CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 2 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7114
CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 2 novembre 2017 : RG n° 17/09165 ; arrêt n° 609
Publication : Jurica
Extrait : « Cependant, ainsi qu'il ressort de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'article 1226 nouveau n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Il s'ensuit que, à supposer que cet article mette en cause la jurisprudence dégagée dans le cadre de l'application de l'article 1184 du code civil ancien, cette mise en cause n'est pas pertinente pour la solution du litige en examen. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 2
ARRÊT DU 2 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/09165. Arrêt n° 609 (16 pages). Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 avril 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2017013192.
APPELANTE :
Société OLKY PAYMENT SERVICE PROVIDER
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège, Représentée par Maître Frédéric L. de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Assistée par Maître Alain S., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : XXX.
SAS ETABLISSEMENTS MICHEL W.
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : YYY.
SCA LA CHAMPENOISE DE DISTRIBUTION D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : ZZZ.
SAS REGIONGAZ
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : WWW.
SNC ROYAN EAU ET ENVIRONNEMENT
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : VVV.
SCA SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : UUU.
SCA SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU SUD-EST DE LA FRANCE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : TTT.
SCA SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DE L'EST DE LA FRANCE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : SSS.
SCA SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU SUD OUEST DE LA FRANCE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : RRR.
SA AUXILIAIRE DE BATIMENTS ET TRAVAUX PUBLICS
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : QQQ.
SCA SOCIETE AVIGNONNAISE DES EAUX
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : PPP.
SCA SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DE NORMANDIE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : OOO.
SA D'ASSAINISSEMENT ET DE GESTION DE L'ENVIRONNEMENT DU BASSIN D'ARCACHON
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : NNN.
SCA D'ENTREPRISES ET DE GESTION - SEG
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : MMM.
SCA D'EXPLOITATION D'EAU DU BASSIN D'ARCACHON SUD
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : LLL.
SNC D'ASSAINISSEMENT DU BOULONNAIS
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : KKK.
SCA SOCIETE DES EAUX DE CORSE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : JJJ.
SA SOCIETE DES EAUX DE DOUAI
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : III.
SCA SOCIETE DES EAUX DE L'AGGLOMERATION TROYENNE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : HHH.
SCA SOCIETE DES EAUX DE MELUN
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : GGG.
SCA SOCIETE DES EAUX DE PICARDIE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : FFF.
SCA SOCIETE DES EAUX DE SAINT OMER
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : EEE.
SCA SADE-COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU NORD DE LA FRANCE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : DDD.
SNC SOCIETE DES EAUX DE TOULON
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : CCC.
SCA SOCIETE DES EAUX DE TROUVILLE DEAUVILLE ET NORMANDIE - SEDTN
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : BBB.
SNC SOCIETE DES EAUX DU BOULONNAIS
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : AAA.
SA SOCIETE DES EAUX DU TOUQUET PARIS PLAGE ET EXTENSIONS
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : ZZZ.
SCA DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT DE L'OISE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : ZXX.
SNC DES EAUX INDUSTRIELLES DE PORT-JEROME
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : YXX.
Société FRANCAISE DE DISTRIBUTION D'EAU
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : WXX
SCA MACONNAISE D'ASSAINISSEMENT DE DISTRIBUTION D'EAU
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : VXX.
SA SOCIETE MERIDIONALE D'ENVIRONNEMENT
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : UXX.
SCA SOCIETE MOSELLANE DES EAUX
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : TXX.
SCA SOCIETE REGIONALE DE DISTRIBUTION D'EAU
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET SXX.
SARL SOCIETE TECHNIQUE D'EXPLOITATION ET DE COMPTAGE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : RXX.
SARL SOCIETE VAROISE D'AMENAGEMENT ET DE GESTION
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : QXX.
SCA SOCIETE DES EAUX DE LA VILLE DE CAMBRAI
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : PXX.
SAS VALYO
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : OXX.
SARL COMPAGNIE D'EXPLOITATION ET DE COMPTAGE - CEC
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : NXX.
Société COMPAGNIE DES EAUX DE LA BANLIEUE DU HAVRE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : MXX
SCA COMPAGNIE DES EAUX DE MAISONS LAFFITE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : LXX.
SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE PROCEDES M P OTTO
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : KXX.
SCA COMPAGNIE FERMIERE DE SERVICES PUBLICS
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : JXX.
SCA COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVICES D'EAU
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : IXX.
SNC CYO
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : HXX.
