CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 4 mai 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6835
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 4 mai 2017 : RG n° 16/00599 ; arrêt n° 17/0427
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-009034
Extraits : 1/ « Il convient à titre liminaire de relever le caractère limité de l'appel des époux X. à l'action en responsabilité dirigée par eux contre la SA Banque Solféa et donc l'autorité de chose jugée du jugement entrepris concernant le prononcé de la nullité du contrat conclu le 9 janvier 2012 entre la société Planet Solaire et les époux X., avec ses conséquences : fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de cette société et condamnation à reprendre le matériel. Le jugement doit aussi être considéré comme définitif, faute d'appel incident de la SA Banque Solféa, en ce qui concerne le prononcé, corollaire à la nullité du contrat principal, de la résolution du contrat de crédit affecté conclu le 9 janvier 2012 entre les époux X. et cette banque, avec sa conséquence : la condamnation des époux X. au remboursement du capital prêté, avec garantie de la SAS Planet Solaire, représentée par son liquidateur, pour ce paiement ».
2/ « Cependant, le respect de ces dispositions incombait à la société ayant effectué le démarchage, qui était la SAS Planet Solaire, et il n'entrait pas dans les obligations de l'organisme de crédit de vérifier que les emprunteurs avaient bien bénéficié de la faculté de rétractation s'agissant du contrat de vente ou de prestation qu'ils ont souscrit avec le professionnel, ni de vérifier la parfaite conformité du bon de commande aux dispositions réglementaires en vigueur.
Comme l'invoquent aussi les appelants, il incombe par contre à l'organisme prêteur de s'assurer de la parfaite exécution de la prestation prévue au contrat principal avant de délivrer les fonds au vendeur ou au prestataire de service, sinon il commet une faute dans la libération du crédit, qui le prive du droit de réclamer le remboursement des sommes prêtées.
D'emblée il doit être constaté une importante différence entre le bon de commande et l'attestation de fin de travaux. […] L'exclusion mentionnée en gras dans cette attestation aurait en l'occurrence dû interpeller l'organisme de crédit, alors que le bon de commande ne prévoyait aucune exclusion de ce type, mais incluait les démarches administratives et la mise en service, évoquant aussi une installation complète, qui ne pouvait nécessairement se concevoir sans obtention des autorisations requises et un raccordement au réseau. Cette contradiction, très apparente, entre les deux documents aurait dû, à elle seule, dissuader la SA Banque Solféa de libérer les fonds et l'obliger à mieux s'assurer de la réalisation de toutes les prestations prévues au bon de commande, qui pouvaient ne pas être complètes du fait de cette exclusion, […].
Par ailleurs, alors que c'est à l'emprunteur qu'il appartient d'attester de la réalisation de la prestation et donc de demander le déblocage du crédit, force est de constater en l'espèce, que, même si Monsieur M. a signé ce document au même titre qu'un représentant de la SAS Planet Solaire, c'est cette dernière qui a attesté de la fin des travaux. La SA Banque Solféa aurait donc aussi dû refuser de libérer les fonds pour ce motif puisque ce n'est pas son co contractant, mais le prestataire de service, tiers au contrat de crédit mais bénéficiaire des fonds prêtés, dont il avait tout intérêt à hâter le déblocage, qui l'informait d'un achèvement de ses travaux et ce à peine un mois après la signature du bon de commande.
Une double faute peut être retenue à la charge de l'intimée et dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à l'action en responsabilité dirigée par les époux X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 4 MAI 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 16/00599. Arrêt n° 17/0427. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 novembre 2015 par le tribunal d'instance de COLMAR.
APPELANTS :
1) Monsieur X.
2) Madame Y. épouse X.
demeurant tous deux [adresse], Représentés par Maître Anne C., avocat à la cour, Avocat plaidant : Maître Florence M. remplaçant Maître Jean-Jacques D., avocats au barreau de COLMAR
INTIMÉS :
1) Maître B. J. es qualité de mandataire liquidateur de la Société PLANET SOLAIRE exerçant sous le nom d'AMBIANCE ECO
en liquidation judiciaire - Non représentée
2) SA BANQUE SOLFEA
ayant son siège social [...], Représentée par Maître Valérie S., avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 février 2017, en audience publique, devant la cour composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme WOLF, Conseiller, Mme FABREGUETTES, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme DONATH, faisant fonction
En présence de Mme Marie-Laure CARBONEL, greffier stagiaire
ARRÊT : - réputé contradictoire- prononcé publiquement après prorogation du 27 mars 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur X. et Madame Y., épouse X. ont signé le 9 janvier 2012 un bon de commande pour l'installation par la SAS Planet Solaire, exerçant à l'enseigne Ambiance Eco, de panneaux photovoltaïques pour un prix de 23.500 euros et le même jour un contrat de crédit affecté pour le financement de ces travaux par la SA Banque Solféa par un prêt du même montant remboursable par 144 mensualités de 237 euros au taux de 5,60 % à compter du 10 février 2013.
