euros pour le prêt n° 127636 ;
- 120.000 euros pour le prêt n° 141874 ;
- 865.000 euros pour le prêt n°154751 ;
- 368.000 euros pour le prêt n° 210579.
Toutefois, il apparaît que compte tenu de l’arrivée à échéance de certains prêts et du remboursement par anticipation de l’un d’entre eux, les époux X. ont déjà restitué une partie des capitaux prêtés comme il sera détaillé ci-après.
Pour sa part, le Crédit Agricole a perçu des époux X. au titre du :
- prêt n° 127618, la somme totale de 113.949,66 euros au titre des intérêts (13.228,66) et du capital (100.721) ;
- prêt n° 127636 ; la somme totale de 495.333,58 euros au titre des intérêts (57.814,23) et du capital (437.519,35) ;
- prêt n° 141874 ; la somme totale de 171.725,64 euros au titre des intérêts (17.253,64) et du capital (154.472) ;
- prêt n° 154751 ; la somme de 100.337,30 euros au titre des intérêts ;
- prêt n° 210579 ; la somme de 72.024,10 euros au titre des intérêts ;
selon les indications des époux X. qui ne sont ni contestées, ni contredites par les éléments fournis par le Crédit Agricole.
En conséquence, il convient de condamner le Crédit Agricole à restituer aux époux X. ;
au titre du :
- prêt n° 127618, la somme de 113.949,66 euros dont il convient de déduire la somme de 80.000 euros correspondant à la propre créance de restitution du Crédit Agricole que celui-ci a déjà obtenue, soit 33.949,66 euros ;
- prêt n° 127636 : la somme de 495.333,58 euros dont il convient de déduire la somme de 307.500 euros correspondant à la propre créance de restitution du Crédit Agricole qu’il a déjà obtenue, soit 187.833,58 euros ;
- prêt n° 141874 : la somme de 171.725,64 euros dont il convient de déduire la somme de 120.000 euros correspondant à la propre créance de restitution du Crédit Agricole qu’il a déjà obtenue, soit 51.725,64 euros ;
- prêt n° 154751 : la somme de 100.337,30 euros ;
- prêt n° 210579 : la somme de 72.024,10 euros.
La nullité des prêts oblige la société E. à payer au Crédit Agricole les sommes de ;
prêt n°127127 : 250.000 euros, étant précisé que ce prêt ayant déjà été remboursé, le capital a déjà été de fait restitué au Crédit Agricole ;
prêt AM 1139 : 670.000 euros.
Pour sa part, le Crédit Agricole a perçu de la société E. ;
prêt n°127127 : la somme totale de 410.808 euros représentant 50.434,63 euros au titre des intérêts et 360.373,37 euros au titre du capital ;
prêt n° AM1139 : la somme de 46.632,10 euros au titre des intérêts.
En conséquence, il convient de condamner le Crédit Agricole à payer à la société E. les sommes de ;
au titre du prêt n° 127127, la somme de 410.808 euros, dont il convient de déduire la somme de 250.000 euros représentant sa propre créance de restitution qu’il a déjà perçue, soit 160.808 euros ;
au titre du prêt AM1139 : la somme de 46.632,10 euros.
Pour échapper à leur obligation de restitution, les intimés se prévalent de décisions de justice ayant considéré qu’en versant les fonds sans vérifier la validité du contrat de vente ou en vertu d’un prêt dont elle ne pouvait ignorer la nullité, la banque commet des fautes la privant de son droit à restitution et invoquent qu’en l’espèce, le Crédit Agricole a laissé ses IOB démarcher illicitement les investisseurs, qu’il n’a pas suffisamment contrôlé ceux-ci alors que si tel avait le cas, l’emprunteur n’aurait pas été démarché, qu’il est comptable des agissements de la société de CGP au titre du démarchage illicite, qu’il a lui-même participé à des actes de démarchage illicite, qu’il ne pouvait ignorer que le prêt résultait d’un démarchage illicite et qu’il existe une responsabilité solidaire du CGP et de la banque pour l’opération réalisée.