SCA EAU ET CHALEUR EN HAUTE MONTAGNE
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : GXX.
SA ENTREPRISE R. MICHEL
agissant par son représentant légal en exercice, N° SIRET : FXX.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Bernard CHEVALIER, Président, Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre, Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société en commandite par actions Veolia Eau Compagnie Générale des eaux (ci-après la société « Veolia ») et ses filiales, sociétés spécialisées dans la distribution d'eau potable et le traitement des eaux usées, ont confié à la société de droit luxembourgeois Olky Paiement Service Provider (ci-après la « société Olkypay ») le recouvrement des factures de leurs abonnés en vertu d'un ensemble de conventions conclues entre le 23 décembre 2014 et le 16 novembre 2015.
Par lettres en date du 14 février 2017, la société Veolia et ses filiales ont informé la société Olkypay de la rupture immédiate de leurs relations commerciales.
Par actes en date des 1er, 3 et 5 mars 2017, la société Olkypay a fait assigner la société Veolia et les filiales de celle-ci devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la poursuite des contrats jusqu'au 1er janvier 2023 ou jusqu'à ce qu'une décision sur le fond statuant sur la validité de la résiliation anticipée soit rendue, subsidiairement, le respect d'un préavis de 13 mois jusqu'au 14 mars 2016, très subsidiairement le paiement de la somme de 14.265.333,29 euros correspondant à 13 mois d'exécution loyale du contrat.
Par ordonnance rendue le 7 avril 2017, le juge des référés du tribunal de commerce a :
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Olkypay ;
- ordonné à celle-ci de reverser à la société Veolia et aux filiales de celle-ci la totalité des sommes figurant au 14 février 2017 sur les comptes de paiement ouverts à leur nom, déduction faite des sommes correspondants aux refus, reversement, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrées au jour du reversement, ce reversement devant intervenir dans les 30 jours du prononcé de l'ordonnance, sous astreinte de 100.000 euros par jour passé ce délai et ce pendant une période de 30 jours, à l'issue de laquelle il pourra à nouveau être fait droit ;
- dit ne pas se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Olkypay aux dépens.
Le juge des référés a retenu, sur les demandes de la société Olkypay, que celle-ci était fautive d'avoir mis en œuvre les participations à son capital, pour des montants non négligeables et à l'insu de leur employeur, de M. M. et de M. F., deux salariés de Veolia avec laquelle elle s'apprêtait à contracter, l'un d'entre eux étant d'ailleurs chargé des négociations du contrat pour le compte de cette société.
Il a indiqué cependant ne pas trouver la preuve que ces fautes auraient conduit à la conclusion d'un contrat manifestement déséquilibré en défaveur de Veolia.
Il en a déduit que le point sa savoir si la faute commise par Olkypay revêtait une gravité suffisante pour justifier la résiliation avant terme et sans préavis du contrat ou si cette résiliation constituait un trouble manifestement illicite excédait ses pouvoirs de juge des référés.
Sur la demande reconventionnelle des défenderesses, il a relevé que, la société Veolia ayant payé les factures émises par la société Olkypay les 15 décembre 2016 et 16 janvier 2017 et le contrat ayant été résilié le 14 février 2017, cette dernière n'était pas fondée à inscrire au débit du compte les redevances dues au titre de ce contrat. Il a estimé que le montant de 10.521.693,34 euros réclamé par la société Veolia n'était pas justifié mais que l'obligation de la société Olkypay de reverser à la société Veolia et à chaque filiale de celle-ci la totalité des sommes figurant sur les comptes de paiement ouverts à leur nom au 14 février 2017 n'était pas sérieusement contestable, déduction faite des sommes correspondant aux refus, reversements, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrés au jour du reversement, les sommes ultérieures dues à Olkypay à ce titre devant être remboursées à première demande par Veolia.
Par déclaration du 3 mai 2017, la société Olkypay a fait appel de cette ordonnance.
Au terme de ses conclusions transmises par voie électronique le 19 juillet 2017, la société Olkypay a demandé à la cour, sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile, 1134 et 1147 du code civil et le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, de :
- réformer l'ordonnance du 7 avril 2017 ;
- ordonner la poursuite des contrats régularisés avec la société Veolia et ses filiales jusqu'au 1er janvier 2023 ou jusqu'à ce qu'une décision définitive sur le fond ait statué sur la validité de la résiliation anticipée décidée unilatéralement et contra legem par ces dernières ayant ouvert un compte de paiement dans la plateforme de paiement Veolky sous telle astreinte qu'il plaira à la cour de prononcer ;
- ordonner à Veolia de maintenir, durant toute la période d'exécution des contrats, les conditions des contrats et notamment la rémunération mensuelle servie jusqu'à présent ;
- condamner solidairement la société Veolia et ses filiales à lui payer une provision de trois millions d'euros à valoir sur les préjudices subis ;
- les condamner en outre à la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SELARL BDL Avocats en la personne de Maître Frédéric L. conformément aux dispositions de l'article 699code de procédure civile.
