CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 8 novembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 8 novembre 2017
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 16/02404
Date : 8/11/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/05/2016
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7122

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 8 novembre 2017 : RG n° 16/02404

Publication : Jurica

 

Extrait : « C'est également à bon droit et par des motifs appropriés que le premier juge a reconnu la validité de la clause contractuelle attributive de compétence aux stipulations précitées, en ce qu'elle prévoit la compétence des juridictions de Bâle, sous réserve que la société UBS ne fasse valoir ses droits au domicile du preneur de crédit.

Il convient de surcroît de relever que cette clause, qui ne présente aucun caractère abusif en ce qu'elle est conforme aux standards internationaux découlant de l'application de la Convention de Lugano précitée, apparaît suffisamment précise et prévisible en ce qu'elle limite l'option procédurale entre les juridictions bâloises et le lieu de domiciliation du preneur de crédit. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 16/02404. Décision déférée à la Cour : 28 avril 2016 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Représenté par Maître Guillaume H., avocat à la Cour (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Madame Y. épouse X.

Représentée par Maître Guillaume H., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SA UBS Société Anonyme de droit suisse

prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Anne C., avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme DECOTTIGNIES, Conseillère faisant fonction de Présidente, M. ROUBLOT, Conseiller, entendu en son rapport, M. REGIS, Vice-président placé, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Françoise DECOTTIGNIES, conseillère faisant fonction de présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon deux offres acceptées le 27 mai 2008, avec avenants conclus le 5 juin 2008, les époux X. ont souscrit deux prêts d'un montant respectif de 360.000 et 171.000 francs suisses auprès de la SA UBS.

Au regard des garanties consenties par les époux X., ces prêts ont fait l'objet de deux actes notariés d'affectation hypothécaire reçus par Maître Z., notaire à [ville M.] en date du 29 mai 2008, portant sur les immeubles cadastrés section B n° 6X4, 6Y8 et 6Z9 commune de [ville D.] en garantie du prêt de 171.000 francs suisses, et section B n° 6Z7 et n° 6Z0 commune de [ville D.] pour garantir l'autre prêt.

Les prêts immobiliers susmentionnés ont fait l'objet d'une dénonciation par UBS SA à compter du 31 juillet 2013, avec exigibilité respectivement du montant de 314.390,10 francs suisses et 149.352,85 francs suisses.

Les parcelles cadastrées section B n° 6X4 et 6Y8 ont été vendues en mars et avril 2015, cette vente permettant de désintéresser la SA UBS à hauteur des sommes restant dues au titre du prêt de 171.000 francs suisses, outre un remboursement partiel du prêt de 360.000 francs suisses, laissant subsister un solde de créance de 86.147 francs suisses, qui devait faire l'objet d'un plan d'amortissement sur quatre ans.

Par actes introductifs d'instance, l'un enregistré en date du 11 juin 2015, l'autre en date du 30 juin 2015, ce dernier étant signifié le 14 août 2015 en l'étude de Maître Z., susnommé, les époux X. ont assigné UBS SA devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de voir prononcer la nullité des contrats et de la clause d'intérêt conventionnel, ainsi que la répétition des sommes versées, outre la réclamation de sommes à titre de dommages-intérêts pour perte de chance et en raison de clauses abusives.

Par requête déposée le 8 décembre 2015, la défenderesse, qui avait constitué avocat le 20 août 2015, a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence de la juridiction au profit du tribunal de Bâle (SUISSE) et subsidiairement du tribunal de grande instance de Belfort, soulevant également la nullité de l'assignation délivrée à l'étude de Maître Z.

Par ordonnance rendue le 28 avril 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Mulhouse a déclaré ledit tribunal territorialement incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, condamnant les demandeurs aux dépens de l'incident, tout en rejetant la demande d'indemnité formée par la défenderesse, demanderesse à l'incident, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a relevé l'internationalité manifeste du litige au regard tant du droit applicable aux contrats qu'à la domiciliation de la société défenderesse.

Eu égard à la domiciliation de cette dernière en Suisse, elle a déclaré applicable la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en vigueur au moment de la conclusion des contrats, laquelle prévoit une compétence possible du tribunal du lieu où s'exécute l'obligation, sous réserve toutefois des conventions attributives de juridiction.

Or, le juge de la mise en état a indiqué qu'une clause attributive de compétence était contenue tant dans les offres de prêt que dans les actes notariés, fixant notamment le for judiciaire exclusif pour tout litige découlant desdits contrats à Bâle, sous réserve pour UBS de faire valoir ses droits au domicile du preneur de crédit.

Il a relevé que cette clause avait été portée à la connaissance des époux X. et était valable au regard de la Convention de Lugano, s'avérant par ailleurs licite compte tenu de l'internationalité du litige et en l'absence de remise en cause d'une compétence territoriale impérative d'une juridiction française.

 

Par déclaration reçue au greffe du tribunal de grande instance de Mulhouse le 11 mai 2016 à 18 h 12, les époux X. ont tous deux interjeté appel de l'ordonnance du juge de la mise en état.

Dans leurs dernières écritures déposées le 29 septembre 2016, les appelants concluent à l'infirmation de l'ordonnance querellée, et au débouté de l'UBS de l'intégralité de ses demandes, sollicitant que le tribunal de grande instance de Mulhouse soit déclaré territorialement compétent.