Toutefois, la jurisprudence dont arguent les intimés concerne des contrats de crédit affecté où l’établissement du crédit a versé les fonds au vendeur et pour lesquels les cas d’absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés sont de nature à exonérer l’emprunteur de son obligation de restituer le capital prêté.
Or, tel n’est pas le cas des prêts litigieux ; le Crédit Agricole n’a pas versé le capital prêté au tiers co-contractant des emprunteurs mais au profit de ces derniers eux-mêmes qui ne se plaignent nullement d’une non-conformité ou inexécution des contrats financés par les prêts litigieux et qui ne caractérisent pas en quoi le versement des fonds entre leurs propres mains constitue une faute du Crédit Agricole à l’origine d’un préjudice pour eux.
Les intimés invoquent également l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans.
Cependant, cette règle fait seulement obstacle à la restitution résultant de contrats annulés pour cause d’immoralité.
Or, en l’espèce, les contrats sont annulés en raison de leur illicéité sans que leur immoralité ait été invoquée.
Dès lors, le Crédit Agricole ne saurait être privé de sa créance de restitution.
Les époux X. doivent donc être condamnés à restituer au Crédit Agricole :
- prêt n° 154751 : la somme de 865.000 euros ;
- prêt n° 210579 : la somme de 368.000 euros ;
avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, les sommes perçues par les emprunteurs au titre des autres prêts ayant déjà de fait été restituées au Crédit Agricole.
La société E. sera pour sa part condamnée à restituer au Crédit Agricole au titre du prêt AM1139 la somme de 670.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la somme versée à la société E. au titre de l’autre prêt ayant déjà de fait été restituée.
Les intimés réclament à défaut une indemnité égale au montant du capital emprunté en arguant à cet égard de la perte de chance de ne pas contracter les prêts litigieux et font valoir que cette chance était de 100 %. Ils invoquent aussi subir un préjudice financier et moral du fait de l’inquiétude d’être livrés aux mouvements de change des devises, notamment ne plus avoir réalisé d’autre investissement à partir du moment où ils ont réalisé le risque auquel ils étaient exposés.
Il appartient au contractant dont la demande de nullité du contrat a été accueillie et qui réclame des dommages et intérêts à l’autre partie de prouver conformément aux règles de la responsabilité extra-contractuelle qu’il subit un préjudice spécifique non réparé par l’annulation et la restitution qu’il obtient, étant souligné que la restitution à laquelle il est lui-même condamné en conséquence de l’annulation d’un contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable.
Or, le raisonnement des intimés revient à considérer que les sommes au paiement desquelles ils sont condamnés, soit les capitaux prêtés, constituent pour eux un préjudice alors que tel n’est pas le cas, les intimés ne perdant pas ces sommes mais devant seulement rendre des sommes qu’ils n’auraient jamais dû percevoir puisque les contrats de prêt sont censés n’avoir jamais existé.
Par ailleurs, les intimés ne justifient d’aucun élément de nature à démontrer que s’ils n’avaient pas contracté ces emprunts, ils auraient utilisé les fonds versés par eux en exécution des contrats annulés à un usage particulier que, du reste, ils ne définissent pas de sorte qu’ils ne prouvent pas avoir subi un préjudice lié à l’indisponibilité de ces fonds. Il ne saurait être question en outre d’un préjudice résultant d’une telle indisponibilité pour les fonds prêtés, puisque, par essence, les intimés ne les possédaient pas avant les contrats critiqués.
De même, les intimés ne justifient d’aucun projet un tant soit peu concret d’investissement auquel ils auraient renoncé par suite de l’incertitude dans laquelle ils se trouvaient quant au montant des sommes à rembourser en définitive au regard de l’évolution de la parité de change euros/franc suisse.