La société Olkypay a exposé en résumé les éléments suivants :
- la condamnation à paiement du premier juge sans en avoir fixé le montant est contraire aux dispositions des articles 12 et 489 du code de procédure civile, à l'article 55 du règlement UE n° 1215/2012, de l'article 3 de l'avenant du 7 juillet 2015 et de l'article 10.1.7 des conditions générales d'utilisation (CGU) ;
- à partir de 2016, en vertu des contrats conclus avec la société Veolia et les filiales de celle-ci pour une durée, suivant l'avenant du 7 juillet 2015, portée à sept ans, elle a réalisé pour le compte de ces dernières, au moyen de sa plate-forme de paiement laquelle comporte un processus de représentation des factures impayées et de fractionnement de celles-ci jusqu'à recouvrement, l'encaissement des factures auprès de leurs abonnés, soit la gestion de 100 millions d'opérations de paiement par an et de 5 milliards de flux de paiement ;
- au 1er trimestre 2016, la société Veolia lui a imposé comme agent et maître d'ouvrage délégué sa filiale Payboost, situation qui permettait à cette dernière d'avoir accès à une très grande masse d'information relativement à sa plate-forme de paiement ;
- la rupture brutale du contrat par la société Veolia et les filiales de celle-ci à la suite de l'article mis en ligne par Mediapart, sur la base de documents provenant d'un vol, procède en réalité d'un comportement déloyal, est contraire aux dispositions de l'article 1226 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016 et constitue un trouble manifestement illicite.
La société Veolia et les filiales de celle-ci, dans leurs conclusions communiquées par voie électronique le 15 septembre 2017, ont demandé à la cour, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, de :
- juger que les conclusions d'appel régularisées par la société Olkypay le 19 juillet 2017 ne sont pas recevables (article 961 du code de procédure civile) ;
- confirmer l'ordonnance du 7 avril 2017 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Olkypay tendant à la poursuite forcée des relations contractuelles ;
- la réformer uniquement en ce qu'elle a limité l'obligation de restitution de la société Olkypay aux sommes figurant sur les comptes de paiement des sociétés intimées aux 14 février 2017 ;
- juger que l'obligation de restitution de la société Olkypay porte sur une somme dont le montant s'élève, au minimum à 10.521.693,34 euros ;
en conséquence,
- condamner la société Olkypay à payer à la société Veolia la somme 10.521.693,34 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance du 7 avril 2017 et constater que les sociétés intimées feront leur affaire de la répartition entre elles de cette somme, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- enjoindre à la société Olkypay de communiquer à la société Veolia le relevé des sommes encaissées sur les comptes de paiement des sociétés intimés depuis le 23 mars 2017, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- se réserver tout pouvoir de liquider l'astreinte ;
- rejeter toutes les réclamations de la société Olkypay ;
- condamner la société Olkypay au paiement d'une somme de 100.000 euros au bénéfice de la société Veolia et de ses filiales parties à la présente procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec application de l'article 699 du même code au profit de Maître T..