Les époux X. exposent qu'il leur avait été garanti une installation clé en mains, mais ils ont eu la surprise de se voir réclamer par ERDF le prix du raccordement de leur installation au réseau, soit un coût supplémentaire de 1.730,10 euros, outre qu'il leur était demandé de réaliser une tranchée pour le raccordement au compteur.
Estimant avoir été trompés, ils ont, après de vaines mises en demeure, saisi le tribunal d'instance de Colmar pour demander l'annulation du contrat de prestation, subsidiairement sa résolution, invoquant le dol ou le manquement du vendeur à son obligation de délivrance ou de conseil.
Ils ont mis en cause la SA Banque Solféa et demandé la résolution corrélative de plein droit du contrat de crédit.
La SAS Planet Solaire étant en liquidation judiciaire, ils ont sollicité la fixation de leur créance envers cette société au montant de 23.500 euros et ils ont par ailleurs sollicité que Maître J. B., liquidateur de cette société, soit condamnée ès-qualités à récupérer sous astreinte les panneaux déjà installés et que la société les garantisse du remboursement du prêt
Ils ont enfin demandé que soit reconnue une faute de la SA Solféa, lui reprochant d'avoir débloqué les fonds sans avoir attendu le procès-verbal de réception attestant de l'exécution complète de la prestation, et que donc elle soit condamnée à leur payer une somme de 23.500 euros à titre de dommages et intérêts.
La SA Banque Solféa a demandé le cas échéant, si le contrat de prestation devait être résolu, que les époux X. soient condamnés à leur rembourser le capital de 23.500 euros, déduction faite des mensualités déjà versées, mais avec les intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds.
Maître B., es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Planet Solaire, n'a pas comparu, ni été représentée.
Par jugement en date du 10 novembre 2015, le tribunal a prononcé la nullité du contrat de prestation pour dol et la résolution du contrat de crédit, fixé la créance de garantie due par la SAS Planet Solaire au montant de 23.500 euros, mais débouté les époux X. de leur action en responsabilité contre la SA Solféa.
Il a condamné Maître B. es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Planet Solaire à récupérer le matériel sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, à payer aux époux X. une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Il a aussi condamné les époux X. à rembourser à la SA Solféa le capital prêté dans les termes demandés et à lui payer une somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur et Madame M. ont interjeté appel le 4 février 2016 et, par conclusions déposées le 13 avril 2016, ils demandent l'infirmation de ce jugement en ce qu'il les a déboutés de leur action en responsabilité contre la SA Banque Solféa, qu'il soit dit que cette société a commis une faute la privant de son droit à remboursement des sommes prêtées et qu'elle soit condamnée à leur restituer les sommes déjà versées.
Ils demandent aussi la condamnation solidaire des intimés aux dépens et à leur payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées le 6 septembre 2016, la SA Banque Solféa demande la confirmation du jugement et la condamnation des époux X. aux dépens et à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître B., es qualité de liquidateur de la SAS Planet Solaire, régulièrement assignée à personne, n'a pas comparu, ni été représentée. L'arrêt sera donc réputé contradictoire.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il convient à titre liminaire de relever le caractère limité de l'appel des époux X. à l'action en responsabilité dirigée par eux contre la SA Banque Solféa et donc l'autorité de chose jugée du jugement entrepris concernant le prononcé de la nullité du contrat conclu le 9 janvier 2012 entre la société Planet Solaire et les époux X., avec ses conséquences : fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de cette société et condamnation à reprendre le matériel.
Le jugement doit aussi être considéré comme définitif, faute d'appel incident de la SA Banque Solféa, en ce qui concerne le prononcé, corollaire à la nullité du contrat principal, de la résolution du contrat de crédit affecté conclu le 9 janvier 2012 entre les époux X. et cette banque, avec sa conséquence : la condamnation des époux X. au remboursement du capital prêté, avec garantie de la SAS Planet Solaire, représentée par son liquidateur, pour ce paiement.
Ne reste en discussion que la question de l'existence d'une faute commise par la SA Banque Solféa lors de l'octroi du crédit aux époux X. et/ou du déblocage des fonds au profit de la SAS Planet Solaire et du préjudice direct et certain qui peut en être résulté pour les appelants.
S'agissant de la faute, les époux X. invoquent diverses fautes de la Banque Solféa tirées de la violation des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile effectué par la SAS Planet Solaire, s'agissant notamment des mentions obligatoires que doit comporter le bon de commande, la faculté de rétractation et la non stipulation d'une date de livraison.
Cependant, le respect de ces dispositions incombait à la société ayant effectué le démarchage, qui était la SAS Planet Solaire, et il n'entrait pas dans les obligations de l'organisme de crédit de vérifier que les emprunteurs avaient bien bénéficié de la faculté de rétractation s'agissant du contrat de vente ou de prestation qu'ils ont souscrit avec le professionnel, ni de vérifier la parfaite conformité du bon de commande aux dispositions réglementaires en vigueur.
Comme l'invoquent aussi les appelants, il incombe par contre à l'organisme prêteur de s'assurer de la parfaite exécution de la prestation prévue au contrat principal avant de délivrer les fonds au vendeur ou au prestataire de service, sinon il commet une faute dans la libération du crédit, qui le prive du droit de réclamer le remboursement des sommes prêtées.