Il convient d’observer au demeurant que le préjudice d’investissement ainsi invoqué n’est pas en relation de causalité nécessaire avec les fautes alléguées quant au démarchage ou le vice des contrats constitué par la clause de paiement en monnaie étrangère, puisque le risque lié à l’évolution de la parité des monnaies n’est pas inhérent à cette clause mais résulte du fait plus général que les contrats utilisent une monnaie étrangère, ce qui n’est pas nécessairement illicite, et que, comme le note le Crédit Agricole, pour certains des prêts, les emprunteurs ont en tout état de cause été avertis par la banque du risque pour eux d’une évolution défavorable du cours de la devise dès avant la conclusion des contrats par les notices d’information qui sont parfaitement explicites à ce sujet, lesdits avertissements ne les ayant pas dissuadés de contracter.
En effet, il résulte des pièces versées aux débats que pour les prêts n° 141874, 210579 et 154751 concernant les époux X., la notice remise par la banque pour chaque prêt mentionne : « Selon que, au moment des paiements d’intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euros, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l’emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit. Nous pensons qu’il est important pour l’emprunteur de garder ces éléments à l’esprit pendant toute la durée du prêt et l’invitons à contacter son agence habituelle s’il devait estimer qu’une couverture de risque de change (par achat à terme) pourrait être opportune. La couverture à terme est un moyen d’éliminer totalement ou partiellement le risque de change. Elle n’est toutefois possible que dans la mesure où la réglementation des changes en vigueur l’autorise ».
La notice remise pour le prêt AM 1139 est encore plus explicite puisqu’elle énonce « Les prêts en devises sont destinés principalement aux clients disposant de revenus dans cette devise. Dans tous les autres cas, le risque de taux et de change sont réels et cumulatifs. Ils portent sur la totalité du crédit. Au regard de ces risques, vous déclarez disposer des connaissances et de l’expérience nécessaires pour évaluer les caractéristiques de ce financement et en accepter tous les risques ». La notice contient ensuite un paragraphe sur la variabilité du cours de change qui indique : « Selon que, au moment des paiements d’intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euros, la perte ou le gain éventuels sont intégralement à la charge ou au profit de l’emprunteur. En effet, si vous ne disposez pas de revenus dans la devise concernée, le prêteur devra à chaque échéance et pour votre compte emprunter des devises à un cours pouvant fluctuer. Deux cas peuvent se présenter : la devise concernée est dépréciée par rapport à l’euros, l’emprunteur enregistre alors un gain de change qui lui revient intégralement ; la devise concernée s’est appréciée par rapport à l’euros, l’emprunteur subit alors une perte de change intégralement à sa charge. L’emprunteur a la possibilité, s’il l’estime opportun et si la réglementation des changes en vigueur l’y autorise, de demander une couverture du risque de change par achat à terme des devises nécessaires au remboursement des échéances du prêt. Le coût de cette couverture est à ajouter au coût du prêt ».
Dès lors, le préjudice invoqué n’est, concernant à tout le moins les prêts ayant donné lieu à la remise des notices, que la conséquence du choix fait en toute connaissance de cause par les emprunteurs de recourir à des prêts utilisant le franc suisse, lequel présentait un avantage incontesté en termes de niveau de taux d’intérêt.
Qui plus est, à supposer que la preuve de projets d’investissement soit apportée et que le gain manqué au titre des investissements non réalisés soit établi, ce qui n’est pas le cas puisque les intimés se bornent à prétendre que le risque de change leur a interdit « tout autre investissement » sans précision sur la nature de ces investissements éventuels, le capital dont ils disposaient à cet effet et leurs gains attendus, il conviendrait de prendre en compte les profits tirés par les intimés de la situation irrégulière. En effet, ces derniers ont bénéficié d’une défiscalisation et des fruits des investissements qu’ils ont faits grâce aux opérations illicites, sans avoir en définitive d’intérêts et de frais à supporter puisque les contrats de prêt sont annulés. Or, il n’est pas justifié que le gain manqué au titre de l’indisponibilité des fonds versés en exécution des contrats annulés et des autres investissements non faits compte-tenu du risque lié à la parité des monnaies serait supérieur au montant des gains procurés au moyen des prêts illicites.