La société Veolia et les filiales de celle-ci ont fait valoir en substance les éléments suivants :
en fait,
- la société Médiapart, quelques jours avant la publication le 24 novembre 2016 de l'article intitulé « Chez Veolia, le banquet des fauves », a remis à la société Veolia des documents révélant que la société Olkypay avait organisé l'acquisition dissimulée d'une participation importante dans son capital à un prix très inférieur à sa valeur réelle par M. F., salarié de Veolia et demi-frère de M. F., co-gérant de Veolia, en charge de la direction générale de la zone eau France, et par M. M., directeur général adjoint de Veolia ; cette acquisition avait été effectuée à l'occasion d'une augmentation de capital réalisée en contrepartie du contrat conclu avec Veolia auquel avaient participé M. M. et M. F. ;
- la société Olkypay avait également organisé au mois de juillet 2016 un programme de rachat d'actions qui aurait permis le versement d'une somme de 5,1 millions d'euros à ses actionnaires ;
- cette fraude a eu pour conséquence que Veolia a versé à la société Olkypay pendant 23 mois une rémunération de 26,3 millions d'euros pour des prestations dont la valeur s'élevait en réalité à 6,8 millions d'euros ;
- M. M. et M. F. ont été mis à pied puis licenciés pour faute grave ; M. F. a été invité à faire valoir ses droits à la retraite et a démissionné de ses fonctions sans indemnité à compter du 31 décembre 2016 ; le 20 novembre 2016, la société Veolia a déposé une plainte pour corruption ;
- par lettre du 7 décembre 2016, la société Veolia a informé la société Olkypay de sa décision de suspendre toute extension du contrat et a fait toutes réserves sur la poursuite de celui-ci dans l'attente du résultat de ses investigations ; le 15 décembre 2016 puis le 16 janvier 2017, la société Veolia a payé à la société Olkypay les factures mensuelles de celle-ci (1.097.333,33 chacune) en exprimant à nouveau ses réserves sur la poursuite du contrat ;
- au mois de janvier 2017, la société Veolia a constaté une faille importante dans la sécurité de la plate-forme de paiement ;
- le 13 février 2017, la société Veolia a constaté que la société Olkypay ne lui avait pas versé les sommes encaissées pour son compte et celui de ses filiales depuis le 10 février 2017 ;
- par lettres du 14 février 2017, la société Veolia et ses filiales ont notifié à la société Olkypay la rupture immédiate de leurs relations contractuelles ;
- le 15 février 2017, la société Olkypay a prélevé indûment sur les sommes détenues pour le compte de la société Veolia et les filiales de celle-ci la somme de 1.097.333,33 euros ;
en droit,
- la rupture des relations contractuelles avec la société Olkypay ne constitue pas un trouble manifestement illicite parce qu'un contrat à durée déterminé peut être résilié unilatéralement par une partie à ses risques et périls en cas de comportement grave de l'autre partie, notamment lorsque ce comportement a causé une perte de confiance ; cette analyse est conforme à l'article L. 442-6-I-6° du code de commerce, non invoqué en l'espèce, et elle n'est pas remise en cause par les articles 1226 et suivants du code civil nouveau qui ont consacré la jurisprudence antérieure ;
- un contentieux entre les parties relativement à une résiliation prononcée sur ce fondement relève de la compétence exclusive du juge du fond ;
- le comportement de la société Olkypay, contraire à son devoir de loyauté et dont celle-ci ne saurait imputer la responsabilité à M. F. et M. B., a entraîné une perte de confiance totale de la part des intimées et a rendu impossible la poursuite des relations contractuelles, tant à l'égard des clients que des salariés du groupe et au regard de la rémunération exorbitante que la société Okypay s'est faite consentir ;
- la résiliation du contrat ne constitue pas non plus un dommage imminent dès lors qu'elle est légitime ;
- la demande de provision de la société Olkypay n'est pas justifiée ;
- l'obligation de la société Olkypay de verser à la société Veolia et aux filiales de celle-ci les sommes qu'elle a encaissées auprès des abonnés depuis le 10 février 2017, soit la somme de 10.521.693,34 euros n'est pas contestable au regard des articles 6.3.1 des Conditions Générales d'Utilisation (CGU) et 2.2 du de la convention de cash pooling ; en outre, en vertu de l'article 10.1.7 des CGU, la société Olkypay ne peut pas prétendre vouloir se constituer une réserve afin de rembourser les consommateurs dont la contestation serait fondée ; sur les sommes retenues, la société Olkypay a prélevé une rémunération indue les 16 février, 28 février et 1er mars 2017 d'un montant total de 3.291.999,99 euros.
La clôture de l'instruction de l'affaire, prévue initialement au 20 septembre 2017 dans le bulletin adressé aux parties le 18 juillet 2017, a été reportée à la demande de la société Olkypay et fixée au 27 septembre 2017.
Le 2 octobre 2017, la société Olkypay a communiqué de nouvelles conclusions accompagnées de 32 pièces supplémentaires.
Le 3 octobre 2017, les intimées ont communiqué des conclusions au terme desquelles elles ont demandé à la cour de rejeter la demande de révocation de la clôture formée par l'appelante et de déclarer irrecevables ses dernières conclusions ainsi que les pièces 15 à 46 communiquées avec celle-ci.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture :
En vertu de l'article 784 du code de procédure civile, applicable à la procédure en appel régie par l'article 905 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Dans l'affaire examinée, la société Olkypay demande le rabat de l'ordonnance ayant fixé la clôture de l'instruction de l'affaire au 27 septembre 2017 au motif que les intimées ont conclu le vendredi 15 septembre 2017, communiqué 87 pièces et formé un appel incident. Elle indique qu'il ne lui était pas possible de conférer avec son conseil dans le délai de 15 jours et de répondre utilement.