Ils sollicitent en outre la condamnation de l'UBS aux dépens des deux instances, ainsi qu'à leur payer une indemnité d'un montant de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs demandes, ils font notamment valoir que le juge de la mise en état, se prévalant à tort de l'internationalité du litige, a fait application d'une disposition qui n'était pas invoquée par les parties sans la soumettre à la contradiction. Ils ajoutent qu'en tout état de cause la compétence de la juridiction mulhousienne découlait de la représentation de la SA UBS par mandataire domicilié en France lors de la signature des contrats, ainsi que du lieu d'exécution des contrats, conformément aux articles 46 du code de procédure civile et L. 141-5 du code de la consommation.

S'agissant de la clause attributive de compétence, ils se prévalent de sa nullité comme revêtant un caractère potestatif, s'agissant d'une clause à option unilatérale.

Ils soutiennent également que cette clause n'est pas mentionnée avec une spécification suffisante et qu'elle apparaît manifestement abusive en imposant aux intéressés le choix d'une juridiction étrangère et non francophone devant laquelle la défense de leurs intérêts sera moins aisée.

 

Dans ses conclusions en date du 30 novembre 2016, la SA UBS sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et subsidiairement la nullité des actes introductifs d'instance, outre la condamnation des appelants aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient notamment ne jamais avoir reçu signification de l'acte introductif d'instance du 11 juin 2015, le second acte en date du 30 juin 2015 ne lui ayant été signifié ni conformément au code de procédure civile, en l'absence de respect du délai de distance pour la comparution d'un défendeur étranger et au domicile du notaire instrumentaire des contrats de prêt auprès duquel elle n'a pas élu domicile, ni conformément à la Convention de La Haye de 1965, en l'absence de surcroît de traduction en langue allemande, le tout causant nécessairement grief à la défenderesse. Elle ajoute que l'acte introductif d'instance est nul comme non signé par l'avocat des demandeurs.

Sur l'exception d'incompétence, elle expose que les actes de prêt stipulent expressément une élection de domicile à Bâle et une application du droit suisse autorisant, comme stipulé, attribution de compétence aux tribunaux de Bâle-Ville, ce qui n'est pas contesté par les appelants.

Elle ajoute que les appelants ne démontrent pas l'irrégularité de la clause de compétence au regard du droit suisse, seul applicable, la clause litigieuse préservant de surcroît une sécurité juridique suffisante en limitant l'option aux juridictions de Bâle et à celle du domicile du preneur de crédit.

Elle fait enfin valoir que la clause apparaît avec une spécification suffisante, étant mentionnée dans des caractères identiques aux autres stipulations contractuelles, et qu'en tout état de cause aucune irrégularité n'est démontrée à cet égard en application du droit suisse.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

 

La clôture de la procédure a été ordonnée le 27 janvier 2017 et l'affaire fixée pour plaidoirie le 13 septembre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'exception d'incompétence :

Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties, en retenant l'application de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, en ses articles 5 et 17.1, ce dernier disposant que :

« Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un État contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou ces tribunaux de cet État sont seuls compétents. Cette convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite,

soit

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles,

soit

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée (…) ».

Quant au grief tiré de l'absence de respect du contradictoire quant à l'application de ce fondement conventionnel, force est de constater qu'en tout état de cause, ce dernier a été dûment débattu à hauteur de cour.

C'est également à bon droit et par des motifs appropriés que le premier juge a reconnu la validité de la clause contractuelle attributive de compétence aux stipulations précitées, en ce qu'elle prévoit la compétence des juridictions de Bâle, sous réserve que la société UBS ne fasse valoir ses droits au domicile du preneur de crédit.

Il convient de surcroît de relever que cette clause, qui ne présente aucun caractère abusif en ce qu'elle est conforme aux standards internationaux découlant de l'application de la Convention de Lugano précitée, apparaît suffisamment précise et prévisible en ce qu'elle limite l'option procédurale entre les juridictions bâloises et le lieu de domiciliation du preneur de crédit.

En outre, si les époux X., dont le premier juge a relevé qu'ils n'avaient pas contesté avoir eu connaissance de cette clause en première instance, font valoir, à hauteur d'appel, que celle-ci n'était pas mentionnée en caractères apparents, il résulte néanmoins de l'examen des pièces pertinentes, qu'il s'agisse des offres de prêts, en page 2, ou des actes authentiques, en page 6, que tel était bien manifestement le cas.

Enfin, si les appelants se prévalent de ce que la compétence des juridictions françaises découlerait de la représentation de la SA UBS par mandataire domicilié en France lors de la signature des contrats, il reste que cette représentation ne vaut que pour la signature du contrat de prêt dans sa version notariée, l'offre de prêt elle-même ayant été signée à Bâle, et non pour son exécution, ledit représentant ne pouvant passer pour une succursale ou une agence de la société UBS du seul fait du mandat qu'il a reçu pour procéder à la signature des actes authentiques.

De même, le lieu d'exécution du contrat ne fait pas obstacle à l'application de la Convention de Lugano et à la clause attributive de compétence qui lui est conforme.

Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclarer le tribunal de grande instance de Mulhouse territorialement incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les consorts E., qui succombent, seront tenus des dépens de l'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Condamne M. X. et Mme Y., épouse X. aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier :              la Conseillère :