Le préjudice financier ou matériel invoqué n’est donc pas établi.
Quant bien même les intimés auraient fait l’objet d’un démarchage illicite, cette circonstance ne suffit pas à justifier de la réalité d’un préjudice moral résultant de cette irrégularité. Or, il n’est produit aucun élément de nature à établir que les époux X. et la société E. auraient subi un préjudice moral de ce fait.
Et il résulte des conclusions des intimés que le préjudice moral dont se plaignent en réalité les intimés est un préjudice d’angoisse constitué par l’inquiétude portant sur le quantum des sommes à rembourser de manière effective du fait de l’évolution de la parité entre l’euros et le franc suisse. Or, il a déjà été relevé que, à tout le moins pour les prêts ayant donné lieu à la remise d’une notice d’information, un tel préjudice était la conséquence du choix fait en toute connaissance de cause par les emprunteurs de recourir à des prêts utilisant le franc suisse et non en soi du démarchage irrégulier qui aurait été fait ou des clauses illicites de paiement en francs suisses. En outre, le préjudice d’anxiété est constitué par le fait de se trouver dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une pathologie et suppose donc un risque imminent d’une atteinte à l’intégrité physique, ce qui n’est pas le cas des époux X., de sorte que le préjudice allégué n’est en tout état de cause pas réparable. S’agissant de la société E., elle ne saurait prétendre avoir éprouvé un préjudice d’anxiété dans la mesure où celui-ci nécessite d’être doté de sentiments, ce qui ne saurait être le cas d’une personne morale.
En conséquence, les intimés seront déboutés de toute demande d’indemnisation en plus des nullité des contrats.
Sur la compensation des créances :
Les intimés demandent qu’il ne soient le cas échéant débiteurs que de la différence entre les sommes débloquées à leur profit et tout règlement effectué par eux. Ils invoquent ce faisant la compensation.
Les créances réciproques de restitution étant certaines, liquides et exigibles, il convient d’en constater la compensation à due concurrence.
Sur la nullité des contrats d’assurance :
Aux termes de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Selon l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est de principe que l’adhésion au contrat d’assurance de groupe, bien que conséquence d’une stipulation pour autrui, n’en crée pas moins un lien contractuel direct entre l’adhérent et l’assureur.
En conséquence, l’adhérent ne peut agir en justice pour demander l’annulation d’un tel contrat sans appeler en la cause l’assureur.
En l’espèce, il résulte des offres de prêt que le prêteur a souscrit auprès d’un assureur un contrat d’assurance collective destiné à couvrir ses emprunteurs et que pour certains prêts, une admission au contrat groupe assurance décès invalidité a été sollicitée. L’assureur n’étant pas partie au présent litige qui oppose les emprunteurs à la banque, la demande visant à prononcer la nullité des contrats d’assurance liant les emprunteurs à l’assureur est irrecevable pour défaut de qualité de la personne contre laquelle la demande est formée.
Sur les sûretés :
L’obligation de restituer inhérente à un contrat de prêt annulé demeure tant que les parties n’ont pas été remises à l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée.
En conséquence, les sûretés réelles ou personnelles en considération desquelles le prêt a été consenti subsistent jusqu’à l’extinction de cette obligation.
En l’espèce, les emprunteurs ont fourni au prêteur diverses garanties.
Il convient donc d’accueillir la demande du Crédit Agricole visant à dire que les sûretés réelles ou personnelles garantissant chaque contrat de prêt annulé subsisteront jusqu’à l’extinction de l’obligation de restitution des emprunteurs due pour le prêt concerné.
Sur les délais de paiement :
Aux termes de l’article 1244-1 alinéa premier du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Les intimés ne justifient pas de leur situation actuelle personnelle et financière et ne démontrent donc pas avoir besoin d’un nouveau financement pour effectuer la restitution due au Crédit Agricole.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande de délai de paiement.