Ce motif ne constitue pas une cause grave survenue après que l'ordonnance de clôture a été rendue au sens de l'article 784, précité.
En outre, le motif allégué n'est pas convaincant au regard du contenu des écritures de l'intimée, qui comportent un rappel des faits sur 20 pages reprenant ceux exposés dans les lettres de rupture du 14 février 2017, et seulement 12 pages de discussion juridique.
L'appelante a donc disposé d'un délai suffisant pour en prendre connaissance et les discuter utilement, compte tenu par ailleurs de l'enjeu de l'affaire et du fait qu'il s'agit d'une procédure en référé.
La demande de rabat de l'ordonnance de clôture doit, par conséquent, être rejetée.
Les conclusions communiquées par l'appelante le 2 octobre 2017 seront déclarées irrecevables et les pièces 15 à 46 produites pour la première fois avec celles-ci seront écartée des débats.
Sur l'irrecevabilité des conclusions de la société Olkypay :
Les intimées soutiennent que les conclusions de l'appelante ne sont pas recevables au motif qu'elles n'indiquent pas sa forme sociale mais comportent seulement la mention « société de droit étranger », ce qui serait insuffisant au regard des exigences des articles 960 et 961 du code de procédure civile.
Ce moyen n'est pas fondé.
Les conclusions de l'appelante contiennent l'indication de sa dénomination, de son siège social et de l'organe qui la représente légalement et, l'exactitude de ces mentions n'étant pas contestée, la mention selon laquelle il s'agit d'une société de droit étranger sans autre précision sur sa forme sociale en droit luxembourgeois ne constitue pas un motif d'irrecevabilité au sens de l'article 961 du code de procédure civile.
Les conclusions communiquées par la société Olkypay le 19 juillet 2017 sont donc recevables.
Sur la rupture des relations contractuelles :
Selon l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En vertu de l'article 873 du même code, il peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut encore accorder une provision ou créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation de faire lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Dans l'affaire en examen, il est constant que la société Veolia et les filiales de celle-ci, en vertu d'un ensemble de conventions constitué par un « Term sheet » signé les 22 et 23 décembre 2014, un avenant à ce contrat en date du 7 juillet 2015, la convention de cash pooling en date du 22 juillet 2015 et le contrat cadre dit CGU du 16 novembre 2015, ont confié à la société Olkypay le recouvrement de leurs factures auprès de leurs abonnés pour une durée de sept années.
Il est également constant que la société Veolia et ses filiales, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 14 février 2017, ont notifié à la société Olkypay la rupture immédiate de leurs relations contractuelles.
Dans ces lettres, les intimées exposaient que les investigations menées par le groupe à la suite de l'article publié le 24 novembre 2016 par Mediapart, intitulé « Chez Veolia le banquet des fauves », avaient révélé que M. F. et M. M., avec la complicité de M. R., dirigeant et actionnaire d'OlkyPay, avaient acquis des participations dans cette dernière à un prix très inférieur à leur valeur, qu'il en résultait un conflit manifeste entre les intérêts personnels de M. F. et M. M. et ceux du groupe Veolia au détriment de celui-ci et que les conditions très avantageuses de cette acquisition trouvaient leur explication dans les conditions particulièrement défavorables faites à Veolia dans le termsheet.
Elles concluaient que le comportement extrêmement grave d'OlkyPay et de ses dirigeants rendait impossible toute poursuite de l'exécution du contrat daté du 22 décembre 2014 et qu'il y était mis fin par la présente lettre recommandée à effet immédiat.
La société Olkypay conteste cette résiliation unilatérale au motif que la jurisprudence ayant autorisé une partie à résilier unilatéralement à ses risques et périls un contrat à durée déterminée est désormais rendue inapplicable par le nouveau régime légal issu de l'article 1226 du code civil, aux termes duquel : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ; La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat ; Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent ; Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution ; Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. »
Cependant, ainsi qu'il ressort de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'article 1226 nouveau n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Il s'ensuit que, à supposer que cet article mette en cause la jurisprudence dégagée dans le cadre de l'application de l'article 1184 du code civil ancien, cette mise en cause n'est pas pertinente pour la solution du litige en examen.