En effet, en cas de crédit affecté, l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi du 1er juillet 2010 applicable au jour où les époux X. ont contracté avec la SAS Planet Solaire et par son intermédiaire avec la SA Banque Solféa, dispose que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, qui doit nécessairement être complète.
En l'espèce, selon pièces produites par elle, la SA banque Solféa a été destinataire de quatre documents, un bon de commande intitulé « demande de candidature au programme ''Maison Verte'' », un contrat de crédit affecté « prêt photovoltaïque », une attestation de fin de travaux et une facture à l'en-tête de Planet Solaire au nom des époux X.
D'emblée il doit être constaté une importante différence entre le bon de commande et l'attestation de fin de travaux.
En effet, le bon de commande daté du 9 janvier 2012 énumère les prestations financées à crédit, précédées d'un chiffre « 1 », ainsi que suit :
« - Panneaux Photovoltaïques de type monocristallin de 250 Wc,
- Kit d'intégration au bâti - Onduleur - Coffret de protection - Disjoncteur - Parafoudre,
- Forfait d'installation de l'ensemble et Mise en service,
- Démarches administratives (Mairie, consuel),
- Prise en charge + Installation complète + accessoires et fournitures ».
L'attestation de fin de travaux établie le 8 février 2012, soit moins d'un mois plus tard, ce qui paraît un délai bien court, mentionne pour sa part :
« Dossier N° P12604301 ayant fait l'objet d'un contrat de crédit émis par la BANQUE SOLFEA en date du 26/01/2012 concernant les travaux suivants : Photovoltaïque
chez : Monsieur M., [...]
Je soussigné(e) PLANET SOLAIRE AMBIANCE ECO SAS
Atteste que les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles) sont terminés et conformes au devis.
Je demande à la BANQUE SOLFEA de payer la somme de 23.500,00 EUR représentant le montant du crédit »
L'exclusion mentionnée en gras dans cette attestation aurait en l'occurrence dû interpeller l'organisme de crédit, alors que le bon de commande ne prévoyait aucune exclusion de ce type, mais incluait les démarches administratives et la mise en service, évoquant aussi une installation complète, qui ne pouvait nécessairement se concevoir sans obtention des autorisations requises et un raccordement au réseau.
Cette contradiction, très apparente, entre les deux documents aurait dû, à elle seule, dissuader la SA Banque Solféa de libérer les fonds et l'obliger à mieux s'assurer de la réalisation de toutes les prestations prévues au bon de commande, qui pouvaient ne pas être complètes du fait de cette exclusion, comme cela a été le cas en l'espèce, les époux X. ayant en l'occurrence, comme retenu par le premier juge, été victime d'un dol par réticence, à raison du silence du bon de commande sur des prestations dont la SAS Planet Solaire a ensuite refusé d'assumer la charge, alors que sans elles l'installation ne pouvait être effective.
Par ailleurs, alors que c'est à l'emprunteur qu'il appartient d'attester de la réalisation de la prestation et donc de demander le déblocage du crédit, force est de constater en l'espèce, que, même si Monsieur M. a signé ce document au même titre qu'un représentant de la SAS Planet Solaire, c'est cette dernière qui a attesté de la fin des travaux.
La SA Banque Solféa aurait donc aussi dû refuser de libérer les fonds pour ce motif puisque ce n'est pas son co contractant, mais le prestataire de service, tiers au contrat de crédit mais bénéficiaire des fonds prêtés, dont il avait tout intérêt à hâter le déblocage, qui l'informait d'un achèvement de ses travaux et ce à peine un mois après la signature du bon de commande.
Une double faute peut être retenue à la charge de l'intimée et dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à l'action en responsabilité dirigée par les époux X.
S'agissant du préjudice subi par les appelants, il ne peut être fixé en l'état, les époux X. n'ayant pas chiffré leur demande de dommages et intérêts, lesquels doivent venir en compensation de la créance qu'ils ont déjà été condamnés à payer à l'intimée, ni celle en restitution des sommes déjà versées, dont le montant n'est pas connu.
Il convient donc de rouvrir les débats sur ce point et d'inviter les appelants à procéder à ce chiffrage, la cour ne pouvant accorder des montants indéterminés.
Il sera sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties et l'affaire sera retirée du rôle, avec possibilité de reprise de l'affaire par les époux X., sur justification du dépôt de conclusions répondant à la demande de la cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, partiellement au fond, partiellement avant dire droit, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirmant partiellement le jugement entrepris sur sa seule disposition frappée d'appel,
RECOIT l'action en responsabilité dirigée par Monsieur X. et Madame Y., épouse X. contre la SA Banque Solféa ;
Avant dire droit,
RABAT l'ordonnance de clôture,
INVITE Monsieur X. et Madame Y., épouse X. à chiffrer leur préjudice et leur demande de restitution des fonds déjà versés ;
SURSEOIT à statuer sur le surplus des demandes des parties ;
ORDONNE la radiation de l'affaire du rôle et DIT qu'elle pourra être reprise sur justification des diligences requises.
Le greffier La présidente de chambre