Sur les autres demandes :
Les contrats de prêt étant annulés du seul fait de l’illicéité de la clause de paiement en monnaie étrangère, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens développés au soutien des demandes de nullité. En outre, les demandes subsidiaires de résolution des contrats, en indemnisation des manquements prétendument commis par le Crédit Agricole aux obligations du prestataire de services d’investissement et du banquier dispensateur de crédit ainsi que de déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions du code de la consommation deviennent sans objet. Il suit de là que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a statué de ces chefs et en ce que, notamment, il a retenu un défaut d’information ainsi qu’une déchéance partielle des intérêts contractuels en condamnant le Crédit Agricole à régler diverses sommes à ces titres.
Le Crédit Agricole a en outre demandé le retrait des débats de diverses pièces ainsi que des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu’elles font référence à ces pièces, les intimés ayant pour leur part sollicité le retrait de certaines pièces du Crédit Agricole.
Les pièces incriminées ont été produites uniquement dans le cadre du débat opposant les parties sur le démarchage. Or, l’issue du litige ne rend pas nécessaire l’examen du moyen tiré de l’existence d’un démarchage et de son irrégularité. Par suite, les pièces produites à ce titre et les conclusions s’y référant étant sans effet au regard du succès ou du rejet des prétentions au fond, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes visant à écarter du débat lesdites pièces et conclusions qui deviennent sans objet.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le Crédit Agricole qui succombe au moins pour partie doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné à payer aux époux X. et à la société E. la somme de 7 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par arrêt contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives à la nullité des prêts n° 127618, 127636 et 127127, aux frais de nantissement liés à ces prêts, aux délais de paiement, à la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande de nullité du prêt n° AM 1139, à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
INFIRME le jugement en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité des prêts fondées sur l’obligation de remboursement en francs suisses ;
DÉCLARE irrecevables les demandes visant à prononcer la nullité des contrats d’assurance décès invalidité ;
PRONONCE la nullité des contrats de prêt n° 141874, 154751 et 210579 consentis par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à M. X. et M. Y. épouse X. ;
PRONONCE la nullité du contrat n° AM1139 consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine à la société E. ;
En conséquence,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à M. X. et à M. Y. épouse X. les sommes de :
- au titre du prêt n° 127618, 33.949,66 euros ;
- au titre du prêt n° 127636, 187.833,58 euros ;
- au titre du prêt n° 141874, 51.725,64 euros ;
- au titre du prêt n° 154751, 100.337,30 euros ;
- au titre du prêt n° 210579, 72.024,10 euros ;
CONDAMNE solidairement M. X. et M. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine les sommes de :
- prêt n° 154751 : 865.000 euros ;
- prêt n° 210579 : 368.000 euros ;
avec intérêts légaux à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à la société E. :
- au titre du prêt n° 127127, la somme de 160.808 euros ;
- au titre du prêt AM1139 : la somme de 46.632,10 euros ;
CONDAMNE la société E. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine la somme de 670.000 euros ;
CONSTATE la compensation à due concurrence des créances réciproques des parties ;
DIT que les sûretés réelles ou personnelles garantissant chacun des contrats de prêt annulés subsisteront jusqu’à l’extinction de l’obligation de restitution des emprunteurs pour chaque prêt concerné ;
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à M. X. et M. Y. épouse X. la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à la société E. la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur les autres moyens développés au soutien des demandes de nullité et déclare sans objet les demandes subsidiaires de résolution des contrats, d’indemnisation des manquements prétendument commis aux obligations du prestataire de services d’investissement et du banquier dispensateur de crédit, de déchéance du droit aux intérêts ainsi que les demandes de retrait du débat de pièces et de conclusions en ce qu’elles se réfèrent auxdites pièces ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 6 avril 2017, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Madame SAHLI, Greffier, et signé par eux.