Les intimées soutiennent quant à elles que l'appréciation du caractère bien-fondé ou non des motifs pour lesquels elles ont rompu unilatéralement et sans préavis leurs relations contractuelles avec la société Olkypay ne relèvent pas de la compétence du juge des référés.
Il revient néanmoins à la juridiction de céans d'apprécier si, avec l'évidence requise en référé, une telle rupture constitue un trouble manifestement illicite.
La société Olkypay fait valoir, en substance, que les motifs exposés par les intimées afin de justifier leur rupture immédiate de leurs relations contractuelles ne constituent, en réalité, qu'un prétexte afin de l'évincer au profit de la société Payboost, filiale de Veolia.
Il ressort cependant des explications et des pièces produites par les intimées les faits suivants :
- M. F., co-gérant de Veolia et M. M., directeur général adjoint, figurent parmi les trois négociateurs pour le compte de la société Ocvia des conventions conclues par celle-ci avec la société Olkypay, M. F. étant le signataire du term sheet des 22 et 23 décembre 2014, M. M. celui de l'avenant n° 2 à ce contrat et étant présenté par M. R., gérant d'Olkypay, dans un message électronique à M. B. comme l'un de ses deux interlocuteurs chez Veolia ;
- lors d'une assemblée générale tenue le 11 mars 2015, les associés de la SARL Olkypay ont décidé une augmentation de capital d'un montant de 1.000.787,25 euros et ont notamment attribué 135 actions contre un apport de 225.000 euros à la SA Digital Transaction Service, constituée le 23 janvier 2015, laquelle avait pour président et administrateur délégué M. F., demi frère d'A. F. et lui-même salarié de la société Veolia ;
- selon l'attestation établie par M. F. le 16 janvier 2015, celui-ci a prêté à son frère J.-P. la somme de 220.000 francs suisses le 8 janvier 2015 afin de lui permette de créer la SA Digital Transactions Services, laquelle avait pour objet de souscrire des parts à l'augmentation de capital de la société Olkypay ;
- dans son assignation des intimées devant le tribunal de commerce, la société Olkypay exposait ce qui suit (page 9) : « Au cours de l'été 2014, Olkypay est à la recherche de capitaux afin de poursuivre le développement de ses activités. C'est ainsi qu'elle est mise en contact avec un fonds dénommé H1G Capital représenté par un dénommé B. Ce dernier, d'abord intéressé pour le compte de son fonds, propose à Olkypay de mettre les dirigeants d'Olkypay en contact avec VEOLIA EAU dont il connaît très bien l'un des deux co-gérants, M F. (co-gérant aux côtés de M. An. F.) En contrepartie de la conclusion du contrat entre Olkypay et Veolia, M. B. obtient, à titre personnel et pour le compte de minoritaires dont il se charge d'établir le tour de table, une participation au capital d'Olkypay. M. B. sollicite d'abord d'obtenir la majorité (55 %) mais acceptera 45 %. Cependant il imposera des règles de gouvernance lui donnant, de fait, un rôle dominant dans l'administration de la société. Après avoir obtenu satisfaction sur ses exigences, il négociera directement et personnellement les conditions dans lesquelles OLKYPAY fournira ses services à VEOLIA EAU. »
- la SAS Gaway, créée le 22 avril 2015, dont M. M. était associée, a décidé de procéder à une augmentation de capital le 6 novembre 2015 d'un montant de 125.000 euros ; le 30 novembre 2015, la SAS Gaway a souscrit à l'augmentation de capital de la société Olky International Holding, détenue et dirigée par M. R., et qui détient 22 % du capital de la société Olkypay ; la SAS Gaway a reçu une action dite traçante en contrepartie de la somme de 124.911 euros ;
- lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 26 juillet 2016, les actionnaires de la société Olkypay ont décidé d'autoriser la société à racheter une partie de son capital social ;
- les intimées, sur la base du rapport établi à leur demande par le cabinet Accuracy, soutiennent que les prix auxquels les acquisitions de parts sociales ont été effectuées par M. F. et M. M. ont été établis à partir d'une valeur de la société Olkypay très minorée et que, selon les déclarations de M. R., le rachat de ces titres à la suite de l'assemblée générale du 26 juillet 2016 aurait conduit à verser 5,1 millions d'euros aux actionnaires ;
- les intimées soutiennent encore, sur la base du rapport établi à leur demande par le cabinet Sogerm, que les prestations fournies par la société Olkypay ont été très largement surestimées et qu'elles ont ainsi payé au cours des 23 mois d'exécution du contrat la somme totale de 26,3 millions d'euros pour des prestations dont la valeur n'excédait pas 6,8 millions d'euros.
- M. F. a été invité à faire valoir ses droits à la retraite et a démissionné à compter du 31 décembre 2016 sans indemnités ;
- les intimés ont dénoncé les faits qui précèdent dans une plainte à Mme le procureur de la république du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris qui a ouvert une enquête.
Il convient encore de relever que la société Olkypay, bien que les faits repris ci-dessus et le grief tenant au caractère très déséquilibré du contrat conclu par les parties aient été exposés dans les lettres de résiliation du 14 février 2017, n'a pas contesté leur matérialité ni les analyses des cabinets Accuracy et Sogerm dans ses conclusions d'appel.
Au regard des considérations qui précèdent, il existe des indices précis et concordants de ce que la société Olkypay a organisé l'acquisition clandestine de participations dans son capital par un des cadres de Veolia et le demi-frère du co-gérant de cette société avec lesquels elle négociait puis a conclu le contrat par lequel ce groupe lui a confié le recouvrement de ses factures auprès de ses abonnés.
Il en résulte aussi, avec l'évidence requis en référé, que les deux cadres concernés, en devenant ainsi directement ou indirectement intéressés aux résultas de la société Olkypay, dont l'essentiel de l'activité se résumait au contrat conclu avec le groupe Veolia dont ils étaient censés défendre les intérêts, ont manqué manifestement à leur devoir de loyauté envers ce dernier et se sont trouvés en conflits d'intérêts.
En outre, il n'est pas non plus contesté à ce stade, d'une part, que ces acquisitions clandestines ont été conclues à des conditions avantageuses pour les acquéreurs et, d'autre part, que le contrat passé par la société Olkypay avec la société Veolia et les filiales de celles-ci l'a été dans des conditions désavantageuses pour ces dernières.
Il s'ensuit, avec l'évidence requise en référé, que la société Olkypay a eu à l'égard de la société Veolia et des filiales de celle-ci un comportement fautif contraire à la bonne foi qui doit présider à la conclusion d'un contrat et que cette faute, en raison de l'atteinte importante portée à l'image des sociétés de ce groupe, de ses conséquences dans leurs relations avec leurs abonnés et leur personnel et à son incidence potentielle sur l'équilibre de la convention, justifiait la rupture immédiate de celle-ci.
Par conséquent, ladite rupture ne saurait être analysée comme un trouble manifestement illicite.
Au vu des motifs qui précèdent, les demandes de la société Olkypay ne sauraient non plus être accueillies sur un autre fondement tiré des articles 872 et 873 du code de procédure civile.
Il sera dit, par conséquent, n'y avoir lieu à référé sur ces demandes.
Sur la demande reconventionnelle :
Il ressort de l'article 6.3.1 des CGU et 2.2 de la convention de cash pooling que les sommes recouvrées par la société Olkypay auprès des abonnés de la société Veolia et des filiales de celle-ci doivent être inscrites au crédit d'un compte de paiement ouvert au nom de chacune d'elles et être versées sur leur compte de liaison chaque jour ouvrable à 12 h 00.
Il résulte des échanges de messages électroniques produits par les intimés en pièces 38 à 40 de leur dossier que la société Olkypay n'a pas procédé aux transferts des sommes inscrites au crédits des comptes de paiement vers les comptes de liaison les 10 et 13 février 2017.
La société Olkypay ne justifie pas ni même ne soutient s'être acquittée depuis cette dernière date de cette obligation contractuelle.
Les intimées soutiennent encore qu'elle a continué de recouvrer des factures après la résiliation du contrat et conservé les sommes ainsi encaissées.
La société Olkypay a soutenu qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée contre elle à ce titre en se prévalant des dispositions des articles 3 de l'avenant du 7 juillet 2015 et de l'article 10.1.7 des CGU.
L'article 3 de l'avenant précité énonce : « Les Parties rappellent qu'Olkypay a accepté à la demande de Veolia de modifier certaines stipulations de l'Accord et qu'Olkypay a consenti aux demandes de Veolia en échange de certaines contreparties de la part de Veolia telles que décrites au présent Avenant. En conséquence, les Parties conviennent expressément que, dans l'hypothèse d'un différend entre les Parties, les stipulations de l'Accord s'appliqueront dans toutes leurs modalités tant qu'un accord n'aura pas été trouvé entre les Parties ou tant qu'une décision de justice définitive n'aura pas été rendue. »
Cet article ne met pas en cause l'obligation imposée à la société Olkypay par l'article 6.3.1 des CGU et 2.2 de la convention de cash pooling.
Quant à l'article 10.1.7 des CGU, il stipule : « En toutes hypothèses ainsi qu'en cas de résiliation de la présente convention, pour quelle que cause que ce soit, le Titulaire reste redevable envers Olkypay du montant des SDD et TIPSEPA encaissés durant les treize (13) derniers mois (+ 30 jours calendaires de délai de traitement) à compter de la résiliation et dont la période possible de rejet n'est pas encore achevée. En effet, le Titulaire s'engage à rembourser à Olkypay le montant des SDD et TIP- SEPA qui feraient l'objet d'un refus, reversement, retour ou remboursement, à première demande et sans délai. »
Cet article ne saurait constituer un motif sérieux de retenue par la société Olkypay des sommes recouvrées auprès des abonnés dès lors qu'il énonce expressément une obligation de la société Veolia et des filiales de celle-ci de lui payer à première demande les montants ayant fait l'objet d'un refus, reversement, retour ou remboursement.
Les intimées réclament à titre provisionnel la somme de 10.521.693,34 euros sur la base d'une attestation établie par le directeur du contrôle financier de la société Veolia mais cette pièce ne saurait suffire à faire la preuve du caractère non sérieusement contestable de leur créance.
En l'absence d'éléments plus précis sur la moyenne des montants journaliers versées par la société Olkypay des comptes de paiement vers les comptes de liaison pendant la durée d'exécution du contrat, la demande en paiement provisionnel ne saurait être accueillie pour un montant que la cour n'est pas en mesure de déterminer.
En revanche, l'obligation de la société Olkypay de verser les sommes recouvrées auprès des abonnés de la société Veolia et des filiales de celle-ci n'est pas sérieusement contestable, de sorte que, statuant dans la limite des réclamations des intimées, il convient de confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a fait obligation à l'appelante de reverser à la société Veolia et aux filiales de celle-ci la totalité des sommes figurant au 14 février 2017 sur les comptes de paiement ouverts à leur nom, déduction faite des sommes correspondants aux refus, reversement, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrées au jour du reversement.
Il convient encore de confirmer l'astreinte fixée par le premier juge, les dispositions de l'article 55 du règlement UE n° 1215/2012 aux termes desquelles les décisions rendues dans un État membre condamnant à une astreinte ne sont exécutoires dans l'État membre requis que si le montant en a été définitivement fixé par la juridiction d'origine, si elles font obstacle à l’exécution forcée d'une astreinte provisoire, n'en interdisent pas le prononcé par une juridiction d'un Etat membre.
Ajoutant à celle-ci, il sera également enjoint à la société Olkypay de communiquer à la société Veolia le relevé des sommes encaissées sur les comptes de paiement des sociétés intimées depuis le 23 mars 2017, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
Il n'y a pas lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte.
La société Olkypay, qui succombe en premier ressort et en appel, doit supporter les dépens. Le premier juge, qui a fait une application fondée de l'article 696 du code de procédure civile, doit être confirmé de ce chef.
En revanche, l'équité commande de décharger les sociétés intimées des frais qu'elles ont engagés dans le cadre de ces instances et de leur allouer en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4.000 euros pour leurs frais de première instance et celle de 6.000 euros en appel.
Conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître T. pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la demande de rabat de l'ordonnance de clôture ;
DÉCLARE les conclusions de la société de droit luxembourgeois Olky Paiement Service Provider communiquées le 19 juillet 2017 recevables ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de cette société ;
CONFIRME l'ordonnance rendue le 7 avril 2017 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, sauf à condamner la société Olky Paiement Service Provider à payer à la société en commandite par actions Veolia Eau Compagnie Générale des eaux et aux filiales de celle-ci la somme globale de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ajoutant à celle-ci,
DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société en commandite par actions Veolia Eau Compagnie Générale des eaux et des filiales de celle-ci ;
CONDAMNE la société Olky Paiement Service Provider à communiquer à la société en commandite par actions Veolia Eau Compagnie Générale des eaux le relevé des sommes encaissées sur les comptes de paiement des sociétés intimés depuis le 23 mars 2017, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
CONDAMNE la société Olky Paiement Service Provider aux dépens d'appel et à payer à la société en commandite par actions Veolia Eau Compagnie Générale des eaux et aux filiales de celle-ci la somme globale de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que Maître T. pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT